Une famille pendant la guerre/XLVIII

Du même à la même.
Ambulance d’Oucques, 13 décembre, 5 h. du matin.

Chère maman,

Un mot pour que vous ne me cherchiez plus ici ; l’ordre arrive d’évacuer immédiatement l’ambulance, l’armée se retire sur Vendôme.

Des cacolets et des charrettes sont envoyés pour nous transporter, ceci me fait espérer qu’il ne s’agit pas d’une vraie déroute.

On s’est battu tous les jours, rien d’étonnant qu’on soit à bout. Chaque lieue de terrain cédé reste couverte de morts ; être vaincu malgré cela, c’est bien dur.

Nous partons dans une heure, peut-être plus tôt, car la fusillade éclate à l’instant derrière la maison de l’école, et cela va activer l’empaquetage des malades. Il fait un froid aigre et noir que l’on redoute pour plusieurs d’entre eux ; mais je ne suis pas de ceux-là et je ne risque rien dans mes couvertures.

Chère mère, adieu… Sachez que je vous aime de toute mon âme. Souhaitez-moi de guérir à temps pour recommencer…

Barbier n’a pas reparu. Un mobile de Loir-et-Cher arrivé hier soir croit son fils prisonnier.

Adieu, adieu à tous !…