Vie de Tolstoï/La Crise sociale

Hachette (p. 96-110).


Il pensait être arrivé au port, avoir atteint le refuge où son âme inquiète pourrait se reposer. Il n’était qu’au début d’une activité nouvelle.

Un hiver passé à Moscou (ses devoirs de famille l’avaient obligé à y suivre les siens)[1], le recensement de la population, auquel il obtint de prendre part, en janvier 1882, lui furent une occasion de voir de près la misère des grandes villes. L’impression produite sur lui fut effroyable. Le soir du jour où il avait pris contact, pour la première fois, avec cette plaie cachée de la civilisation, racontant à un ami ce qu’il avait vu, « il se mit à crier, pleurer, brandir le poing ».

« On ne peut pas vivre ainsi ! » disait-il avec des sanglots. « Cela ne peut pas être ! Cela ne peut pas être[2] !… » Il retomba, pour des mois, dans un désespoir affreux. La comtesse Tolstoï lui écrivait, le 3 mars 1882 :

Tu disais naguère : « À cause du manque de foi, je voulais me pendre ». Maintenant, tu as la foi, pourquoi donc es-tu malheureux ?

Parce qu’il n’avait pas la foi du pharisien, la foi béate et satisfaite de soi, parce qu’il n’avait pas l’égoïsme du penseur mystique, trop occupé de son salut pour songer à celui des autres[3], parce qu’il avait l’amour, parce qu’il ne pouvait plus oublier maintenant les misérables qu’il avait vus, et que dans la bonté passionnée de son cœur, il lui semblait être responsable de leurs souffrances et de leur abjection : ils étaient les victimes de cette civilisation, aux privilèges de laquelle il participait, de cette idole monstrueuse à laquelle une caste élue sacrifiait des millions d’hommes. Accepter le bénéfice de tels crimes, c’était s’y associer. Sa conscience n’eut plus de repos qu’il ne les eût dénoncés.

Que devons-nous faire ? (1884-86)[4] est l’expression de cette deuxième crise, beaucoup plus tragique que la première, et bien plus grosse en conséquences. Qu’étaient les angoisses religieuses personnelles de Tolstoï dans cet océan de misère humaine, de misère réelle, non forgée par l’esprit d’un oisif qui s’ennuie ? Impossible de ne pas la voir. Et impossible, l’ayant vue, de ne pas chercher à la supprimer, à tout prix. — Hélas ! est-ce possible ?…

Un admirable portrait, que je ne puis regarder sans émotion[5], dit ce que Tolstoï souffrit alors. Il est représenté de face, assis, les bras croisés, en blouse de moujik ; il a l’air accablé. Ses cheveux sont encore noirs, sa moustache déjà grise, sa grande barbe et ses favoris tout blancs. Une double ride laboure dans le beau front large un sillon harmonieux. Il y a tant de bonté dans le gros nez de bon chien, dans les yeux qui vous regardent, si francs, si clairs, si tristes ! Ils lisent si sûrement en vous ! Ils vous plaignent et vous implorent. La figure est creusée, porte les traces de la souffrance, de grands plis au-dessous des yeux. Il a pleuré. Mais il est fort et prêt au combat.

Il avait une logique héroïque.

Je m’étonne toujours de ces paroles si souvent répétées : « Oui, c’est bien en théorie ; mais comment sera-ce en pratique ? » Comme si la théorie consistait en de belles paroles nécessaires pour la conversation, mais pas du tout pour y conformer la pratique !… Quand j’ai compris une chose à laquelle j’ai réfléchi, alors je ne puis la faire autrement que je l’ai comprise[6].

Il commence par décrire, avec une exactitude photographique, la misère à Moscou, telle qu’il l’a vue, au cours de ses visites aux quartiers pauvres, ou aux asiles de nuit[7]. Il se convainc que ce n’est pas avec de l’argent, comme il l’avait cru d’abord, qu’il pourra sauver ces malheureux, tous plus ou moins atteints par la corruption des villes. Alors, il cherche bravement d’où vient le mal. Et d’anneau en anneau se déroule la chaîne effrayante des responsabilités. Les riches d’abord, et la contagion de leur luxe maudit, qui attire et déprave[8]. La séduction universelle de la vie sans travail. — L’État ensuite, cette entité meurtrière, créée par les violents pour dépouiller et asservir, à leur profit, le reste de l’humanité. — L’Église, associée ; la science et l’art, complices… Comment combattre toutes ces armées du mal ? D’abord, en refusant de s’y enrôler. En refusant de participer à l’exploitation humaine. En renonçant à l’argent et à la possession de la terre[9], en ne servant point l’État.

Mais ce n’est pas assez, il faut « ne pas mentir », ne pas avoir peur de la vérité. Il faut « se repentir », et arracher l’orgueil, enraciné avec l’instruction. Il faut enfin travailler de ses mains. « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » : c’est le premier commandement et le plus essentiel[10]. Et Tolstoï, répondant par avance aux railleries de l’élite, dit que le travail physique n’entrave en rien l’énergie intellectuelle, mais qu’il l’accroît au contraire et qu’il répond aux exigences normales de la nature. La santé ne peut qu’y gagner ; l’art, davantage encore. De plus, il rétablit l’union entre les hommes.

Dans ses ouvrages suivants, Tolstoï complétera ces préceptes d’hygiène morale. Il s’inquiétera d’achever la cure de l’âme, d’en refaire l’énergie, en proscrivant les plaisirs vicieux, qui endorment la conscience[11], et les plaisirs cruels, qui la tuent[12]. Il donne l’exemple. En 1884, il a fait le sacrifice de sa passion la plus enracinée : la chasse[13]. Il pratique l’abstinence, qui forge la volonté. Tel, un athlète qui s’impose une dure discipline, pour combattre et pour vaincre.

Que devons-nous faire ? marque la première étape de la route difficile où Tolstoï allait s’engager, quittant la paix relative de la méditation religieuse pour la mêlée sociale. Et dès lors commença cette guerre de vingt ans, qu’au nom de l’Évangile le vieux prophète d’Iasnaïa Poliana livra, seul, en dehors de tous les partis, et les condamnant tous, aux crimes et aux mensonges de la civilisation.


Autour de lui, la révolution morale de Tolstoï rencontrait peu de sympathie ; elle désolait sa famille.

Depuis longtemps déjà, la comtesse Tolstoï observait, inquiète, les progrès d’un mal qu’elle combattait en vain. Dès 1874, elle s’indignait de voir son mari perdre tant de forces et de temps à des travaux pour les écoles.

Ce Syllabaire, cette arithmétique, cette grammaire, je les méprise et ne puis faire semblant de m’y intéresser.

Ce fut bien autre chose quand à la pédagogie succéda la religion. Si hostile fut l’accueil fait par la comtesse aux premières confidences du nouveau converti que Tolstoï éprouve le besoin de s’excuser, quand il parle de Dieu dans ses lettres :

Ne te fâche pas, comme tu le fais parfois, quand je mentionne Dieu ; je ne puis l’éviter, car il est la base même de ma pensée[14].

La comtesse est touchée, sans doute ; elle tâche de dissimuler son impatience ; mais elle ne comprend pas ; elle observe son mari avec inquiétude :

Ses yeux sont étranges, fixes. Il ne parle presque pas. Il semble n’être pas de ce monde[15].

Elle pense qu’il est malade :

Léon travaille toujours, à ce qu’il dit. Hélas ! il écrit des discussions religieuses quelconques. Il lit et réfléchit, jusqu’à se donner mal à la tête, et tout cela pour montrer que l’Église n’est pas d’accord avec la doctrine de l’Évangile. C’est à peine s’il se trouve en Russie une dizaine de personnes que cela puisse intéresser. Mais il n’y a rien à faire. Je ne souhaite qu’une chose : qu’il en finisse au plus vite, et que cela passe comme une maladie[16].

La maladie ne passa point. La situation devint de plus en plus pénible entre les deux époux. Ils s’aimaient, ils avaient l’un pour l’autre une estime profonde ; mais il leur était impossible de se comprendre. Ils tâchaient de se faire des concessions mutuelles, qui devenaient — comme c’est l’habitude — de mutuels tourments. Tolstoï s’obligeait à suivre les siens, à Moscou. Il écrivait dans son Journal :

Le mois le plus pénible de ma vie. L’installation à Moscou. Tous s’installent. Quand donc commenceront-ils à vivre ? Tout cela, non pour vivre, mais parce que les autres gens font ainsi ! Les malheureux[17] !…

Dans ces mêmes jours, la comtesse écrivait :

Moscou. Il y aura demain un mois que nous sommes ici. Les deux premières semaines, j’ai pleuré chaque jour, parce que Léon était non seulement triste, mais tout à fait abattu. Il ne dormait pas, il ne mangeait pas, et même parfois il pleurait ; j’ai cru que je deviendrais folle[18].

Ils durent s’éloigner l’un de l’autre, pendant quelque temps. Ils se demandent pardon de se faire souffrir. Comme ils s’aiment toujours !… Il lui écrit :

Tu dis : « Je t’aime et tu n’en as pas besoin ». C’est la seule chose dont j’aie besoin… Ton amour me réjouit plus que tout au monde[19].

Mais, dès qu’ils se retrouvent ensemble, le désaccord s’accuse. La comtesse ne peut prendre son parti de cette manie religieuse, qui pousse maintenant Tolstoï à apprendre l’hébreu avec un rabbin.

Rien autre ne l’intéresse plus. Il dépense ses forces à des sottises. Je ne puis cacher mon mécontentement[20].

Elle lui écrit :

Je ne puis que m’attrister que de pareilles forces intellectuelles se dépensent à couper du bois, chauffer le samovar, et coudre des bottes.

Et elle ajoute, avec le sourire affectueux et moqueur d’une mère qui regarde jouer son enfant, un peu fou :

Enfin, je me suis calmée avec le proverbe russe : « Que l’enfant s’amuse de n’importe quoi, pourvu qu’il ne pleure pas[21] ! »

Mais la lettre n’est pas partie qu’elle voit en pensée son mari lisant ces lignes, de ses bons yeux candides, qu’attriste ce ton d’ironie ; et elle rouvre la lettre, dans un élan d’amour :

Tout d’un coup, tu t’es représenté si clairement à moi, et j’ai senti un tel accès de tendresse pour toi ! Il y a en toi quelque chose de si sage, de si bon, de si naïf, de si persévérant, tout cela éclairé par une lumière de compassion pour tous, et ce regard qui va droit à l’âme… Et cela n’appartient qu’à toi seul.

Ainsi, ces deux êtres qui s’aimaient, se torturaient l’un l’autre et se désolaient ensuite du mal qu’ils avaient pu faire, sans pouvoir l’empêcher. Situation sans issue, qui dura près de trente ans, et à laquelle, seule, devait mettre fin, dans une heure d’égarement, la fuite du vieux roi Lear, mourant, à travers la steppe.

On n’a pas assez remarqué l’appel émouvant aux femmes, qui termine Que devons-nous faire ? — Tolstoï n’a aucune sympathie pour le féminisme moderne[22]. Mais pour celle qu’il nomme « la femme-mère », pour celle qui connaît le vrai sens de la vie, il a des paroles d’adoration pieuse ; il fait un magnifique éloge de ses peines et de ses joies, de la grossesse et de la maternité, de ces souffrances terribles, de ces années sans repos, de ce travail invisible, épuisant, dont la femme n’attend la récompense de personne, et de cette béatitude qui inonde l’âme, au sortir de la douleur, quand elle a accompli la Loi. Il trace le portrait de l’épouse vaillante, qui est pour son mari une aide, non un obstacle. Elle sait que, « seul le sacrifice obscur, sans récompense, pour la vie des autres, est la vocation de l’homme ».

Une telle femme non seulement n’encouragera pas son mari à un travail faux et trompeur, qui n’a pour but que de jouir du travail des autres ; mais avec horreur et dégoût, elle envisagera cette activité qui serait une séduction pour ses enfants. Elle exigera de son compagnon le vrai travail, qui veut de l’énergie et ne craint pas le danger… Elle sait que les enfants, les générations à venir, sont ce qu’il est donné aux hommes de voir de plus saint, et qu’elle vit pour servir, de tout son être, cette œuvre sacrée. Elle développera dans ses enfants et dans son mari la force du sacrifice… Ce sont de telles femmes, qui dominent les hommes et leur servent d’étoile conductrice… Ô femmes-mères ! Entre vos mains est le salut du monde[23] !

C’est l’appel d’une voix qui supplie, qui espère encore… Ne sera-t-elle pas entendue ?…

Quelques années plus tard, la dernière lueur d’espoir est éteinte :

Vous ne le croirez peut-être pas ; mais vous ne sauriez imaginer combien je suis isolé, jusqu’à quel point mon moi véritable est méprisé par tous ceux qui m’entourent[24].

Si les plus aimants méconnaissaient ainsi la grandeur de sa transformation morale, on ne pouvait attendre des autres ni plus de pénétration, ni plus de respect. Tourgueniev, avec qui Tolstoï avait tenu à se réconcilier, plutôt dans un esprit d’humilité chrétienne que parce qu’il avait changé de sentiments à son égard[25], disait ironiquement : « Je plains beaucoup Tolstoï ; mais d’ailleurs, comme disent les Français, chacun tue ses puces, à sa manière[26] ».

Quelques années plus tard, sur le point de mourir, il écrivait à Tolstoï la lettre connue, où il suppliait son « ami, le grand écrivain de la terre russe », de « retourner à la littérature[27] ».

Tous les artistes européens s’associaient à l’inquiétude et à la prière de Tourgueniev, mourant. Eugène-Melchior de Vogüé, à la fin de l’étude qu’en 1886 il consacrait à Tolstoï, prenait prétexte d’un portrait de l’écrivain en costume de moujik, tirant l’alène, pour lui adresser une éloquente apostrophe :

Artisan de chefs-d’œuvre, ce n’est pas là votre outil !… Notre outil, c’est la plume ; notre champ, l’âme humaine, qu’il faut abriter et nourrir, elle aussi. Permettez qu’on vous rappelle ce cri d’un paysan russe, du premier imprimeur de Moscou, alors qu’on le remettait à la charrue : « Je n’ai pas affaire de semer le grain de blé, mais de répandre dans le monde les semences spirituelles ».

Comme si Tolstoï avait jamais songé à renier son rôle de semeur du blé de la pensée !… À la fin de : En quoi consiste ma foi[28], il écrivait :

Je crois que ma vie, ma raison, ma lumière, m’est donnée exclusivement pour éclairer les hommes. Je crois que ma connaissance de la vérité est un talent qui m’est prêté pour cet objet, que ce talent est un feu, qui n’est feu que quand il brûle. Je crois que l’unique sens de ma vie, c’est de vivre dans cette lumière qui est en moi, et de la tenir haut devant les hommes pour qu’ils la voient[29].

Mais cette lumière, ce feu « qui n’est feu que quand il brûle », inquiétaient la plupart des artistes. Les plus intelligents n’étaient pas sans prévoir que leur art risquait fort d’être la première proie de l’incendie. Ils affectaient de croire que l’art tout entier était menacé et que, comme Prospero, Tolstoï brisait pour jamais sa baguette magique d’illusions créatrices.

Or, rien n’était moins vrai ; et j’entends démontrer que, loin de ruiner l’art, Tolstoï a suscité en lui des énergies qui restaient en jachère, et que sa foi religieuse, au lieu de tuer son génie artistique, l’a renouvelé.


  1. « J’avais passé jusque-là toute ma vie hors de la ville… » (Que devons-nous faire ?)
  2. Ibid.
  3. Tolstoï a exprimé, maintes fois, son antipathie à l’égard des « ascètes qui agissent pour eux seuls, en dehors de leurs semblables ». Il les met dans le même sac que les révolutionnaires ignorants et orgueilleux, « qui prétendent faire du bien aux autres, sans savoir ce qu’il leur faut à eux-mêmes… J’aime d’un même amour, dit-il, les hommes de ces deux catégories, mais je hais leurs doctrines de la même haine. La seule doctrine est celle qui ordonne une activité constante, une existence qui réponde aux aspirations de l’âme et cherche à réaliser le bonheur des autres. Telle est la doctrine chrétienne. Également éloignée du quiétisme religieux et des prétentions hautaines des révolutionnaires, qui cherchent à transformer le monde, sans savoir en quoi consiste le vrai bonheur. » (Lettre à un ami, publiée dans le volume intitulé Plaisirs cruels, 1895, trad. Halpérine-Kaminsky.)
  4. T. xxvi des Œuvres complètes.
  5. Photographie de 1885, reproduite dans l’édition de Que devons-nous faire ? des Œuvres complètes.
  6. Que devons-nous faire ? p. 213.
  7. Toute cette première partie (les quinze premiers chapitres) qui fourmille de types, fut supprimée par la censure russe.
  8. « La vraie cause de la misère, ce sont les richesses accumulées dans les mains de ceux qui ne produisent pas, et concentrées dans les villes. Les riches se groupent dans les villes, pour jouir et pour se défendre. Et les pauvres viennent se nourrir des miettes de la richesse. Il est surprenant que plusieurs d’entre eux restent des travailleurs, et qu’ils ne se mettent pas tous à la chasse d’un gain plus facile : commerce, accaparement, mendicité, débauche, escroqueries, — voire même cambriolage. »
  9. « Le pivot du mal est la propriété. La propriété n’est que le moyen de jouir du travail des autres. » — La propriété, dit encore Tolstoï, c’est ce qui n’est pas à nous, ce sont les autres. « L’homme appelle sa propriété sa femme, ses enfants, ses esclaves, ses objets ; mais la réalité lui montre son erreur ; et il doit y renoncer, ou souffrir et faire souffrir. »

    Tolstoï pressent déjà la Révolution russe : « Depuis trois ou quatre ans, dit-il, on nous invective dans les rues, on nous appelle fainéants. La haine et le mépris du peuple écrasé grandissent. » (Que devons-nous faire ? p. 419.)

  10. Le paysan révolutionnaire Bondarev eût voulu que cette loi fût reconnue comme une obligation universelle. Tolstoï subissait alors son influence ainsi que celle d’un autre paysan, Sutaiev : « Pendant toute ma vie, deux penseurs russes ont eu sur moi une grande action morale, ont enrichi ma pensée, m’ont expliqué ma propre conception du monde : c’étaient deux paysans, Sutaiev et Bondarev. » (Que devons-nous faire ? p. 404.)

    Dans le même livre Tolstoï fait le portrait de Sutaiev, et note une conversation avec lui.

  11. L’Alcool et le Tabac (trad. de Halpérine-Kaminsky, publiée sous le titre : Plaisirs vicieux, 1895). Titre russe : Pourquoi les gens s’enivrent.
  12. Plaisirs cruels, 1895 (Les Mangeurs de viande ; la Guerre ; la Chasse), trad. de Halpérine-Kaminsky. Titres russes : (Pour Les Mangeurs de viande) : Le premier degré. — La Guerre est un extrait d’un ouvrage volumineux : Le royaume de Dieu est en nous (chap. vi).
  13. Il est remarquable que Tolstoï ait eu tant de peine à s’en défaire. C’était chez lui une passion atavique : il la tenait de son père. Il n’était pas sentimental, et il semble n’avoir jamais fait dépense de beaucoup de pitié pour les bêtes. Ses yeux pénétrants se sont à peine arrêtés sur les yeux, si éloquents parfois, de nos humbles frères, — à l’exception du cheval, pour qui, en grand seigneur, il a une prédilection. Il n’était pas sans un fond de cruauté native. Après avoir raconté la mort lente d’un loup, qu’il avait tué, en le frappant d’un bâton à la racine du nez, il dit : « Je ressentais une volupté, au souvenir des souffrances de l’animal expirant. » Le remords s’éveilla tard.
  14. Été 1878. Voir Vie et Œuvre.
  15. 18 novembre 1878. Ibid.
  16. Novembre 1879. Ibid., trad. Bienstock.
  17. 5 octobre 1881. Vie et Œuvre.
  18. 14 octobre 1881, Ibid.
  19. Mars 1882.
  20. 1882.
  21. 23 octobre 1884, Vie et Œuvre.
  22. « Le prétendu droit des femmes est né et ne pouvait naître que dans une société d’hommes qui se sont écartés de la loi du vrai travail. Aucune femme d’ouvrier sérieux ne demande le droit de partager son travail dans les mines ou dans les champs. Elles ne demandent que le droit de participer au travail imaginaire de la classe riche. »
  23. Ce sont les dernières lignes de Que devons-nous faire ? Elles sont datées du 14 février 1886.
  24. Lettre à un ami, publiée sous le titre : Profession de foi, dans le volume intitulé Plaisirs cruels, 1895, trad. Halpérine-Kaminsky.
  25. La réconciliation eut lieu au printemps de 1878. Tolstoï écrivit à Tourgueniev pour lui demander pardon. Tourgueniev vint à Iasnaïa-Poliana en août 1878. Tolstoï lui rendit sa visite en juillet 1881. Tout le monde fut frappé de son changement de manières, de sa douceur, de sa modestie. Il était « comme régénéré ».
  26. Lettre à Polonski (citée par Birukov).
  27. Lettre écrite de Bougival, 28 juin 1883.
  28. Chap. xii de l’édition russe. Le traducteur français en a fait l’introduction.
  29. On remarquera que, dans le reproche qu’il adresse à Tolstoï, M. de Vogüé, à son insu, reprend, pour son compte les expressions mêmes de Tolstoï. « À tort ou à raison, disait-il, pour notre châtiment peut-être, nous avons reçu du ciel ce mal nécessaire et superbe : la pensée… Jeter cette croix est une révolte impie. » (Le Roman russe, 1886.) — Or Tolstoï écrivait à sa tante, la comtesse A.-A. Tolstoï, en 1883 : « Chacun doit porter sa croix… La mienne, c’est le travail de la pensée, mauvais, orgueilleux, plein de séduction. » (Corresp. inéd. p. 4.)