Traité de la peinture (Cennini)/XXXVI
Sache qu’il y a sept couleurs naturelles ou, à proprement parler, quatre d’une nature terreuse comme le noir, le rouge, le jaune et le vert ; trois autres naturelles, mais qui doivent être travaillées, comme le blanc, l’outremer ou azur d’Allemagne, et le jaune clair. N’allons pas plus avant, retournons au noir.
Pour le broyer convenablement, prends une pierre de porphire qui est une nature de pierre forte et ferme. Il y a plusieurs espèces de pierre à broyer, le porphire, la serpentine et le marbre[1]. La serpentine est une pierre tendre et n’est pas bonne ; le marbre est pire, il est plus tendre encore. Par-dessus tout est le porphire ; il se choisit parmi les plus clairs. Il vaut mieux qu’il ne soit pas trop poli, de la longueur d’un demi-bras sur chaque côté, prends une autre pierre pour tenir à la main, aussi en porphire plane dessous, conique par en haut, de la forme d’une écuelle, un peu moins grande pour que la main puisse bien la tenir et la gouverner de ça et de là comme il lui plaît.
Alors aie une certaine quantité de noir ou de toute autre couleur, la valeur à peu près d’une noix, et metsla sur la pierre ; avec celle que tu tiens en main mets le noir en poudre, verse dessus de l’eau claire de fleuve, de fontaine ou de puits, et broyé le noir pendant environ une demi-heure, une heure, ou autant que tu le voudras ; car si tu le broyais pendant un an, la couleur n’en serait que meilleure et plus noire.
Tu auras alors un morceau de bois mince, large de trois doigts, qui ait un taillant comme un couteau, et avec ce taillant frotte sur la pierre et ramasse proprement la couleur ; maintiens-la liquide et non trop sèche afin qu’elle coure bien sur la pierre, que tu puisses bien la broyer et la recueillir. Alors mets-la dans un petit vase et mets-y de l’eau claire jusqu’au sommet du vase. La couleur ainsi ne pourra sécher, tiens le vase couvert à l’abri de la poussière et de toute autre saleté ; le mieux sera dans une petite cassette où tu puisses mettre plusieurs vases ensemble.
- ↑ Il parait que Cennino ne veut pas parler de la pierre connue aujourd’hui sous le nom de serpentine, qui est très-dure et à l’usage des peintres. Il convient de supposer que de son temps on donnait le même nom à une pierre plus tendre.
Pline nous dit, au ch. 7 du livre xxxvi, que l’otite ou serpentine est une pierre dont il se trouve deux espèces : l’une blanche et tendre, l’autre noire et dure. (Cav. Tambroni.)