Une voix dans la foule/Pour bercer l’amour

Une voix dans la fouleMercure de France (p. 134-135).

POUR BERCER L’AMOUR

Amour, je veux que tu t’endormes
Dans mes bras comme un enfant mort.
Le vent murmure dans les ormes.
Entends-tu les cloches du Nord ?

C’en est déjà fini de rire
Et de jouer parmi les fleurs.
Dors ! Il me faut encore écrire
Le poème de mes douleurs.


Ferme tes yeux fous et délie
Le collier trop lourd de tes bras.
Nos coupes sont noires de lie
Et je sens mourir les lilas.

Rêve qu’il fait dehors décembre
Et que l’ombre est pleine d’effroi.
Ah ! du silence dans la chambre
Et de la solitude en moi !

Dors-tu ? Le soleil est en fuite.
Dors-tu ? Le ciel n’est plus vermeil.
— Tu réponds par des mots sans suite,
Pauvre Amour qui n’as pas sommeil !