Traité de radioactivité/Tome 2/12

Gauthier (2p. 288-299).


CHAPITRE XII.

URANIUM ET SA FAMILLE.




164. Rayonnement de l’uranium. — L’uranium est la substance sur laquelle la propriété radioactive a été observée pour la première fois. L’uranium est un métal dont le poids atomique 238,5 est le plus élevé de tous ceux que nous connaissons actuellement. La radioactivité de cette substance se montre tout à fait constante au cours de plusieurs années (§ 34).

L’ionisation au voisinage de l’uranium est due principalement à un rayonnement absorbable qui est considéré comme rayonnement bien qu’aucune preuve directe n’ait encore été obtenue à ce point de vue. L’effet du champ magnétique sur ces rayons n’a pas été observé, et l’on rencontre à ce point de vue quelques difficultés ; en effet, l’effet radiographique des rayons n’a encore pu être obtenu, et l’effet ionisant est trop faible pour qu’on puisse employer un dispositif semblable à celui dont M. Rutherford s’est servi pour mettre en évidence l’action du champ magnétique sur les rayons du radium. La courbe d’ionisation caractéristique des rayons n’a pas non plus été construite pour ces rayons, car il est difficile d’employer dans ce cas un diaphragme pouvant isoler des rayons parallèles. D’autre part, la limite du rayonnement dans l’air semble assez bien définie et, de plus, des rayons aussi facilement absorbés par l’air seraient très sensibles à l’action du champ magnétique ; enfin la production d’hélium dans une solution de sel d’uranium a été observée par M. Soddy. Les rayons dont il s’agit serait donc désignés ici comme rayons bien que leur nature ne puisse être considérée comme établie avec certitude.

Le parcours des rayons de l’uranium n’a pas encore été déterminé expérimentalement avec précision. Quand on examine l’ionisation dans un espace d’air compris entre deux plateaux parallèles dont l’un est recouvert d’une couche d’oxyde d’uranium, on constate que, pour une distance entre les plateaux supérieure à 3cm, le courant de saturation ne varie plus guère avec la distance. En conservant une valeur fixe de la distance des plateaux et en faisant varier la pression de l’air ionisé, on peut déterminer la pression pour laquelle l’absorption des rayons de l’uranium est totale[1]. On trouve ainsi que le parcours des rayons dans l’air sous la pression atmosphérique, déduit de leur parcours dans l’air sous une pression différente, est compris entre 3cm et 4cm. On peut aussi utiliser un dispositif avec lequel les rayons ne peuvent pénétrer dans la chambre d’ionisation qu’au travers d’une toile métallique et observer l’accroissement du courant qui a lieu quand on rapproche progressivement la source radiante de la toile. Le nombre ainsi trouvé pour la distance maximum à laquelle s’étend dans l’air l’action des rayons est environ 3cm,5[2]. M. Bragg, par des considérations indirectes, a trouvé pour le parcours la valeur 3cm,26 (§ 127). D’après ces résultats, il est probable que la vitesse initiale des rayons de l’uranium est peu différente de celle des rayons du radium.

L’intensité des rayons de l’uranium est réduite de moitié quand les rayons traversent une couche d’air de 4mm,3 ; le coefficient d’absorption de l’aluminium pour ces rayons est environ 2750.

L’uranium qui est à l’état d’équilibre radioactif émet aussi des rayons et des rayons Les rayons sont attribuables à l’uranium X qui est un produit de la désagrégation de l’uranium et qui l’accompagne pour cette raison. L’ionisation due aux rayons pénétrants, dans les chambres d’ionisation de dimensions usuelles, n’est que de quelques pour 100 quand on emploie une couche active épaisse, et moins de 1 pour 100 quand on emploie une couche active très mince.

Les rayons de l’uranium ont une intensité très faible, et proviennent, de même que les rayons de l’uranium X.

J’ai montré dans un travail déjà ancien que l’activité des composés d’urane augmente avec leur teneur en uranium et que le courant de saturation obtenu avec de l’oxyde d’urane en couche assez épaisse est environ 5.10-13 ampère par centimètre carré, les rayons étant presque complètement utilisés dans l’appareil de mesures. M. Rutherford a indiqué la valeur 4,5.10-13 ampère pour le courant de saturation obtenu par centimètre carré d’une couche assez épaisse d’oxyde U3O8. Ces résultats sont très comparables.

M. Mc Coy[3] a fait une étude détaillée de la relation qui existe entre l’activité des composés d’uranium et leur teneur en urane, et a prouvé que ces quantités sont proportionnelles. À cet effet, il a utilisé des couches actives très minces, pour lesquelles l’absorption des rayons par la matière pouvait être négligée. Pour préparer une pellicule active, on délaye la matière finement pulvérisée avec du chloroforme ou de l’alcool, on verse la bouillie ainsi obtenue sur un disque métallique et on laisse le liquide s’évaporer lentement ; la couche active obtenue est homogène et adhérente. Soient la masse de matière employée, la proportion d’uranium dans cette matière, l’activité d’un gramme d’uranium évaluée sans tenir compte de l’absorption ; l’activité d’une couche très mince, dont on utilise totalement le rayonnement émis par une face, est donnée par la relation

Il est difficile de préparer des couches suffisamment minces pour que l’activité soit rigoureusement proportionnelle à la masse, mais en construisant la courbe d’accroissement du rapport avec on peut déduire par extrapolation la valeur limite de ce rapport pour les valeurs très faibles de et l’on peut en déduire la valeur du coefficient celui-ci se montre constant pour les différents composés d’uranium.

L’activité limite qui est obtenue avec une couche suffisamment épaisse peut être calculée en admettant que le rayonnement est absorbé par la matière suivant une loi exponentielle caractérisée par le coefficient Si l’on désigne par la densité de la matière, l’intensité du rayonnement émis par une face d’une couche d’épaisseur totale et de masse est donnée par la relation

Pour une valeur suffisante de la limite est approximativement atteinte, et l’on a alors

Par suite


d’où

On en déduit

Ainsi la valeur de peut aussi être obtenue par la comparaison de l’activité d’une couche dont la masse est avec l’activité d’une couche du même composé et de même surface et d’épaisseur suffisante pour que l’activité limite soit atteinte. En utilisant ce mode de comparaison, on trouve que le coefficient est constant pour les différents composés d’uranium et égal à celui qu’on obtient en utilisant des couches très minces. L’épaisseur des couches n’était d’ailleurs jamais bien grande ; l’expérience montre que la valeur limite de l’intensité est atteinte pour des couches d’oxyde U3O8 qui contiennent environ 0g,02 de matière par centimètre carré de surface.

MM. Mc Coy et Ashman[4] ont proposé comme étalon de radioactivité une pellicule d’oxyde U3O8 d’environ 0g,02 de matière par centimètre carré. En chauffant un oxyde d’uranium très pur à l’air vers 700° on obtient l’oxyde U3O8 avec une composition parfaitement définie. On peut mesurer en valeur absolue l’intensité du courant de saturation qu’on obtient avec une pellicule préparée au moyen de cet oxyde, en utilisant entièrement les rayons et en faisant une correction relative aux rayons La mesure était faite au moyen d’un électroscope avec adjonction d’un condensateur absolu formé par deux sphères concentriques ; on mesurait le temps nécessaire pour la production d’une baisse de potentiel déterminée, d’abord sans capacité supplémentaire, puis avec une capacité supplémentaire. Les nombres obtenus avec diverses pellicules dont la masse totale variait entre 0g,6 et 0g,8 sur une surface d’environ 40cm2 sont très concordants. On trouve, par centimètre carré de la pellicule, un courant égal à 5,79.10-13 ampère.

D’autre part, M. Mc Coy a montré que le coefficient qui représente la valeur de l’activité totale d’un gramme d’uranium, est numériquement égal au produit par 793 du courant de saturation dû à 1cm2 de la pellicule étalon en U3O8. Par conséquent on obtient

ampère.

La même méthode de recherches a été appliquée à la détermination de l’activité totale des minerais d’uranium par gramme d’uranium qui s’y trouve contenu. On déterminait la valeur limite du rapport de la masse de la couche active à son activité, pour des masses très faibles ; on déterminait, d’autre part, la proportion d’uranium dans le minerai. Les résultats obtenus sont représentés dans le Tableau suivant :

                                                       limite.    
pour 100
   
Pechblende du Colorado 
0,0472 51,1 241
Pech»lende de Bohême 
0,0594 40,3 240
Pech»lende inconnue 
0,0400 61,1 244
Gummite de la Caroline 
0,0446 54,7 244
Carnotite du Colorado 
0,0612 39,9 244


D’après ces résultats l’activité totale par gramme d’uranium aurait la même valeur pour les minéraux examinés ; cette activité est beaucoup plus grande que l’activité totale d’un gramme d’uranium, et l’on trouve Ce nombre doit subir une correction si l’on tient compte de la perte d’activité qu’éprouvent les minéraux par suite du dégagement de l’émanation du radium[5]. On trouve ainsi

Si l’excès d’activité était entièrement attribué à la présence dans les minerais d’uranium de radium accompagné des produits de sa désagrégation, il existerait donc un rapport constant entre les activités totales de l’uranium et du radium dans les minerais d’urane, et par suite aussi un rapport constant entre les teneurs des minerais d’urane en uranium et en radium. Cette relation de proportionnalité qui permet de prévoir une relation de parenté entre l’uranium et le radium a été annoncée indépendamment par M. Boltwood à la suite de recherches faites par une méthode différente.


165. Uranium X. Préparation et rayonnement. — Les premières recherches sur les propriétés radioactives des composés d’uranium avaient montré que la radioactivité semble être une propriété atomique de l’élément uranium. Toutefois, si le rayonnement que l’on observe avec l’uranium provenait en réalité d’un élément fortement radioactif très voisin de l’uranium par ses propriétés chimiques et mélangé à celui-ci en faible proportion, les résultats expérimentaux obtenus auraient pu être les mêmes. Après la découverte du polonium et du radium, des essais ont été faits en vue de priver l’uranium de ses propriétés radioactives par voie chimique. Les expériences faites à ce sujet ont donné un résultat négatif en ce sens que le rayonnement le plus important au point de vue de l’effet ionisant, c’est-à-dire le rayonnement s’est montré jusqu’à présent inséparable de l’uranium ; toutefois, les recherches dont il est question ont conduit à des conséquences importantes.

On a vu (§ 55) comment M. Crookes, en traitant une solution de sel d’urane par le carbonate d’ammoniaque en excès, a réussi à séparer un résidu insoluble qui contenait toute l’activité radiographique de l’uranium utilisé ; ce résidu dans lequel se trouvent réunies les impuretés, telles que le fer, qui accompagnent l’uranium, contient aussi en quantité probablement minime une substance active nommée uranium X. H. Becquerel a obtenu la séparation de l’uranium X par une méthode d’entraînement dans la précipitation avec le sulfate de baryum. Cette méthode qui avait été tout d’abord utilisée par M. Debierne pour l’entraînement de l’actinium, est devenue depuis d’un usage courant pour la séparation de certains corps radioactifs faisant probablement partie du groupe du fer. H. Becquerel a montré que l’activité de l’uranium X disparaît dans l’intervalle d’un an, tandis que celle de l’uranium se régénère pendant le même temps. Le rayonnement séparé avec l’uranium X est le rayonnement et le rayonnement de l’uranium en équilibre radioactif, tandis que le rayonnement de l’uranium n’est pas modifié par la séparation.

Nous pouvons admettre que l’uranium donne lieu à une formation continue et constante d’uranium X, et que celui-ci se détruit en fonction du temps. Un équilibre de régime est atteint quand la quantité d’uranium X qui se produit en un temps donné compense exactement celle qui est détruite pendant le même temps. L’activité de l’uranium X décroît suivant une loi exponentielle simple, caractérisée par une période de désactivation primitivement évaluée à 22 jours[6]. La variation de l’activité de l’uranium X avec le temps est, d’après cela, donnée par la relation

(1) (1)


D’autres observateurs ont obtenu pour la période des valeurs voisines. Une détermination récente, due à MM. Soddy et Russell[7], conduit à assigner à la période une valeur plus élevée, soit 24,6 jours. Les expériences étaient faites avec de l’uranium X extrait de 45kg d’azotate d’urane, et les observations ont pu être poursuivies pendant plus de 200 jours.

Pour suivre la reprise de l’activité en rayons de l’uranium dont on a séparé l’uranium X, on emploie un écran très mince en aluminium qui supprime l’effet des rayons L’augmentation de l’activité de l’uranium avec le temps est représentée par la relation

(2) (2)
étant l’intensité finale et le coefficient qui caractérise la

destruction de l’uranium X. Les courbes représentatives des relations (1) et (2) sont complémentaires, ainsi qu’on peut le prévoir, si l’uranium X est produit par l’uranium avec une vitesse constante.

Les méthodes employées pour la séparation de l’uranium X sont les suivantes :

Précipitation d’une solution de sel d’uranium par une solution de carbonate d’ammonium en excès (Crookes) ; il est utile d’employer une solution très concentrée chaude de ce réactif [Schlundt et Moore[8]].

Dissolution de l’azotate d’uranium dans l’éther (Crookes) ; le liquide se sépare en deux couches dont l’une est plus riche en éther et l’autre en eau ; la première contient un excès d’uranium, et la seconde un excès d’uranium X ; la séparation n’est pas complète.

Entraînement de l’uranium X par un précipité de sulfate de baryum, dont on détermine la formation dans la solution du sel d’uranium (Becquerel). Le précipité obtenu est transformé en sel soluble, et en précipitant la solution par l’ammoniaque, on obtient dans le précipité l’uranium X séparé du baryum.

Ébullition d’une solution d’azotate d’uranium avec du noir de fumée ou du noir animal ; ces corps entraînent l’uranium X ; en calcinant le précipité obtenu avec de l’azotate d’ammonium, on obtient un résidu très faible contenant l’uranium X.

Dissolution de l’azotate d’uranium dans divers solvants organiques : alcools, acétone, etc. [Moore[9]]. La solution trouble est filtrée ; la liqueur contient l’uranium, le résidu l’uranium X. Cette séparation réussit très bien en présence d’une petite quantité d’hydrate ferrique [Hess[10]].

Entraînement de l’uranium X par l’hydrate de fer qui se forme dans une solution bouillante d’acétate d’urane additionnée d’acétate ferrique[11].

Les réactions de l’uranium X se présentent comme des réactions d’entraînement ; ce corps appartient vraisemblablement au groupe du fer.

Le rayonnement de l’uranium X comprend en premier lieu le groupe principal des rayons homogènes, observé pour les composés d’urane en équilibre radioactif et caractérisé par le coefficient d’absorption = 14 pour l’aluminium. Nous avons vu toutefois que l’uranium X émet aussi des rayons beaucoup plus absorbables formant un groupe probablement homogène, et dont le coefficient d’absorption par l’aluminium est = 510 (§ 114). Pour les deux groupes, l’intensité du rayonnement décroît en fonction du temps suivant la loi de destruction de l’uranium X, l’intensité diminuant de moitié en une période de 22 jours environ.

L’activité des préparations d’uranium X ne disparaît pas complètement, mais laisse toujours un résidu faible de rayons très peu pénétrants[12] ; cette activité résiduelle reste constante pendant un temps supérieur à une année. La nature de ce rayonnement n’a pas encore été précisée ; on peut penser que c’est un rayonnement émis par un produit de désintégration de l’uranium X ; on peut aussi supposer que l’activité résiduelle est due à une petite quantité d’ionium contenue dans l’uranium et entraînée dans la séparation de l’uranium X avec ce dernier.


166. Diffusion de l’uranium X. — En séparant partiellement l’uranium X de l’uranium par la méthode qui consiste à secouer avec de l’éther la solution aqueuse d’azotate d’urane, MM. Meyer et von Schweidler[13] ont constaté que l’uranium contenu dans la portion riche en éther augmente d’activité régulièrement, mais que la portion riche en eau donne lieu à des effets irréguliers. Si on laisse cristalliser dans cette portion l’azotate d’urane contenant un excès d’uranium X, l’activité des cristaux mesurée en rayons diminue d’abord beaucoup plus rapidement qu’il ne résulte d’une loi de diminution de moitié en 22 jours. De même des cristaux d’azotate d’urane qui viennent de se former dans une solution aqueuse manifestent d’abord une baisse relativement rapide de l’activité cette baisse aboutit à un minimum suivi d’un accroissement d’activité qui dure plusieurs mois.

M. Godlewski[14] a montré que les effets indiqués sont dus à la diffusion de l’uranium X dans la masse du cristal. Les cristaux d’azotate d’urane formés en solution aqueuse, avec ou sans addition d’éther, contiennent une quantité d’uranium X inférieure à celle qui convient à l’équilibre radioactif, ce corps ayant été retenu dans la dissolution. Mais la cristallisation ayant lieu dans le fond du vase, le liquide enrichi en uranium X se trouve à la surface, et quand la cristallisation est terminée, la face supérieure de la plaque solide est plus riche en uranium X que la face inférieure. L’uranium X diffuse alors dans la plaque solide dans le sens de la chute de concentration, d’où résulte une baisse progressive de l’activité de la face supérieure et une augmentation d’activité de la face inférieure. Ainsi dans une expérience les deux faces de la plaque avaient au début les activités 1035 et 196 et ont atteint la même activité après un intervalle de temps de 48 heures. Quand la diffusion est terminée, on observe un accroissement d’activité ou une activité constante suivant qu’on a séparé de l’uranium X ou qu’on n’en a pas séparé.


107. Radiouranium. — L’existence d’un produit intermédiaire entre l’uranium et l’uranium X a été signalée par M. J. Danne[15] à la suite de recherches faites sur l’uranium X extrait d’une solution de 200kg d’azotate d’urane.

Cette solution d’un sel de commerce contient de l’acide sulfurique. En l’additionnant de petites quantités de sel de baryum on obtient un précipité de sulfate de baryum qui entraîne de l’uranium X en même temps que de l’uranium et du fer. Ces substances sont séparées du baryum, par la méthode analytique ordinaire, à l’état d’hydrates qu’on dissout dans l’acide azotique ; les azotates sont traités par l’acétone qui dissout l’azotate d’urane tandis que l’uranium X reste avec l’azotate de fer insoluble dans ce réactif. Le sel de fer actif évaporé à sec et calciné a été traité à chaud par de l’eau additionnée d’acide chlorhydrique. La partie insoluble contenait l’uranium X ; l’activité de ce produit était 63 fois plus grande que celle de l’uranium à poids égal, et son poids était 0g,5. La liqueur acide, évaporée à sec, contenait un peu de fer ; le poids de cette matière était 0g,4, et son activité était moitié moindre que celle de l’uranium à poids égal. Toutefois, en examinant ce produit après un intervalle de plusieurs mois, M. Danne a constaté que son activité était devenue 10 fois plus grande, et que l’augmentation d’activité était due à la formation d’uranium X. En effet, en répétant sur le produit considéré un lavage à l’eau chaude on a obtenu une liqueur et un résidu insoluble ; ce dernier contenait l’uranium X, caractérisé par sa période de décroissance et par la nature de son rayonnement ; la liqueur était agitée avec de l’hydrate de fer qui entraînait l’uranium X restant qu’on séparait ; l’eau mère évaporée à sec a fourni un produit dont l’activité s’est montrée régulièrement croissante et a augmenté dans un rapport 2,4 dans l’intervalle de 44 jours, l’accroissement d’activité étant dû à une production continue d’uranium X. Comme le produit ne pouvait contenir que des traces d’uranium, et que son activité en rayons était supérieure à masse égale à l’activité totale de l’uranium, on pouvait penser qu’il contient une substance qui n’est pas l’uranium et qui donne lieu à la production d’uranium X ; cette substance intermédiaire entre l’uranium et l’uranium X a été nommée radiouranium. L’activité en rayons de l’uranium X formé par le radiouranium isolé dans cette expérience était faible par rapport à celle de l’uranium X retiré de la solution primitive de sel d’urane ; on doit donc penser que la quantité de radiouranium entraîné par le sulfate de baryum était une partie seulement de la quantité de radiouranium présent avec l’uranium. Il est probable que le radiouranium ne peut que difficilement être séparé de l’uranium. Ainsi s’expliquerait ce fait qu’après séparation chimique de l’uranium X, l’activité de l’uranium s’accroît suivant la même loi que celle qu’on obtiendrait si l’uranium X était produit directement par l’uranium. Il suffit, en effet, d’admettre que lors de la séparation de l’uranium X, le radiouranium reste avec l’uranium, et que l’équilibre radioactif entre ces deux corps n’est pas altéré. La vie moyenne du radiouranium serait beaucoup plus grande que celle de l’uranium X. L’activité initiale du produit qui contenait le radiouranium n’était qu’une faible fraction de l’activité finale ; il est donc probable que le radiouranium n’émet pas de rayons et ne pourrait émettre que des rayons


168. Famille de l’uranium. — Voici, en résumé, comment est composée, suivant nos connaissances actuelles, la famille de l’uranium dans l’ordre des transformations successives :


                                                       Vie moyenne.    
Uranium 
De l’ordre de 9 × 109 ans rayons
Ura
Radiouranium 
? ?
Ura
Uranium X 
De l’ordre de 35,5 jours rayons et

Séparateur

  1. Laby, Le Radium, 1907.
  2. Bloch, Le Radium, 1907.
  3. Mc Coy, Phil. Mag., 1906.
  4. Mc Coy et Ashman, Le Radium, 1908.
  5. Mc Coy et Ross, Journ. am. Chem. Soc., 1907.
  6. Rutherford et Soddy, Phil. Mag., 1903.
  7. Soddy et Russell, Phil. Mag., 1910.
  8. Schlundt et Moore, Phys. Zeit., 1908.
  9. Moore, Phil. Mag., 1906.
  10. Hess, Acad. Vienne, 1907.
  11. Szilard, Le Radium, 1909.
  12. Danne, Le Radium, 1909. — Soddy, Nature, 1909.
  13. Meyer et v. Schweidler, Wien. Ber., 1904.
  14. Godlewski, Rutherford, Radioactivity.
  15. Danne, Comptes rendus, février 1909 ; Le Radium, février 1909.