Védique líbuģā, paléoslave lobŭzati

Texte établi par (Charles Bally ; Léopold Gautier), Payot/Droz (p. 404).



Védique Líbuǵā - Paléoslave Lobŭzati
(Mémoires de la Société de Linguistique, V, p. 232. — 1884.)

Le védique líbuǵā «plante grimpante, liane» (vratatiḥ, Nirukta, VI, 28) n’a certes pas les apparences d’un mot venu de la langue mère. Par son b, par son l, par sa formation énigmatique, il s’annoncerait bien plutôt comme appartenant à la plus récente couche lexicologique ; c’est le cas d’ailleurs pour une foule de termes servant à la nomenclature des genres de plantes. J’ose néanmoins écarter cette première impression et conjecturer une parenté avec le verbe paléoslave lobŭzati, présent lobŭžã «osculari» (forme dérivée: lobyzajã, en analogie de sŭljã: sylajã). Un groupe slave lobŭz-, formant un radical irréductible, est une étrangeté morphologique autant que libuǵ- en vieil indien. Mais toute anomalie n’est pas nécessairement hystérogène, et le double cas en question pourrait reposer sur une seule et primitive anomalie. La langue mère a dû, comme toute autre langue, admettre quelques exceptions aux types usuels, quelques mots de facture bizarre nés par onomatopée, par emprunts aux langues voisines, etc.

L’embrassement de l’arbre par la liane, qui établirait la transition d’idées avec le mot slave, est justement l’image à propos de laquelle nous voyons figurer dans les textes le mot líbuǵā. Ṛk-Sam̃hitā, X, x, 13, 14 (dialogue de Yama et Yamī):

anyā kíla tvām̃ kakṣyèva yuktám̃
pári ṣvaǵātē líbuǵēva vṛkśám ||
anyám ū ṣú tvām̃ Yamy anyá u tvām̃
pari ṣvaǵātē líbuǵēva vṛkśám |

Atharva-Sam̃hitā, VI, VIII, 1:

yáthã vŗkśám̃ líbuǵā samantám̃ pariṣasvaǵē
ēvá pári ṣvaǵasva mām |

En ce qui concerne la phonétique, l’í. dans líbuǵā, aurait la valeur qu’on lui connaît dans pitár-, sthità-, etc.