Vers sur la mort d'Helvétius
SUR LA MORT
D’HELVÉTIUS.
Ô toi qui ne peux plus m’entendre,
Ami qui, dans la tombe avant moi descendu,
Trahis mon espoir le plus tendre :
Quand je disois, hélas ! que j’avois trop vécu,
Qu’à ce malheur affreux j’étois loin de m’attendre !
Ô comment exprimer tout ce que j’ai perdu ?
C’est toi qui, me cherchant au sein de l’infortune,
Relevas mon sort abattu,
Et sus me rendre chere une vie importune.
Ta vertu bienfaisante égaloit tes talents :
Tendre ami des humains, sensible à leurs miseres,
Tes écrits combattoient l’erreur et les tyrans,
Et ta main soulageoit tes freres.
L’équitable postérité
T’applaudira d’avoir quitté
Le palais de Plutus pour le temple des sages,
Et s’éclairant dans tes ouvrages,
Les marquera du sceau de l’immortalité.
Foible soulagement de ma douleur profonde !
Ta gloire durera tant que vivra le monde.
Que fait la gloire à ceux que la tombe a reçus ?
Que l’importent ces pleurs dont le torrent m’inonde ?
Ô douleur impuissante ! ô regrets superflus !
Je vis, hélas ! je vis, et mon ami n’est plus.
SUR HELVÉTIUS.
Bienfaiteur délicat, riche sans étalage,
Pere tendre, ami généreux,
Au sein de l’opulence il eut les mœurs d’un sage,
Et son or lui servit à faire des heureux.
Mais, vers le déclin de son âge,
Des vices de son temps la désolante image
Vint le blesser d’un trait si douloureux,
Qu’au-delà des rivages sombres,
Entre Platon et Lucrece attendu,
Doucement il est descendu
Chercher des vertus chez les ombres.
d’Helvétius.
Des sages d’Athene et de Rome
Il eut les mœurs et la candeur ;
Il peignit l’homme d’après l’homme,
Et la vertu d’après son cœur.