Vers (Clovis Hugues)/Fanchette

Messageries de la Presse ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. Vol. 22) (p. 10-11).

FANCHETTE


 
Fanchette au bord de l’étang
M’apparut, toute seulette.
Je passais, j’étais content ;
Je lui dis : « Bonjour, fillette ! »
Vous en auriez fait autant !

Deux pinsons, se becquetant,
Volaient autour de sa tête.
Tout près du flot miroitant
Des fleurs se contaient fleurette :
Vous en auriez fait autant !


J’ajoutai d’un air tentant :
« Vous êtes belle, ô Fanchette !
Et dans votre œil éclatant
Tout le ciel bleu se reflète. »
Vous en auriez fait autant !

Son petit sein palpitant
S’enflait sous la collerette.
L’eau riait en clapotant,
Et moi j’écoutais, tout bête :
Vous en auriez fait autant !

Elle rougit un instant,
Tout en me faisant risette.
Dans son tablier flottant
Je mis une pâquerette :
Vous en auriez fait autant !

« Je me jette dans l’étang,
Si vous n’êtes pas honnête ! »
Je protestai, me flattant
D’apprivoiser la pauvrette :
Vous en auriez fait autant !

« Vous me boudez, et pourtant,
Voyez, la terre est en fête !
— Vous m’en direz tant et tant
Que nous en perdrons la tête ! »
Vous en auriez fait autant !

Je partis, j’étais content.
« Nous nous reverrons, fillette ! »
Et tout un amour chantant
Naquit de notre amourette :
Vous en avez fait autant !