Valérie (1803)
Librairie des bibliophiles (p. 84).

LETTRE XXIII

Venise, le…

J’apprends que toutes mes lettres écrites depuis deux mois sont à Hambourg, chez M. Martin, banquier. Le courrier expédié par le comte avoit eu l’ordre de remettre ses dépêches à notre consul, à Hambourg, et de se rendre lui-même à Berlin. Malheureusement il a oublié de remettre le paquet de lettres à ton adresse.

Mais qu’aurois-tu appris ? Je suis toujours le même ; quelquefois repentant, et toujours le plus foible des hommes. Mon fatal secret est toujours caché à Valérie ; mais ma situation envers le comte est vraiment bien douloureuse. Je l’ai vu quelquefois au moment de m’interroger ; il me disoit qu’il me trouvoit triste, que jamais je n’aurois de meilleur ami : n’étoit-ce pas me dire qu’il comptoit sur ma confiance ? Et moi, je le fuyois, j’évitois ses regards ; je lui paroissois défiant, ingrat peut-être ! Ernest, combien cette idée me tourmente ! Je ne puis t’en dire davantage, le comte m’attend.