Une visite aux grandes usines du pays de Galles/02


II

LES USINES À CUIVRE DE SWANSEA.


L’usine Vivian. — Sévérité pour les visiteurs. — Vapeurs empestées. — Le traitement métallurgique. — Grillage du minerai, fusion et grillage des mattes. — Raffinage et essai du cuivre. — Laminage. — Le marteau-pilori. — Un tour d’Anglais. — Fabrication des fils et des clous de cuivre. — Le laiton ou cuivre jaune. — Le cuivre argentifère. — Les fondeurs de Swansea. — Coup d’œil sur les houillères.

Entre toutes les usines de Swansea, la plus célèbre, la plus complète, celle qui occupe le plus d’ouvriers, est l’usine de MM. Vivian ; ce fut celle naturellement que nous demandâmes à visiter. Après quelques difficultés, et quand nous eûmes fait connaître nos noms, nos qualités et le but de notre visite, la permission nous fut accordée, mais pour une fois seulement. Il fut bien entendu aussi que nous ne prendrions aucun croquis géométrique coté, c’est-à-dire avec les dimensions exactes des fours et autres appareils en usage dans l’établissement. La seule chose qui nous fut permise, ce fut de crayonner sur nos albums des vues perspectives de l’ensemble ou des détails de l’usine. On n’est pas toujours aussi accommodant, et je n’avais pas oublié pour mon compte que deux ans auparavant, accompagnant à Swansea un de mes camarades, ingénieur des mines en Piémont, la porte de l’usine nous fut refusée, après une première visite, parce que mon ami, je crois, tirant son mètre de la poche, pendant que je causais avec notre cicérone, avait mesuré la longueur d’un laminoir à cuivre.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Toiser un laminoir ! quel crime abominable !
    Le renvoi seul était capable
D’expier son forfait. On le lui fit bien voir.

Ce qui frappe, quand on entre dans l’usine de MM. Vivian, c’est une apparence de désordre et de laisser-aller tout anglaise, mais qui va bien à une usine aussi vaste, aussi pleine de vie que la leur. Les charpentes, les toits du bâtiments sont établis tant bien que mal, le sol n’est pas même nivelé, encore moins pavé ou parqueté ; les fours, dont les maçonneries en briques sont à peine retenues par des armatures en fer, penchent à droite ou à gauche, ventrus sur le devant. Ils sont isolés ou tout au plus accouplés. On dirait que la chaleur va faire éclater la maçonnerie, tant on semble avoir mis peu de soin à lier les briques entre elles et à les établir d’à-plomb. On n’a rien sacrifié à l’élégance, mais en retour l’activité, le mouvement règnent partout. Il y a dans l’usine plus de huit cents ouvriers et jusqu’à quatre-vingts fours à réverbère sans cesse en feu, soit pour le grillage et la fusion du minerai, des mattes et des scories, soit pour l’affinage, le raffinage et le réchauffage du métal. Chaque four a sa cheminée, une colonne pyramidale qui surmonte les toits de l’usine. Quand tous les fours sont allumés, ces colonnes dégagent dans l’air une épaisse fumée, tantôt noire, tantôt blanchâtre, qui obscurcit l’atmosphère ; souvent la flamme elle-même sort par l’orifice des cheminées. Comme toutes les usines sont à peu près concentrées au même point, dans un vallon stérile que longe un canal navigable, rien de plus saisissant à voir que ces mille bouches de fumée travaillant toutes à la fois.

Dans le traitement métallurgique, des éléments malfaisants s’échappent du minerai : arsenic, phosphore, soufre, chlore, etc., la plupart du temps à l’état d’acides. Ces vapeurs empestées, en se répandant dans l’air ambiant, ont tué toute végétation, pelé, calciné la roche avoisinante, de telle façon qu’aucune culture n’est possible dans un rayon de plusieurs milles autour des usines à cuivre. Les hommes eux-mêmes se ressentent à la longue de ces émanations méphitiques, et beaucoup d’ouvriers des usines qui respirent ces gaz dès leur sortie du fourneau, alors que l’action en est la plus vive, portent sur leurs traits l’empreinte d’une pâleur et d’une maigreur caractéristiques.

Je ne voudrais pas faire ici un cours de métallurgie du cuivre, fût-ce même à l’usage des gens du monde ; il est bon cependant de donner dès à présent une idée des importantes opérations qui s’accomplissent dans les usines de Swansea. Le minerai, on l’a vu, vient de tous les points du monde entier, depuis le minerai pyriteux et quartzeux du Cornouailles et du Devon, qui souvent ne renferme pas plus de 2 à 3 pour 100 de cuivre, jusqu’au cuivre natif de Coro-Coro en Bolivie, véritable poudre métallique imprégnant des grès riches jusqu’à 80 pour 100 ; depuis les cuivres panachés et les sulfures gris de Toscane atteignant 70 pour 100, et les malachites de Bora-Bora en Australie dépassant 20 et 25 pour 100, jusqu’aux mattes, aux cuivres noirs et aux cuivres rosettes du Chili, dont les teneurs vont quelquefois jusqu’à 90 et 95 pour 100. Mais ces teneurs élevées ne sont elles-mêmes qu’une exception, et la moyenne par laquelle on commence ne dépasse pas, je l’ai dit ailleurs, 10 à 12 pour 100.

La première opération est le grillage ou rôtissage du minerai préalablement pulvérisé. Sur la sôle du four à réverbère, l’ouvrier étend la matière à traiter, après avoir allumé le feu. Le charbon qu’on emploie est l’anthracite de Swansea, houille dure, sèche, brûlant avec très-peu de flamme. On a corrigé ces qualités qui conviennent peu pour le four à réverbère en chargeant le combustible dans le foyer sur une grande hauteur. De cette façon, les gaz résultant de la combustion et l’air traversant cette masse embrasée s’enflamment vers la partie supérieure, et une langue de feu rabattue par la voûte lèche l’aire du fourneau. Je dois faire remarquer ici que le foyer n’a pas de grille, mais l’art du chauffeur a su en créer une artificiellement, au moyen des cendres du combustible qui descendent vers les parties les plus basses, fondent et se figent, laissant entre elles des interstices, à travers lesquels circule l’air destiné à embraser le charbon.

La flamme, en s’étendant sur la sôle du réverbère pour se rendre à la cheminée, chauffe le minerai jusqu’au rouge. L’ouvrier le brasse incessamment avec de longues barres de fer, qu’en français on appelle râbles, spadelles ou ringards, pour l’empêcher de s’agglutiner et de subir un commencement de fusion. Le soufre, l’arsenic, le chlore, que renferme la matière élaborée, se dégagent, soit par les portes de travail, soit par la cheminée. On les reconnaît aisément, le soufre surtout à son odeur piquante, l’arsenic à son odeur d’ail si caractéristique. Quand l’opération est terminée, le minerai a perdu de 12 à 15 pour 100 de son poids. Cette perte consiste principalement en eau, acide carbonique, soufre, arsenic et autres matières volatiles.

Après le rôtissage du minerai vient une première fusion pour mattes, smelting for slags. On passe dans un nouveau four à réverbère le minerai grillé avec du minerai qui n’a pas besoin de l’être, tel que les carbonates (malachites) et les chlorures d’Australie, les cuivres oxydés et les cuivres natifs pauvres du Chili et de la Bolivie, etc., et de cette première fusion sortent des mattes riches à 20 ou 25 pour 100. On les moule ou bien on les fait tomber encore en fusion dans un bain d’eau qui les divise en grenailles.

On grille ces mattes pour les débarrasser de leur soufre, comme on a grillé le minerai, puis on les fond de nouveau avec des minerais encore plus riches que les précédents et l’on obtient de nouvelles mattes, sur lesquelles on recommence la même opération. On passe ainsi des mattes bronzes aux mattes bleues, des mattes bleues aux mattes blanches ou régules, de celles-ci enfin au cuivre brut, mêlant chaque fois aux mattes obtenues du minerai ou des mattes étrangères d’une richesse correspondante à celle des mattes que l’on fond. L’ensemble du traitement est facile à saisir : on fait en tout quatre grillages et trois fusions successives pour mattes.

Du cuivre brut, dans lequel on distingue déjà des globules de cuivre métallique rouge, soyeux, et qui renferme plus de 85 pour 100 de cuivre, on passe enfin au cuivre rosette et au cuivre rouge, pratiquant l’affinage et le raffinage dans le même fourneau. Quand on croit l’opération presque terminée, on enfonce une perche de bois vert dans le bain de cuivre en fusion. Le bain précédemment limpide, éclatant, presque blanc, bouillonne, et, avec le gaz qui se dégage, s’échappent les dernières impuretés du cuivre, surtout un peu de carbone qu’il pouvait encore contenir. Un dernier essai reste à faire. Le maître fondeur retire du fourneau un de cuivre, qu’il prend avec une petite pochette. Si ce dé, refroidi, est d’un beau rouge soyeux, s’il se laisse aplatir par le marteau, sans fissures, et briser au ciseau avec une cassure franche, nette, d’un grain cristallin, homogène, alors le raffinage est terminé et le métal est jugé bon pour la coulée. On en emplit des poches en fer, énormes cuillers que l’on verse dans des moules où le cuivre se fige en pains. Ceux-ci sont destinés au commerce ou transformés en lames, feuilles, fils, clous, comme il sera dit tout à l’heure.

Le cuivre anglais n’a pas la première marque sur les marchés ; ce sont surtout les cuivres de Russie et de Suède, beaucoup plus purs, qui obtiennent la préférence des acheteurs ; mais l’Angleterre fond à elle seule beaucoup plus de cuivre que tout le monde entier. Si les renseignements qu’on m’a donnés à Swansea en 1862 sont exacts, on produirait, dans toutes les usines réunies, jusqu’à cent soixante tonnes de cuivre par semaine (la tonne anglaise est de plus de mille kilogrammes). On est allé quelquefois jusqu’à deux cents.

Le cuivre en pains qui n’est pas directement vendu est transformé en lames et en feuilles, qui servent au doublage des navires ou à la chaudronnerie. On réchauffe les pains dans des fours à réverbère, et quand ils sont chauffés au rouge, on les passe aux laminoirs. Ces laminoirs se composent de deux cylindres pleins en fonte de fer polie, de même diamètre, et dont les axes sont parallèles et horizontaux. On engage la plaque de cuivre entre les cylindres. Un d’eux, animé d’un mouvement de rotation, entraîne l’autre en sens contraire au moyen d’un engrenage. La plaque de cuivre est saisie entre l’écartement qui sépare le cylindre supérieur du cylindre inférieur. Cet écartement, qu’on règle au moyen de vis, doit être toujours plus faible que l’épaisseur de la plaque à laminer. Celle-ci devient donc, chaque fois qu’elle passe entre les cylindres, de plus en plus mince. On obtient de la sorte des feuilles de cuivre à l’épaisseur voulue. Cela fait, on les jette dans un bain d’urine établi au milieu de l’atelier. Cette immersion est destinée à purifier et à décaper ou lustrer le métal à la surface.

Quand les feuilles de cuivre sont ainsi préparées, on les coupe d’équerre à la cisaille, puis on les met en paquets et on les encaisse. Le cuivre, passant de la main des fondeurs dans celle des marchands, prend alors diverses directions, et retourne bien souvent aux lieux mêmes d’où il était venu à l’état de minerai.

Autrefois, c’était sous le marteau à main et le martinet mécanique qu’on laminait le cuivre. Ce battage s’est maintenu dans la petite chaudronnerie. Pour le cuivre comme pour le fer, il donne un métal plus fibreux, plus homogène que le laminage aux cylindres. Il doit conserver aussi au cuivre plus de sonorité en empêchant la formation de ces fissures souvent invisibles dites pailles ou soufflures, et que l’écrasement au laminoir produit plus souvent que le battage au marteau.

Il y a dans l’usine de MM. Vivian un mouton à vapeur ou marteau-pilon destiné aussi au battage du cuivre. Cet appareil, que nous retrouverons également dans les usines à fer du pays de Galles, sert, à Swansea, à redresser les feuilles de cuivre, à les aplanir, à les recourber suivant un profil donné. Le marteau est vertical, conduit par un cylindre à vapeur supérieur dont la tige du piston forme, par son prolongement, la tige même, ou, si l’on veut, le manche du marteau. Au-dessous est l’enclume. La vapeur à haute pression introduite dans le cylindre, en dessous du piston, l’élève et celui-ci s’abaisse par son propre poids. De là les mouvements de va-et-vient du marteau, plus ou moins lents, plus ou moins saccadés, et qui ont plus ou moins d’amplitude, suivant que la vapeur est admise ou se dégage plus ou moins vite, en plus ou moins grande quantité à la fois.

Le marteau-pilon rend les plus grands services dans toutes les usines métallurgiques. C’est un des appareils à la fois les plus simples et les plus précis que l’industrie puisse mettre en œuvre. On dit qu’il a été pour la première fois appliqué dans les grandes forges du Creusot en France, et que M. Bourdon, alors ingénieur de ces établissements, en a été l’inventeur. D’autre part, les Anglais réclament pour eux la priorité de l’invention. Ce n’est pas la première fois que s’ouvre un pareil débat entre nous et nos voisins. Nous leur disputons également l’invention de la machine à vapeur et de la locomotive, et nous avons les uns et les autres de fort bonnes raisons à faire valoir. Je laisserai le débat pendant, car il m’appartient moins qu’à personne de le trancher, et j’en conclurai seulement que les Anglais et les Français sont deux grands peuples, en industrie comme en toute autre chose.

J’ai dit que le marteau-pilon était, dans sa simplicité, l’un des mécanismes les plus ingénieux, les plus précis qu’on pût voir. Le lourd marteau tombant sur l’enclume, docile à la main de l’homme qui le guide, ou du moins qui règle l’admission et l’échappement de la vapeur dans le cylindre, dont le piston commande le marteau, peut à volonté écraser un bloc de métal sur l’enclume ou s’arrêter sur ce bloc en l’effleurant à peine. Pour rendre mes amis témoins de ce fait, j’eus envie de mettre la main sur l’enclume, faisant signe à l’homme de laisser tomber le marteau de façon à me toucher à peine. La masse pèse plusieurs milliers de kilogrammes ; mais un accident, bien que hors de toute prévision, pouvait avoir lieu. Je préférai donc appuyer ma canne sur l’enclume, et fis signe de faire descendre le marteau lentement, indiquant bien quel était mon but. L’ouvrier hésita ; je lui fis de nouveau comprendre quel sens j’entendais donner à l’expérience. Alors, soit qu’il m’eût fort mal compris, soit que, dans


Poissonnières du pays de Galles. — Dessin de Durand-Brager.


sa grossièreté d’ouvrier anglais, il ait voulu saisir l’occasion de jouer un mauvais tour aux damnés de Français (damned French), il laissa tomber le marteau de tout son poids sur ma pauvre canne de mineur, dont le jonc s’aplatit comme une feuille de papier. Je le retirai en lambeaux ; la surprise m’empêcha de parler, vox faucibus hæsit. Seule, la tête d’acier de ma canne, que j’avais tenue dans la main, restait intacte, et je quittai l’usine en maudissant le drôle qui m’avait joué ce vilain tour. C’est ainsi que mon pauvre bâton, qui avait fait avec moi le tour de bien des mines par le monde, dans les Alpes, les Apennins, la Californie, le Chili, la mer des Indes, qui avait monté au Vésuve et au Piton des neiges, vint mourir si misérablement au fond d’une usine du pays de Galles. Il ne m’en était resté pas même un bout assez gros pour rosser d’importance le mauvais plaisant auquel je devais le chagrin d’être privé de mon fidèle compagnon, et lui demander en le fustigeant, comme la Fontaine à Furetière :

« Si c’était là du bois de grume,
Ou bien du bois de marmenteau. »

Mais je reviens à mes moutons, ou si l’on veut à notre usine à cuivre.

Le cuivre n’est pas seulement laminé en feuilles dans les ateliers de MM. Vivian. Il est aussi étiré en fils à la filière, où il passe à travers des ouvertures de plus en plus étroites, en s’enroulant au fur et à mesure sur une bobine de forme tronconique. Celle-ci tourne autour de son axe qui reste fixe, et elle entraîne le fil dans son mouvement de rotation. La compression à laquelle est soumis le cuivre passant par les trous d’acier de la filière, et forcé de se réduire au diamètre de ces trous, échauffe singulièrement le métal.

Après l’atelier de tréfilerie vient l’atelier de clouterie, où l’on fabrique des clous de cuivre à tête ronde ou carrée, et à pointe effilée. On les confectionne généralement à la main avec des verges de métal produites au laminoir. On fait chauffer ces verges, que l’on coupe à la longueur voulue pour chaque espèce de clou. La tête est rabattue au marteau sur une enclume spéciale, et la pointe effilée de même. Un ouvrier faisant toujours ce même travail, y acquiert une telle dextérité, un coup d’œil si exercé, une si grande promptitude que nous ne savons s’il serait économique d’employer pour les clous de cuivre une machine ad hoc, comme on l’a fait, par exemple, pour les pointes de Paris. Celles-ci sont coupées, appointées et ont la tête rabattue par un outil automatique remplaçant le travail de l’ouvrier.

Les clous ainsi que les feuilles de cuivre sont surtout employés au doublage des navires, les clous pour retenir les feuilles. On sait que le cuivre est moins altéré que le fer par l’eau de mer. On a essayé d’employer aussi le zinc à cet usage ; mais bien qu’ayant plus de durée que le fer parce qu’il est moins oxydable, il résiste cependant moins que le cuivre.

Dans les usines de Swansea, on ne se livre pas seulement à la fabrication du cuivre rouge et à sa transformation en feuilles, fils ou clous, on fabrique aussi le cuivre jaune ou laiton. C’est le métal que nous appelons vulgairement maillechort. Le laiton est une combinaison de cuivre et de zinc ; on l’obtient dans les usines, soit


La ville et la rade de Milford. — Dessin de Durand-Brager.


en faisant fondre ensemble du cuivre avec des minerais de zinc, soit en alliant dans les proportions voulues le cuivre et le zinc, le premier entrant généralement pour les deux tiers ou les trois quarts, le second pour un tiers ou un quart dans la préparation de l’alliage.

Le laiton fabriqué à Swansea y est laminé comme le cuivre ; puis les feuilles sont coupées d’équerre à la cisaille, mises en paquets et encaissées comme les feuilles de cuivre. Elles vont avec elles se répandre sur tous les marchés de métaux du monde, bien connues de de tous les négociants adonnés à cette importante branche de commerce.

Pour terminer ce qui a trait à l’usine de MM. Vivian, il resterait à parler du traitement des cuivres argentifères retirés surtout du Chili. Mais le traitement, du moins en ce qui a trait à l’extraction de l’argent, est tenu secret, et nous n’avons pu, après tant d’autres, franchir la porte des mystérieux ateliers où le précieux métal est séparé du cuivre. C’est ici surtout que le fondeur semble dire avec le poëte : Arrière profanes !

« Odi profanum vulgus, et arceo. »


Le créateur des grandes usines que nous venons de visiter est M. Vivian père, auquel Swansea reconnaissante a élevé une statue de bronze (jamais le bronze ne fut plus à propos employé), et que la reine d’Angleterre a fait, je crois, baronnet ; mais il n’est pas le seul dont les usines à cuivre doivent être citées. Il y a aussi à Swansea d’autres établissements dirigés par des Anglais, et qui marchent presque de front avec celui de MM. Vivian. Enfin il faut nommer un Français, M. Lambert, également propriétaire d’une vaste usine à cuivre, et qui représente dignement notre nation dans cette branche si intéressante de la métallurgie, la première après celle du fer.

La visite des usines à cuivre n’occupa point exclusivement nos loisirs lors de notre séjour à Swansea. Nous parcourûmes aussi les mines de charbon dont quelques-unes sont situées près des usines et de la ville. Elles sont de la plus grande importance pour les fondeurs auxquels elles fournissent tout le combustible qui leur est nécessaire. Le surplus, on l’a vu, est destiné a l’exportation, et forme en se dirigeant vers le Cornouailles, le Devon et tous les autres pays producteurs de minerais de cuivre, un utile élément d’échanges. La qualité surtout exploitée à Swansea est l’anthracite, dont j’ai déjà parlé à propos des charbons de Cardiff et du combustible en usage dans les usines à cuivre.

L’une des houillères est située près de l’usine Vivian, sur une hauteur. La maison du puits, la cheminée de la machine à vapeur d’extraction couronnent assez pittoresquement le coteau, et un long couloir en bois, soutenu par de grêles charpentes, sert à la descente du charbon. Ce couloir passe au-dessus de la route qui longe la vallée de Swansea. On verse ainsi le combustible directement au pied des fours des usines à cuivre et au bord du canal. Il n’y coûte pas plus de trois à quatre shillings la tonne de mille kilogrammes, soit trois francs soixante-quinze centimes à cinq francs. Ce prix si bas donne la clef du principal avantage dont jouissent les fondeurs de Swansea.