Une femme m’apparut/1905/20

Alphonse Lemerre, éditeur (p. 109-110).


XX


Plus tard, Lorély me dit, en parlant de Nedda :

« J’ai failli l’aimer. Et elle m’aime encore… »

Dans les yeux de ma décevante Undine, je lisais à la fois la compassion et l’envie. Elle continua :

« Je m’efforce de lui donner les croyances et le bonheur qui m’échappent… Je ressemble à ces comédiens qui, chaque soir, se fardent et revêtent un manteau royal pour l’illusion et la joie d’autrui. Le spectacle terminé, comme ils s’en retournent tristement, pauvres jusqu’à l’âme, dans les rues glacées, et couverts de ces quelques haillons que la vie leur laisse ! »

Ce fut dans mon âme une marche funèbre coupée par le glas…

Lorély avait oublié ma présence. Elle ajouta, se parlant à elle-même :

« Il faut envier les esclaves… Je suis libre, moi, libre, terriblement… »