Une voix dans la foule/Pour narguer la mort

Une voix dans la fouleMercure de France (p. 131-133).

POUR NARGUER LA MORT

La Mort, par les chemins,
Amour, est en maraude.
L’entend s-lu, là, qui rôde
En soufflant dans ses mains ?

Quelqu’un pousse la porte :
C’est comme un bruit mouvant
De cloches dans le vent.
Que Dieu nous réconforte !


Voici hurler le chien
Qui tire sur sa chaîne,
Sentant sur lui l’haleine
De la Reine du Rien.

Mais nous sommes ses maîtres !
Louche, elle peut venir
De sa bouche ternir
Les vitres des fenêtres.

N’es-tu pas sur le seuil,
Riant de sa menace,
Amour, et face à face
Narguant Celle au cercueil ?

J’entends un rat qui ronge
Quelque chose en la nuit.
La lampe à peine luit.
Une âme est là qui songe.

Et j’écoute en rêvant
L’appel lointain des cloches
Ou le bruit des pas proches,
Selon que vient le vent.


La Camarde, à voix forte,
Crie aux gens qu’elle a faim.
Va, souffle dans ta main !
L’Amour garde la porte !