Traité des aliments de carême/Partie 1/Des poissons en général

Jean-Baptiste Coignard (Tome Ip. 259-307).

DES POISSONS,
en general.



Le Poisson nourrit plus abondamment & plus sainement que les Herbages, les Racines, les fruits ; mais, selon les principes que nous avons posez au commencement, il s’en faut de beaucoup qu’il puisse être comparé là-dessus à la viande. En effet, l’aliment le plus convenable au corps humain est celui qui renferme des principes actifs & volatils ; mais temperez & adoucis par un mêlange moderé de parties huileuses & de parties aqueuses ; en sorte que ces principes puissent entretenir en nous la fermentation douce & tranquille, qu’excitent les levains de l’estomac, & qui tend à une entiere & parfaite digestion. Or telle est la chair de la plûpart des quadrupedes & des oiseaux, qui servent à nôtre nourriture ; au lieu que celle des poissons contient peu de volatil, & abonde en huile grossiere & en eau ; ce qui la rend moins propre à se convertir en nôtre substance. La chair des poissons est trés-aqueuse ; personne n’en doute ; elle est aussi trés-huileuse ; & c’est comme on le verra dans la suite de cet Ouvrage, ce qui la distingue principalement de la viande. Or cette huile & cette eau y concentrent tellement les esprits, qu’ils y demeurent comme ensevelis ; ce qui les empêche de se développer dans nôtre corps, avec la même facilité que ceux de la viande, lesquels aïant moins d’obstacle à vaincre, se dégagent plus aisément, & contribuënt par ce moïen, d’une maniere plus efficace à nôtre nourriture. Aussi Hippocrate remarque-t-il que le poisson, de quelque maniere qu’on l’apprête, est une nourriture peu substantielle[1] ; & que tout aliment qui a ce défaut, est incapable de fournir au corps beaucoup de suc & de force[2] : c’est pourquoi, continue-t-il, on doit donner des alimens de ce caractere, à ceux qui ont besoin d’un regime attenuant[3]. En un mot, le poisson est naturellement froid & humide, & ne peut produire en nous que des sucs de la même nature ; c’est-à-dire, des sucs aqueux, & par consequent peu propres à nourrir & à fortifier le corps[4], comme le remarque encore Hippocrate[5]. On observe même que ceux qui ne vivent que de poissons, ont le sang plus aqueux que les autres[6] : cette raison, cependant, loin de faire craindre l’usage du poisson en Carême, le devroit faire rechercher, puisque le sang commençant alors à fermenter davantage, ne peut que se bien trouver d’une nourriture froide & humide. Nous ajoûterons qu’il y a des personnes à qui le poisson convient mieux, & qui pour cette raison, se portent beaucoup mieux en Carême[7] ; comme sont celles, par exemple, dont le corps abonde trop en sucs nourriciers, & qui font trop de chyle & de sang ; il se trouve même des maladies où le poisson peut convenir, & où les Medecins, non seulement le permettent, mais le conseillent[8] : ce sont celles où les nourritures succulentes peuvent donner lieu à des inflammations. Ce n’est que dans de telles occasions qu’on peut dire, que cet aliment est préferable à la viande : car de prétendre qu’il est par lui-même plus sain & plus nourrissant ; c’est une erreur insoutenable, & que l’experience dément : Ea Omnium est piscium caro, ut vel durior difficilè coquatur, & crassum succum generet, vel mollior & aquæ naturæ plurimum particeps, pituitosum succum maxima ex parte generet, quod præterquamquod omnium penè Scriptorum Authoritate confirmatur ; eorum præetereà experimento innotescit, qui cum piscibus vesci consueverunt, si vitam simul sedentariam degant, blennam perenni screat aut emunctione rejectant ; c’est ainsi que s’explique sur l’usage du poisson, un sçavant & illustre Auteur, qui fut l’ornement & la gloire d’une des plus célébres Facultez de Medecine[9].

L’Auteur du Traité des Dispenses, est dans des sentimens bien opposez. Nous examinerons ses raisons, aprés que nous aurons dit un mot de quelques circonstances essentielles, qui mettent de la difference entre les poissons de même espece.

Le poisson est de deux sortes, ou d’eau douce, ou de mer : celui d’eau douce est, ou de lac, ou d’étang, ou de riviere ; le poisson d’étang ou de lac, est mal-faisant ; parce qu’il se nourrit ordinairement d’une eau bourbeuse, ou qui n’a pas de cours. Celui de riviere est fort sain, pourvû qu’il soit de quelque riviere rapide, comme du Rhône, de la Garonne, de la Loire, &c. ainsi le poisson de Saône & de Seine vaut moins, parce que ces rivieres coulent trés-lentement. On vante cependant beaucoup les carpes de Saône & de Seine ; mais c’est parce qu’elles sont grasses & de bon goût ; & on ne prend pas garde que cette graisse même les doit rendre moins saines ; car il n’y a pas de graisse plus ennemie de l’estomac que celle du poisson, ainsi que l’observe un sçavant Medecin[10]. Nous remarquerons que les poissons qu’on prend dans les rivieres qui arrosent de grandes villes, sont toûjours moins bons au-dessous de ces villes, à cause des immondices qui les y attirent, & dont ils se nourrissent.

Le poisson de mer est le meilleur de tous, parce que la salure de la mer en corrige l’humidité. Parmi les poissons de mer, les plus sains sont les Saxatiles, c’est-à-dire, ceux qui se nourrissent dans des lieux pleins de rochers : on estime ensuite ceux qui habitent le fond de la mer ; mais pour les poissons qui vivent sur les bords, on leur donne avec raison le dernier rang, à cause que l’eau où ils sont, est moins pure. Il y a des poissons de mer qui entrent dans les fleuves ; & on remarque que lorsqu’ils ont habité l’eau douce quelque tems, ils en sont beaucoup plus agréables au goût. Mais c’est une question de sçavoir, s’ils en sont plus sains. Galien, comme le remarque Nonnius, prétend que le poisson de mer perd beaucoup de sa bonne qualité dans l’eau douce[11] : il soûtient même que les mers qui reçoivent moins de fleuves, nourrissent de meilleurs poissons. Mnesithe, dans Athenée, dit que les poissons de mer qui remontent les rivieres, sont plus difficiles à digerer, quoique l’eau douce les engraisse, & les rende meilleurs au goût[12]. Quoi qu’il en soit, ils ne perdent point tant de leurs bonnes qualitez, qu’ils ne l’emportent encore de beaucoup sur les poissons de rivieres.

On dit ordinairement, par maniere de proverbe, jeune chair & vieux poisson ; mais la maxime n’est pas veritable. Le vieux poisson est pour l’ordinaire plus molasse & plus coriasse que celui d’un âge médiocre. On connoit le vieux poisson à la dureté & à la grandeur de l’écaille. On demande lequel est le meilleur du poisson mâle, ou du poisson femelle. Le mâle est ordinairement préferé, à cause de ses laitances, sur tout parmi les carpes ; mais pour ce qui est de la délicatesse de la chair, les femelles valent mieux, sur tout parmi les anguilles.

Le poisson se mange, ou frit, ou rôti, ou boüilli, &c. Le poisson frit, soit au beurre, soit à l’huile, est un peu difficile à digerer, à cause de la mauvaise qualité que le beurre & l’huile ne manquent point de contracter par la trop grande action du feu, qui les rend toûjours acres & brûlans. Le poisson rôti, soit sur le gril, ou à la broche, n’est point sujet à cet inconvenient, & il convient mieux à l’estomac. Celui qui est bouilli, soit à l’étuvée, soit au court-boüillon, &c. est plus propre pour les santez délicates, pourvû que l’assaisonnement n’y domine point trop. On salle certains poissons pour les conserver, ou on les fait sécher à la fumée ; mais cette préparation les rend trés-difficiles à digerer. Le poisson fumé, sur tout, est mal-faisant ; & en general, tout aliment qui a été long-tems exposé à la fumée, contracte une qualité acre, peu convenable à l’estomac. Ce que nous ne disons neanmoins, que pour les personnes délicates : car les corps robustes aïant les organes plus forts, bien loin de se sentir incommodez de l’usage des alimens salez ou fumez, y trouvent, au contraire, de quoi reparer leurs forces, & conserver leur santé ; parce qu’il leur faut quelque chose qui agisse rudement sur les fibres trop massives de leur langue & de leur estomac, lesquelles, sans cela, demeureroient comme engourdies.

On a trouvé le moïen de préparer avec le poisson plusieurs sortes de mets exquis, & on en fait des Soupresses, avec lesquelles on imite toutes sortes de viandes grasses ; mais ce n’est que pour tromper les yeux ; & de quelque maniere qu’on s’y prenne, on ne parviendra jamais à rendre le poisson aussi nourrissant que la viande : ce qui est un avantage, par rapport au Carême : car, à considerer le soin qu’on apporte pour suppléer par mille artifices au défaut d’une nourriture, que l’abstinence défend, il n’y a pas lieu de douter que s’il étoit possible de donner au poisson les qualitez de la viande, une infinité de gens ne cherchassent à éluder par ce moïen le précepte de l’Eglise. Mais, que disons-nous, s’il en faut croire l’Auteur du Traité des Dispenses, la lâcheté n’a rien à désirer là dessus ; le poisson étant, à ce qu’il assure, plus nourrissant que la viande, & en même tems plus sain. Il tâche de le prouver par diverses raisons, qu’il est juste d’examiner.



EXAMEN DES RAISONS,
qu’on apporte dans le Traité des Dispenses, pour prouver que les poissons sont plus sains et plus nourrissans que la viande.




PREMIERE RAISON.
La qualité du suc.



Le Poisson, selon l’Auteur du Traité des Dispenses, a tout ce qu’il faut pour se faire préferer à tous les autres alimens. Les fruits & les legumes, dit-il[13], « pourroient être suspects d’un aigre secret, qui venant à se développer dans l’estomac, produiroit plus d’une sorte de maux. La viande est pleine d’un soufre ou d’un volatil, souvent trop actif. Le poisson tient un juste milieu : il aigrit peu ou point, par lui-même : c’est l’expression de l’Auteur, & ce qu’il a de volatil, est moderé par l’abondance d’un suc doux & moëleux, qui le tempere sans le détruire, qui l’enveloppe sans le concentrer. Il est peu de constitution que le poisson blesse ou altere ; son goût est agréable, sans piquer ; sa chair friable, sans dessécher ; son suc frais, sans morfondre[14] ; de la nature enfin d’une lymphe ou d’une gelée legerement épaissie, comme seroit celle qui entretient la vie. Par toutes ces raisons, poursuit l’Anonyme, le poisson doit être ami de tous les visceres, proportionné à toutes nos liqueurs, analogue aux esprits mêmes, le plus sur, par consequent, de tous les alimens. »

Il n’y a qu’un moment que les fruits & les legumes l’emportoient par dessus tous les autres alimens ; rien tout-à-l’heure ne prouvoit mieux l’excellence de cette nourriture, que le choix qu’en avoit fait le Créateur lui-même, en apprenant à l’homme, dont il connoissoit si bien les besoins, à vivre de fruits & de legumes, & lui interdisant l’usage de la viande & du poisson[15], comme d’alimens bien moins sains & bien moins naturels. Tout-à-l’heure les fruits & les legumes fournissoient des sucs innocens : ils étaient sains, nourrissans, & préferables à tout le reste[16]. A present c’est tout le contraire, les poissons l’emportent, & ces fruits, que l’homme mangeoit autre-fois, ces fruits & ces legumes, que l’Auteur de son être, si attentif sur ses besoins, lui avoit donné comme ce qui lui convenoit le mieux : car, tel est le langage de l’Anonyme, ces fruits, préferables à la viande, & même aux poissons, se trouvent suspects d’un aigre secret, qui les rend bien moins propres à l’homme que le poisson. Mais laissant à part cette contradiction, voïons ce qu’on ajoute : la viande, nous dit-on, est pleine d’un soufre & d’un volatil, souvent trop actif ; au lieu que ce que le poisson fournit de volatil, est moderé par l’abondance d’un suc doux & moëleux. On devoit dire, noïé par l’abondance d’un suc insipide & aqueux : car c’est-là proprement la qualité du suc qui se trouve dans le poisson : le suc veritablement savoureux & moëleux, est celui de la viande : nous en appellons au goût, le meilleur juge qu’on puisse consulter en cette rencontre. Le suc du poisson, continuë l’Anonyme, est de la nature d’une lymphe, ou d’une gelée legerement épaissie, comme seroit celle qui entretient la vie : il est ami de tous les visceres, proportionné à toutes les liqueurs de nôtre corps, analogue aux esprits mêmes. Cela est facile à dire, & difficile à prouver : on a pris le parti le plus commode ; on s’est dispensé de la preuve. Quoi-qu’il en soit, nous remarquerons que ce qu’on prend ici dans le poisson pour une gelée, semblable à celle qui entretient la vie de nôtre corps, est plutôt une colle & une viscosité, qu’une veritable gelée. Quant à ce qu’on ajoûte, que le poisson est ami de tous les visceres : on n’a qu’à examiner comment s’en trouvent ceux qui ont des obstructions de foie ou de rate, & on verra si le poisson convient à tous les visceres. Nous en appellons aux Medecins, qui ont quelque expérience dans la pratique. Enfin, on dit que le poisson est analogue aux esprits mêmes ; mais qui ne sçait que cette nourriture est beaucoup plus aqueuse que spiritueuse ?



SECONDE RAISON
en faveur du Poisson.
Les Anciens en faisoient leur divertissement.



On sçait, dit nôtre Auteur, que les Anciens avoient soin d’élever des poissons pour en faire les délices de leurs tables ; mais une raison qu’il croit beaucoup meilleure que celle-là, pour faire sentir le tort qu’il prétend que l’on a, de ne pas préferer les poissons à toutes les autres nourritures, c’est que ces animaux ne sont pas aussi stupides que l’on croit. « Anciennement, dit-il, on les[17] avoit appris à divertir l’esprit & la vûë : on étoit parvenu à les apprivoiser de maniere, que les uns venoient manger dans la main de ceux qui leur présentoient certains appas ; d’autres se montroient quand on les appelloit par leur nom : car ils avoient chacun le leur. On avoit sçû dresser jusqu’aux anguilles, à porter des pendans d’oreille. Ainsi, qui le croiroit ? le poisson, l’animal de tous le plus dénüé de sagacité naturelle, pût, à l’aide d’un instinct trés-borné, entretenir des plaisirs innocens jusques-là même, que des Cesars ne dédaignerent pas de s’y délasser[18]. Quel étrange préjugé a donc saisi les esprits ! & pourquoi, aprés tant de marques d’estime & de préference, les poissons sont-ils aujourd’hui, ou negligez, ou meprisez par la plupart du monde, & par les Medecins mêmes ? Les croiroit-on une nourriture trop commune ? mais, &c. »

Que répliquer à une raison si judicieuse ? La plainte n’est elle pas juste ? Quoi ! les poissons, qui passent pour avoir un instinct si borné, ont neanmoins tant de sagacité naturelle, qu’on a autre-fois dressé des anguilles à porter des pendans d’oreille, & on négligera de manger des poissons, ne faut-il pas être dépourvû de bon sens pour cela ? Les croiroit-on une nourriture trop commune ? mais Pythagore, répond nôtre Auteur, la défendoit à ses Disciples, comme trop délicate[19]. « Dira-t-on que le poisson est mal-sain, de mauvais suc, phlegmatique, sujet à se corrompre ? mais on sçait, au contraire, que rien n’est si sain que le poisson. » Ce sont-là des preuves, s’il en fut jamais, & la derniere va de pair avec celle que nous avons vûë plus haut, au sujet du chou. On accuse le chou d’être nuisible à la vûë ; mais c’est injustice, puisqu’on le croit propre à la fortifier.



TROISIÉME RAISON.
La santé & la longue vie des poissons.



Une troisième raison qu’on allegue dans le Traité des Dispenses, pour prouver que le poisson est préferable à la viande : c’est, dit-on, que rien n’est si sain que le poisson, d’où vient le Proverbe, sanior pisce ; qu’il n’est sujet à aucune maladie, & qu’il vit des siécles entiers. Comment l’Anonyme sçait-il que le poisson n’est jamais malade ? Il s’en fie à ce que dit là-dessus Pierre Gontier, auquel il renvoie, & dont voici les paroles, qu’il ne rapporte pas. « Le poisson est exempt de presque toute sorte de maladies. Il n’est sujet, ni à la ladrerie, comme le porc & le liévre ; ni à la galle, comme la brebis ; ni aux abscés, comme le bœuf ; ni à l’épilepsie, comme les poules-d’inde & les cailles ; ni aux poux, comme les pigeons domestiques, & les poules ; ni à la fiévre, comme les chévres : ce qui a donné lieu au Proverbe : sain comme un poisson. » Non enim pisces grandini obnoxii sunt sicut porci & lepores, neque scabie infestantur quod ovillo accidit pecori : neque abscessibus laborant sicut boves : neque epilepsiâ tentantur quemadmodum coturnices & gallinæ indicæ : ceque pediculis scatent gallinarum domesticarum aut columbarum instar : neque febre laborant uti capræ, unde natum proverbium : non minùs sanus quàm piscis[20]. Plusieurs Auteurs ont dit la même chose, & entr’autres Nonnius, dans son Traité des Poissons. Quoi-qu’il en soit, voilà sur quoi on se fonde, dans le Traité des Dispenses, pour nous assurer que le poisson n’est sujet à aucune maladie ; Gontier l’a dit. Mais comment Gontier s’y est-il pris, pour connoître, par exemple, que les poissons n’avoient jamais la fiévre ? A-ce été en leur tâtant le poulx, ou en leur examinant la langue. Les poissons, nous dit-il, ne sont pas sujets, comme certains oiseaux domestiques, à être dévorez par les poux ; mais outre qu’on pourroit contester cette proposition, à l’égard[21] de quelques-uns, s’ils ne sont pas sujets aux poux ; ils sont presque tous sujets aux vers ; lequel vaut mieux ? Les huitres, par exemple, en ont de petits, qu’on discerne fort aisément : on en trouve dans les tanches de fort longs & de fort larges, qui ressemblent presque au ver plat de l’homme, si ce n’est qu’ils sont tous unis, & sans articulations : ce que nous disons, pour les avoir examinez. Si l’Auteur du Traité des Dispenses avoit lû les Naturalistes, il auroit appris que les poissons sont exposez aux maladies comme le reste des animaux. Aristote, entr’autres, dit[22], qu’à la verité les poissons ne sont point sujets à ces maladies generales & pestilentielles, qu’on voit regner quelque-fois parmi les autres animaux, tant domestiques que sauvages ; mais qu’ils ne laissent pas d’être attaquez de plusieurs maladies particulieres ; comme il est aisé de s’en convaincre, par la difference qui se trouve entre les poissons d’une même espece, & qui se nourrissent dans la même eau ; dont les uns sont maigres & languissans, & les autres charnus & agiles. Pline fait la même remarque. Morbos universa genera piscium, ut cætera animalia etiam fera non accipimus sentire, verum ægrotare singulos, manifestum facit aliquorum macies cum in eodem genere præpingues alii capiantur[23]. Le même Auteur dit que les poulpes meurent tous phthisiques, & les femelles plûtôt que les mâles, sur tout aprés qu’elles ont fait leurs petits. Polypi ultrà non vivunt, pereunt autem tabe semper, fœminæ celeriùs, & fere à partu[24]. Ajoûtons que Pierre Gontier lui-même n’a pû s’empêcher d’avoüer quelques pages plus bas, que quelque sain, aprés tout, que l’on croïe le poisson, il ne laisse pas d’avoir des maladies considerables, qui en rendent quelque-fois la chair très mal-faisante. Et quamquam piscibus nihil sanius, tamen interdum suis morbis infestantur, alii siquidem extenuantur, alii siderantur, alii languent, coloremque immutant, quare ita affecti non possunt laudabile suppeditare alimentum, quin morbos accersant[25]. Voilà ce que l’Anonyme ne devoit pas ignorer. Mais quand il seroit aussi vrai qu’il est faux, que le poisson n’auroit jamais de maladie, s’ensuivroit-il que la chair en dût être plus saine pour nous ? Il est de consequence que les animaux que nous mangeons se portent bien quand on les tuë ; mais de croire que leur chair pourroit nous procurer plus de santé, s’ils étoient d’une espece privilegiée, qui les mît à couvert de toutes sortes de maladies ; c’est une imagination, qu’il faut laisser à ceux qui se persuadent que la chair du cerf, par exemple, est bonne pour préserver de la fiévre, parce que cet animal passe pour ne l’avoir jamais. Ce sentiment a eu grand cours autre-fois[26] ; mais il n’en est pas moins absurde, & c’est avec raison que de célébres Medecins l’ont traité de vision. Quid de figmento quarundam principum fœminarum, quæ omnibus diebus matutinis carnem cervinam degustare solitæ erant, teste Plinio, ut se se tutas à febribus tuerentur : quia scilicet didiscerant febrium morbos non sentire hoc animal[27].

Quant à la longue vie, il n’est point vrai que le poisson vive des siécles entiers. Il y en a qui ne vivent que deux ans ; & de tous ceux que nous mangeons, on ne connoît guéres que le brochet, dont la vie s’étende jusqu’à cent ans, si tant est qu’on doive là-dessus s’en fier à ce que disent quelques Auteurs. Or cela suffit-il pour donner droit d’avancer qu’une des choses qui rendent le poisson recommandable parmi les alimens, c’est qu’il vit des siécles entiers. De plus nous remarquerons bien-tôt, en parlant des poissons en particulier, que ce n’est point par la longue vie des animaux qu’il faut juger de l’excellence de leur chair, pour la nourriture de l’homme.



QUATRIÉME RAISON.
Le Poisson se tourne plus aisément en nourriture.



On a grand soin de répeter dans le Traité des Dispenses que le poisson se broïe plus facilement que la viande, & qu’ainsi il se digere mieux, & se change plus aisément en nourriture. Cependant on avance à la page 529. du même Livre[28], que le poisson a plus besoin d’aide pour se digerer, & qu’afin d’empêcher qu’il ne donne des indigestions, ou pour guérir celles qu’il cause, il faut aussi-tôt aprés qu’on l’a mangé, recourir au thé ou au chocolat ; ce qu’il n’est pas necessaire de faire aprés la viande. On cite là-dessus les Missionnaires de la Cochinchine, qui ont trouvé, dit-on, que le thé leur étoit, sur tout, utile en mangeant du poisson. « On a fait, continuë l’Auteur, la même observation en Europe, & les Italiens l’assurent du chocolat, suivant la maxime qu’ils tiennent des Espagnols, que le chocolat change le poisson en chair : c’est qu’ils ont trouvé, dit-il[29], qu’en prenant du chocolat, le poisson ne donnoit pas d’indigestion, ou qu’on la guérissoit d’abord. »

Voilà qui montre visiblement que le poisson n’est donc pas d’une si facile digestion. L’Anonyme ajoûte que le caffé & le thé conviennent particulierement en Carême pour plusieurs raisons, dont l’une, comme nous l’avons déja remarqué, est, dit-il[30], qu’ils corrigent singulierement les aigreurs si ordinaires dans ce tems-là. Mais qu’est-ce donc qui cause ces aigreurs ? Sont-ce les poissons ? Si cela est, ils ne se changent donc pas si aisément en nourriture. Sont-ce les herbages, les racines, les legumes ? Nôtre Auteur nous assure qu’il n’y a rien de si sain. Sont-ce les Fruits ? car il lui est échappé plus haut de dire qu’ils étaient suspects d’un aigre secret ; mais outre que le Carême n’est guéres la saison des fruits, & que ceux qu’on mange alors aïant passé l’Hyver, sont moins propres à faire des aigreurs, l’Anonyme nous assure dés le commencement de son Livre, que les fruits sont préferables à toutes les autres nourritures, & qu’ils sont beaucoup plus sains que la viande & que le poisson.



CINQUIÉME RAISON.
On défend l’usage de la viande en tems de peste.



L’Auteur du Traité des Dispenses, ajoûte qu’en tems de peste on défend l’usage de la viande[31], à cause de sa mauvaise qualité, sur quoi il cite Elien, qui n’en dit pas un mot[32], & Rhasis, qui dit seulement qu’en tems de peste il faut éviter de manger du pigeon & du cochon. Voici ses paroles, que l’Anonyme s’est bien gardé de rapporter : Devitent verò lac dulce, & vinum, & palmulas, & mel, ac prorsus dulcia omnia, & calida condimenta, & vina condita, & pastinacâ, & columbinas & suillas carnes[33]. Qu’y a-t-il-là qui puisse donner droit à un Auteur équitable d’avancer que Rhasis défend en tems de peste l’usage de la viande. Au reste, plusieurs Medecins défendent en tems de peste la chair de porc frais, celle d’oye, de canard, & de tous les oiseaux aquatiques ; mais ils ne laissent pas de conseiller alors les poulets, les chapons, les perdrix, les phaisans, les lapereaux, le chévreau, & même le bœuf & le mouton ; tandis que d’un autre côté ils interdisent l’usage de l’anguille, de la tanche, & de quelques autres poissons[34].



SIXIÉME RAISON.
L’usage du poisson est plus ancien que celui de la viande.



Pour mettre le poisson au dessus de la viande ; on dit que « c’étoit la nourriture ordinaire des premiers peuples du monde[35] ; que rien n’excita tant les regrets du peuple Hebreu dans le desert, que le souvenir des poissons qu’il avoit en Egypte ; que ce peuple s’étant établi à Jerusalem, continua de s’en nourrir ; qu’une porte de la ville fut même appellée la Porte des Poissons, à cause, sans doute, de la grande quantité qu’on en apportoit par cette porte ; qu’un des principaux commerces des Tyriens avec la ville de Jerusalem, étoit en poisson ; que les Israëlites aimoient si fort le poisson, qu’ils en permettoient le debit le jour du Sabat : ce qui leur attira une dure réprimande de la part de Nehemie ; que les Apôtres étaient des Pescheurs ; que quand Jesus-Christ voulut nourrir les troupes qui le suivoient, il le fit avec du pain & des poissons ; que ce fut en mangeant du poisson qu’il donna des marques de sa Resurrection ; qu’il dit lui-même qu’un pere ne donnera pas un serpent à son fils, qui lui demandera un poisson ; ce qui marque, reprend-on, combien cette nourriture étoit alors familiere ». On joint à ces exemples celui des Romains, qui faisoient de grandes dépenses en poissons ; & on prétend conclurre de-là que le poisson est préferable à la viande. Mais outre qu’une nourriture, pour être plus ancienne qu’une autre, n’en merite pas plus de préference, ainsi que nous l’avons déja dit plus haut, on ne sçauroit prouver que l’usage du poisson, soit plus ancien que celui de la viande. Plus on remonte dans l’Antiquité, & plus on voit l’usage de la viande établi, au lieu que celui du poisson ne paroît être devenu fréquent que dans les siécles posterieurs. Abraham aïant pris pour des hommes les trois Anges qu’il reçut dans sa tente, leur servit un veau[36], qu’il fit cuire exprés. Isaac, dit l’Ecriture, aimoit Esaü, parce qu’Esaü lui faisoit manger de sa chasse[37]. Jacob voulant supplanter son frere, apporta à Isaac deux chévreaux, que Rebecca lui apprêta[38]. Rien, nous dit-on, dans le Traité des Dispenses, n’excita tant les regrets du peuple Hebreu dans le desert, que le souvenir des poissons qu’il mangeoit presque pour rien en Egypte, & dont il se saouloit à son aise ; c’est l’expression de l’Anonyme ; mais il falloit ajoûter que ce peuple regrettoit aussi la viande qu’il avoit mangée ; ce qui obligea Dieu de leur envoïer des cailles[39]. Il falloit ajoûter qu’il regrettoit aussi les concombres, les melons, les porreaux, les oignons, & l’ail, qui ne meritoient guéres d’être regrettez. On lit dans le troisiéme Livre des Rois[40] qu’il se consumoit par jour pour la table de Salomon, dix bœufs gras, vingt bœufs de pâturage, & cent beliers, sans compter ce que fournissoit la chasse, comme cerfs, chévres sauvages, bufles, oiseaux. Homere, dans les repas qu’il décrit[41], parle de bœufs, de brebis, de chévres, de cochons, de cerfs, &c. & ne fait nulle mention de poisson. A la verité on voit dans le quatriéme & dans le douziéme Livre de l’Odyssée, les Compagnons de Menelas & ceux d’Ulisse, qui se mettent à pescher ; mais Homère nous informe que c’est que les vivres leur avoient manqué. Virgile décrivant la réception qu’Evandre fit à Enée, dit qu’Evandre lui fit servir d’un bœuf.


Vescitur Æneas simul & Trojana juventus,
Perpetui tergo Bovis, & lustralibus extis[42].


Quand Enée eut abordé en Afrique, il tua sept cerfs à la chasse, & les distribua à sa suite, qui les coupa en morceaux, & les fit rôtir[43]. Quand il eut été jetté par la tempête dans les isles Strophades, il apperçût des bœufs & des chèvres qui paissoient sans garde : on en tua plusieurs, & on s’en regala[44]. Enfin, aïant été obligé de prendre port en Sicile, il y fut reçu par Alceste, qui fit present à sa flotte de plusieurs bœufs qu’ils mangerent[45]. Suetone parle d’un souper de Vitellius, où il y avoit, avec deux mille poissons, sept mille oiseaux[46]. Et pour revenir aux Livres Saints, à la verité, ce fut en mangeant du poisson que Jesus-Christ donna des marques de sa Resurrection ; mais ce fut aussi en mangeant l’Agneau Paschal qu’il célébra la Fête des Juifs. Il est dit dans l’Evangile que personne ne donnera un serpent à son fils, qui lui demandera un poisson ; mais il est dit aussi, que le père de l’enfant prodigue, voïant son fils de retour, fit tuer le veau gras. On lit que les troupes qui suivirent Jesus-Christ dans le Desert, furent nourries avec du poisson ; mais on lit aussi dans la parabole du Roi, qui voulut faire les nôces de son fils, qu’il envoïa dire aux Conviez que tout étoit prêt, qu’il avoit fait tuer ses bœufs & ses volailles. On ne sçauroit donc dire que l’usage du poisson soit plus ancien que celui de la viande. Abraham, Isaac, Jadob, vivoient de la chair de leurs troupeaux, & en vivoient sainement, sans doute, puisque Abraham mourut âgé de 187. ans. Sara, sa femme, de 175. Isaac, de 181. & Jacob, de 147. Ovide, décrivant la vie heureuse des premiers siécles, dit qu’on n’y mangeoit point de poisson.

Piscis adhuc illi populo sine fraude natabat,
Ostreaque in conchis tecta fuere suis
[47].

Du tems d’Hippocrate, on mangeoit du poisson ; mais on mangeoit aussi de la viande, sur quoi nous remarquerons qu’on étoit là-dessus bien moins délicat que nous ; ainsi qu’il paroît par le soin qu’Hippocrate prend de dire quelle est la qualité de la chair de chien, de renard, de cheval, d’âne, comme il nous dit, quelle est celle de la chair de bœuf, de veau, de mouton, &c. ce qu’il n’auroit pas fait, si ces viandes n’avoient été alors en usage du moins parmi le peuple.



SEPTIÉME RAISON.
Les Anciens emploïoient le poisson dans presque toutes les maladies.



Rien, dit l’Anonyme[48], ne montre mieux combien le poisson est sain, que l’usage qu’en faisoient les Anciens, dans les maladies les plus fâcheuses. De célébres Medecins, ajoûte-t-il, ont reconnu depuis eux, la préference qu’on devoit donner au poisson dans ces cas ; & un célébre professeur moderne a entrepris de prouver, avec assez de vrai-semblance, dans son Livre intitulé, Medicinæ Christianæ speculum, qu’il n’est guéres de maladies où l’usage du poisson ne fût convenable, pour ne rien dire de plus.

L’Anonyme, qui a pris cet exemple dans Pierre Gontier, sans lui en faire honneur, auroit pû ajoûter la réflexion que fait en même tems ce Medecin, sçavoir, que si pendant un certain tems les Anciens ont donné du poisson dans presque toutes les maladies indifferemment ; c’étoit plûtôt pour s’accommoder à la coûtume de ces tems-là, où le poisson ne coutant presque rien, étoit devenu la nourriture la plus commune, que pour aucune autre raison[49]. Nonnius, l’un des plus grands Partisans du poisson, dit qu’un Medecin doit bien se garder de croire que le poisson soit innocent dans toutes les maladies. Ceux, dit-il, qui ont l’estomac plein de pituite, ceux qui sont sujets aux caterres, les hydropiques, &c. doivent fuïr le poisson, comme pernicieux[50].



HUITIÉME RAISON.
Le Poisson n’a pas besoin de tant de préparation que la viande.



Le Poisson, à ce qu’on nous dit, dans le Traité des Dispenses[51], « n’a presque pas besoin de feu pour être préparé, au lieu que la viande ne devient supportable au goût qu’aprés une longue cuisson, & que souvent ce n’est qu’après beaucoup de préparations qu’on la rend agréable & utile à la santé. Il n’en est pas de même, poursuit-on, des viandes de Carême : la plûpart, au sortir des mains de la nature, sans cuisson & sans art, se trouvent propres à nourrir, & agréables au goût. Si les poissons, & le reste des legumes[52] ont besoin de feu, pour s’accommoder à notre nature, ce feu paroît moins emploïé pour corriger ces sortes d’alimens, que pour les pénetrer, les attendrir, & en développer ce qu’ils ont de plus propre & de plus innocent pour la santé. Ce n’est pas même d’un feu sec & immédiat, dont ils ont besoin ; mais d’une élixation douce & ménagée, au moïen de laquelle cet élement, devenu semblable à la chaleur naturelle, nous prépare des mets innocens. Enfin, conclut-on, il seroit facile de se convaincre que les legumes & le poisson ont besoin d’un moindre assaisonnement, & moins recherché, si dans leur usage on se proposoit moins l’agréable que l’utile, toutes marques sensibles que ces alimens sont les plus naturels à l’homme. »

Les poissons n’ont pas besoin de tant de préparations que la viande. Mais de quelles préparations la viande a-t-elle donc tant besoin ? N’est-elle pas suffisamment préparée, quand elle est, ou rôtie, ou boüillie ? & sont ce-là de si grandes préparations ? Le poisson en demande-t-il moins ? Le feu, nous dit-on, qui sert à préparer le poisson & les legumes, est moins emploïé pour corriger çes alimens, que pour les pénetrer, les attendrir, & en developper ce qu’ils ont de plus propre & de plus innocent pour la santé. Mais, où l’Anonyme a-t-il appris qu’il n’en soit pas de même de la viande ? Ce n’est pas d’un feu sec & immédiat, dont le poisson a besoin, une élixation douce, & semblable à la chaleur naturelle, lui suffit, dit l’Auteur. Mais sans objecter la maniere dont on prépare le Thon, & plusieurs autres poissons, comment nôtre Auteur peut-il supposer que la viande ait besoin d’un feu sec & immédiat ; lui qui dit à la page 289. qu’elle est plus saine & plus nourrissante boüillie que rôtie. Le poisson n’a pas besoin d’un feu sec & immédiat ; pourquoi donc conseiller aux temperammens foibles, les poissons rôtis, comme on le fait à la page 255. du même Traité, où on prétend que les personnes délicates doivent manger le poisson sortant de dessus le gril, & au gros sel ? Le feu du gril est sans doute un feu sec & immédiat, assez peu semblable à la chaleur naturelle du corps. Mais laissons ces contradictions, ausquelles il est inutile de nous arrêter. Examinons le principe de l’Auteur.

Un aliment est d’autant moins convenable, qu’il y faut plus de préparation, & d’autant meilleur, qu’il se peut manger sans cuisson & sans art. Que vont donc devenir les grains dont on fait le pain, & que nôtre Auteur regarde comme les alimens les plus naturels à l’homme ? Par combien de préparations ne faut-il pas que ces grains passent pour pouvoir devenir notre nourriture ? La viande en demande-t-elle autant ? Il faudra donc dire que ces grains ne seront un aliment naturel qu’à ceux d’entre les animaux qui les mangent crus. Que vont devenir les poissons même, puisqu’à la reserve des huitres, des anchoyes, & des harengs, qui sont bons cruds, ils ont besoin d’être préparez par le feu. Que deviendra la carpe, entr’autres, que nôtre Auteur, comme on le verra dans un moment, dit être destinée par la Providence divine pour l’usage de l’homme ? Elle ne sera donc plus propre qu’à servir de pâture au brochet, qui s’en accommode fort bien, comme elle est au sortir des mains de la nature, sans cuisson & sans art.

Mais pour revenir au bled, il faudra donc, ainsi que nous venons de dire, le regarder comme la nourriture la moins naturelle à l’homme, n’y en aïant aucune qui demande plus de préparations. La viande n’a besoin que d’être rôtie ou bouillie ; les pois & les féves se mangent simplement boüillis ou frits ; mais pour le bled, il faut le moudre, le détremper, le paîtrir, le faire fermenter, le mettre au four ; & s’il lui manque quelqu’une de ces préparations, il est plus capable de faire du mal, que de nourrir : personne ne l’ignore. Mais ce que Galien raconte là-dessus, est digne d’attention. Un jour, dit-il, qu’étant encore Ecolier, j’étois allé me promener à la Campagne, avec deux jeunes gens de mon âge, nous nous trouvâmes dans un village, où le pain étoit devenu si rare, que des Païsans chez qui nous fumes pour souper, ne purent nous présenter, au lieu de pain, que du froment boüilli dans de l’eau, & assaisonné d’un peu de sel. Comme le chemin nous avoit donné de l’appetit, nous mangeâmes ce qu’on nous présenta. Mais nous ne fumes pas long-tems sans nous en répentir : car peu aprés il nous sembla que nous avions dans l’estomac une masse de terre. Nous passâmes la nuit dans cet état ; & le lendemain loin d’en être quitte, nous ressentimes de grandes douleurs de tête, nous ne discernions les objets que comme à travers des nuages, & il ne nous fut pas possible de rien prendre de tout le jour, tant nous étions dégoûtez & languissans. Nous voulûmes sçavoir de ces Païsans si le mets qu’ils nous avoient donné leur étoit ordinaire, & comment ils s’en trouvoient ; ils nous répondirent qu’ils en usoient souvent, à cause de la disette du pain ; mais que cette nourriture leur étoit toujours trés-lourde, & qu’ils avoient beaucoup de peine à la digerer[53].

Voilà ce que Galien dit qui lui arriva, pour avoir mangé du bled boüilli dans l’eau. Il ajoûte qu’il n’y a rien en cela qui doive surprendre, puisque la farine même est trés-difficile à digerer, si elle n’a été paîtrie, si elle n’a fermenté, & si elle n’a éprouvé le feu du four[54] : ce qui ne s’accorde que trop avec l’experience. Concluons donc que selon les principes de l’Anonyme, il n’y auroit point d’aliment moins naturel à l’homme que le bled, puisqu’il n’y en a point qui ait plus besoin du secours de l’art.



NEUVIÉME RAISON.


La viande est remplie de soufres malins ; elle rebute l’estomac par l’horreur de sa graisse ; elle est rebelle à la digestion, par la tissure de ses fibres ; elle se corrompt aisément.



L’Auteur du Traité des Dispenses, pour relever davantage le merite du poisson, paroît tout disposé à faire trembler le genre humain sur l’usage de la viande. Cette nourriture, selon lui, est dangereuse pour la vie, & il ne faudroit, pour s’en convaincre, dit-il[55], « qu’examiner les inconveniens ausquels nous exposent les chairs des animaux. Que n’auroit-on pas à dire contre la malignité de leurs soufres qui les rend si fort inflammables, contre les horreurs de leurs graisses qui rebutent tant d’estomac, contre la tissure de leurs fibres qui les rend si rebelles à la digestion, contre leur facilité à se corrompre, contre leur difficulté à se distribuer ? Mais ce seroit prêcher les sourds ; comme cet usage a la prescription pour lui, on courroit risque de n’y pas réüssir ; il sera donc plus modeste & plus seur de laisser le monde dans ses droits sur la viande. »

L’Auteur a raison, il prend le bon parti ; il a bien pû voir, en effet, que quelque chose qu’il eût pû dire contre cette nourriture, le monde se seroit calmé sans peine là-dessus, par la seule consideration d’une experience continuelle de quatre ou cinq mille ans, depuis le Déluge[56]. Disons plûtôt que c’est pour s’exempter de la preuve, qu’il suspend si volontiers son discours : il emploïe pour cela une figure de Rethorique ; mais ce n’est pas de figures de Rethorique qu’on se païe en Medecine, on veut des raisons, & des raisons solides, fondées sur des faits & des experiences : car de s’en tenir à s’écrier, que n’auroit pas à dire, &c. c’est annoncer qu’on n’a rien à dire. Si la viande est si mal-faisante, le sujet merite bien qu’on en instruise le public. Il faut montrer ce que c’est que ces souffres malins & empoisonnez, qui la rendent si pernicieuse, autrement c’est tomber dans le même inconvenient de celui, qui pour faire voir, par exemple, combien le Traité des Dispenses est different d’un Ouvrage solide, se contenteroit de s’écrier : Que n’auroit-on pas à dire des contradictions continuelles de l’Auteur ? de ses raisonnemens pueriles ? de sa liberté à inventer des citations ? de sa hardiesse à débiter comme de lui, des traits & des pensées qu’il a puisez ailleurs ? du peu de connoissance qu’il a des premiers principes de la Physique & de la Medecine ? de son peu de lumiere dans l’anatomie,… & qui ne voudroit rapporter aucun éxemple, pour appuïer ces differentes accusations. Ne le prendroit on pas, avec raison, pour un homme injuste, qui se sentant hors d’état de prouver ce qu’il avanceroit, voudroit, mal-à-propos, en être crû sur sa parole ? L’Anonyme auroit donc dû au moins se mettre en devoir de prouver la réalité des soufres empoisonnez, qu’il suppose dans la viande, & puisqu’il ne l’a pas fait : avoüons que c’est qu’il auroit été trés-embarrassé de le faire.

L’Auteur du Traité de la digestion & des maladies de l’estomac, dit deux choses, qui sont à considerer ici ; l’une, que les alimens ne changent point de caractere & de nature, en se tournant en chyle & en sang ; qu’ils demeurent toûjours ce qu’ils étoient, & qu’ils ne changent que d’apparence ; l’autre, que le chyle & le sang ne renferment ni sels ni soufres, soit en santé, soit en maladies. Que conclurre de-là, sinon que si cet Auteur dit vrai, la viande, bien loin de renfermer des soufres malins, ne renfermeroit donc pas même des soufres ? en effet, si les alimens ne changent point de nature, en se tournant en chyle & en sang, la viande doit communiquer ses soufres au chyle & au sang, si elle en a : or, selon l’Auteur du Traité de la Digestion, elle n’en communique point ; elle n’en a donc point : nous laissons à l’Auteur du Traité des Dispenses, le soin de répondre à l’Auteur du Traité de la Digestion.

Quant à ce qu’on ajoûte de la graisse, l’Anonyme croit-il que quand on conseille l’usage de la viande, on conseille d’en choisir la graisse ? ignore-t-il qu’un bon morceau en fait de viande, est un morceau tendre, charnu, & plein de suc ? s’imagine-t-il que la graisse & le suc de la viande soit la même chose ? une viande pleine de graisse rebute l’estomac ; mais une viande pleine de suc produit un effet tout different. De plus, le poisson a aussi sa graisse, & cette graisse est encore plus mal-saine que celle de la viande, comme nous l’avons déja dit, aprés un célébre Medecin : cum omnis pinguedo mala sit, piscium pessima est[57]. Pour ce qui est de la tissure des fibres, l’Anonyme trouve-t-il cette tissure trop dure dans une volaille bien nourrie, donc les morceaux se fondent comme d’eux-mêmes sur la langue, ou dans une piece de boucherie bien choisie & bien mortifiée ? Ne s’est il jamais trouvé à d’assez bonnes tables, pour sçavoir que la viande n’est point si coriasse qu’il le dit ? Au regard de la facilité à se corrompre, qu’entend-il par-là ? Ou il prétend dire que la viande ne peut être gardée long-tems sans se gâter ; ou il veut faire entendre que lorsqu’elle est dans l’estomac, elle s’y corrompt aisément, au lieu de s’y digerer. S’il veut dire qu’elle ne se garde pas long-tems, il doit sçavoir que le poisson se garde encore moins[58] : d’ailleurs, la facilité que peut avoir un aliment à se corrompre, quand il est naturellement d’une espece à cela, ne le rend ni moins sain, ni moins nourrissant, pourvû qu’on ne lui laisse pas le tems de se gâter. C’est la reflexion que fait le sçavant Pisanelli, en recommandant l’usage de la carpe : elle se corrompt promptement, dit-il, mais il n’y a qu’à la faire cuire au plûtôt : Nullâ damni infamiâ laborat, præterquam quod citò computrescat, quamprimùm itaque coquendus est[59].

Il n’y a point d’aliment plus susceptible de corruption que le lait, c’est cependant celui que la nature donne aux animaux dés qu’ils sont nez. Une nourriture moins facile à se corrompre, resisteroit à la digestion de leur estomac : par où on voit qu’un aliment facile à s’alterer, n’en est quelque-fois que meilleur.

S’il veut dire que la viande a plus de facilité à se corrompre dans l’estomac qu’à s’y digerer, il doit encore sçavoir que cet aliment ne causa jamais tant de cours de ventre & de rapports, que les fruits & le poisson. Pour ce qui est de la difficulté à se distribuer, on lui seroit bien obligé s’il vouloit nous communiquer les raisons qui le portent à croire qu’une aile de poulet, par exemple, se distribuë moins aisément dans le corps, qu’un morceau de moruë ou de saumon. Quoi-qu’il en soit, nous verrons à la fin de cette premiere Partie, que nôtre Auteur est trés-peu d’accord avec lui-même sur tout ce qu’il avance contre la viande. Qu’il nous soit permis, avant que de nous engager plus loin, de faire ici une petite digression.

Le poisson étant quelque chose de si sain, & la viande quelque chose de si mortel, ne seroit ce point pour cette raison que les Romains n’épargnoient rien pour avoir du poisson ? Il n’en faut pas douter, selon nôtre Auteur, aussi a-t-il grand soin de nous remettre devant les yeux les excessives dépenses que ce peuple faisoit en poisson ; mais à ce sujet il se pare d’une érudition qui ne lui appartient pas. Ces dépenses, observe-t-il, « alloient jusqu’à ruiner des familles, d’où venoient cette plaisanterie d’appeller Antropophages, les poissons rares & précieux, parce qu’ils dévoroient, pour ainsi dire, leurs acheteurs, en les ruinant ; d’où on apperçoit, dit-il, le sens de cette Epigramme :


« Exclamare libet non est hoc, improbe ! non est
Piscis. Homo est. Hominem Callidiore voras.
        Mart. Lib. X. Epigram. XIII. »


« Cet excés, poursuit-il, alla jusqu’à faire dire à Caton, qu’on ne pouvoit plus répondre de la durée des villes, parce que le prix d’un poisson étoit au point de surpasser celui d’un bœuf, à ce que dit Plutarque. »

On diroit, à voir la maniere dont nôtre Anonyme cite ici Martial & Plutarque, qu’il se seroit au moins donné la peine de verifier dans ces deux Auteurs ce qu’il en rapporte ; mais nullement ; il s’est contenté de le prendre dans le Livre de Piscibus, de Pierre Gontier, chap. 3. pag. 384, où ces deux passages se trouvent par occasion ; & il l’a fait avec tant fidelité[60], qu’il a copié jusqu’à deux fautes d’impression, qui se trouvent ici dans le Livre de Gontier ; l’une, est Epigr. 13. pour. Epigr. 31. ce que l’Anonyme a si peu soupçonné de faute, qu’au lieu de se contenter de mettre Epigr. 13. comme il l’a trouvé, il a mis en chifre Romain, Epigr. XIII[61]. L’autre est, Callidiore, qui signifie, selon lui, comme nous le verrons tout-à-l’heure, Esprit fin & rusé, pour Calliodore, qui est le nom propre de celui à qui s’adresse l’Epigramme. Quant à la citation de Plutarque, il se contente de mettre simplement Plutarch. sans marquer l’endroit ; mais c’est que Gontier ne l’a pas marqué. Au reste, l’Anonyme, qui se flatte de nous faire appercevoir le sens de ces Vers, Exclamare libet, &c. ne l’apperçoit pas lui-même. On appelloit, dit-il, Anthropophages, les poissons rares & précieux ; parce qu’ils dévoroient, pour ainsi dire, leurs acheteurs, en les ruinant ; d’où on apperçoit le sens de cette Epigramme, &c. Certainement il seroit assez difficile d’appercevoir dans une telle explication ce que signifient les deux Vers dont il s’agit ; car enfin, selon cette explication, c’est le poisson qui est l’Anthropophage ; & cependant, selon les termes de Martial, c’est tout le contraire. L’Anthropophage est l’homme même, qui mange le poisson, Hominem Calliodore voras. Comment donc cet endroit se doit-il entendre ? Il ne faut, pour l’appercevoir, que lire l’Epigramme même que voici ; car les deux Vers que nôtre Auteur a pris pour l’Epigramme entiere ; parce qu’il n’a trouvé dans Gontier que ces deux Vers de citez, n’en sont qu’une partie.


Addixti servum nummis, Here mille trecentis :
    Ut bene Cœnares, Calliodore ! semel.
Nec bene Cœnasti. Multi tibi quatuor emptus
    Librarum, Cœnæ pompa caputque fuit.

Exclamare libet, non est hoc, improbe ! non est.
    Piscis : Homo est. Hominem Calliodore voras.


On voit par-là que Calliodore aïant vendu un Esclave pour avoir de quoi acheter un Barbeau, dont il vouloit se regaler à un souper, Martial a raison de plaisanter, en disant que ce Barbeau étant le prix d’un homme, on peut s’écrier : Ce n’est pas un poisson que tu manges, Calliodore ! c’est un homme.


            Hominem Calliodore ! voras.


On ne devineroit pas aprés cela comment nôtre Auteur a pû se figurer qu’en supposant que c’étoit le poisson qui dévoroit l’homme ; on devoit appercevoir le sens des deux Vers. Mais voici ce que le hazard nous a appris là-dessus : On se trouva engagé il y a quelque tems à lier conversation avec une personne inconnuë, sur quelques sujets de Litterature. La conversation tomba sur la vanité de certaines gens, qui citent les Auteurs sans les entendre, & quelque-fois sans les avoir lûs. L’Inconnu fit mine d’en chercher quelques exemples ; mais sa memoire ne lui en fournissant pas, on crut bien faire de lui rapporter celuy dont on vient de parler. L’Inconnu soûtint que le passage étoit trés-bien expliqué ; & quoi-qu’il témoignât ne pas connaître l’Auteur du Traité des Dispenses, le soin avec lequel il prit son parti, fit juger le contraire. On ne perdit pas l’occasion de lui demander quel sens raisonnable on pouvoit donc donner à ces paroles, exclamare libet, &c. en supposant que c’étoit le poisson qui dévoroit l’homme ? Et il fit la réponse suivante, qui laissa voir aisément qu’il n’avoit pas l’Epigramme de Martial, & qu’il s’en sçavoit que les deux Vers en question, où il lisoit aussi Callidiore ! Ne soupçonnant pas qu’il dût y avoir autrement. Le poisson, dit-il, étant si cher, qu’il ruinoit les acheteurs, on pouvoit dire en quelque sorte qu’il dévoroit les hommes qui le mangeoient ; & c’est ce que veut faire entendre Martial, quand il dit :


Non est hoc, improbe ! non est
    Piscis. Homo est hominem Callidiore ! voras.


Car, reprit-il, voici ce que signifient ces paroles : non méchant, improbe ! c’est-à-dire, prodigue, dissipateur : non ce n’est pas-là un poisson, c’est un homme, & un homme rusé, qui a plus de finesse que toi, puisque tu en es la duppe. Toi donc, ô rusé poisson, Callidiore ! il faut avoüer que tu jouës bien l’homme qui le mange, puisque tandis qu’il croit te dévorer, c’est toi qui le dévores : Hominem, Callidiore ! voras.

Il fut difficile de tenir son sérieux dans cette occasion ; on se fit néanmoins violence, & de peur de se trop déclarer, on s’abstint de proposer à l’inconnu quelques autres exemples, qui trouveront leur place dans la suite. On le remercia de ses lumieres, & on le laissa fort content de lui.



DIXIÉME RAISON.

Le témoignage des plus grands Medecins.



On nous assure que les Princes de la Medecine ont crû le poisson d’une chair legere, délicate, comparable à celle des oiseaux, d’un suc loüable, capable de faire de bon sang, préferable enfin à la viande[62]. Certes, c’est faire tenir à ces Princes de la Medecine un langage bien indigne d’eux, que de leur faire dire, que la chair du poisson est comparable à celle des oiseaux, & préferable enfin à la viande. Comme si ces Princes de la Medecine avoient crû que la chair des oiseaux ne fût pas de la viande : car enfin, que signifie ce discours, que la chair des poissons est comparable à celle des oiseaux, & préferable enfin à la viande ? Quoi-qu’il en soit, si la chair des poissons est comparable à celle des oiseaux, les oiseaux valent donc encore mieux : car dire qu’une chose est comparable en bonté à une autre, c’est supposer que cette autre est encore plus excellente. Si donc les plus grands Medecins ont trouvé la chair du poisson comparable à celle des oiseaux, c’est une marque qu’ils ont supposé que celle des oiseaux valoit encore mieux.



  1. ἰχθύες κοῦφον ἔδεσμα καὶ ἑφθοὶ καὶ ὀπτοί. de affect.
  2. τὰ ἀσθενέα τῶν σιτίων καὶ τὰ κοῦφα… οὔτε αὐξάνει, οὔτε ἰσχνὸν ἀξίην λόγου παρέχει id. ibid.
  3. ἀπὸ τούτων τὰ μὲν ἰσχυρὰ διδόναι, ὅταν ἀνακομίσαι τινὰ βούλῃ, τὰ δὲ κοῦφα, ὅταν ἰσχνὸν δέῃ καὶ λεπτὸν ποιῆσαι Hippocr. ibid.
  4. Pisces suggerunt corpori nostro alimentum frigidum & humidum, aut potiùs chylum, mucilaginosum, talemque sanguinem. L. Christ. Frider. Garmann de Miracul. mortuor. lib. 3. titul. 1. p. 847.
  5. ἡ δέ ἰκμὰς ἀπ’ αὐτῶν τῷ σώματι ἀσθενὴς γίνεται καὶ οὔτε αὐξάνει, οὔτε ἰσχὺν ἀξίην λόγου παρέχει. Hipp. de affection.
  6. Johan. Jacob. Vepfer. Exercitat. de loco Apoplexiâ affecto.
  7. Animadvertes in praxi Medicâ aliquos ægros fluxionibus & diuturnis morbis obnoxios, tempore quadragesimali convalescere, Paschale iterùm ob esum carnium languescere. Georg. Bagl. de Morbor. success. cap. 9.
  8. Hipp. l. 4. Acut. tex. 37.
    Aurelian. lib. 1. Acut. Passion. cap. 11.
    Galen. Comment. 1. in lib. Acut. text. 27. & lib. 4. de tuend. sanit. c. 12. item. lib. 7. Meth. cap. 6. & lib. 8. Meth. cap. 2. item. l. 1. ad Glau. c. 9. & 11.

    Rasis, lib. 10. ad Almans. cap. 2.
    Avicenn. Fen. 1. lib. 4. Tract. 2. cap. 8.
    Villonovanus Consilio pro Carthusianis edito.
    Savonarola, lib. de Febr. cap. 7. rubr. 3.
    Cardan in lib. 2. Aph. 32.
    Trincavel. Lect. 55 69 & 76. in 1. ad Glaucon.
    Capivaccius, l. 6. Meth. cap. 28.
    Saxonia, lib. 8. Pan. cap. 30.
    Vide Ant. Merindol. exercitat. octav.

  9. Anton. Merindol. Exercitat. octav.
  10. Petrus Gont. lib. 12. cap. 2. cum omnis pinguedo mala sit, piscium pessima est.
  11. Galenus, lib. 3. de Aliment. facultat. ex marinis piscibus illos præsert qui nunquam fluviorum ostia superant, imò mare illud deterius dicit, quod plures & majores fluvios admittit. Nonn. de re Cibar. lib. 3. cap. 12.
  12. Ludovic. Nonnius, de re Cibar. lib. 3. cap. 12.
  13. Pag. 123. de la 1e. édit. & p. 206. de la 2e. to. 1.
  14. Ces Antitheses se trouvent mot à mot dans l’original. Ceux qui en douteront, n’ont qu’à consulter l’endroit.
  15. Page 29. de la premiere édit. ligne 27. & pag. 51. de la seconde, tome 1.
  16. Page 25. de la premiere édit. ligne 27. & pag. 41. de la seconde, tome 1.
  17. C’est l’expression de l’Auteur, dans les deux éditions. Apprendre les poissons, pour apprendre aux poissons : cette expression lui est familiere. Nous ne l’avons pas voulu changer.
  18. Pa. 120. de la 1e. édit. & p. 200. de la 2e. tom. 1.
  19. La vraie raison de cette défense, c’est que Pythagore croïoit qu’il y avoit quelque chose de divin dans le poisson. Ascens. in Aulu-Gell. cap. 11.
  20. Petrus Gontier, de Piscib. cap. 1.
  21. Il y en a quelques-uns qui y sont sujets, comme, entr’autres, le celerin. Voïez Pline, l. 9. cap. 47. c. 19. l. 8
  22. Arist. lib. 8. c. 19.
  23. Plin. Hist. Natur. lib. 9. cap. 49.
  24. Id. lib. 9 cap. 30.
  25. Petrus Gontier de Piscibus, cap. 2.
  26. Plin. lib. 8. cap. 32.
  27. Petrus GOntier, lib. 10. cap. 10 de cibis qui ex carnib. sumutur. Voïez aussi Nonnius, de re Cibar. lib. 2. cap. 10.
  28. Pag. 529. de la 1e. édit. & p. 396. de la 2e. tom. 2.
  29. Pag. 529. de la 1e. édit. & p. 397. de la 2e. tom. 2.
  30. Pag. 576. à la fin de la pag. 1e. édit. & p. 474. de la 2e. tom. 2.
  31. Pag. 121. de la 1e. édit. & p. 202. de la 2e. tom. 1.
  32. Il cite Elien, Variar. Histor. lib. 1. & Elien ne dit pas un mot de cela, ni dans le livre cité, ni dans aucun autre.
  33. Rhas. lib. de Pest. cap. 4.
  34. Angel. Sala, Tract. de Peste. Undzerus, de Lue Pestifero, l. 11. c. 30.
  35. Pag. 118. de la 1e. édit. & p. 196. de la 2e. tom. 1.
  36. Genes. cap. 18. v. 7. & 8.
  37. Genes. cap. 25. v. 28.
  38. Genes. cap. 27. v. 9. & 19.
  39. Exod. cap. 16. v. 3. Utinam mortui essemus per manum Domini in terrâ Ægypti quando sedebamus super escas carnium, & comedebamus panem in saturitate.

    Quis dabit nobis escas carnum, bene nobis erat in Ægypto. Num. cap. 1.. v. 18.

  40. Reg. l. 3. cap. 11. v. 22. & 23.
  41. Odyss. lib. 2. lib. 8. lib. 9. & 10.
  42. Æneïd. lib. 8. v. 18.
  43. Æneïd. lib. 1. v. 215.
  44. Æneïd. lib. 3. v. 228.
  45. Æneïd. lib. 5. v. 61.
  46. Suet. in Aul. Vitell.
  47. Ovid. Fastor. 6.
  48. Pag. 121. de la 1e. édit. & p. 205. de la 2e. tom. 1.
  49. Observatione dignum est de piscibus, quos antiqui in ægris quibusvis curandis concedebant, sive quod ipsos suapte naturâ admodum convenire putarent, sive quod pro levissimo haberentur edulio ; vel quod verosimilius, quia pauci erant qui in sanitate piscibus potiùs quam carnibus non vescerentur, unde consuetudine impulsi, quam respiciendam imprimis docet Hippocrates, magis quàm aliâ ratione id factitarunt. Petrus Gontier, lib. 13. c. 26. de piscib. aquar. dulcium.
  50. Nonn. de piscium esu, cap. 8.
  51. Pag. 169. de la 1e. édit. & p. 303. de la 2e. tom. 1.
  52. Pag. 170. de la 1e. édit. & p. 304. de la 2e. tom. 1.
  53. Galen. de Aliment. facultat. lib. 1. cap. 7. de Tritico in aquâ elixo.
  54. On peut juger par là, pour le remarquer en passant, du tort qu’on fait aux enfans, quand au lieu de mie de pain, on met de la farine dans leur boüillie, & que cette farine n’a pas même été cuite au four, ou sur le feu. Cette faute est la cause ordinaire des tranchées qu’ils souffrent, & de la plûpart des maladies qui leur arrivent.
  55. Pag. 171 de la 1e. édit. & p. 307. de la 2e. to. 1.
  56. Lettre du R. P. le Brun, de l’Oratoire, à Monseigneur l’Archevêque d’Aix, sur le Traité des Dispenses.
  57. Petrus Gontier, lib. 22. cap. 2.
  58. Asservati pisces semper damnantur, quia nihil tam citò corrumpitur. Petrus Gontier, lib. 2. de piscib. cap. 2.
  59. Pisanell. de Escul. & Potul. Facult.
  60. Si l’on veut voir tout d’un coup & sans peine jusqu’à quel point cet Auteur est plagiaire, on peut consulter la page 122. du Traité des Dispenses, premiere édit. & page 204. de la seconde, tom. 1. dans laquelle il est parlé des soins que les Grecs & les Romains apportoient pour conserver le poisson frais. On y verra Seneque, Juvenal, hardiment citez par nôtre Auteur, tandis que le sçavant Nonnius, où il a pris mot à mot toutes ces citations, est soigneusement mis à l’écart, sans qu’il en soit seulement fait mention. L’endroit est digne de curiosité. Voïez Nonn. de re Cibar.
  61. Voïez pag. 119. de la premiere édit., car dans la seconde, il a mis Epigr. 27. quoi-qu’il se trompe encore, puisque c’est l’Epigr. 31.
  62. Page. 121. de la 1e. édit. & p. 202. de la 2e. tom. 1.