Traité des sièges et de l’attaque des places/30

PASSAGE DU GRAND FOSSÉ DE LA
PLACE.

Pl. 15.Pendant l’attaque de la demi-lune, il est à présumer que les descentes du fossé aux bastions auront fait leur chemin ; j’estime même qu’elles auront percé dans le grand fossé ; auquel cas, s’il est sec, il faudra procéder à son passage comme à celui de la demi-lune, et ne pas manquer de l’assurer par jeter quelque monde dedans, à qui il faudra faire un petit couvert.

S’il est de la nature de ceux qui se peuvent défendre secs et pleins d’eau, il faudra prendre garde à ne pas déboucher plus bas que la superficie de l’eau quand il est plein, parce qu’elle inonderait la descente, ce qu’il faut éviter.

Voici donc quelle doit être la manœuvre de ce passage.

Passage d’un fossé plein d’eau dormante. Quand il est plein d’eau, on fait passer la fascine de main en main en rangeant 100 ou 120 hommes (plus ou moins), en haie, selon les besoins, à deux pas l’un de l’autre, adossés contre le parapet, qui la font Voir les profils A et B.
Pl. 11 et 12.
passer de main en main jusqu’à la tête du pont ; et à mesure qu’on la passe, le sapeur qui mène la tête, la jette en épaulement sur sa droite ou sur sa gauche, selon le côté dont il a à se couvrir ; et puis quand il en a jeté une * Marquée d.
Pl. 12.
assez grosse masse * pour pouvoir en être couvert, il s’avance quelques pas, et pour lors il travaille au pont, et pique la fascine * * Marquée e.
Pl. 12.
de haut en bas devant lui, en la plongeant dans l’eau ; et quand elle vient à hauteur de la superficie, il en pose des lits en travers sur lesquels on fait voiturer un peu de terre, qu’on répand le long pour la faire enfoncer ; ensuite de quoi, on recharge sur le même lit jusqu’à ce que le passage soit ferme et élevé de quelques pieds au-dessus de la superficie de l’eau, sur la largeur de 12 à 14 pieds, qui est celle qu’il lui faut donner[1].

Pendant cette manœuvre, on fortifie toujours l’épaulement en y jetant les fascines un peu en avant à la fourche, qu’on arrange comme on peut ; on l’élève considérablement, parce que les fascines s’affaissent toujours assez.

Quand on s’aperçoit que la fascine touche le fond du fossé et que l’épaulement est affermi, on lui fait un parement de fascines reliées et attachées Pl. 15.avec des piquets.

Nota. Que si le débouchement est plongé des bastions, il faudra commencer ce passage par former * Marquée f.
Pl. 12.
une montagne * de fascines devant soi, qu’on élève de 8, 9 à 10 pieds de haut ; on se colle derrière pour travailler à l’épaulement, et ensuite Manière de se couvrir par une mon­tagne de fas­cines, dans le cas où l’on est plongé.à la galerie, entretenant toujours ladite montagne et la poussant en avant, jusqu’à ce que l’on soit tout-à-fait au-dessous des plongées ; après quoi on retire peu à peu les fascines de la montagne et on les emploie à l’épaulement et au pont, continuant toujours ledit passage jusqu’au pied des brèches, que je présume être fort avancées quand on y parviendra.

Que si le bastion plonge sur le débouchement, ce ne sera pas assez de cette montagne de fascines devant soi, il y faudra ajouter une bonne et forte galerie qu’on avancera peu à peu à l’abri de la montagne, comme il a déjà été dit ; ce qui sera continué aussi loin que la plongée se pourra étendre, et même au-delà. La planche 12 par le plan et le profil , montre la disposition de cette manœuvre.

Fossé où l’eau est courante.Mais si l’eau du fossé est grosse et courante, ou qu’elle puisse devenir telle, il faut convenir de bonne foi que la plus difficile manœuvre des attaques est celle du passage de ce fossé, spécialement quand on ne peut détourner le courant ni l’affaiblir par le dehors, et qu’à moins d’y apporter bien du soin et de l’adresse, il est bien difficile d’y réussir, si on ne trouve moyen d’éteindre totalement le feu de la place, et que l’ennemi ne puisse plus tirer des flancs, des faces, ni des courtines, non plus que des tenailles ; encore ne peut-on éviter que les bombes, les pierres et les grenades ne vous inquiètent beaucoup.

Si on pouvait éluder tout cela, on ferait ce qu’on voudrait, et on travaillerait dans ce fossé comme ailleurs. Mais on a beau faire, on n’en peut éviter qu’une partie, et il faut demeurer d’accord que cet ouvrage est extrêmement dangereux ; car on n’y peut travailler qu’à découvert, et pour peu qu’on soit vu, on n’y réussira que fort lentement, et à force d’y perdre du monde.

Tablons cependant sur quelque chose, et supposons pour cela un fossé de place dans lequel passe un courant considérable, ce courant nourri par une rivière qui le fournira de son eau, ou par un réservoir qui le distribuera dans le fossé de temps en temps, au moyen des écluses qui, ouvrant et fermant par reposées, comme il s’en trouve à beaucoup de nos places, donneront des courans tels que l’ennemi les voudra. Soit l’un ou l’autre, il est sûr que le courant sera continu fort ou faible, ou répété de temps en temps par éclusées, et que pour lors il n’y aura d’autre moyen d’en faire le passage que par une grosse digue au travers du fossé, assez Il n’y a d’au­tre moyen d’en faire le passage que par une gros­se digue.forte pour arrêter les eaux à la même hauteur que les écluses peuvent les retenir, en sorte que leur niveau ne puisse surmonter celui de la digue, à deux pieds près.

Pour parvenir à cet effet, il faut faire amas d’une très-grande quantité de fascines Construction de cette di­gue.bien fourrées de pierres, de gazons et de terre, afin qu’elles aillent plus promptement à fond ; l’entre­prendre sur une grande largeur, et la fortement terrasser ; battre même les terres et piloter la digue pour l’attacher sur le fond du fossé : en un mot, la rendre fort solide, l’avançant peu à peu jusqu’à 3 ou 4 toises près du pied du revêtement, où pour lors le courant tourmentant beaucoup, il faudra se servir de tout ce que l’on pourra pour faire chemin, comme de gros gabions farcis de pierres et coulés à fond, qui laisseront quelque passage à l’eau, tonneaux remplis de même, chevalets tels quels, sur lesquels on chargera de pierres, terre et fascines tant que l’on pourra, même de bateaux coulés à fond si l’on en peut avoir : le tout avant que de tirer un seul coup de canon vis-à-vis pour faire brèche ; et après qu’on sera parvenu par Moment de battre en brèche.toutes sortes de moyens de pousser ce courant jusqu’à ne lui plus laisser que 2, 3 ou 4 toises de passage au pied du revêtement, et qu’on aura bien assuré la tête de la digue, et si fort élevée que le regonflement des eaux ne la puisse surmonter : il faudra pour lors battre vivement le pied du revêtement vis-à-vis, jusqu’à ce qu’il tombe dans le fossé, ce qui achèvera vraisemblablement d’en barrer le passage.

Que s’il ne l’est pas tout-à-fait, il faudra attacher un mineur sur la jonction du mur resté debout avec la partie éboulée, et enfoncer la mine bien avant vis-à-vis la tête du pont, afin que son effet achève de combler ce qui sera resté du courant ; sinon et au cas qu’il en reste quelque partie qui ne le soit pas, faire passer quelques travailleurs au pied de la brèche, qui s’y logeront, et y feront les établissemens nécessaires à pouvoir contribuer à son achèvement en y travaillant de leur côté.

Au surplus, pour donner quelque mesure sur laquelle on puisse compter, et qui puisse servir de règle à ces passages, nous dirons :

1o Que la première connaissance sur laquelle on doit être informé touchant ce passage, est de savoir de combien l’élévation de l’eau doit charger sur les écluses ?

Renseignemens à prendre.2o Quelle est leur ouverture ?

3o Quelle est la largeur du fossé ?

4o Quel volume d’eau il charrie quand les écluses sont ouvertes ?

5o De quelle profondeur il est, quand les eaux y jouent de pleine force ?

6o À quelle hauteur elles peuvent monter.

Exemple.Supposons après cela une charge d’eau sur les écluses de 6 pieds de haut, de 4 de profondeur ordinaire au bas des mêmes écluses, et de 2 pieds de pente depuis l’écluse jusqu’au passage du fossé ; le tout fera 12 pieds, auxquels il en faut ajouter 2, pour supplément d’élévation de la digue, ce qui fera 14 pieds en tout pour l’élévation totale de ladite digue, à quoi il faut au moins donner le double d’épaisseur, faisant 28 pieds, si on veut la bien assurer ; et, comme il a été déjà dit, la bien terrasser, charger de pierres et piloter, en ce non compris l’épaulement, qui n’étant composé que de fascines, n’aura de résistance contre la poussée de l’eau que celle qui lui sera donnée par la digue : c’est-à-dire que voilà de quoi employer cinquante milliers de fascines pour un seul passage, sans compter celles que le courant entraînera, les sacs à terre, les pilots et autres matériaux, et le temps qu’il y faudra employer, qui sera bien long, encore n’oserait-on s’assurer d’y réussir. Ce qui prouve la bonté des fossés pleins d’eau courante au-dessus de tous les autres, et encore mieux la difficulté de les passer : voilà cependant la manière plus assurée de le pouvoir faire, et à laquelle il en faudra venir si on veut faire passer des troupes et du canon aux bastions.

Moyen par­ticulier prati­cable dans quelques cas.Il y a encore un autre moyen qui est excellent, mais il n’est praticable que dans les fossés étroits, revêtus et fort hauts de bord, qui serait d’attacher deux mineurs, un au bastion, et l’autre sous le bord du fossé, vis-à-vis l’un de l’autre.

Si on chambre assez avant de part et d’autre, et que les mines soient grandes et bien chargées, il se pourra que leur effet comblera le fossé tout d’un coup, notamment si l’eau arrêtée ne peut pas s’élever de plus de 5 ou 6 pieds au-dessus du courant.

C’est ainsi que nous avions compté de passer le fossé de la porte d’Anzin 1677.de Valenciennes, si la résistance de la place nous eût obligé d’en venir là.

Ce coup est bon, mais il n’est pas tout-à-fait si assuré que l’autre, aussi n’est-il pas si long à faire et ne coûterait pas à beaucoup près tant.

De sorte que si on ne trouve moyen de rompre 1697. les écluses comme nous fîmes à Ath, ou de s’en rendre maître de quelque autre manière, je ne vois aucun autre expédient qui puisse être valable pour empêcher leur effet.

Sitôt que par l’un ou l’autre de ces expédiens on aura arrêté le courant, il faudra travailler en diligence et avec une extrême application à achever de donner toute la solidité possible à la digue.

Il n’y a pas d’autre moyen de le passer, sur lequel on puisse compter pour quelque sûreté ; car d’y employer des chevalets, ponts volans et radeaux (outre qu’il en faudrait toujours venir au pont solide), on n’y pourrait travailler qu’à découvert, et on ne trouverait ni sûreté, ni possibilité, ni utilité à leur structure.

C’est pourquoi, sans en parler davantage, j’estime que tout ce que dessus suffira pour les places médiocrement défendues, et où les courans seront faibles. Excellente qualité des tenailles. (V.) Mais si la garnison était forte, et la défense dirigée par de bonnes têtes, et qu’il y eût des tenailles, il faudrait y apporter plus de précaution, parce que les tenailles n’étant point exposées aux ricochets, aux revers ni au passage du fossé, on ne peut les battre que de biais.

Dans cette situation, elles pourraient faire beaucoup de mal au passage du fossé, si on n’emploie pas toutes sortes de moyens pour les maîtriser et les en empêcher.

Soit donc qu’il fût sec ou plein d’eau, s’il s’en rencontre où l’on prévoie que cela puisse arriver, il faudra occuper toute la demi-lune jusqu’à la gorge, comme il a déjà été dit à son chapitre, et à même temps faire un passage ouvert du chemin couvert à la brèche vis-à-vis ; travailler à l’établissement d’une batterie de 4 ou 5 pièces sur l’angle flanqué de ladite demi-lune, et les y faire passer à force de bras, de capestans et de chèvres ; cette batterie préparée contre le milieu de la courtine, et spécialement contre la tenaille et la porte de sortie par où on y communique.

Pour cet effet, il faudra bien affermir l’un des passages du fossé, et afin qu’il puisse servir au canon, le paver de gîtes et de madriers pour le rendre plus commode, et ouvrir le chemin couvert pour achever de lui faire un passage, et à même temps une rampe sur la brèche pour en faciliter la Situation avantageuse d’une batte­rie sur la brè­che de la demi-lune. montée ; il vaut mieux mettre cette batterie sur la pointe que dans le fond de la gorge, parce qu’elle sera plus aisée à placer et à servir, plongera davantage, découvrira mieux la poterne, et la communication n’en sera pas si dangereuse qu’elle serait, si on l’avançait jusque dans la gorge ; faire à même temps deux autres batteries sur les deux places Pl. 15. d’armes du chemin couvert, d’autant de pièces et une de mortiers à pierres dans le logement plus avancé de la gorge de cette demi-lune, duquel il faudra bien avancer la communication et la rendre commode au brouettage des pierres qu’il y faudra voiturer ; ce sera bien tout ce que ces batteries pourront faire ; je dis les deux des places d’armes , et celles de la demi-lune avec les pierriers et les bombes, que d’imposer à cette tenaille jusqu’au point d’empêcher qu’elle ne nuise beaucoup au passage des grands fossés.

À l’égard des deux flancs de l’attaque, quoique les échappées des ricochets les prennent par derrière, les batteries directes par devant, et les Les batteries y pourront servir.
Pl. 15. (V.)
bombes et les pierres par tous les côtés, j’estime cependant qu’on fera bien de leur préparer à chacun un ricochet de trois pièces , à telle fin que de raison ; car s’il y a beaucoup de canons dans la place, ils en pourront tant rechanger qu’ils trouveront moyen d’en substituer toujours quelques pièces à celles qui seront démontées.

Les officiers d’artillerie des places qui savent Batteries biaisées sur les courtines, recommandées par Vauban. leur métier, ne manquent pas de mettre du canon sur la courtine opposée aux attaques, moins pour tirer directement devant elles que pour battre d’écharpe sur les logemens du chemin couvert devant les bastions et . Ces pièces tirées par des embrasures biaisées, coupées dans l’épaisseur des parapets de la courtine, incommodent fort ces logemens, et le débouchement de la descente du fossé, même le commencement du passage dont elles voient bonne partie, et sont très-mal aisées à démonter ; parce que les batteries opposées aux flancs ne les peuvent voir, et que leur recul étant fort enfoncé, il est très-difficile de les trouver, à * Les batteries .
Voy. p. 119.
moins que de mettre du canon* sur les parapets des places d’armes , d’où on les puisse battre directement ; et c’est à quoi il ne faut pas manquer dès qu’on en sera maître, et qu’on s’apercevra qu’il y aura des pièces de canon sur la courtine, non plus que de les faire rechercher par les bombes et les pierres. Il faudra aussi tâcher de les servir d’un ricochet ou deux : ce qui est assez difficile, à moins qu’il n’y ait quelque marque sur la courtine qui puisse en faire connaître l’alignement par dessus les bastions, comme un portail, des guérites, quelque grand bâtiment adossé contre le derrière du rempart, ou des arbres plantés à la ligne. Toutes ces remarques ne doivent pas manquer d’être observées.

Utilité d’un bon plan pour avoir le prolongement des courtines.
Pl. 14.
Un bon plan peut beaucoup aider à ces découvertes, parce que si le prolongement de la courtine coupe en quelque endroit les faces, comme en  ; cela joint aux autres remarques, pourra indiquer son enfilade, et à même temps les endroits où l’on se pourra mettre pour placer les ricochets. Les batteries , des demi-lunes collatérales, pourront faire cet effet, sinon en faire sur les extrémités de la seconde place d’armes, comme en . Soient les unes ou les autres de ces batteries, il faudra se souvenir d’élever le coup, et de roidir un peu plus les ricochets.

Au surplus, il faut si bien prendre ses mesures sur tous ces expédiens, que les besoins qu’on en pourrait avoir, soient toujours prévenus, et que toutes choses se fassent dans leur temps ; car c’est là le grand secret pour bien conduire des attaques que de savoir faire cadrer toute chose à son temps.

Maxime importante. Le mieux est de considérer toujours la place qu’on attaque, comme devant faire son devoir, et de ne jamais compter sur la faiblesse de la résistance, car on y est presque toujours trompé.

Pl. 15.

Logement sur les brèches des bastions ; répétition de la manœuvre expliquée pag. 145.
Supposons présentement les passages marqués , du fossé des bastions en état, et les brèches ouvertes et bien éboulées, il y faudra procéder comme à la demi-lune, y faire monter fort peu de monde dans les commencemens, jusqu’à ce qu’ayant tiré le parapet en bas et bien adouci la montée, on soit en état d’y faire monter de petits détachemens ; et pour lors le faire avec ordre, de ne rien opiniâtrer, préparant les ricochets, batteries directes, bombes et pierriers, pour être servis comme à la demi-lune, toujours en vue d’y répéter les mêmes manœuvres.

Cas où les bastions sont retranchés. Mais si les bastions avaient des retranchemens revêtus dans leur gorge, il se pourrait que l’ennemi opiniâtrât le soutien des brèches ; en ce cas, il faudra se préparer à l’y forcer, et après les avoir bien reconnus et préparé les montées, le faire attaquer à la seconde ou troisième fois de vive force par de gros détachemens, et le faire repousser avec ordre toutefois de se loger sur le haut dans l’excavation des brèches, et non dans le dedans des pièces ; et après les logemens achevés, ouvrir des sapes à droite et à gauche pour les agrandir, et gagner du terrain vers les gorges.

Que si c’était un vieux corps de place revêtu, qui fermât ces mêmes gorges, comme à Barcelone, et à beaucoup d’autres places où cela se trouve, il se pourrait que l’on serait obligé de monter du canon sur les bastions, à quoi il ne faudra pas hésiter ; et cependant couler à droite et à gauche vers les flancs le long du pied des banquettes.

Cette ma­nœuvre qui ne pour­rait manquer d’être néces­saire dans une défense opiniâtre, prou­ve en­core le bon usage qu’on peut faire des tenailles. (V.) On pourra faire abandonner les tenailles chemin faisant, en coupant de petits logemens dans l’épaisseur des parapets des flancs, quand on aura coulé jusque-là, pendant quoi s’approcher du retranchement de la gorge par le haut et le bas dans le même temps.

Les défenses de ce retranchement seront quelque temps après battues sans relâche du canon qu’on aura monté sur les bastions ; il faudra aussi chercher à le battre de bombes et de pierres, tant qu’on pourra, et finalement y attacher le mineur.

  1. Dans le Mémorial pour l’attaque des places, pag. 145, Cormontaingne décrit la construction de ponts flottans en fascines, faits au siége de Philisbourg, en 1734, dans des fossés de 20 toises de largeur et dans lesquels il y avait 12 à 15 pieds de hauteur d’eau. Mais on voit plus loin, pag. 178, que les troupes, en passant en foule sur l’un de ces ponts, le firent enfoncer de telle manière qu’il y eut plusieurs soldats de noyés : il paraît donc que de semblables ponts ne peuvent servir qu’au passage de petits détachemens.

    On a proposé, pour que cette espèce de pont flottant pût être employé avec succès même dans les fossés où l’eau peut avoir un courant, de coucher sur la longueur de plusieurs des lits de fascines qui le composent, successivement trois ou quatre files de longrines de 5 et 4 pouces ou de 3 et 4 pouces de grosseur, percées de quatre en quatre pieds, et traversées par des chevilles ou fuseaux de bois de 2 à 3 pieds de long et pointus des deux bouts qui déborderont également de chaque côté ; ces fuseaux entrant dans le fascinage au-dessus et au-dessous des longrines bien attachées l’une au bout de l’autre, achèveront de lier ensemble tout ce massif sous lequel l’eau pourra passer, et qui mis à huit pieds d’épaisseur aura, d’expérience faite, la force de porter du gros canon. — À mesure qu’on avancerait en formant ainsi le pont, on pourrait l’amarrer par de petites ancres qu’on jetterait à fond du fossé, et dont les câbles seraient attachés aux longrines hérissées dont on vient de parler : quant à l’épaulement, on pourrait, afin qu’il chargeât moins, le faire en sacs de laine, sur la longueur seulement des ponts, dans la traversée d’une culée à l’autre. (Duvignau, Exercice de Mézières.) Voy. à ce sujet l’opinion de Vauban, pages 156 et 157.