Traité des sièges et de l’attaque des places/35

MANIÈRE DE SUPPUTER L’EXCAVATION DES MINES.

Forme de l’entonnoir ordinaire. L’éboulis d’une mine est le trou ou l’excavation que laissent les terres qui en ont été chassées ; ce trou fait l’effet d’un cône rectangle renversé dont la pointe est vers le milieu de la chambre ou fourneau, et le diamètre de sa base doit être double de sa profondeur.

Pl. 16. Supposons que fig. 7, soit le profil de la chambre, et que soit la hauteur des terres au-dessus, ajoutez à la hauteur moitié de la largeur de la même chambre, vous aurez la profondeur entière du cône dont le diamètre est le double.

Pour avoir présentement la solidité de ce cône, multipliez cette profondeur par elle-même, vous aurez son carré ; multipliez ce carré par la même profondeur, vous aurez le solide de l’excavation.

Sa solidité. On propose cette méthode parce qu’elle est simple et la plus abrégée de toutes ; l’exemple qui suit éclaircira ce fait.

Supposons la largeur de la chambre de deux pieds et demi, la hauteur de la terre au-dessus de vingt-deux pieds ; ajoutez-y la moitié de la largeur de la chambre, savoir un pied un quart, la somme sera de vingt-trois pieds un quart ou environ ; supposons quatre toises pour éviter les fractions ; multipliez quatre par quatre, vous aurez son carré seize, qu’il faut derechef multiplier par quatre, pour avoir le cube 64, qui marque assez précisément[1] la quantité de cette excavation.

Calcul de la charge. Pour savoir la quantité de poudre dont vous devez charger la mine, il n’y a qu’à multiplier la quantité de toises cubes que vous avez trouvée, par 15 livres ; ainsi multipliant 64 par 15 livres, viendra 960 livres pour la charge de cette mine, à laquelle ajoutant un cinquième[2] en considération de la maçonnerie, et des humidités que les poudres peuvent contracter par leur séjour dans la mine même, ou dans le parc, et même dans les magasins où sa sécheresse n’est pas toujours bien entretenue, viendra 1152 livres pour la charge plus raisonnable de cette mine.

Nota. Que si le terrain de la mine était peu lié et sablonneux, on pourrait épargner le cinquième.

Ceux qui ont recherché à fond les propriétés plus précises des mines, ont trouvé qu’un pied cube de poudre pèse[3] environ 80 livres ; ainsi, divisant les 1152 livres de poudre de la mine précédente par 80, l’on aura 14 pieds pour le cube de la poudre : mais la chambre des poudres doit occuper un espace d’un tiers ou environ, plus grand que le cube de la poudre qu’elle doit contenir, à raison des planchers, sacs à terre et paille dont on se sert pour mettre la poudre à sec ; c’est pourquoi l’excavation totale doit occuper 16 à 18 pieds cubes de vide.

Le calcul raisonné ci-dessus se réduit à supposer une mine en plein terrain, dont l’effet également retenu de tous côtés par le bas, ne se peut faire que par le haut.

Mais comme l’excavation d’une mine de cette sorte ne vaudrait rien dans un siége où son usage est de faire brèche dans un rempart, en le renversant dans le fossé, il faut diriger l’effort de la mine du côté que l’on veut qu’il se fasse ; ce qui ne se peut qu’en plaçant la chambre des poudres, Pl. 16. de sorte que le faible se trouve du côté que l’on veut que se fasse l’effet. Par exemple, soit un rempart de 30 pieds de haut, comme celui qui est représenté fig. 8. Il faut établir le fourneau, ou la chambre de sorte que l’effort se fasse du côté et non du côté en tenant la partie plus faible que la partie et que toutes les autres qui environnent la chambre Pour connaître à peu près, le degré de faiblesse qu’il faut, donner à par rapport à on a réglé la profondeur de la galerie dans les terres sur le pied de la moitié de la hauteur du rempart y de sorte que s’il a 30 pieds de haut, le mineur doit s’enfoncer de 12 à 15 pieds directement.

première démonstration.

Pour prouver que les fourneaux pour faire brèche, doivent être établis à une profondeur égale à la moitié de la hauteur du revêtement.
Pl. 16. Fig. 8.
Si la chambre était poussée aussi avant dans les terres que le rempart a de hauteur, c’est-à-dire en il est certain que l’effet se ferait du côté de comme le plus faible ; et pour lors l’excavation formant le cône renversé toute la muraille de en resterait debout, outre que la plus grande partie des terres enlevées retomberaient dans leur trou.

seconde démonstration.

Faisant la chambre à 12 ou 15 pieds de profondeur égale à la moitié de la hauteur du rempart, tout l’effort se fera du côté de comme le plus faible, et pour lors l’effet cherchera à former le cône mais étant empêché par le bas, de à l’effort ne perdant rien se tournera d’autant vers le haut qu’il aura été retenu ; et par conséquent de à de sorte que l’effet de la mine placée ainsi à la moitié de la hauteur de la terre ou de la maçonnerie, fera l’excavation qui est toute la muraille, qui, tombant entière, entraînera avec elle non-seulement les terres qu’elle avait à soutenir, mais encore celles que l’effort de la mine aura ébranlées[4].

Table des charges des fourneaux pour faire brèche par la mine. C’est sur ce raisonnement qu’on a fait la table suivante, composée de quatre colonnes.

La première marque en pieds les différentes hauteurs des remparts au-dessus des mines, depuis 10 jusqu’à 80 pieds.

La seconde marque en pieds les différens enfoncemens des chambres, qui sont égaux à la moitié de la hauteur des remparts.

La troisième marque les dimensions en pieds et pouces courans des chambres, les supposant cubiques comme un dé, et dont les capacités sont d’un tiers ou approchant, plus grandes que les cubes des poudres qu’elles doivent contenir, en considération des planches, pailles, sacs à terre, etc., dont on fait le lit des poudres.

La quatrième marque les quantités de poudre nécessaires à la charge des mines indiquées dans les autres colonnes à côté.

  1. En effet, la solidité d’un cône droit circulaire dont la hauteur est égale au rayon de la base est (1,047)h3.
  2. Cette addition d’un cinquième peut n’être pas suffisante. Voy. la note de la page 171.
  3. De 57 à 61 livres ; voyez la note de la page 172.
  4. Voyez le Mémorial de Cormontaingne pour l’attaque des Places, chap. XIII. Voyez aussi le chap. de ce Traité, Différence des Mines.