Une fille d’Alfred de Musset et de George Sand/IV

Bibliothèque littéraire de la "Revue internationale de pédagogie comparative" (p. 43-48).


IV

LES DOUTES


Cependant, des doutes vinrent à l’esprit de quelques-uns.

On remarqua qu’en 1854, date de la naissance de Norma, Musset et George Sand étaient depuis vingt ans séparés et sans relations.

Il avait paru d’ailleurs un peu étrange que Musset dédiât ses œuvres à un bébé de deux ou trois ans tout au plus, avec des paroles si affectueuses, lesquelles auraient dû faire supposer chez la personne qui en était l’objet, un esprit de discernement qui n’est généralement pas le propre d’un enfant en bas âge.

Du reste, l’écriture de ces dédicaces ne ressemblait aucunement à celle du poète.

M. Adolphe Brisson, rédacteur au Temps et aux Annales politiques et littéraires, qui a découvert et publié depuis les Mémoires de la Gouvernante de Musset, madame Martelet, autrefois mademoiselle Adèle Collin, alla interroger cette dame à ce sujet :

« Si M. de Musset, répondit-elle avec vivacité, avait eu une fille, c’est à moi qu’il l’eût confiée, et non à des mains étrangères[1]. »

Jamais George Sand, de son côté, n’aurait abandonné une fille sortie de ses flancs. N’a-t-elle pas pourvu à tous les besoins d’un frère illégitime qui, en outre, était ingrat et fainéant ?

Elle était la providence de tous les déshérités de son entourage, et chacun sait que le préjugé humain n’eut pas arrêté cette femme qui se glorifiait de descendre des rois de Pologne et de Maurice de Saxe par voie de bâtardise.

En définitive, qu’est-ce donc que cette Norma Tessum-Onda ?



  1. « Une légende veut que Musset ait eu de George Sand une fille qui serait née en 1854 et morte en 1875 dans un village près de la Rochelle, et qui aurait reçu de ses illustres parents les prénoms harmonieux et bizarres de Norma Tessum-Onda. J’espérais que Mme  Martelet pourrait m’éclairer sur cette filiation hypothétique. Elle s’en est expliquée avec une vivacité où perçait comme une pointe de dépit : « Vous concevez bien que si M. de Musset avait eu une fille, c’est à moi qu’il l’eût confiée, et non à des mains étrangères. » Il semble bien résulter en effet de pièces authentiques, que cette personne aux noms étranges était tout simplement la fille d’un tisserand de Saint-Germain-en-Laye. » Adolphe Brisson (Temps du 10 août 1896).