Texte établi par Henri MartineauLe Livre du divan (Napoléon. Tome Ip. 300-301).


CHAPITRE LXXXII


On sait assez comment le Corps Législatif était choisi sous Napoléon. Les sénateurs nommaient les protégés de leur cuisinière. Et cependant telle était l’énergie inspirée à la nation par le culte de la gloire, tel était son mépris pour les petitesses qu’aucune Chambre, nommée sous l’empire de la Restauration, ne s’est acquis autant d’estime que celle où brillèrent MM. Durbach, Laîné, Bedoch, Raynouard, Suard, Flaugergues. Les discours de ces hommes estimables consolaient la nation. À cette époque, tout ce qui touchait au gouvernement était avili. Les vrais royalistes, les purs, les émigrés affectaient de sourire avec dédain aux mots de charte et d’idées libérales. Ils oubliaient que l’homme qui les a mis sur leurs jambes, le magnanime Alexandre, avait recommandé au sénat de donner à la France des institutions fortes et libérales. Mille bruits sinistres annonçaient de toutes parts à la nation la résurrection prochaine de l’ancien régime.

Les ministres favoris, MM. D[ambray], F[errand], M[ontesquiou], B[lacas] ne perdaient aucune occasion de professer la doctrine de la monarchie absolue. Ils regrettaient publiquement cette vieille France où étaient réunis dans tous les cœurs, sans aucune distinction, ces mots sacrés : Dieu et le Roi[1].

Bien entendu qu’on n’oubliait pas les droits aussi sacrés de la fidèle noblesse. Tout le monde ne se rappelle peut-être pas que ces droits consistaient en 144 impôts, tous différents[2]. Enfin, le duc de Feltre, ministre de la guerre, qui n’avait pas même l’illustration de la guerre, osa dire à la tribune : « Sy veut le roi, sy veut la loi », et il est devenu maréchal. Enfin, qui le croirait, M. de Chateaubriand ne parut pas assez royaliste ; sa réponse au mémoire du général-Carnot fut attaquée dans ce sens[3].



  1. Adresse du clergé de Paris au roi le 15 août 1814.
  2. Et dont plusieurs joignaient le mépris de la race humaine à…
  3. Journal des Débats, octobre.