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Traduction par Émile Littré.
Dubochet, Le Chevalier et Cie (p. 108-110).
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Livre II — § 13

XIII.

1 Telle est la théorie des apparitions et des disparitions des planètes, théorie compliquée, et pleine de choses merveilleuses. En effet, elles changent de dimension et de couleur, elles s’approchent du septentrion, elles s’écartent vers le midi ; tout à coup on les trouve voisines tantôt de la terre, tantôt du ciel. Nous allons sans doute, sur beaucoup de points, nous éloigner des explications données par les anciens, mais nous avouons que le pas que nous allons faire est dû aussi à ceux qui les premiers ont montré la voie des recherches ; c’est une raison pour ne pas désespérer du progrès indéfini des siècles. 2Ces phénomènes sont le résultat de causes nombreuses. La première est dans les cercles que les Grecs appellent (car il faudra nous servir de noms grecs) apsides. Chacune des planètes a ses cercles particuliers, qui sont différents de ceux du monde ; car la terre, avec ses deux sommets qu’on appelle pôles, est le centre du monde, ainsi que du zodiaque, situé obliquement entre ces pôles. Tout cela se démontre par le compas, dont la certitude est irrécusable. 3Donc, d’un centre différent pour chaque plante, s’élèvent les apsides (16), condition qui fait que les astres ont des révolutions et des mouvements dissemblables, parce que de toute nécessité les apsides intérieurs ont le plus de brièveté. (XVI.) À partir du centre de la terre les apsides les plus hauts sont, pour Saturne dans le Scorpion, pour Jupiter dans la Vierge, pour Mars dans le Lion, pour le Soleil dans les Gémeaux, pour Vénus dans le Sagittaire, pour Mercure dans le Capricorne, au milieu de chacun de ces signes ; les plus bas et les plus voisins du centre de la terre seul à l’opposite. 4Aussi les astres paraissent-ils se mouvoir plus lentement au moment de leur plus grande élévation : ce n’est pas qu’ils accélèrent ou qu’ils ralentissent leur mouvement fixe et indépendant pour chacun, mais c’est que les lignes menées du haut de l’apside vont en se rapprochant nécessairement vers le centre, comme les rayons des roues, et que le même mouvement semble ou plus rapide ou plus lent, selon la distance au centre.

5 La seconde cause des hauteurs, c’est quand les planètes ont, par rapport à leur propre centre, les apsides le plus élevés ; ce qui arrive dans d’autres signes, pour Saturne au vingtième degré de la balance, Jupiter au quinzième de l’Écrevisse, Mars au vingt-huitième du Capricorne, le soleil au dix-neuvième du Bélier, Vénus au vingt-septième des Poissons, Mercure au quinzième de la Vierge, la lune au troisième du Taureau.

6 La troisième raison des hauteurs est dans la dimension du ciel et non d’un cercle, dimension qui fait qu’à la vue les planètes paraissent s’enfoncer ou descendre dans les profondeurs de l’air.

7 À cette théorie se rattache celle des latitudes et de l’obliquité du zodiaque. Ce cercle est parcouru par les astres que nous appelons planètes ; et il n’y a sur la terre d’habité que les parties qui lui sont sous-jacentes ; le reste, vers les pôles, est frappé de stérilité. Vénus seule s’en écarte de deux degrés, ce qui explique pourquoi certains animaux naissent, même dans les parties désertes du monde. La lune en parcourt toute la largeur, sans toutefois jamais en sortir. Après ces planètes, celle dont la marche a le plus d’amplitude est Mercure ; cependant, sur les douze degrés qui font la largeur du zodiaque, il n’en parcourt pas plus de huit, et il ne les parcourt pas également ; mais il en parcourt deux quand il est au milieu, quatre quand il est au-dessus, et deux quand il est au-dessous. Puis le soleil marche, entre les deux du milieu, d’un mouvement inégal, semblable au mouvement tortueux des dragons. 8Mars s’écarte de l’écliptique de deux degrés ; Jupiter d’un degré et demi, Saturne d’un (17). Telle est la théorie des latitudes pour les planètes, quand elles descendent vers le midi ou montent vers le nord. La plupart des auteurs ont pensé que cette troisième hauteur des planètes, qui s’élèvent de la terre vers le ciel, dépendait de leur latitude et y correspondait ; c’est une erreur. Pour démontrer la fausseté de cette opinion, il faut exposer une théorie générale de ces causes, œuvre d’une sagacité infinie.

9 Il est reconnu que les planètes, à leur coucher du soir, se trouvent par rapport à la terre dans le plus grand rapprochement ; et quant à leur latitude et quant à leur élévation, que les levers du matin se font à l’origine de leur latitude et de leur élévation, et les stations dans les nœuds moyens des latitudes, appelés écliptique. Il est reconnu aussi que le mouvement des planètes s’accroît quand elles sont dans le voisinage de la terre, et qu’il diminue quand elles s’en éloignent. Cela se voit surtout dans les élévations de la lune. Il n’est pas non plus douteux qu’il ne s’augmente au lever du matin, et qu’à partir des premières stations les trois planètes supérieures ne diminuent de rapidité jusqu’aux secondes stations. 10Cela étant, il est manifeste qu’à partir du lever matinal elles s’élèvent en latitude, parce que c’est dans cette position qu’elles commencent à accélérer de moins en moins leur mouvement, mais que dans la première station elles prennent de la hauteur, parce qu’alors seulement on commence à soustraire un nombre de degrés et à voir la planète rétrograder. Il faut rendre en particulier raison de ce phénomène : frappées dans la position dont nous avons parlé, c’est-à-dire en trine aspect, elles sont à la fois empêchées par les rayons du soleil de suivre la route directe, et soulevées en haut par la force du feu. Cela n’est pas immédiatement perçu par nos regards ; aussi pensons-nous qu’elles sont stationnaires, d’où est venu le nom de stations.

11 Puis l’intensité des mêmes rayons fait des progrès, et la chaleur répercutée les force à rétrograder. Ce phénomène est encore plus frappant dans leur lever du soir, au moment où elles sont en opposition complète avec le soleil ; alors elles sont chassées au sommet des apsides, et elles sont le moins visibles, étant placées à la plus grande hauteur et animées du plus petit mouvement, d’autant plus petit que l’astre se trouve dans les signes les plus élevés des apsides. À partir du lever du soir, les planètes descendent en latitude, le mouvement commence déjà à subir une moindre diminution, mais il ne s’accroît pas avant la seconde station ; c’est alors que leur hauteur diminue, les rayons du soleil les atteignant par l’autre côté, et les abaissant vers la terre avec la même force qui à leur premier trine aspect les avait élevées dans le ciel, tant il y a de différence dans l’action qu’exercent les rayons, selon la direction qu’ils suivent. 12Les mêmes phénomènes se manifestent, et avec beaucoup plus de force, dans le coucher du soir. Telle est la théorie des planètes supérieures ; celle des autres est plus difficile, et avant nous aucun Romain n’en a rendu compte.