Vers la fée Viviane/La Goélette

Édition de la Phalange (p. 67-68).

VI

La Goélette

La femme rude, à l’air hagard, aux yeux meurtris,
Qui regarde, penchée à sa haute fenêtre,
Le port, gouffre étroit dans les rocs fauves et gris,
Puis le ciel floral où des étoiles vont naître,
L’exquis et triste vol des goélands dans l’air,
Le doux adieu lilas des falaises voisines,
Les clochers roses qui veillent sur les collines,
Et la ville, au grand jour dure neige de pierre,
Qui darde maintenant sa flèche incarnadine
Vers les nuées où glissent des formes changeantes,

La femme navrée aux prunelles expectantes
Dont le regard, obstinément revient au port,
Ne voit plus, sur les courtes vagues mutinées,
La noire goélette roulant bord sur bord

Ou se cabrant en virevoltes forcenées,
Comme prête à briser la chaine qui la tient
Mouillée à l’abri des récifs grondants, mais bien
Une âme sombre qui bondit, emprisonnée.

Fin