Vers, 1894/Dédicace 2

VersOllendorff, éditeur (p. 52-54).
« Beauty is truth, truth beauty »
Keats.


Impression of beauty, personally expressed, is the spirit of petry.
Leila Crackanthorpe.


À Hubert Crackanthorpe
et Charles Lacoste


Vous voulez avoir quelques pages d’une œuvre écrite vers mes dix-neuf ans (1888…).

J’aurais pu imiter le style de Flaubert ou celui de Leconte de Lisle, et faire, comme un autre, un poncif.

J’ai fait des vers faux et j’ai laissé de côté, ou à peu près, toute forme et toute métrique, mais je ne confonds pas ceux qui croient que la langue est le cœur avec ceux dont le tempérament est de mettre leur cœur dans un style.

Je n’avais pas le tempérament de ces derniers. Qu’ils aient nom Lamartine, Musset, de Saint-Pierre, Leconte de Lisle ou Loti, ceux-là je les salue avec la modestie dévotieuse d’un enfant de chœur devant des divinités.

Mon style balbutie, mais j’ai dit ma vérité, et, du moins, je ne cherche pas à prouver que j’ai du génie, en érigeant en doctrine moderne les défauts grossiers d’une langue.

Je ne veux blâmer ni prôner ma façon de faire, mais, ce que j’affirme, c’est ma haine des écoles, ma tolérance, mon amour de la vérité et ma pitié de ce lieu commun, qui est le cœur de l’homme.

Pour être vrai, mon cœur a parlé comme un enfant.

Je vous dédie ceci :

À toi, Crackanthorpe, déjà célèbre en ton pays, et qui a senti passer en toi le souffle de l’amour et de la pitié ;

À toi, Lacoste, qui resteras peut-être dans l’ombre, simple et beau comme ce rosier que tu as peint au fond du vieux jardin triste.


Le 10 mai 1893.


FRANCIS JAMMES.[1]
  1. Cette troisième partie, qui comprend vingt et une pièces et cette préface, a déjà été imprimée en 1893. Il en fut tiré seulement cinquante exemplaires.

    Je remercie ceux qui ont aimé ces simples choses, et principalement MM. Stéphane Mallarmé, Henri de Régnier et André Gide.