Traité des sièges et de l’attaque des places/47

DE L’ARTILLERIE.

AVERTISSEMENT.


Elle a tant de part dans les siéges, soit pour attaquer ou défendre, que j’ai cru devoir ajouter le Mémoire qui suit à ce Traité.

Nous le fîmes de concert, M. de la Frezelière le père, Saint-Hilaire et moi, l’hiver qui 1691.suivit la mort de feu M. de Louvois ; je ne l’aurais osé faire de son vivant, parce que s’étant emparé de la direction générale de ce corps, à la nomination des officiers près, qui n’avait même d’effet qu’autant qu’elle était approuvée de lui, il y disposait de toutes choses à son gré ; et c’était pour cela que quand, la charge de grand-maître était vacante, il avait soin de procurer de tout son pouvoir qu’elle fût remplie par des sujets agréables au Roi, mais qu’il pût gouverner ; tels furent M. le duc du Lude et M. le maréchal d’Humières, deux seigneurs de la cour très-bien avec leur maître, l’un et l’autre de qualité distinguée et très-honnêtes gens, mais qui n’ayant aucune pratique de l’artillerie, la laissaient faire à M. de Louvois pour ne se point brouiller avec lui, et se contentaient d’en recevoir les appointemens, et de jouir des honneurs et prérogatives attachés à cette belle charge ; il n’est pas possible aussi qu’un ministère comme celui-là qui consiste en une infinité de détails pénibles qui demandent beaucoup de connaissances et d’application, puisse être bien exercé par ceux qui ne l’ont jamais pratiqué. Tels étaient les seigneurs dont je viens de parler, et M. de Louvois même n’en savait pas dans les commencemens plus qu’eux, outre qu’il était occupé d’une infinité d’autres affaires importantes, qui nécessairement lui causaient de grandes et fréquentes distractions ; à la vérité, la grandeur de son génie suppléait à bien des choses qui auraient échappé à d’autres ; mais cela ne suffit pas pour remplir une charge de cette conséquence qui demande un homme entier, très-intelligent et de grande expérience, car c’est un vrai ministère qui renfermerait plus d’affaires qu’aucun autre, s’il était exercé dans toute l’étendue qui lui convient, ce qui mérite véritablement un conseil particulier qui ait un jour de la semaine d’audience réglée pour rendre compte au Roi de ce qui le concerne.