Une voix dans la foule/C’était un roi

Une voix dans la fouleMercure de France (p. 13-14).
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C’ÉTAIT UN ROI…

À Henry-D. Davray.

C’était un Roi au manteau d’or
Qui s’en venait du fond du soir.
Derrière lui pleurait la Mort
Et devant lui chantait l’Espoir.

Sur ses cheveux neigeait l’hiver
Et dans ses yeux brûlait l’été.
Son diadème était de fer,
Son sceptre était de bois sculpté.


Un peu de sang souillait sa main
Que parfumait l’odeur des fleurs.
Mêlant la ronce au doux jasmin,
Il souriait parmi ses pleurs.

De tous les seuils, des vieillards fous
Le menaçaient, criant de loin,
Ou bien, ployant leurs durs genoux,
À son aumône ouvraient le poing.

Ô roi dolent, ô roi joyeux,
Marchant du soir jusqu’au matin,
Les pieds si las, les yeux aux cieux,
N’es-tu pas mon propre Destin ?

Va vers la ville ou vers les champs,
Riant le jour, pleurant la nuit :
Que font au ciel sanglots ou chants ?
L’Espoir te fuit, la Mort te suit.