Un philosophe sous les toits/Avant-Propos

Michel Lévy Frères, libraires-éditeurs (p. iii-iv).

AVANT-PROPOS.





Nous connaissons un homme qui, au milieu de la fièvre de changement et d’ambition qui travaille notre société, a continué d’accepter, sans révolte, son humble rôle dans le monde, et a conservé, pour ainsi dire, le goût de la pauvreté. Sans autre fortune qu’une petite place, dont il vit sur ces étroites limites qui séparent l’aisance de la misère, notre philosophe regarde, du haut de sa mansarde, la société comme une mer dont il ne souhaite point les richesses et dont il ne craint pas les naufrages. Tenant trop peu de place pour exciter l’envie de personne, il dort tranquillement enveloppé dans son obscurité.

Non qu’il se soit retiré dans l’égoïsme comme la tortue dans sa cuirasse ! C’est l’homme de Térence, qui ne « se croit étranger à rien de ce qui est humain. » Tous les objets et tous les incidents du dehors se réfléchissent en lui ainsi que dans une chambre obscure où ils décalquent leur image. Il « regarde la société en lui-même » avec la patience curieuse des solitaires, et il écrit, pour chaque mois, le journal de ce qu’il a vu ou pensé. C’est le calendrier de ses sensations, ainsi qu’il a coutume de le dire.

Admis à le feuilleter, nous en avons détaché quelques pages, qui pourront faire connaître au lecteur les vulgaires aventures d’un penseur ignoré dans ces douze hôtelleries du temps qu’on appelle des mois.