Traité du gouvernement civil (trad. Mazel)/Chapitre XII

Traduction par David Mazel.
Royez (p. 233-250).


CHAPITRE XII.

De la Subordination des Pouvoirs de l’État.


Ier. Dans un état formé, qui subsiste, et se soutient, en demeurant appuyé sur les fondemens, et qui agit conformément à sa nature, c’est-à-dire, par rapport à la conservation de la société, il n’y a qu’un pouvoir suprême, qui est le pouvoir législatif, auquel tous les autres doivent être subordonnés ; mais cela n’empêche pas que le pouvoir législatif ayant été confié, afin que ceux qui l’administreroient, agissent pour certaines fins, le peuple ne se réserve toujours le pouvoir souverain d’abolir le gouvernement ou de le changer, lorsqu’il voit que les conducteurs, en qui il avoit mis tant de confiance, agissent d’une manière contraire à la fin pour laquelle ils avoient été revêtus d’autorité. Car tout le pouvoir qui est donné et confié en vue d’une fin, étant limité par cette fin-là, dès que cette fin vient à être négligée par les personnes qui ont reçu le pouvoir dont nous parlons, et qu’ils font des choses qui y sont directement opposées ; la confiance qu’on avoit prise en eux, doit nécessairement cesser et l’autorité qui leur avoit été remise est dévolue au peuple, qui peut la placer de nouveau, où il jugera à propos, pour sa sûreté et pour son avantage. Ainsi, le peuple garde toujours le pouvoir souverain de se délivrer des entreprises de toutes sortes de personnes, même de ses législateurs, s’ils venoient à être assez fous ou assez méchans, pour former des desseins contre les libertés et les propriétés des sujets. En effet, personne, ni aucune société d’hommes, ne pouvant remettre sa conservation, et conséquemment tous les moyens qui la procurent, à la volonté absolue et à la domination arbitraire de quelqu’un, quand même quelqu’un en auroit réduit d’autres à la triste condition de l’esclavage, ils seroient toujours en droit de maintenir et conserver ce dont ils n’auroient point droit de se départir ; et étant entrés en société dans la vue de pouvoir mieux conserver leurs personnes, et tout ce qui leur appartient en propre, ils auroient bien raison de se délivrer de ceux qui violeroient, qui renverseroient la loi fondamentale, sacrée et inviolable, sur laquelle seroit appuyée la conservation de leur vie et de leurs biens. De sorte que le peuple doit être considéré, à cet égard, comme ayant toujours le pouvoir souverain, mais non toutefois comme exerçant toujours ce pouvoir ; car, il ne l’exerce pas, tandis que la forme de gouvernement qu’il a établie subsiste ; c’est seulement lorsqu’elle est renversée par l’infraction des loix fondamentales sur lesquelles elle étoit appuyée.

II. Dans toutes les causes, et dans toutes les occasions qui se présentent, le pouvoir législatif est le pouvoir souverain. Car, ceux qui peuvent proposer des loix à d’autres, doivent nécessairement leur être supérieurs : et puisque l’autorité législative n’est l’autorité législative de la société, que par le droit qu’elle a de faire des loix pour toutes les parties et pour tous les membres de la société, de prescrire des règlemens pour leurs actions, et de donner le pouvoir de punir exemplairement ceux qui les auroient enfreints, il est nécessaire que le pouvoir législatif soit souverain, et que tous les autres pouvoirs des différens membres de l’état dérivent de lui et lui soient subordonnés.

III. Dans quelques états où l’assemblée de ceux qui ont le pouvoir législatif n’est pas toujours sur pied, et où une seule personne est revêtue du pouvoir exécutif, et a aussi sa part au législatif, cette personne peut être considérée, en quelque manière, comme souveraine. Elle est souveraine, non en tant qu’en elle seule réside tout le pouvoir souverain de faire des loix, mais premièrement, en tant qu’elle a en soi le pouvoir souverain de faire exécuter les loix ; et que de ce pouvoir dérivent tous les différens pouvoirs subordonnés des magistrats, du moins la plupart ; et en second lieu, en tant qu’il n’y a aucun supérieur législatif au-dessus d’elle, ni égal à elle, et que l’on ne peut faire aucune loi sans son consentement. Cependant, il faut observer encore que, quoique les sermens de fidélité lui soient prêtés, ils ne lui sont pas prêtés comme au législateur suprême, mais comme à celui qui a le pouvoir souverain de faire exécuter les loix faites par lui, conjointement avec d’autres. La fidélité à laquelle on s’engage par les sermens, n’étant autre chose que l’obéissance que l’on promet de rendre conformément aux loix, il s’ensuit que, quand il vient à violer et à mépriser ces loix, il n’a plus droit d’exiger de l’obéissance et de rien commander, à cause qu’il ne peut prétendre à cela qu’en tant qu’il est une personne publique, revêtue du pouvoir des loix, et qui n’a droit d’agir que selon la volonté de la société, qui y est manifestée, par les loix qui y sont établies. Tellement que dès qu’il cesse d’agir selon ces loix et la volonté de l’état, et qu’il suit sa volonté particulière, il se dégrade par-là lui-même, et devient une personne privée, sans pouvoir et sans autorité.

IV. Le pouvoir exécutif remis à une seule personne, qui a sa part aussi du pouvoir législatif, est visiblement subordonné, et doit rendre compte à ce pouvoir législatif, lequel peut le changer et l’établir ailleurs, comme il trouvera bon : en sorte que le pouvoir suprême exécutif ne consiste pas à être exempt de subordination, mais bien en ce que ceux qui en sont revêtus, ayant leur part du pouvoir législatif, n’ont point au-dessus d’eux un supérieur législatif distinct, auquel ils soient subordonnés et tenus de rendre compte, qu’autant qu’ils se joignent à lui, et lui donnent leur consentement, c’est-à-dire, autant qu’ils le jugent à propos ; ce qui, certainement, est une subordination bien petite. Quant aux autres pouvoirs subordonnés d’un état, il n’est pas nécessaire que nous en parlions. Comme ils sont multipliés en une infinité de manières, selon les différentes coutumes et les différentes constitutions des différens états, il est impossible d’entrer dans le détail de tous ces pouvoirs. Nous nous contenterons de dire, par rapport à notre sujet et à notre dessein, qu’aucun d’eux n’a aucune autorité qui doive s’étendre au-delà des bornes qui lui ont été prescrites par ceux qui l’ont donnée, et qu’ils sont tous obligés de rendre compte à quelque pouvoir de l’état.

V. Il n’est pas nécessaire, ni à propos, que le pouvoir législatif soit toujours sur pied ; mais il est absolument nécessaire que le pouvoir exécutif le soit, à cause qu’il n’est pas toujours nécessaire de faire des loix, mais qu’il l’est toujours de faire exécuter celles qui ont été faites. Lorsque l’autorité législative a remis entre les mains de quelqu’un le pouvoir de faire exécuter les loix, elle a toujours le droit de le reprendre des mêmes mains, s’il y en a un juste sujet, et de punir celui qui l’a administré mal, et d’une manière contraire aux loix. Ce que nous disons, par rapport au pouvoir exécutif, se doit pareillement entendre du pouvoir confédératif : l’un et l’autre sont subordonnés au pouvoir législatif, lequel, ainsi qu’il a été montré, est la puissance suprême de l’état. Au reste, nous supposons que l’autorité législative réside dans une assemblée et dans plusieurs personnes : car, si elle ne résidoit que dans une seule personne, cette autorité ne pourroit qu’être sur pied perpétuellement ; et le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se trouveroient toujours ensemble. Nous entendons donc parler de plusieurs personnes qui peuvent s’assembler et exercer le pouvoir législatif, dans de certains tems prescrits, ou par la constitution originaire de cette assemblée, ou par son ajournement, ou bien dans un tems que ceux qui en sont membres, auront choisi et marqué, s’ils n’ont point été ajournés, pour aucun tems, ou s’il n’y a point d’autre voie, par laquelle ils puissent s’assembler. Car le pouvoir souverain leur ayant été remis par le peuple, ce pouvoir réside toujours en eux ; et ils sont en droit de l’exercer lorsqu’il leur plaît, à moins que par la constitution originaire de leur assemblée, certains tems aient été limités et marqués pour cela, ou que par un acte de leur puissance suprême, elle ait été ajournée pour un certain tems, dans lequel, dès qu’il est échu, ils ont droit de s’assembler, de délibérer, et d’agir.

VI. Si ceux qui exercent le pouvoir législatif, lequel représente le pouvoir du peuple, ou une partie d’eux, ont été élus par le peuple, pour s’assembler dans le tems qu’ils ont fait ; et qu’ensuite ils retournent dans l’état ordinaire des sujets, et ne puissent plus avoir de part à l’autorité législative qu’en vertu d’une nouvelle élection : le pouvoir d’élire, en cette rencontre, doit être exercé par le peuple, soit dans de certains tems précis et destinés à cela, ou lorsqu’il en est sollicité et averti. Et, en ce dernier cas, le pouvoir de convoquer l’assemblée réside ordinairement dans le pouvoir exécutif, qui a une de ces deux limitations à l’égard du tems ; l’une, que la constitution originaire de l’assemblée demande qu’elle soit sur pied, et agisse de tems en tems et dans de certains tems précis ; et alors le pouvoir exécutif n’a autre chose à faire qu’à publier des ordres, afin qu’on élise les membres de l’assemblée, selon les formes accoutumées ; l’autre, qu’on a laissé à la prudence de ceux qui ont le pouvoir exécutif, de convoquer l’assemblée par une nouvelle élection, lorsque les conjonctures et les affaires publiques le requièrent, et qu’il est nécessaire de changer, réformer, abolir quelque chose de ce qui s’étoit fait et observé auparavant, ou de remédier à quelques inconvéniens fâcheux, et de prévenir des malheurs qui menacent le peuple.

VII. On peut demander ici, qu’est ce qu’on devroit faire, si ceux qui sont revêtus du pouvoir exécutif, ayant entre les mains toutes les forces de l’état, se servoient de ces forces pour empêcher que ceux à qui appartient le pouvoir législatif, ne s’assemblassent et n’agissent, lorsque la constitution originaire de leur assemblée, ou les nécessités publiques le requéroient ? Je réponds que ceux qui ont le pouvoir exécutif, agissant, comme il vient d’être dit, sans en avoir reçu d’autorité, d’une manière contraire à la confiance qu’on a prise en eux, sont dans l’état de guerre avec le peuple, qui a droit de rétablir l’assemblée qui le représente, et de la remettre dans l’exercice du pouvoir législatif. Car, ayant établi cette assemblée, et l’ayant destinée à exercer le pouvoir de faire des loix, dans de certains tems marqués, ou lorsqu’il est nécessaire ; si elle vient à être empêchée par la force, de faire ce qui est si nécessaire à la société, et en quoi la sûreté et la conservation du peuple consiste, le peuple a droit de lever cet obstacle par la force. Dans toutes sortes d’états et de conditions, le véritable remède qu’on puisse employer contre la force sans autorité, c’est d’y opposer la force. Celui qui use de la force sans autorité, se met par-là dans un état de guerre, comme étant l’agresseur, et s’expose à être traité de la manière qu’il vouloit traiter les autres.

VIII. Le pouvoir de convoquer l’assemblée législative, lequel réside dans celui qui a le pouvoir exécutif, ne donne point de supériorité au pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif : il n’est fondé que sur la confiance qu’on a mise en lui à l’égard du salut et de l’avantage du peuple ; l’incertitude et le changement ordinaire des affaires humaines empêchant qu’on n’ait pu prescrire, d’une manière utile, le tems des assemblées qui exercent le pouvoir législatif. En effet, il n’est pas possible que les premiers instituteurs des sociétés aient si bien prévu les choses et aient été si maîtres des événemens futurs, qu’ils aient pu fixer un tems juste et précis pour les assemblées du pouvoir législatif, et pour leur durée, ensorte que ce tems répondit aux nécessités de l’état. Le meilleur remède qu’on ait pu trouver, en cette occasion, c’est sans doute de s’être remis à la prudence de quelqu’un qui fût toujours présent et en action, et dont l’emploi consistât à veiller sans cesse pour le bien public. Des assemblées du pouvoir législatif perpétuelles, fréquentes, longues sans nécessité, ne pourroient qu’être à charge au peuple, et que produire avec le tems des inconvéniens dangereux. Mais aussi des affaires soudaines, imprévues, urgentes, peuvent quelquefois exiger l’assistance prompte de ces sortes d’assemblées. Si les membres du corps législatif différoient à s’assembler, cela pourroit causer un extrême préjudice à l’état ; et même quelquefois les affaires qui sont sur le tapis, dans les séances de ce corps, se trouvent si importantes et si difficiles, que le tems qui auroit été limité pour la durée de l’assemblée, seroit trop court pour y pourvoir et y travailler comme il faudroit, et priveroit la société de quelque avantage considérable qu’elle auroit pu retirer d’une mûre délibération. Que sauroit-on faire donc de mieux, pour empêcher que l’état ne soit exposé, tôt ou tard, à d’éminens périls, d’un côté ou d’autre, à cause des intervalles et des périodes de tems fixés et réglés pour les assemblées du pouvoir législatif ? Que sauroit-on, dis-je, faire de mieux, que de remettre la chose avec confiance à la prudence de quelqu’un, qui étant toujours en action, et instruit de l’état des affaires publiques, peut se servir de sa prérogative pour le bien public ? Et à qui pourroit-on se mieux confier, pour cela, qu’à celui à qui on a confié, pour la même fin, le pouvoir de faire exécuter les loix ? Ainsi, si nous supposons que l’assemblée législative n’a pas, par la constitution originaire, un tems fixe et arrêté, le pouvoir de la convoquer tombe naturellement entre les mains de celui qui a le pouvoir exécutif, non comme ayant un pouvoir arbitraire, un pouvoir qu’il ait droit d’exercer selon son plaisir, mais comme tenant son pouvoir, de gens qui le lui ont remis dans l’assurance qu’il ne l’emploieroit que pour le bien public, selon que les conjonctures et les affaires de l’état le demanderoient. Du reste, il n’est pas de mon sujet, ici, d’examiner si les périodes de tems fixés et réglés pour les assemblées législatives, ou la liberté laissée a un Prince de les convoquer, ou, peut-être le mêlange de l’un et de l’autre, sont sujets à des inconvéniens ; il suffit que je montre qu’encore que le pouvoir exécutif ait le privilège de convoquer et de dissoudre les conventions du pouvoir législatif, il ne s’ensuit point que le pouvoir exécutif soit supérieur au pouvoir législatif.

IX. Les choses de ce monde sont exposées à tant de vicissitudes, que rien ne demeure long-tems dans un même état. Les peuples, les richesses, le commerce, le pouvoir sont sujets à de grands changemens. Les plus puissantes et les plus florissantes villes tombent en ruine, et deviennent des lieux désolés et abandonnés de tout le monde ; pendant que d’autres, qui auparavant étoient déserts et affreux, deviennent des pays considérables, remplis de richesses et d’habitans. Mais les choses ne changent pas toujours de la même manière. En effet, souvent les intérêts particuliers conservent les coutumes et les privilèges, lorsque les raisons qui les avoient établis ont cessé ; il est arrivé souvent aussi que dans les gouvernement ou une partie de l’autorité législative représente le peuple, et est choisie par le peuple, cette représentation, dans la suite du tems, ne s’est trouvée guère conforme aux raisons qui l’avoient établie du commencement. Il est aisé de voir combien grandes peuvent être les absurdités, dont seroient suivie l’observation exacte des coutumes, qui ne se trouvent plus avoir de proportion avec les raisons qui les ont introduites : il est aisé de voir cela, si l’on considère que le simple nom d’une fameuse ville, dont il ne reste que quelques masures, au milieu desquelles il n’y a qu’une étable à moutons, et ne se trouve pour habitans qu’un berger, fait envoyer à la grande assemblée des législateurs, autant de députés représentatifs, que tout un comté infiniment peuplé, puissant et riche y en envoie. Les étrangers demeurent tous surpris de cela ; et il n’y a personne qui ne confesse que la chose a besoin de remède. Cependant, il est très-difficile d’y remédier, à cause que la constitution de l’autorité législative étant l’acte originaire et suprême de la société, lequel a précédé toutes les loix positives qui y ont été faites, et dépend entièrement du peuple, nul pouvoir inférieur n’a droit de l’altérer. D’ailleurs, le peuple, quand le pouvoir législatif est une fois établi, n’ayant point, dans cette sorte de gouvernement dont il est question, le pouvoir d’agir pendant que le gouvernement subsiste, on ne sauroit trouver de remède à cet inconvénient.

X. Salus populi suprema lex. C’est une maxime si juste et si fondamentale, que quiconque la suit, ne peut jamais être en danger de s’égarer. C’est pourquoi, si le pouvoir exécutif, qui a le droit de convoquer l’assemblée législative, observant plutôt la vraie proportion de l’assemblée représentative, que ce qui a coutume de se pratiquer lorsqu’il s’agit d’en faire élire les membres, règle, non suivant la coutume, mais suivant la droite raison, le nombre de ses membres, dans tous les lieux qui ont droit d’être distinctement représentés, et qu’il communique ce droit à une partie du peuple, qui quelque incorporée qu’elle fût, n’y avoit nulle prétention, et qu’il le lui communique à cause des avantages que la société en peut retirer ; on ne peut dire qu’un nouveau pouvoir législatif ait été établi, mais bien l’ancien a été rétabli, et qu’on a remédié aux désordres que la succession des tems avoit insensiblement et inévitablement introduits. En effet, l’intérêt, aussi bien que l’intention du peuple étant d’avoir des députés qui le représentent d’une manière utile et avantageuse, quiconque agit conformément à cet intérêt et à cette intention, doit être censé avoir le plus d’affection pour le peuple, et le plus de zèle pour le gouvernement établi ; et ce qu’il fait ne sauroit qu’être approuvé de tout le corps politique. La prérogative n’étant autre chose qu’un pouvoir qui a été remis entre les mains du Prince, afin qu’il pourvût au bien public dans des cas qui dépendent de conjonctures et de circonstances imprévues et incertaines ; des loix fixes et inviolables ne sauroient sûrement servir de règle. Tout ce qui paroît manifestement être fait pour le bien du peuple et pour affermir le gouvernement sur ses fondemens véritables, est, et sera toujours une prérogative juste. Le pouvoir d’ériger de nouvelles communautés, et, par conséquent, des communautés qui ont besoin d’être représentées par des députés, suppose nécessairement qu’avec le tems le nombre représentatif peut varier, et que ceux qui auparavant n’avoient pas droit d’en être, y peuvent ensuite avoir droit ; et qu’au contraire, par les mêmes raisons et sur les mêmes fondemens, ceux qui auparavant avoient droit d’être de ce nombre, peuvent n’y en avoir plus, étant devenus trop peu considérables pour y pouvoir prétendre. Ce n’est point le changement qu’on fait dans l’état présent des choses, que la corruption ou la décadence aura peut-être introduit, qui altère et détruit le gouvernement, mais bien ce qui tend à faire tort au peuple et à l’opprimer, et la distinction qu’on feroit des gens, et des différens partis ; en sorte qu’il y en eût un qui fût plus maltraité que l’autre, et réduit dans une plus grande sujétion. Certes, tout ce qu’on ne peut regarder que comme avantageux à la société et au peuple en général, et comme fondé sur des raisons justes qui doivent avoir toujours lieu, portera toujours avec soi, lorsqu’on viendra à le pratiquer, sa propre justification : et toutes les fois que le peuple élira ses députés sur des règles et des raisons justes, équitables, incontestables, conformes à la forme originaire du gouvernement, il agira, sans doute, d’une manière sage, judicieuse et conforme à l’intérêt et à la volonté de l’état, quel que soit celui qui leur aura permis ou proposé d’en user de la sorte.