Un neveu d’Amérique, ou Les deux Frontignac/3


ACTE TROISIÈME.


Même décor qu’au deuxième acte.


Scène PREMIÈRE.

DOMINIQUE seul, puis SAVINIEN.

Dominique.

Ce qu’il a changé en une semaine, mon pauvre maître, c’est inconvenant ! Il ne parle plus que de la vie de famille, de tranquillité, d’ordre. Il m’humilie. Aussi ce que je vas le lâcher !… Je voudrais avoir autant de pièces de cent sous que je vas lui donner mes huit jours. Ah ! bon, voilà l’autre !

Savinien, entrant.

Mon oncle ? Où est mon oncle ?

Dominique.

Il doit dire des patenôtres, je vas le chercher. (Il sort.)

Savinien, seul.

Cette pauvre Mme  Roquamor, elle m’a ému. « Je ferai tout ce que vous voudrez, m’a-t-elle dit ; mais ayez-moi cette lettre. Oh ! cette lettre ! » Elle avait les larmes aux yeux. Dame, je l’embrassais comme du pain, tant que je pouvais. Bien méritante, cette pauvre dame-là.


Scène II

SAVINIEN, FRONTIGNAC.
Frontignac.

Ah ! te voilà, gamin.

Savinien.

Mon oncle, Mme  Roquamor est chez le portier, elle m’a supplié de lui rapporter sa lettre, n’osant pas venir vous la demander elle-même.

Frontignac.

Elle n’ose pas ? Dieu soit loué ! nous voilà tranquilles. Quant à sa lettre, je l’aurai brûlée.

Savinien.

Mais…

Frontignac.

Rien du tout ! Elle me fait frémir, cette femme-là. Je ne veux pas la voir. Je ne veux pas en parler, je ne veux pas y penser. Elle est chez le portier ? Qu’elle reste chez le portier. Ah ! a-t-il de la veine, le portier. Il ne sait pas comme il va s’amuser tout à l’heure. Le mari doit être à guetter au coin de la rue. Je te parie qu’elle fait déménager le portier.

Savinien.

Ah ! ça, mais, mon oncle…

Frontignac.

Non, tu ne sais pas, tu ne peux pas savoir ! Je t’en supplie, ne me parle jamais de Mme  Roquamor.

Savinien.

Il faut vous dire qu’au fond ça m’est absolument égal.

Frontignac.

En ce cas, plus un mot, et dis-moi, voyons, où en sont tes amours ?

Savinien.

Ça va bien, seulement M. Carbonnel m’a mis à la porte, et depuis la semaine dernière je n’ai pu échanger un mot avec Madeleine.

Frontignac.

Eh bien ! j’ai correspondu pour toi… Regarde ! (Il va à la fenêtre du fond et prend un peloton de laine qui pend à un long bout de fil.)

Savinien.

Qu’est-ce que cela ?

Frontignac.

La petite poste. (Poussant une exclamation.) Ah !

Savinien.

Quoi ?

Frontignac.

J’en étais sûr, vois, au coin de la rue. Tu ne le reconnais pas ? Roquamor ! Il guette !

Savinien.

N’y pensons donc plus. Voyons, mon oncle. Vous l’avez dit vous-même je ne veux plus penser à Mme  Roquamor.

Frontignac.

Je ne pense pas à elle. Je pense au portier. Ah ! qu’il va donc s’amuser tout à l’heure.

Savinien.

Tant mieux, tant mieux ! Mais cette petite poste ! quoi ? Je ne comprends pas.

Frontignac.

Eh bien hier, à cette fenêtre, je fumais mélancoliquement un de tes excellents cigares, en pensant à certain cheveu gris que le matin même Dominique avait cru découvrir sur ma tempe gauche, quand j’entends pousser un petit cri. Je lève la tête et j’aperçois Madeleine qui venait de laisser tomber un peloton de laine. Je rattrape au vol ledit peloton, j’écris à la hâte sur un bout de papier : « Mademoiselle, mon neveu sèche d’amour pour vous ; si vous ne lui répondez pas, je le connais, il est homme à se brûler la cervelle. » J’attache le poulet à la boule de laine, je fais un signe, le fil remonte, emportant ta déclaration. Un instant après il redescend, rapportant la réponse. Tiens, la voilà ! (Il lui donne une lettre qu’il tire de sa poche.) « Que M. Savinien ne se brûle rien, je n’aime et n’aimerai jamais que lui. » Est-ce charmant ? Hein !

Savinien, baisant la lettre.

Chère Madeleine !

Frontignac.

Dès lors la route était connue. Depuis hier nous avons échangé mille protestations plus incendiaires les unes que les autres, à faire venir les pompiers… Tiens, si tu veux t’enivrer de ses pattes de mouche, en voilà ! scélérat, en voilà ! (Il lui donne une liasse de lettres.)

Savinien, les baisant avec transport.

Ô bonheur !

Frontignac, le contemplant.

Oh ! la jeunesse ! la jeunesse ! que c’est beau ! Et contente à si peu de frais ! On n’a jamais rien inventé, on n’inventera jamais rien de mieux.

Savinien.

Oh ! mon oncle ! Si moi-même ?…

Frontignac.

Parfaitement. Écris, Savinien, et sois chaud, sois éloquent.

Savinien, après avoir écrit.

C’est fait.

Frontignac.

Tu lui as dit : je vous aime ?

Savinien.

Trois fois.

Frontignac.

Très-bien ! Et que son oncle est un tyran !

Savinien.

Tout le temps.

Frontignac.

Très-bien. (Il attache la lettre au peloton et fredonne.)

Dans une cour obscure…
Savinien.

Que chantez-vous là ?

Frontignac.

C’est le signal. Tu vois. (Le peloton remonte.) Là maintenant ! attendons la réponse

Savinien, lui prenant la main.

Ah ! mon oncle ! quelle bonne idée j’ai eue de vous retrouver.

Frontignac.

Tu m’as retrouvé !… Je t’ai retrouvé aussi.

Savinien.

Si je devais renoncer aujourd’hui à celle que j’aime, je ferais un coup de ma tête.

Frontignac.

Quoi donc ?

Savinien.

Une chose risquée, mais décisive.

Frontignac.

Pas besoin, voilà la réponse. — Ah ! laisse-moi faire, (Il prend le billet attaché au peloton.) Voyons ! Dégustons, savourons, Savinien, savourons, mon ami !

Savinien.

De grâce.

Frontignac, flairant le billet

Quel parfum ! — Respire-moi cela, ça embaume.

Savinien.

Mon oncle ! vous me faites mourir !

Frontignac.

Eh bien, lisons ! (Il lit.) « Je t’ai reconnu… » Elle te tutoie. « don Juan de pacotille. » Hein !

Savinien.

Hein !

Frontignac.

« Mais on n’attrape pas un vieux renard comme ton ami… Carbonnel. » Ah ! le vieux gueux ! Pincés, mon pauvre Savinien. Que veux-tu ! nous sommes pincés. (Flairant le billet et faisant la grimace.) Ce que c’est que l’illusion ! Ça sent le tabac.

Savinien.

Que faire ?

Frontignac.

Ma foi, je t’avoue que mon sac est vide.

Savinien.

Alors, en avant les grands moyens.

Frontignac.

Quels grands moyens ?

Savinien, à lui-même.

Il n’y a que cette ressource, tant pis !

Frontignac.

Quelle ressource ?

Voix de Carbonnel, au dehors.

Où est-il, ce vieux farceur ?

Frontignac.

Carbonnel.

Savinien.

Plus d’hésitations, occupez-le seulement un instant, mais occupez-le ferme ! (Il sort de côté comme un fou.)

Frontignac.

Qu’est-ce qu’il a ?


Scène III

FRONTIGNAC, CARBONNEL.
Carbonnel, d’un ton de bonne humeur.

Eh ! bien, vieux farceur toujours des fredaines. L’heure du repos ne sonnera donc jamais pour toi. Voilà que maintenant tu lances des déclarations par les fenêtres, tu inventes des ficelles électriques.

Frontignac.

Mon ami, c’est pour le bon motif. Tu ne peux pas t’imaginer comme nous en avons, des bons motifs !

Carbonnel.

Tu veux absolument me prendre pour un tuteur de comédie, un bonhomme en pain d’épice.

Frontignac, se récriant.

En pain d’épice ! Moi, ton vieil ami ! Tu es dur !

Carbonnel.

Et cela, parce que ton neveu revient d’Amérique. Autrefois, c’étaient les oncles qui revenaient de ce pays-là, et cousus d’or.

Frontignac.

Eh bien, oui, je conviens que j’ai eu tort… de n’avoir pas réussi. Mais que veux-tu ? J’en ai assez de toutes ces diaboliques manœuvres qui dérangent mon existence et troublent les fonctions de mon estomac. Il faut que cela finisse, il faut que Savinien épouse Madeleine.

Carbonnel, froidement.

C’est aussi mon avis.

Frontignac, étonné.

Hein ! tu dis ?

Carbonnel.

Je dis ! c’est aussi mon avis.

Frontignac.

Mais alors tout s’arrange ! Je pensais : on m’a changé mon Carbonnel… Je le retrouve, ce bon, cet excellent Carbonnel. À quand la noce ?

Carbonnel.

Oh ! pas si vite, je mets mes conditions.

Frontignac.

C’est trop juste. Voyons les conditions.

Carbonnel.

Ton neveu a-t-il autre chose que les 1,800 francs de son bureau ?

Frontignac.

Oui.

Carbonnel.

Quoi ?

Frontignac.

Ma bénédiction.

Carbonnel.

Espères-tu rompre avec Marcandier ?

Frontignac.

Oui !

Carbonnel.

Quand ?

Frontignac.

À mon décès !

Carbonnel.

Passons !

Frontignac.

Jusqu’à présent les conditions me semblent assez douces.

Carbonnel.

Frontignac !

Frontignac.

Mon bon Carbonnel.

Carbonnel.

Connais-tu les assurances sur la vie ?

Frontignac.

De réputation, ça doit faire mourir jeune.

Carbonnel.

Au contraire ! Ça fait vivre très-vieux. Écoute-moi donc. Je l’ai dit et je te répète que Madeleine ayant peu de fortune, il est de toute nécessité que ton neveu ait, sinon un capital acquis, du moins des espérances.

Frontignac.

Des espérances ! Tu ne pourrais pas de servir d’un terme plus riant !

Carbonnel.

Eh bien, l’assurance en cas de mort te donne le moyen de remplir la condition. Suis mon raisonnement.

Frontignac.

Volontiers, mais je t’en prie, ne parle pas trop de mon décès, cela m’est désagréable.

Carbonnel.

Que reçois-tu de Marcandier ! Dix pour cent de la somme qu’il a prise en viager, trente mille francs. Eh bien, distrais deux pour cent, six mille francs, de ce revenu, et consacre les au payement d’une prime annuelle à ma compagnie qui, le jour où tu fermeras les yeux, tu vois que je te ménage, comptera deux cent mille franc ; à ton neveu Savinien.

Frontignac.

Tiens !… tiens ! C’est fort ingénieux ! Mais es-tu bien sûr que ça ne me portera pas malheur ?

Carbonnel.

Au contraire ! La compagnie ne payant qu’à la mort de l’assuré, a tout intérêt à prolonger sa vie, elle veille sur lui, elle le protège comme une tendre mère ; tous les centenaires dont on publie les noms dans les journaux sont nos clients. Je gagerais que de son temps feu Mathusalem… sa longévité inusitée ne pourrait guère s’expliquer autrement.

Frontignac.

Voyons, pas de bêtises, tu es bien sur de ça ? toi.

Carbonnel.

Ne suis-je pas directeur de la Lutécienne ?

Frontignac.

C’est juste !

Carbonnel.

Eh bien, voyons ! la condition te convient-elle ?

Frontignac, hésitant.

Es-tu assuré, toi ?

Carbonnel.

Parbleu !

Frontignac.

Mais alors, pourquoi donc ne suis-je pas assuré, moi aussi ?

Carbonnel.

Parce que tu n’es qu’une oie !

Frontignac, susceptible.

Carbonnel !

Carbonnel.

Mettons un égoïste.

Frontignac.

À la bonne heure !

Carbonnel.

Ça te va-t-il ?

Frontignac.

Parfaitement.

Carbonnel.

Alors, je vais faire venir le médecin.

Frontignac.

Un médecin, déjà ? Quel médecin ?

Carbonnel.

Le médecin de la Compagnie, le docteur Imbert, un charmant homme qui vient prendre amicalement de vos nouvelles, vous ausculte.

Frontignac, défiant.

Il vous ausculte ?

Carbonnel.

Vous palpe.

Frontignac.

Il vous palpe ? Il n’y a rien de fait.

Carbonnel.

Pourquoi ?

Frontignac.

Ça me chatouille.

Carbonnel.

Raisonnons pourtant. Crois-tu que la Compagnie serrait bien aise d’assurer un bonhomme que n’aurait plus que deux ou trois ans à vivre. Ne faut-il pas qu’elle sache si le coffre est bon, le cœur sain, l’estomac solide ?

Frontignac.

Et si le coffre, le cœur ou l’estomac laissaient à désirer ?

Carbonnel.

Le médecin ne signerait pas ton certificat et la Compagne n’accepterait pas l’affaire, voilà tout.

Frontignac.

Voilà tout ! est simplement féroce. Ainsi, le client qui se croit valide et bien portant apprend là, carrément, sans mitaines, que son passeport est signé pour l’autre monde. Paf !

Carbonnel.

Dam ! que veux-tu ? Pas de certificat, rien de fait.

Frontignac.
Mais c’est affreux, cela ! c’est épouvantable ! Rien que d’y songer, j’ai la chair de poule. Je ne veux pas voir ton médecin. Au diable ton médecin !
Carbonnel.

Allons donc ! Est-ce que cela te regarde, un gaillard comme toi ? D’ailleurs, je t’ai dit, mon cher, que c’était indispensable et même…

Frontignac.

Achève ! Seraient-ils deux maintenant ?

Carbonnel.

Non ! un seul suffit ; mais pensant bien d’avance que tu accepterais mon moyen, j’ai prié le docteur Imbert de passer chez toi.

Frontignac.

Il va venir ici ?

Carbonnel, regardant sa montre.

Dans quelques minutes.

Frontignac.

Sapristi ! tu ne pouvais pas me prévenir plus tôt ? Et ma toilette ?

Carbonnel.

Ta toilette ! Tu es d’une élégance… On dirait que tu vas à un enterrement !

Frontignac, lui serrant le bras avec violence.

Carbonnel !

Carbonnel.

Non ! non ! une noce.

Frontignac, très-ému.

Oh ne plaisante pas ainsi, Carbonnel ; je dois être d’une pâleur… Un médecin ! un médecin ! (On entend sonner.)

Carbonnel.

Le voilà !

Frontignac.

Fais-le attendre ! (À part.) Je vais me mettre un peu de rouge. (Haut.) C’est égal : un médecin ! un médecin ! (Il sort au moment où Marcandier entre par le fond.)


Scène IV

CARBONNEL, MARCANDIER.
Marcandier, qui a entendu les derniers mots de Frontignac.

Un médecin ! Frontignac demande un médecin ?

Carbonnel.

Eh ! mon Dieu ! oui, cher monsieur Marcandier, il s’y décide enfin, mais peut-être trop tard, hélas ! sa santé, altérée par de longs excès…

Marcandier.

Est-il possible ?

Carbonnel.

Sa santé gravement compromise, demande les plus sévères ménagements.

Marcandier.

Ah ! mon Dieu !

Carbonnel.

Enfin j’ai décidé, non sans peine, notre ami à accepter les services d’un médecin. Dieu veuille que le docteur Imbert ne lui reconnaisse pas le germe d’une maladie.

Marcandier.

Très-grave !

Carbonnel.

Sinon très-grave, du moins…

Marcandier.

Mortelle ?

Carbonnel.

Vous l’avez dit.

Marcandier.

Ce que c’est pourtant que de nous ! Un homme qui paraissait jouir d’une si florissante santé.

Carbonnel.

Après tout, je m’inquiète peut-être, à tort. C’est, du reste, ce que nous allons bientôt savoir, car j’ai donné rendez-vous ici au docteur.

Marcandier.

Quoi qu’il en coûte à mon affection, vous permettez que j’assiste à la visite ?

Carbonnel.

Impressionnable comme je vous connais, vous feriez peut-être mieux.

Marcandier.

Non ! non ! j’aurai la force de dissimuler mon émotion. Et puis, croyez-moi, ne changeons pas trop brusquement le genre de vie du malade. On sonne.

Carbonnel.

Ah ! voici sans doute le docteur.

Dominique, annonçant.

Le docteur Imbert !

Carbonnel, à Dominique

Prévenez votre maître.

Marcandier, à part.

Je vais donc savoir enfin à quoi m’en tenir.


Scène V

CARBONNEL, MARCANDIER, IMBERT
puis FRONTIGNAC.
Carbonnel.

Mon cher docteur, je vous serre la main.

Imbert.

Eh ! mais, M. Marcandier, me voici en pays de connaissance.

Marcandier.

Ne nous cachez, rien, docteur, ne nous cachez rien nous aurons le courage de tout entendre. (Voyant entrer Frontignac par la droite.) Chut ! (Frontignac salue le docteur d’un air contraint.)

Carbonnel, les présentant l’un à l’autre.

M. de Frontignac, M. le docteur Imbert.

Frontignac.

Monsieur !

Imbert.

Monsieur, vous savez ce qui m’amène. J’espère n’avoir à tirer qu’un heureux pronostic.

Frontignac, à part.

Il est poli, mais signera-t-il son certificat ? (Appelant.) Dominique !

Carbonnel.

Que désires-tu ?

Frontignac.

Une plume et de l’encre pour le certificat du docteur.

Carbonnel, montrant la table.

Il y a là tout ce qu’il faut.

Imbert, souriant.

Vous êtes pressé, monsieur ?

Frontignac.

Un rendez-vous.

Marcandier, à part.

Le fait est qu’il a le teint mauvais.

Imbert.

Si vous voulez bien vous asseoir.

Frontignac, s’asseyant, à part.

Est-ce qu’il a son instrument ? Ah ! Savinien ! Savinien ! tu ne sauras jamais ce que tu me coûtes !

Imbert.

Ne bougeons plus.

Frontignac, à part.

C’est un photographe ! (Imbert ausculte Frontignac dans le dos.) Entrez !

Imbert.

Respirez longuement et fortement. (Frontignac pousse une respiration à éclater.)

Marcandier, à part.

Tiens, si, de mon côté, je prenais aussi une consultation ! (Il imite Frontignac, mais respire difficilement.)

Imbert.

Dites ba, bé, bi, bo, bu.

Frontignac.

Comment ?

Carbonnel.

Dis ba.

Frontignac, à part.

Non, il paraît que c’est un maître d’école. (Avec force.) Ba, bé, bi, bo, bu.

Marcandier, faiblement.

Ba, bé, bi, bo, bu.

Imbert, regardant alternativement Frontignac et Marcandier.

Ah !

Frontignac, se levant, va à la table, prend une plume et la présente à Imbert.

Docteur !

Imbert.

Qu’est-ce que cela ?

Frontignac.

Une plume… pour signer.


Imbert.

Oh ! nous n’avons pas fini. Asseyez-vous encore et toussez maintenant.

Frontignac, s’asseyant.

Comment, que je tousse ?

Marcandier.

On vous demande de tousser, ce n’est pas bien difficile, moi, je tousse quand je veux.

Frontignac.

Et même quand vous ne voulez pas. (À part.) Savinien ! Savinien !

Marcandier, toussant.

Hum !

Imbert, croyant que c’est Frontignac qui a toussé.

Ah ! la vilaine toux !

Marcandier.

Comment ! la vilaine… mais…

Frontignac, toussant comme un coup de tonnerre.

Hum !

Imbert.

Voilà ce qui s’appelle tousser ! Quel creux ! quel velouté ! Un coup de canon !

Frontignac.

La représentation est-elle terminée ?

Imbert.

Un instant encore. (Il lui donne des coups de poing dans le dos.)

Frontignac.

Sapristi ! c’est un professeur de boxe maintenant !

Imbert.

Qu’est-ce que cela vous fait ?

Frontignac, radieux.

Rien.

Marcandier, se frappant la poitrine.

Ça me fait mal !

Frontignac, se levant et offrant la plume à Imbert.

Docteur, la plume.

Imbert.

Quelques questions et c’est fini. Le matin, vers les onze heures, n’éprouvez-vous pas des tiraillements d’estomac ?

Frontignac, gardant la plume à la main.

Oui.

Marcandier, à part.

Comme moi !

Imbert.

Vers les dix heures du soir, cela ne vous reprend-il pas ?

Frontignac, inquiet.

Cela me reprend.

Marcandier, à part.

Moi aussi !

Imbert.
Vers minuit, n’éprouvez-vous pas un certain appesantissement des paupières, des envies de bâiller, des somnolences ?
Frontignac, de plus en plus inquiet et dissimulant la plume qu’il tenait à la main.

Je les éprouve.

Marcandier, à part.

Comme moi !

Imbert.

Quand vous avez fait un grand exercice, ne ressentez-vous pas de la lassitude dans les jointures, le désir de vous asseoir ?

Frontignac, regardant sa plume d’un air piteux.

Je le ressens !

Marcandier, à part.

Moi aussi !

Imbert.

Je passe rapidement sur les autres symptômes le désir de vous chauffer quand il fait froid, de rechercher le frais quand il fait chaud.

Frontignac.

Oui, oui !

Marcandier.

Oui, oui !

Imbert.

Ah ! ah !

Frontignac.

C’est donc bien grave, docteur ? N’y pensons plus ! (il va pour briser la plume, quand Imbert la prend et remonte.)

Imbert.

Eh bien, Monsieur, si vous ne tombez pas d’un cinquième étage, si vous ne sautez ni dans un bateau à vapeur ni dans un chemin de fer, si vous ne recevez pas une cheminée sur la tête ou une broche à travers le corps, vous avez une grande chance de nous enterrer tous ; vous vivrez cent ans. (Pendant ces derniers mots, Imbert, tout en jouant avec la plume, a tiré de son portefeuille une feuille de papier, l’a signée et la remettant à Frontignac.) Voilà votre certificat, monsieur.

Frontignac, qui a suivi avec anxiété tout le jeu de la scène précédente, en voyant son dénouement, pousse une exclamation de joie très-bruyante.

Hum !

Imbert.

Oh ! c’est inutile maintenant.

Marcandier.

Cent ans ! (Allant à Carbonnel.) Ah ça ! mais que m’avais-tu donc dit ?

Carbonnel.

Il paraît que je me suis trompé. Réjouissons-nous !

Frontignac.

Cent ans ! ah ! docteur, quelle bonne parole ! Et moi qui avais horreur des médecins. Cent ans ! N’exagérez-vous pas ?… Un peu… voyons…

Imbert, riant.

Une heure ou deux peut-être.

Frontignac

Vous êtes le roi des médecins ! Vous serez mon ami, mon compagnon ! Vous ne me quitterez pas !

Marcandier, à part.

Cet homme est cynique dans l’expansion de son horrible santé.

Imbert, salue et remonte.

Monsieur ! (Aux autres.) Messieurs !

Frontignac.

Enchanté, docteur, d’avoir fait votre connaissance. (Il remonte pour le reconduire.)


Scène VI

CARBONNEL, MARCANDIER.
Marcandier.

M’expliquerez-vous, monsieur Carbonnel, ce que signifie la scène à laquelle je viens d’assister.

Carbonnel.

Rien de plus simple, mon cher monsieur. Las de vos tergiversations, désireux de laisser après lui un capital à son neveu, notre ami vient de faire assurer une somme de 200,000 francs à la Lutécienne.

Marcandier, à part.

Je suis joué.


Scène VII

Les mêmes, FRONTIGNAC.
Frontignac, rentrant.

Tu sais qu’il est charmant, ton médecin.

Carbonnel.

Que le disais-je ? (Tirant un papier de sa poche.) Maintenant, signe-moi ce papier, je vais faire préparer le contrat, que je rapporterai dans une heure.

Frontignac.

À ton aise.

Carbonnel.

Venez-vous, monsieur Marcandier.

Marcandier, à part.

Ah ! l’on m’a berné ! Eh bien, que je trouve une occasion et l’on verra !…

Frontignac.

Adieu, adieu ! (Il les conduit.)


Scène VIII

FRONTIGNAC, seul

On a tort de railler les médecins ; ils sont précieux, quand on n’est pas malade. Voilà l’avenir de Savinien assuré. Il est vrai qu’à cette combinaison je perds le cinquième de mon revenu ; mais là, vrai ! je ne le regrette pas. Il épouse Madeleine, et avant un an me donne une demi-douzaine de petits-neveux… une demi-douzaine c’est peut-être beaucoup en un an ; mais un Américain ! (Antonia entre.) N’importe ! me voilà rangé, tranquille. J’ai rompu à jamais avec ces intrigues banales, cette existence de viveur. C’est délicieux !


Scène IX

FRONTIGNAC, ANTONIA.
Antonia.

Bonjour, monsieur de Frontignac.

Frontignac.

Madame Roquamor ! Mon Dieu que j’ai eu peur !

Antonia, coquette.

Eh mais ! ne dirait-on pas que ma présence vous contrarie ?

Frontignac.

Votre présence me contrarier ?… horriblement !

Antonia.

Hein ?

Frontignac.

Vous n’étiez donc pas bien chez le portier ?

Antonia.

Mais…

Frontignac.

Mais vous ne savez donc pas que votre mari, votre chacal de mari, est au coin de la rue à guetter ; et il va venir, votre abominable mari, j’en mettrais sa main au feu.

Antonia.

Monsieur…

Frontignac.

Vous encore… Oh ! vous, oui, toujours vous, parce que vous enfin…

Antonia.

Moi, monsieur, je suis infiniment mortifiée de l’accueil que vous me faites. Le prétexte de mon mari est habile, sans doute, mais indigne d’un homme qui n’a pas craint de compromettre une pauvre jeune femme. Mais j’ai compris à la fin mon inconséquence, et c’est ma lettre que je viens chercher.

Frontignac.

Votre lettre ! Ah ! si je savais où je l’ai fourrée ! J’ai dû la brûler, madame, je l’ai brûlée.

Antonia, troublée.

Oh juste châtiment d’un moment de coquetterie. Mais c’est indigne à vous, monsieur.

Frontignac, à part.

Je parie cent sous que le mari va arriver.

Antonia.

On fait la cour à une pauvre femme, on a recours aux plus suaves poésies pour l’éblouir, on fait le désespéré. Alors cette femme a pitié ! Elle écrit un mot de compassion et livre une arme contre elle. (Elle tombe sur un siège.)

Frontignac, animé.

Une arme ! De quoi me soupçonnez-vous, madame, vous croyez que je jouais un rôle ! Oh ! loin de moi… (Il s’approche.) Non, ma bouche n’a point menti. Je vous aimais, Antonia, je vous aime encore. Mais (Il lui saisit la main.) moi aussi, j’ai réfléchi à l’inconséquence, moi aussi j’ai rebroussé chemin vers le Sentier de la vertu. (Il serre la main d’Antonia dans les siennes avec effusion) J’ai compris comme il est vilain de tromper son semblable ! Car (Il baise les mains d’Antonia.) il ne faut pas croire que je refuse à votre mari la qualité de mon semblable ! (Même jeu.) Il est mon semblable Antonia. (S’asseyant près d’elle.) Je vous le jure et en pensant à ce que je vous avais dit, à ces poésies, à ces effluves, je me suis senti honteux, car, croyez-le, Antonia (Il la serre dans ses bras.), croyez-moi, Ô ange ! il n’y a rien de vrai ici-bas, que le bon motif. (Il l’embrasse.)

Antonia.

Mais, monsieur…

Frontignac.

Voyez-vous quelle tranquillité dans notre cœur, maintenant que la vertu l’emplit. (Même jeu.)

Antonia.

Cependant, permettez, permettez !

Frontignac.

Eh quoi ?

Antonia.

Mais, vous m’embrassez.

Frontignac.

Parfaitement, de tout mon cœur. (Même jeu.)

Antonia.

Mais, mais…

Frontignac.

Qu’est-ce que ça fait ? Puisque nous sommes tout au bon motif ! (Il se met à ses genoux.)

Antonia.

Je vous en prie, Stanislas…

Frontignac, avec passion.

Ah ! ange ! Oh ! Mon ange ! Si ma voix peut encore émouvoir votre âme, si j’ai pu éveiller l’écho de vos sentiments, je vous en supplie… retournez chez le portier.

Antonia, se levant.

Ah !

La voix de Roquamor, au dehors.

Ma femme est ici !

Antonia.

Mon mari !

Frontignac.

Qu’est-ce que je vous disais !

Antonia.

Je suis perdue, cachez-moi !

Frontignac, à part.

Elle était si bien chez le portier.

Antonia.

Où fuir ?

Frontignac.

Par l’escalier de service. Vous m’excuserez si je ne vous reconduis pas. (Antonia se sauve par la porte par laquelle est sorti Savinien à la deuxième scène. Frontignac, toujours troublé, est resté assis sur ses talons. La porte du fond s’ouvre brusquement.)


Scène X

FRONTIGNAC, ROQUAMOR, MARCANDIER.
Roquamor.

À genoux ! À ses genoux ! Où est-elle ?

Marcandier.

Sous le canapé ! (Il se baisse.)

Frontignac, étonné.

M. Marcandier.

Roquamor.

Que faites-vous là ?

Frontignac.

Pénitence de mes erreurs, et je cherche une épingle.

Roquamor.

Monsieur, assez de subterfuges. On a vu ma femme entrer dans cette maison !

Frontignac.

Qui ça, on ?

Roquamor.

Peu importe ! Elle ne peut-être qu’ici. Le nierez-vous ?

Marcandier, à part.

Ah mon gaillard, tu veux vivre cent ans.

Roquamor.

Votre silence est un aveu. D’ailleurs, je saurai bien la trouver. (Il se dirige vers la gauche.)

Frontignac, se levant.

Pardon, mon cher monsieur Roquamor, vous avez loué mon appartement, très-bien ! mais seulement à partir du 15 juillet ; alors, (Il se place devant la porte de gauche.) c’est-à-dire dans trois semaines, vous pourrez, tout à votre aise, vous assurer de la présence de madame Roquamor.

Roquamor.

Est-ce une plaisanterie ?

Frontignac.

Jusque-là, je vous rappellerai qu’une visite domiciliaire exige certaines formalités prescrites par la loi.

Marcandier.

Un commissaire.

Roquamor.

C’en est trop, monsieur, vous m’en rendrez raison.

Frontignac.

À vos ordres.

Marcandier, À part.

Ça y est !

Roquamor.

Sortons !

Frontignac.

Sortons !


Scène XI

Les mêmes, CARBONNEL.
Carbonnel.

La police ! voici la police !

Roquamor et Frontignac.

Hein !

Marcandier.

Le commissaire !

Roquamor.

Ah ! monsieur se fait protéger !

Frontignac.

Ah ! monsieur se fait escorter.

Carbonnel.

Que disent-ils ? Mais non ! La police… la police d’assurance.

Frontignac.

Il s’agit bien d’assurance. Nous nous battons avec monsieur, tu me serviras de témoin.

Carbonnel.

Te battre ! Tu ne le peux pas. La compagnie interdit formellement le duel.

Frontignac.

Allons donc !

Carbonnel, animé.

Il n’y a pas de : allons donc ! Voici ton contrat, tu as signé, tu as pris l’engagement de vivre le plus longtemps possible, et de ne jamais exposer ta vie : te battre serait de l’indélicatesse. Ah ! la compagnie ferait de belles affaires si ses clients avaient le droit de recevoir une balle dans la tête ou un coup d’épée dans la poitrine, ça serait trop commode ; on signe, on se fait tuer, et l’on reçoit deux cent mille francs. Tu ne le peux pas, tu ne le feras pas.

Marcandier, à part.

Ah ! le gueux.

Roquamor, railleur.

Voilà, parbleu ! qui est fort bien imaginé. On insulte les gens, on se met à leurs ordres, puis au dernier moment, la compagnie vous défend de se battre.

Carbonnel.

Distinguons ! La compagnie lui permet de vous tuer, mais non de se faire tuer.

Frontignac.

C’est insensé ! absurde ! monstrueux. Et je vais…

Carbonnel.

Déshériter ton neveu !

Frontignac, atterré.

Sapristi !

Marcandier, à part.

Ah ! tu ne peux pas te battre, intrigant ! (Haut.) Alors, si l’on disait que vous êtes un coureur d’aventures…

Frontignac, se contenant.

M. Marcandier.

Marcandier.

Un croquant ! un cuistre.

Frontignac, de même.

M. Marcandier !

Marcandier.

Un barbon ridicule !

Frontignac.

Un barbon… Oh ! (Au moment où Marcandier se retourne d’un air méprisant, Frontignac lui détache un coup de pied au bas des reins. — À Carbonnel.) Est-ce défendu par la police ?

Carbonnel.

C’est permis !

Marcandier.

Oh !

Roquamor.

Ah ! monsieur, sortons-nous, ou ne sortons-nous pas ?

Frontignac

Je vous suis. (À Carbonnel.) Tant pis !

Carbonnel.

En ce cas, tout est rompu et que ton neveu aille au diable !


Scène XII

Les mêmes, ANTONIA.
Antonia.

Ne dites pas cela, M. Carbonnel.

Roquamor.

Ma femme !

Frontignac, à part.

Ça se corse !

Antonia.

Non, ne dites pas cela ! Il y allait, M. Carbonnel.

Carbonnel.

Où ça ? Au diable ?

Antonia.

Tout droit ; mais pas seul : avec votre nièce.

Carbonnel.

Madeleine…

Antonia.

Qu’il avait enlevée ce matin.

Carbonnel.

Pendant que j’étais ici.

Frontignac.

Pendant que tu m’assurais.

Carbonnel.

Mais où sont-ils ?

Antonia.

Écoutez-moi ! Après avoir décidé Madeleine à le suivre, il la conduisit chez votre belle-sœur. Malheureusement elle n’y était pas. Ils n’avaient pas déjeuné ! Que faire ?

Frontignac.

Pauvres enfants !…

Carbonnel.

Tais-toi donc !

Antonia.

Il la mena au Moulin-Rouge.

Frontignac, attendri.

Ça fend l’âme.

Antonia.

On leur servit la moindre des choses. Six douzaines d’Ostende, du foie gras, du perdreau, quelques primeurs et un parfait arrosé d’un doigt de champagne.

Frontignac, ému.

Et le café, le pousse-café ! J’en pleure…

Carbonnel.

Et ma nièce a osé… la… à une table… au milieu de viveurs…

Antonia.

Rassurez-vous ! ils avaient pris un cabinet.

Carbonnel.

Un cabinet !

Frontignac.

Quelle délicatesse !

Antonia.

Puis ils firent demander une voiture.

Carbonnel.

Pour aller ?

Antonia.

À la campagne je les surpris au chemin de fer où j’étais allée attendre la domestique qui m’arrive de Normandie. Savinien était au guichet, il demandait deux premières pour San Francisco.

Marcandier, à part.

Elle appelle ça aller à la campagne !

Antonia.

Je les suppliai, je les touchai et parvins à les décider à revenir chez vous, où, depuis trois mortelles heures, je vous attends.

Roquamor, d’un bond, à Frontignac, en lui tendant la main.

Vous savez que je vous fais mes excuses, mon cher, mon tendre ami ! (Montrant Marcandier.) C’est ce monsieur qui m’avait mis dans la tête…

Frontignac.

Après tout mieux vaut dedans que dessus.

Carbonnel.

Mais eux, les monstres !

Antonia, ouvrant la porte de gauche.

Les voilà !


Scène XIII

Les mêmes, MADELEINE, SAVINIEN.

Madeleine est très-rouge, Savinien a une légère pointe. Il tient à la main une petite cage, dans laquelle il y a un serin. Ils entrent de quelques pas et s’arrêtent confus, comme des enfants pris en flagrant délit de gaminerie. Léger silence.

Carbonnel, avec un pas vers eux.

Ainsi, Madeleine… (Madeleine, effrayée, se blottit contre Savinien et cache son visage dans la poitrine de celui-ci.)

Madeleine.

Mon Dieu !

Carbonnel.

Eh bien !…

Savinien.

Elle cache sa confusion (Avec la grimace d’un homme qui va pleurer.) Que ne puis-je de même cacher la mienne !…

Carbonnel.

Et si je vous demandais raison ?

Frontignac.

Tu ne peux pas, mon ami.

Carbonnel.

Hein ?

Frontignac.

Tu es assuré.

Carbonnel.

C’est juste !

Frontignac.

Et puis, sont-ils donc bien coupables ? C’est l’intention qu’il faut voir. À l’instant encore, M. Roquamor soupçonnait sa femme, et cependant elle, comme eux, n’en a rien fait que, pour le bon motif. Tout est là, mon ami : il ne faut avoir d’indulgence que pour l’autre.

Carbonnel.

Votre avis, donc ?

Frontignac.

Bénissons-les ! (Assentiment général.)

Carbonnel.

Allons !

Madeleine.

Ah ! mon oncle !

Savinien, À Carbonnel.

Ah ! mon oncle !

Frontignac.

Et, convertis de même, nous finirons nos jours près d’eux.

Madeleine.

Bien soignés, bien aimés, bien choyés.

Frontignac.

En famille !

Marcandier, à part.

En famille, je suis ruiné ! (Rideau.)



FIN.