Vie de Mohammed/Récit de la fuite ou hégire

Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 33-36).

récit de la fuite.

Voici le récit de la fuite du prophète : Lorsque les Koreïschites surent que le prophète avait trouvé à Médine des auxiliaires, et que ses partisans, parmi les Mecquois, étaient allés les rejoindre, ils craignirent que Mohammed lui-même ne s’échappât vers Médine ; en conséquence ils se réunirent(55) et résolurent de choisir un homme dans chaque tribu, afin que tous ces conjurés frappassent ensemble, comme un seul homme. Mohammed de leurs épées, et que son sang, dans lequel toutes les tribus auraient trempé, restât sans vengeance. Le prophète instruit de leurs projets, ordonna à Ali de se coucher dans son lit revêtu de son manteau vert, puis de rendre à leurs possesseurs, après son départ, les effets qui lui avaient été confiés. Cependant les infidèles étaient déjà à la porte du prophète épiant sa sortie pour l’assaillir. Alors le prophète prit une poignée de terre, et récitant le commencement de la surate Yasin(56), jeta cette poussière sur la tête des infidèles, et passa sans qu’ils le vissent. Quelqu’un cependant survint et leur dit : « Mohammed est parti et a jeté de la terre sur vos têtes ; » mais eux se mirent à regarder avec attention, et voyant Ali revêtu du manteau du prophète, ils dirent « Mohammed dort, » puis ils restèrent en observations jusqu’à ce que le matin étant venu. Ali se leva et ils le reconnurent.

Ali resta à la Mecque jusqu’à ce qu’il rendu les dépôts confiés au prophète. Mohammed, en sortant de sa maison, se rendit dans celle d’Abou-Bekr, auquel il fit connaître que Dieu lui avait permis de prendre la fuite. Abou-Bekr lui dit alors : « Vous accompagnerai-je ? — Vous m’accompagnerez. » repris le prophète, et Abou-Bekr pleura de joie. Puis ils engagèrent Abd-allah, fils d’Oraïcat, qui était idolâtre, pour leur servir de guide dans la route. Ils arrivèrent ensuite à une caverne dans la montagne de Thour(57), située un peu plus bas que la Mecque, et s’y arrêtèrent. Au bout de trois jours ils en sortirent et se dirigèrent vers Médicne en compagnie d’Amer, fils de Fohaïra, affranchi d’Abou-allah et d’Abf-allah, fils d’Oraïcat, qui leur servait de guide et qui (comme il a été dit plus haut) était encore idolâtre.

Cependant les Koreïschites s’empressèrent de courir à la recherche du prophète, et bientôt il fut poursuivi par Soraca, fils de Malek, de la tribu des Benou-Modhledj. Au moment où il était près de l’atteindre, Abou-Beler s’écria : « O prophète de Dieu, voilà que ceux qui nous cherchent nous ont atteints. » Le prophète répondit : « Ne t’afflige pas, car Dieu est avec nous ; » puis il implora contre Soraca le secours divin, et à l’instant son cheval s’enfonça jusqu’au ventre dans une terre toute sèche. Soraca dit alors : « O Mohammed, implore Dieu pour qu’il me délivre, et je m’engage à éloigner ceux qui le poursuivent. » Le prophète fit en effet des vœux en sa faveur et il fut délivré, mais il n’en continua pas moins de le poursuivre. » Le prophète fit en effet des vœux en sa faveur et il fut délivré, mais il n’en continua pas moins de la poursuivre ; Mohammed implora de nouveau contre lui le secours de Dieu, et de nouveau le cheval de Soraca s’enfonça. Il demanda alors au prophète de le sauver encore, promettant une seconde fois de faire cesser la poursuite. Le prophète y consentit, et lui dit : « Que diras-tu, ô Soraca, lorsque tu te pareras un jour des bracelets de Kesra-Parwiz(58) ? » Soraca cependant retourna sur ses pas et arrêta tous ceux qu’il rencontra occupés de la recherche du prophète, en leur disant : « Dispensez-vous de chercher, il n’est pas de ce côté. »

Le prophète arriva sur le territoire de Médine un lundi à midi, le douzième jour de rebi-el-aoual de la première année, et d’abord il descendit à Coba(59) chez Coulthoum, fils d’El-Hadem ; il y passa le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, et y fonda la mosquée de Coba. C’est au sujet de cette mosquée qu’est descendu ce verset du Coran : Certes, un temple fondé pour la piété, dès le premier jour, est plus digne de présence(60).

Le vendredi il sortit de Coba, et à chaque maison des Ansariens, devant laquelle il passait, les habitants s’écriaient : « Viens avec nous, ô prophète de Dieu, nous sommes riches et nombreux. » Puis ils cherchaient à entrainer sa chamelle. Mais il leur disait : « Laissez-la libre dans sa route, car elle obéit à l’ordre d’en haut. » Et lorsqu’elle fut arrivée à la place où est à présent la mosquée du prophète et qui était alors un mirbed (61) appartenant à Sahl et Sahaïl, fils d’Amrou, tous deux orphelins et sous la tutelle de Moadh, fils d’Afra, la chamelle, s’agenouillant, repose son poitrail sur la terre. Le prophète descendit alors et Ahou-Aioub l’Ansarien emporta l’équipage de la chamelle dans sa maison. Le prophète resta chez Abou-Aïoub jusqu’à ce qu’il eut fait bâtir sa mosquée et sa demeure. On dit encore que le lieu où fut élevée la mosquée du prophète appartenait aux Benou-’nNadjar, et qu’il était rempli de masures, de palmiers et de tombes des idolâtres.


(55) Eh consiquence ils s9 réanirent. Cette réunion des Koreischites eut lieu à la ruaison de ville appelée Daren-Vadouat. On lit à ce sujet dans Je Sirat er-repoul, fol. 82 + Qi can fs &s Es Aah is à age asser Les gayslass Lai #5 DA ai Vus eut Gt ANS Jus pal & « ls s’assembiérent dans Ja maison du conseil {e’était « la maison de Kossay, fils de Kelab, où les Koreischites décident toutes « leurs affaires) afin de prendre nn parli sur ce qu’ils devaient faire reta- « tement au prophète de Dieu. » On lt aussi dans le Sirat, fol. 18, que celte maison avait été construite par Kossay, et que la porte en donn dans le temple de a Caaba. (Voyez, sur Kossay et le Dar-en-Nadouat, No. dices et Extraits des manwcritr de le Bibliothèque royale, t. IV, p. 330.)

(56) La surate ya rin, la trenle-sixième da Cora, est l’une des vingt neuf qui portent pour titre ces lettres mystérieuses dont nous avons parlé dans la note 35.

(57) Le manaserit dont se servait Reïske el celui qui est inserit à la Bbliolhèque du Roi sous le n° 615, portent tons deux Ja leçon 35. C'est certainement une transposition de points et une faute de copis on lit tréselrirement dans le manuscrit n° 101, regardé comme auto- graphe, ei dans le Sirat enreçoul : 29% 6 di, vers une cavwrne qui se trouve dans le montagne de Thour. Cette ‘dernière leçon est entièrement conforme à la Géographie d'Abou'féda, dans Isquelle on Et : « ELGhar

  1. )U, caverne dans laquelle le prophète. fuyant de la Mecque vers Mé-

<iline, se réfugis avec Abou-Bebr. Elle est située dans la montagne de <Thour 353, placée au midi de Ja Mecque.» Essohaili, cité par Gagnier, p. 51, dit que cello motagne est sitaée à l'occident de la Moeque. Cette dernière version semblerait plus en rapport avec le passage sni- vant emprunté au Sirat : « Onnar, fils de Fohaira, les accompagnait dans «leur file et lenr servait de guide 3 prit la ronte de la mer,» Cepen- ‘dant Burckhardt confirme complétement le témoignage d'Abou'féda, et dit: « À peu près à une heure et demie de marche au sm de la Mecque «ét au sud du chemin du village de Hosseini®, s'élève le Djebel Thor; «sur son sommet à y a une caverne où Mahomet et Abou-Bekr se réfu- » gièrent pour échapper aux Mekkaouis. » (Voyez Burelhard, tome 1, page 237)

Carvini {deusièmo climat , art, MeLè) perle eussi de la montagne de Thour, et dit que la caverne où.se réfugia Mobammed avec Abou-Bckr, était dans cette montagne.

(58) Los Musulmans font valoir ce fait parmi Îes preuves qu'ils don. ment do l'esprit prophétique qui avañt été accordé à Mahomet. En eflel, quime ans après l'hégire, lorsqu'Omar eut remporté sur Yesdedjerd, dernier roi des Perses , une victoire complète, on lui apporta parmi le butin Les bracelets dl roi fagitif Omar ayant hit appeler Sorsea qui était alors bon Musulman, le fl revêtir de cette parure, (Voyez Gagnier, page 5.)

(59) Goba est, d'après Aboulféda, un bourg situé à deux milles de Médine (voyez Rommeï, p. 74). D'après Borckhardt, 51 est placé au sud le celte ville à une distance d'environ rois quarts d'heure de marche. C'est de canton le plus fertile du Hedjaz septentriensl, Les citronniers, les orangers, les grenadiers, les bananiers, les vignes, les péchors, les figniers sont plantés au mieu des dattiers et forment des hocages touFus. Au milieu de ces vergers s'élève la mosquée bâtie par ke prophète, nommée par Abou'lféda مسجد التقوى, et par le Kitab-Manassik-el-Hadj (p. 147) : قبّة الاسلام «la voûte de l'Islamisme. » On Hit dans Je Merucid. elite (p. 5og}, que Koba est, & proprement parler, le nom d'un puis silué en cet endroit, et près duquel &ait fixée la faille Ansarieune des Benou-Oinar ben-Aouf. :

(60) Voyez le Coran, sourate g, verset a 10.

(61) Le mot Mirbed désigne en arabe l'emplacement où Les cha- eaux passent la nuit.