Traité des sièges et de l’attaque des places/32

FABRIQUE DES POUDRES.

Composition de la poudre. La dose de la meilleure et plus fine, est de trois quarts de salpêtre de trois eaux par livre, sur un demi-quarteron de bon soufre, et autant de charbon de chenevottes, ou de bois puant, de coudre ou de saule ; le meilleur de tous est le plus léger, le moins gras et le plus sec, le tout faisant une livre de composition[1].

Sa fabrica­tion. Ces matières étant bien mêlées sont exposées à la meule roulante jusqu’à ce qu’elles soient bien broyées ; remarquant qu’il les faut arroser et remuer presque incessamment, après quoi on les tire de là pour les mettre dans les pots ou mortiers de fer fondu des moulins à poudre, où elles sont humectées de temps en temps d’eau de fontaine, et battues au pilon 16 ou 18 heures durant, sans intermission, quelquefois davantage, les remuant et arrosant de temps en temps ; et après les avoir tirées de là un peu humides, elles sont roulées et passées au grenoir, où la poudre prend sa forme et son grain ; après quoi on la fait bien sécher au soleil pendant l’été, et dans les poêles pendant l’hiver.

Cela fait, on l’encaque dans des tonneaux faits exprès qui en contiennent ordinairement 200 livres juste, lesquelles sont doublement renfermées par une deuxième futaille appelée chape, et ensuite mises dans les magasins.

Voilà comme se fait cette poudre si terrible, et si peu connue des Anciens, tellement hors de toute apparence de pouvoir jamais être inventée il y a 400 ans, que si quelqu’un s’était avisé de la proposer comme une vérité prête à éclore, à laquelle il ne manquait qu’un peu de spéculation et de curiosité pour la mettre au jour ; et qu’enfin il y eût ajouté, combien elle serait commune, et ses effets surprenans, on l’aurait sifflé et traité de visionnaire et de fou, aussi extravagant que ceux qui ont cru avoir trouvé, à peu de chose près, la pierre philosophale, dont l’invention (supposé qu’elle soit possible) n’aurait peut-être rien de plus admirable que celle de la poudre.

  1. Ce sont encore aujourd’hui les mêmes proportions ; Voyez page 173 ; et pour la poudre de guerre, les matières sont toujours battues au pilon. Mais la densité des poudres actuelles paraît moindre que celle des anciennes.