Vie du pape Pie-IX/Le Concile du Vatican

CHAPITRE XXVIII.

Le Concile du Vatican.


Voici venir le grand événement annoncé en 1867. Le 29 juin 1868, Pie IX publia une bulle convoquant le concile œcuménique ou général, qui devait s’ouvrir le 8 décembre 1869. Le Pape invita aussi les évêques schismatiques d’Orient de se rendre au concile, “afin que nous voyions, disait-il, après une trop longue période de division, se lever l’aurore brillante et pure de cette union qui est dans nos vœux.” Aucun évêque schismatique ne se rendit à cette invitation. Quant aux évêques protestants, le Pape les invita, non à prendre part au concile, car c’eût été reconnaître la validité de leurs titres, mais à venir à Rome, exposer leurs arguments. “Bien loin de repousser personne, dit-il dans une bulle, nous allons au-devant de tous."

L’univers entier se préoccupait de la prochaine réunion des évêques du monde catholique. On discutait d’avance la question de l’infaillibilité du Pape que l’on croyait devoir venir devant le Concile. Il y avait des anti-infaillibilistes et des anti-opportunistes, même parmi l’épiscopat. Grâce à Dieu, il n’y a plus aujourd’hui, parmi les fidèles et parmi le clergé, que des infaillibilistes.

L’auguste assemblée s’ouvrit au jour fixé. Sept cent soixante-sept têtes mitrées s’y trouvaient. Jamais on n’avait vu une semblable réunion d’évêques.

Les journaux protestants et impies saluèrent la formation, au sein du concile, d’une opposition qui, suivant eux, devait aboutir à un compromis entre l’Église et les erreurs modernes. Ils parlaient à tort et à travers, mais ne réussirent qu’à exposer leur ignorance complète de tout ce qui se passait à Rome[1].

La constitution De fide, votée à l’unanimité des voix, le 24 avril 1870, fut solennellement promulguée par le Pape, le deuxième dimanche après Pâques. Cette constitution, qui comprend quatre chapitres, condamne le panthéisme, le naturalisme, l’indépendance de la raison, et fixe les devoirs de cette dernière vis-à-vis de la foi.

La discussion sur l’infaillibilité dura plusieurs semaines. C’était la meilleure réponse qu’on pouvait donner aux incrédules qui prétendaient que le Concile n’était pas libre. Enfin, le 13 juin, on fit l’appel nominal ; 601 prélats répondirent et le vote donna 451 placet, 88 non placet, 62 placet juxta modum, c’est-à-dire sous condition.

La promulgation du dogme eut lieu le 18 juillet 1870, au milieu des cérémonies les plus imposantes. On recueillit de nouveau les suffrages. Presque tous les évêques qui avaient voté non placet ne se rendirent pas au Concile, d’autres se réunirent à la majorité. Dans cette circonstance solennelle, il n’y eut que deux pères pour dire non, Mgr Louis Riccio, évêque de Cassazzo, dans le Royaume de Naples, et Mgr Édouard Fitz-Gerald, évêque de Little-Rock, aux États-Unis[2].

Au moment même la proclamation du dogme de l’infaillibilité avait lieu, un orage accompagné de tonnerre et d’éclairs éclata sur Rome. Les journaux protestants prétendirent trouver dans cette coïncidence une manifestation de la colère divine. L’Eme Manning répondit finement que c’était plutôt une répétition de ce qui s’est passé autrefois sur le Mont Sinaï, lorsque Jehovah promulgua ses lois au milieu des éclairs.

Le concile du Vatican est le plus grand événement du XIXe siècle. Ses travaux, il est vrai, n’ont pas été terminés, mais en proclamant le dogme de l’infaillibilité du Pape, il a élevé, au milieu des ténèbres que l’enfer a répandues sur la terre, un phare lumineux pour éclairer et guider tous ceux qui veulent voir et suivre le chemin qui conduit au salut éternel.


  1. Mgr Manning, Histoire du Concile du Vatican.
  2. On a dit, en plaisantant, que le petit Rocher (Little-Rock) des États-Unis était allé se briser contre le gros Rocher de Rome. Du reste, Mgr Fitz-Gerald, comme tous les évêques qui avaient voté non placet, s’est soumis une fois le dogme promulgué. C’est la première fois que la définition d’un dogme n’a pas été suivie d’une hérésie nouvelle.