Traité de radioactivité/Tome 2/15

Gauthier (2p. 417-434).


CHAPITRE XV.

ACTINIUM ET SA FAMILLE.




202. Activité de l’actinium. — L’actinium est une substance d’activité permanente ; elle donne lieu à une émission de rayons et elle dégage une émanation radioactive de très courte durée, dont la période est 3,9 secondes. Cette émanation produit une radioactivité induite caractérisée par une période de décroissance de 36 minutes.

Relativement à la constance du rayonnement de l’actinium, nous n’avons encore que des données restreintes. En mesurant le rayonnement pénétrant de l’actinium contenu dans une ampoule de verre mince (échantillon préparé depuis 4 ans), on a constaté que l’activité est restée sensiblement constante pendant l’intervalle de temps de 18 mois, sur lequel portent actuellement les mesures.


203. Actinium X. — On a vu qu’en ajoutant du baryum à une solution d’actinium et en précipitant, après quelque temps, le baryum par l’acide sulfurique, M. Debierne[1] a obtenu un entraînement d’activité avec le baryum précipité. Ce n’était pas l’actinium seul qui était entraîné dans ces conditions ; en effet si, après avoir transformé le sulfate en chlorure, on précipitait dans la solution l’actinium par l’ammoniaque, le baryum qui restait dissous conservait une forte activité, plusieurs centaines de fois plus grande que celle de l’uranium. L’activité pouvait être encore concentrée par cristallisation fractionnée du sel de baryum et s’accumulait dans les cristaux ; elle pouvait alors atteindre une valeur plusieurs milliers de fois plus élevée que celle de l’activité de l’uranium. Mais après trois semaines le produit obtenu ne conservait plus qu’environ un tiers de son activité initiale. L’activité obtenue était d’autant plus grande que le sel de baryum avait été laissé plus longtemps en solution avec l’actinium.

M. Giesel[2] a observé que l’activité de l’actinium augmente pendant 1 mois après la préparation et prend ensuite une valeur constante. En précipitant une solution d’actinium par l’ammoniaque, il a obtenu dans la solution ammoniacale une substance active dont l’activité disparaissait en quelques mois et qu’il nomma émanium X, l’identité de l’émanium et de l’actinium n’ayant pas encore été admise à cette époque.

M. Godlewski[3] a entrepris simultanément la recherche d’une substance jouant par rapport à l’actinium le même rôle que le thorium X par rapport au thorium. En traitant une solution d’actinium par l’ammoniaque, il obtint dans le précipité l’actinium à l’état à peu près inactif, tandis que la dissolution ammoniacale évaporée laissait un résidu très actif. La substance active ainsi séparée de l’actinium a été nommée actinium X. Elle se trouvait dans le résidu très faible qui subsiste après la destruction des sels ammoniacaux par la chaleur ; la masse de ce résidu dépend des impuretés contenues dans l’actinium, mais l’activité totale est proportionnelle à la quantité d’actinium utilisée pour l’opération.

La loi de l’évolution de l’activité totale a été étudiée pour l’actinium X et pour l’actinium privé d’actinium X. On constate que, pendant le premier jour après la séparation, l’actinium X éprouve une augmentation d’activité d’environ 15 pour 100 (fig. 181) ; après avoir passé par un maximum, l’activité décroit ; la loi limite de la décroissance est une exponentielle simple, caractérisée par une période de 10,2 jours, correspondant à une constante radioactive Cette loi de décroissance ne s’appliquait exactement qu’après avoir retranché de l’activité totale une activité résiduelle constante, d’environ 2,7 pour 100.

La courbe d’accroissement de l’activité de l’actinium n’était pas exactement celle qui correspond à la formation d’actinium X avec débit constant, toutefois l’allure générale de la courbe correspondait à cette hypothèse. La faible valeur du rayonnement initial permettait de penser que l’actinium n’est pas actif par lui-même.

M. Godlewski a prouvé que l’actinium X est la source de l’émanation de

Fig. 181.


l’actinium ; le débit d’émanation est en effet intimement lié à la quantité d’actinium X présent et non à celle de l’actinium. La présence de l’émanation entraîne d’ailleurs la formation du dépôt actif. Ce dernier accompagne l’actinium X dans la séparation par l’ammoniaque ; mais en calcinant le résidu de l’évaporation de la solution ammoniacale on détermine la volatilisation du dépôt actif, et la formation de ce dernier occasionne l’augmentation initiale de l’activité de l’actinium X nouvellement préparé.

Au lieu de préparer l’actinium X en utilisant la précipitation d’une solution d’actinium par l’ammoniaque, on peut utiliser l’entraînement de l’actinium X par le sulfate de baryum, suivi d’un traitement de cristallisation fractionnée effectué sur le sel de baryum (chlorure ou bromure) contenant l’actinium X. D’après M. Giesel, la séparation de l’actinium X par ce procédé, à partir d’une solution chlorhydrique neutre de terres rares exemptes de thorium, est une opération très complète.

M. Godlewski avait trouvé que l’actinium X émet des rayons et aussi des rayons Toutefois M. Lewin[4] a montré qu’en chauffant fortement l’actinium X, de manière à chasser complètement le dépôt actif, on obtient une matière qui émet seulement des rayons L’activité initiale de l’actinium X accompagné de l’émanation, mesurée en rayons représentait 72 à 76 pour 100 de l’activité

Fig. 182.


maximum, tandis que l’activité initiale mesurée en rayons était comprise entre 2,5 pour 100 et 5 pour 100 de l’activité maximum. Les courbes d’accroissement de l’activité mesurée par le rayonnement et par le rayonnement sont représentées dans la figure 182. Le maximum est atteint en 4 heures.

Dans les expériences de M. Levin, l’actinium privé d’actinium X conservait encore toujours une activité d’environ 28 pour 100. Cette divergence entre les résultats de M. Godlewski et ceux de M. Lewin a été expliquée par la découverte du radioactinium.


204. Radioactinium.M. Hahn[5] a montré que la courbe d’accroissement de l’activité totale de l’actinium qui a été obtenu à l’état sensiblement inactif (fig. 183, courbe I) diffère fortement de la courbe qu’on obtiendrait si l’actinium donnait lieu à la production uniforme d’une substance active dont la période est 10,2 jours (fig. 183, courbe II). La divergence des deux courbes conduit à conclure qu’il existe entre l’actinium et l’actinium X une substance radioactive intermédiaire, et que la formation de

Fig. 183.


l’actinium X se trouve ainsi retardée. M. Hahn a essayé de séparer cette substance de l’actinium et a réussi à prouver que sa supposition était exacte. La substance nouvelle a reçu le nom de radioactinium.

Le radioactinium se sépare difficilement de l’actinium. Il précipite par l’ammoniaque en même temps que ce dernier, mais plus facilement, de sorte qu’une séparation partielle peut être obtenue en utilisant la précipitation fractionnée. On peut aussi ajouter de l’hyposulfite de sodium à la solution chlorhydrique d’actinium ; le dépôt qui se forme contient du soufre que l’on calcine dans un creuset ; le radioactinium, qui n’est pas volatil, se trouve dans le résidu. D’après M. Lewin, le radioactinium est aussi entraîné dans la précipitation d’une solution d’actinium par l’hydrogène sulfuré et peut ainsi être séparé de l’actinium.

Quand on dissout l’actinium dans l’acide chlorhydrique étendu, on obtient toujours un résidu dont l’activité peut d’abord être stationnaire, croissante ou décroissante ; mais, 2 à 3 semaines après la préparation, on voit s’établir une loi de décroissance qui correspond à une période d’environ 20 jours. Ce résidu est composé d’un mélange de radioactinium et d’actinium X en proportion initiale variable, et la période de 20 jours doit être attribuée au radioactinium.

M. Hahn a réussi à obtenir du radioactinium à peu près exempt d’actinium et d’actinium X et a prouvé que le radioactinium donne lieu à la formation d’actinium X qui peut en être extrait au moyen de la séparation par l’ammoniaque. Après la séparation, le radioactinium augmente aussitôt d’activité parce que l’actinium X s’y accumule à nouveau.

Le radioactinium est actif par lui-même. Sa période est égale à 19,5 jours d’après M. Hahn et à 20 jours d’après M. Lewin. Le rayonnement et le rayonnement augmentent par suite de la formation de l’actinium X et de ses dérivés, passent par un maximum et diminuent ensuite suivant la période du radioactinium. Une petite activité restante est généralement observée ; elle est due à la présence d’une petite quantité d’actinium.

La vie moyenne de l’émanation et des constituants du dépôt actif étant courte par rapport à celle du radioactinium et de l’actinium X, la loi d’évolution de l’activité du radioactinium et de l’actinium peut être étudiée en faisant intervenir seulement les constantes radioactives et qui caractérisent le radioactinium et l’actinium X ; ce dernier est alors considéré comme étant en équilibre radioactif avec ses dérivés. Le radioactinium est considéré comme produit avec débit constant par l’actinium.

L’activité du radioactinium exempt d’actinium et exempt au début d’actinium X évolue suivant la formule


désigne l’activité initiale et le rapport de l’ionisation due à l’actinium X accompagné de ses dérivés à celle due au radioactinium, quand les deux produits sont en équilibre avec l’actinium. La courbe expérimentale concorde bien avec la courbe théorique (fig. 184, courbe I) construite en posant Le maximum est atteint en 17 jours, La courbe I est obtenue parla superposition des courbes II et III, dont la première représente la diminution de l’activité du radioactinium et la seconde l’évolution de l’activité due à l’actinium X. L’activité initiale a été posée égale à 100.

L’actinium peut être séparé à l’état à peu près inactif ; l’activité initiale est, par exemple, 2,5 pour 100 de l’activité limite ; on

Fig. 184.


peut donc admettre que l’actinium n’est pas actif par lui-même. L’activité augmente avec le temps (fig. 183, courbe I) et tend vers une valeur limite suivant la loi

La limite est atteinte en 4 mois environ. On obtient une bonne concordance entre la théorie et l’expérience en posant


d’où pour les périodes


205. Composition du dépôt actif. — Les courbes représentatives de l’évolution du dépôt actif de l’émanation de l’actinium sont caractérisées par une loi de décroissance limite qui correspond à une période de 36 minutes. En première approximation, les courbes obtenues en mesurant le rayonnement ne sont pas différentes de celles obtenues par la mesure du rayonnement Pour des temps supérieurs à 15 minutes la loi limite est atteinte quel que soit le temps d’exposition.

La courbe d’évolution qui correspond à un temps d’activation très court (fig. 83) manifeste une intensité initiale très faible ; cette intensité croît et passe par un maximum qui est atteint en 9 minutes ; la décroissance s’établit alors suivant une loi qui tend rapidement vers la loi limite. La courbe est bien représentée par la formule

Dans cette formule, désigne l’activité mesurée en rayons la valeur maximum de cette activité, le temps qui correspond au maximum ; et sont deux constantes radioactives dont l’une caractérise la loi de décroissance limite, tandis que l’autre a une valeur plus élevée. On trouve

                                                              
= 36 minutes, = 3,27.10-4
= 32,15 minutes, = 5,37.10-3

L’interprétation de cette courbe peut se faire suivant la méthode ordinaire, en admettant que le dépôt actif se compose de deux substances, dont la première, actinium A, produite directement par l’émanation, est inactive, mais se transforme en une deuxième substance, actinium B, laquelle est active. Les deux constantes radioactives caractérisent respectivement les vitesses de destruction des deux substances.

Des expériences d’électrolyse effectuées sur une solution de dépôt actif ont montré qu’on peut recueillir à l’anode une substance active dont l’activité décroît de moitié en 1,5 minute environ[6], MM. Meyer et v. Schweidler[7] ont chauffé des plaques activées. Ils ont constaté que jusqu’à la température de 200° la chauffe restait sans effet. Au rouge vif l’activité est en partie volatilisée, et la matière qui reste sur la plaque décroît de moitié en un temps de 1,5 minute environ. On conclut de ces expériences que la matière qui émet des rayons est celle dont la décroissance est la plus rapide.

Voici les valeurs obtenues pour la période de l’actinium A par divers expérimentateurs[8] :

                                         
Debierne 
  
40,4 minutes.
Miss Brooks 
  
41,4min »
Elster et Geitel 
  
34,4min »
Bronson 
  
35,7min »
Godlewski 
  
36,4min »
Meyer et v. Schweidler 
  
35,8min »
Hahn et Sackur 
  
36,4min »


Le désaccord des valeurs individuelles est assez important. Les valeurs voisines de 40 minutes ont été obtenues pour des lames activées par un courant gazeux entraînant l’émanation. En activant des lames par simple exposition au voisinage de l’actinium, M. Debierne a obtenu une période de 36 minutes. Il est fort probable que ce sont les valeurs voisines de 36 minutes qui se rapprochent le plus de la valeur exacte.

M. Hahn et Mlle  Meitner[9] ont montré que le dépôt actif de l’actinium se compose de plus de deux substances. Ces observateurs ont étudié en fonction du temps le rayonnement de plaques activées qui avaient été soumises à une forte chauffe pendant une demi-minute. Le rayonnement décroît régulièrement ; la loi de décroissance (fig. 185, courbe I) devient une loi exponentielle pure quand on tient compte de la correction apportée par une activité de décroissance plus lente provenant de ce que l’actinium A n’a pas été complètement chassé ; l’activité due à l’actinium B en équilibre de régime avec l’actinium A ne constitue qu’au plus 4 pour 100 de l’activité initiale totale. Après avoir effectué la correction correspondante, on trouve, pour la période de décroissance du rayonnement le nombre 2,15 minutes comme moyenne de plusieurs expériences. Cette période caractérise l’actinium B et se trouve en accord excellent avec la valeur déduite de la courbe d’évolution de l’activité induite après une très courte exposition. La valeur correspondante de la constante radioactive est

Le rayonnement de plaques soumises au même traitement évolue d’une

Fig. 185.


manière toute différente. On observe un accroissement initial rapide (fig. 185, II), et l’on obtient un maximum, suivi d’une décroissance moins rapide que celle de l’actinium B ; la loi finale est, comme dans le cas précédent, la loi exponentielle qui convient à l’actinium A, mais en extrapolant cette courbe limite vers l’origine, on trouve que le rayonnement correspondant ne constitue à l’origine que 4 pour 100 au plus du rayonnement total ; cette partie du rayonnement est considérée comme correspondant à l’actinium A qui n’a pas été chassé par la chauffe et qui se trouve en équilibre avec les substances de courte durée qui en dérivent. En retranchant l’activité correspondante, on trouve que, quelques minutes après le maximum, le rayonnement décroît suivant une loi exponentielle caractérisée par une période de 5,1 minutes et une constante radioactive On admet que cette constante caractérise un troisième constituant du dépôt actif, l’actinium C, qui émet des rayons tandis que l’actinium B, auquel on attribuait antérieurement la totalité du rayonnement et du dépôt actif, n’émet que des rayons L’aspect des courbes expérimentales s’explique alors en admettant que la chauffe a pour effet de chasser presque totalement l’actinium A et l’actinium C, et que l’augmentation du rayonnement à l’origine provient de la formation d’actinium C à partir de l’actinium B. L’actinium B se détruisant plus rapidement que l’actinium C, ce dernier reste finalement seul sur la plaque, et l’on observe sa loi de décroissance. Le logarithme de l’intensité du rayonnement qui reste après soustraction de l’intensité attribuable à la présence de l’actinium A est représenté en fonction du temps dans la figure 185. II. La courbe qui représente l’évolution du rayonnement après chauffe, en tenant compte de la correction indiquée, correspond à la formule bien connue


avec

Cette formule indique que le rayonnement est dû à une substance qui se forme à partir d’une autre substance laquelle n’émet pas de rayons et se trouvait seule à l’origine du temps sur le corps activé.

On peut faire la théorie qui rend compte de l’évolution du rayonnement et du rayonnement du dépôt actif obtenu après différents temps d’exposition. Il faut tenir compte de ce fait que seul l’actinium B émet des rayons tandis que l’actinium A et l’actinium C émettent des rayons Mais comme les rayons de l’actinium A sont très absorbables, on peut faire une théorie approchée du rayonnement obtenu au travers d’un écran qui absorbe les rayons de l’actinium A. Les courbes qui représentent le rayonnement et le rayonnement sont évidemment de formes différentes.

C’est ainsi qu’après une exposition suffisamment longue pour que l’équilibre radioactif ait été atteint, les courbes qui représentent la décroissance du rayonnement et du rayonnement prennent la forme indiquée dans la figure 186. La décroissance du rayonnement est d’abord plus lente que celle

Fig. 186.


du rayonnement mais la loi limite qui est celle de l’actinium A est là même dans les deux cas. Quand l’exposition est courte, les courbes diffèrent encore davantage ; toutefois il est très difficile d’éviter des perturbations dues au dépôt d’actinium B et d’actinium C sur le corps activé. Quand l’exposition est de 10 minutes, la valeur maximum du rayonnement est atteinte pour un temps d’environ 5 minutes, alors que pour le rayonnement le maximum est atteint en un temps d’environ 11 minutes. Les résultats expérimentaux sont en accord approximatif avec la théorie.

L’actinium C a pu être séparé d’une solution chlorhydrique du dépôt actif au moyen de l’entraînement par le noir animal ou la mousse de platine maintenus en ébullition avec la solution. Un procédé très avantageux pour obtenir l’actinium C pur consiste, d’après M. Hahn et Mlle  Meitner, à utiliser l’action du champ électrique sur l’actinium C projeté par une plaque qui porte le dépôt actif de l’actinium. L’actinium C se révèle comme portant une charge positive et se trouve entraîné vers une électrode chargée négativement placée en face de la plaque active. Le rendement est très bon, et l’on obtient ainsi en 10 minutes la proportion 20 pour 100 de l’actinium C qui se trouvait au début sur la plaque activée. La substance ainsi préparée a exactement une période de décroissance de 5,1 minutes.

On a des raisons pour penser que l’actinium B n’est pas une substance simple et se compose de deux matières B1 et B2 dont chacune émet un groupe de rayons cette supposition résulte de l’examen de la courbe d’ionisation obtenue avec le dépôt actif de l’actinium (§ 130). Conformément à cette manière de voir, la matière active projetée par une plaque activée manifeste, tout à fait au début, une décroissance plus rapide que celle qui caractérise l’actinium C ; ce fait pourrait s’expliquer par la présence d’un actinium B2, ayant une période de l’ordre de 10 secondes[10]. L’actinium B2 dans la série de l’actinium correspondrait au thorium C dans la série du thorium.


206. Propriétés des substances de la série de l’actinium. — L’actinium, le radioactinium et l’actinium X ne sont pas volatils tandis que le dépôt actif peut être volatilisé. D’après M. Lewin[11] l’actinium A est volatil à partir de 400° et à 750° il est presque entièrement chassé en 10 minutes. L’actinium B est volatil vers 700°. L’actinium C est plus volatil que l’actinium B.

M. Hahn[12] a constaté que l’actinium X est projeté dans le gaz comme le radium B ou l’actinium C, et qu’étant chargé positivement il est entraîné par un champ électrique. Cette projection donne sur des plaques placées en face de l’actinium une apparence d’activité induite à évolution assez lente, phénomène antérieurement observé par MM, Meyer et v. Schweidler.

En électrolysant une solution chlorhydrique du dépôt actif ou d’actinium X on peut obtenir à la cathode l’actinium B et, pour un voltage plus élevé, aussi l’actinium A, mais on n’obtient pas d’actinium X. Ce dernier peut, au contraire, être obtenu à la cathode par l’électrolyse d’une solution ammoniacale ; il se dépose alors en même temps que l’actinium B et l’actinium A (Lewin). Dans une solution azotique d’actinium on obtient par électrolyse un dépôt d’actinium A et d’actinium B. Si la solution est peu acide, on peut aussi obtenir du radioactinium à la cathode. En solution alcaline l’actinium X, le radioactinium et l’actinium peuvent être déposés. Les métaux peuvent précipiter l’actinium A en solution acide ou alcaline ; la précipitation de l’actinium B n’a pas été constatée. En solution alcaline on peut obtenir la précipitation de l’actinium X. Ce dernier est aussi précipité par le plomb en solution acide. L’actinium C est retenu avec le noir animal et la mousse de platine. Une partie du dépôt actif produit par l’émanation de l’actinium se trouve dans le gaz au voisinage de la substance active. Ce fait est mis en évidence par les expériences de M. Debierne sur la distribution de l’activité induite le long d’un tube traversé par un courant d’air qui entraîne l’émanation (§ 60) et par les expériences relatives à la projection de l’actinium C.


207. Rayonnement des substances de la famille de l’actinium. — Le rayonnement des substances qui forment la série de l’actinium a été analysé

Fig. 187.


par M. Hahn[13]. Les courbes d’ionisation relatives aux diverses substances sont représentées dans les figures 187 et 188. Le dépôt actif était recueilli sur un fil activé chargé négativement. Les mesures étaient faites en tenant compte de la décroissance du rayonnement en fonction du temps. La courbe d’ionisation obtenue (fig. 187, I) correspond à un groupe de rayons dont le parcours est 5cm,5, le maximum du pouvoir ionisant ayant lieu à 3cm,6 de la substance active.

L’actinium X a été préparé en couche très mince par calcination du résidu d’évaporation d’une solution ammoniacale. La courbe d’ionisation indique que les rayons qui arrivent le plus loin ont un parcours égal à 6cm,55 (fig. 187, II). Ce groupe de rayons appartient à l’actinium X, les rayons de l’émanation ayant un parcours moins long. Ce parcours est déterminé en faisant passer un courant d’air chargé d’émanation dans une boîte plate de mica mince ; en face de celle-ci se trouve un écran phosphorescent sur lequel on observe les scintillations. En tenant compte de l’abaissement produit par la lame de mica, on trouve pour le parcours des rayons 5cm,8.

Le radioactinium exempt d’actinium X et de ses produits émet un seul groupe de rayons dont le parcours est 4cm,8 (fig. 188, III). Mais à mesure que

Fig. 188.


se forme l’actinium X et ses produits, d’autres groupes de rayons font leur apparition (fig. 188, IV) ; en particulier celui de l’actinium X peut facilement être reconnu.

Voici en résumé les parcours des différents groupes :

                                     
cm
Radioactinium 
 4,8
Actinium X 
 6,5
Émanation 
 5,8
Actinium B 
 5,5


Si l’on admet que l’ionisation produite par une particule est proportionnelle au parcours, et que chaque groupe de rayons comporte le même nombre de particules quand l’équilibre radioactif est atteint, alors l’ionisation due à l’actinium X accompagné de ses dérivés doit être à l’ionisation due au radioactinium dans le rapport


M. Hahn a trouvé pour ce rapport le nombre 3,5, ce qui semblait indiquer que les suppositions précédentes ne s’écartent pas beaucoup de la réalité. Cependant des expériences analogues à celles qui ont été décrites pour l’émanation du thorium (§ 200) ont montré que l’émanation de l’actinium émet deux fois plus de particules que le dépôt actif avec lequel elle est en équilibre[14]. D’autre part, nous avons vu qu’il y a lieu de considérer l’actinium B comme une substance complexe, émettant probablement deux groupes de rayons de parcours très voisins. Si le radioactinium émettait une seule particule par atome, il y aurait désaccord entre le rapport des activités prévu et celui qu’indique l’expérience ; mais la concordance se trouverait rétablie si l’on admettait que le radioactinium émet deux particules que l’actinium X n’émet qu’une particule, que l’émanation en émet quatre et que deux particules sont émises par le dépôt actif. Les scintillations produites par l’émanation de l’actinium se produisent très souvent par groupes de deux éclairs simultanés[15].


On a vu que le groupe principal de rayons et de rayons de l’actinium doit être attribué à l’actinium C. Une étude complète du rayonnement pénétrant par M. Hahn et Mlle  Meitner[16] a montré que le rayonnement de l’actinium est complexe. Le coefficient d’absorption décroît quand croît l’épaisseur de matière traversée, et il a été possible de prouver que le rayonnement se compose de plusieurs groupes distincts. L’un de ces groupes appartient au radioactinium, parce qu’il peut être observé avec cette substance exempte de ses dérivés ; ces rayons sont très peu pénétrants, leur coefficient d’absorption pour l’aluminium est environ Le radioactinium émet en outre des rayons beaucoup plus pénétrants, de l’espèce ou dont l’intensité est environ 7 pour 100 du rayonnement pénétrant total. La loi d’absorption des rayons pénétrants pour le radioactinium est représentée par une courbe dans la figure 189. L’actinium X accompagné de ses dérivés émet un rayonnement dont le coefficient d’absorption est aussi décroissant pour des épaisseurs croissantes de matière ; la même courbe d’absorption est obtenue en utilisant le rayonnement du dépôt actif. Ce rayonnement se décompose en deux groupes dont l’un, homogène, appartient

Fig. 189.


à l’actinium C et correspond au coefficient d’absorption 29 pour l’aluminium ( 32,7 suivant M. Godlewski) ; le deuxième groupe appartient à l’actinium A et se compose de rayons extrêmement absorbables et difficiles à observer.

Les rayons de l’actinium ont été mis en évidence, ils appartiennent principalement ou totalement à l’actinium C. Leur coefficient d’absorption pour le plomb est égal à 3,6 d’après M. Godlewski et à 2,7 d’après M. Eve. Ces rayons sont donc beaucoup plus absorbables que ceux du radium.


208. Famille de l’actinium.

                                                                                               
Actinium Vie moyenne.

Actin
Radioactinium 
  
28,1 jours rayons
Actin
Actinium X 
  
15,0 jours ray»ns
Actin
Émanation 
  
5,6 sec. ray»ns
Actin
Actinium A 
  
52,1 min. ray»ns
Actin
Actinium B1 
  
3,10 min. ray»ns
Actin
Actinium B2 ? 
  
quelques secondes ? ray»ns
Actin
Actinium C 
  
7,4 min. ray»ns

Séparateur

  1. Debierne, Comptes rendus, 1900.
  2. Giesel, Chem. Ber., 1903.
  3. Godlewski, Jahrbuch d. Rad., 1906 ; Le Radium, 1907.
  4. Lewin, Phys. Zeit., 1906.
  5. Hahn, Phys. Zeit., 1906.
  6. Miss Brooks, Phil. Mag., 1904.
  7. Meyer et Schweidler, Wien. Ber., 1905.
  8. Debierne, Comptes rendus, 1904. — Miss Brooks, Phil Mag., 1904. — Elster et Geitel, Arch. Sc. Phys. et Mat., 1905. — Bronson, Am. Journ. of Sc., 1905. — Godlewski, Phil. Mag., 1905. — Meyer et v. Schweidler, Wiener Ber., 1905. — Hahn et Sackur, Chem. Ber., 1905.
  9. Hahn et Mlle  Meitner, Phys. Zeit., 1908.
  10. Mlle  Blanquies, Comptes rendus, 1910.
  11. Lewin, Phys. Zeit., 1906.
  12. Hahn, Phys. Zeit., 1909.
  13. Hahn, Phil. Mag., 1906.
  14. Bronson, Phil. Mag., 1908.
  15. Geiger et Marsen, Phys. Zeit., 1910.
  16. Hahn et Mlle  Meitner, Phys. Zeit., 1908.