Traité des sièges et de l’attaque des places/43

AVIS PARTICULIER
par forme de supplément sur les batteries qui tirent à pleine charge.

Il n’y a rien de plus important que le bon usage du canon dans un siége ; mais il est très-rare d’en voir qui soit bien servi, et encore plus, qui ajuste comme il le devrait. On s’étonne avec raison de l’inégalité de ses coups et de leur peu d’effet ; mais peu de gens en voient le défaut ; il est cependant très-visible, puisqu’il ne provient que de la malfaçon des plates-formes, et de l’inégalité de la charge qu’on lui donne.

Importance de bien faire les plates-formes. Pour donc tirer plus juste, il n’y a premièrement, qu’à faire ces plates-formes complètes, solides et non pliantes, comme celles dont on se sert, qui ne méritent pas d’en porter le nom ;

2o Charger de mesure comme il est proposé pour les batteries à ricochet ;

De bien ajuster. 3o Observer les coups qu’on tire, et quand on aura bien ajusté, les marquer sur le coin de mire ou sur la semelle, et recharger de même, tant qu’il y aura de la même poudre ; et quand les barils sur lesquels on se sera réglé seront vides, se corriger sur les premiers dont on se servira ; il est sûr que tant qu’on chargera de la même poudre, les coups ajusteront incomparablement mieux.

Finalement ne se point négliger sur les batteries, comme on fait, mais les faire solidement, avec les soins et précautions proposés à leur chapitre, page 109 ; moyennant quoi on en verra des effets très-différens de ceux de ces derniers temps. C’est sur quoi le général doit étendre ses soins avec application, et ne s’en pas rapporter aux officiers d’artillerie, qui, Sur le relâchement qui infecte le service.
1704.
par un relâchement général qui infecte aujourd’hui tout ce qui a rapport à la guerre, ou par intérêt, ne font rien moins que ce qu’ils devraient faire à cet égard. Cependant il est d’une conséquence infinie que ce mal soit incessamment corrigé, car c’est le bon emploi du canon et des bombes, qui prend les places, et qui abrège les siéges.

Kehl, 13 jours.
Vieux-Bri­sach, 14 jours.
Landau, 28 jours.
1703.
Les trois derniers qu’on a faits, ne prouvent que trop ce que j’avance ici, car le canon a été très-mal servi à ceux de Kehl et de Brisach, et encore plus à celui de Landau, où il a imposé aussi peu à celui de la place qu’au feu de la mousqueterie, d’où s’est ensuivi de grandes pertes, et beaucoup de retardement[1].

J’insiste d’autant plus sur la correction de ce défaut, qu’il est de la dernière conséquence d’y remédier, sans quoi on ne doit plus songer à faire des siéges.

  1. Vauban n’ayant pas eu, après le siége de Vieux-Brisach, la conduite de celui de Landau, écrivit sur l’attaque de cette place un avis fort détaillé que l’on ne suivit pas de tout point ; par exemple, on livra plusieurs assauts aux contre-gardes pour s’en rendre maître ; l’avis porte : « pour lors, (les brèches faites aux contre-gardes), loin de donner des assauts qui ne réussissent presque jamais qu’à faire tuer bien du monde mal à propos, faire beaucoup de bruit et de vacarme ; mon avis est de se concerter avec les batteries de brèche et à ricochet de même qu’avec les logemens, etc. » Suit la manœuvre enseignée dans ce Traité, page 145. Du reste, le siége fut habilement conduit. Voy. l’Histoire du Corps du génie par M. Allent, pag. 418-431.