Traité de la peinture (Cennini)/LXXXIII

lxxxiii.Faire un vêtement de bleu d’Allemagne, ou d’outremer ou un manteau de Notre-Dame.

Si tu veux faire un manteau de Notre-Dame au bleu d’Allemagne ou tout autre vêtement que tu veuilles faire d’un bleu solide, d’abord couvre à fresque le manteau ou vêtement avec la sinopia et le noir, deux parties sinopia une de noir. Mais d’abord enfonce le contour des plis avec quelque pointe de fer ou une aiguille, puis à fresque prends de l’azur d’Allemagne bien lavé ou avec de la lessive ou avec de l’eau claire et un peu remanié avec précaution sur la pierre à broyer. Puis, si l’azur est plein et de bonne couleur, mets dedans un peu de colle détrempée, ni trop forte ni trop faible ; je t’en parlerai plus avant. Mets encore dans ce bleu un jaune d’œuf ; si l’azur était un peu clair, il faudrait de ces œufs bien rouges comme ceux de la campagne. Remue le tout avec un pinceau de soies doux ; donnes-en trois ou quatre couches sur ledit vêtement. Quand tu as bien couvert et que le tout est sec, prends un peu d’indigo et de noir, et vas ombrer les plis du manteau le mieux que tu peux ; revenant sur les ombres encore et encore avec la pointe du pinceau. Si tu voulais au gros du genou, ou sur d’autres reliefs, amener des lumières, il s’agit simplement de gratter l’azur avec un manche de pinceau pointu. Si tu veux faire des champs ou couvrir des vêtements en bleu d’outremer, donne-lui le même encollage qu’au bleu d’Allemagne, et mets-le par deux ou trois couches. Pour ombrer les plis, prends un peu de laque fine et un peu de noir, encolle avec le jaune d’œuf Ombre le plus gentiment et le plus proprement possible, tant avec la laque qu’avec la pointe, et fais le moins de plis que tu peux, car l’azur d’outremer souffre difficilement le voisinage des autres mélanges[1].

  1. Ce chapitre est curieux ; il explique comment les bleus sont si souvent détachés des peintures faites du temps de l’auteur, et le modelé rouge qu’on voit reparaître aux endroits où le bleu est tombé. Je ne comprends pas pourquoi des gens si habiles mettaient les bleus à sec ; cette couleur tient parfaitement à fresque, mise dans le moment où le mortier commence à tirer, et surtout si d’abord on a modelé la draperie ou le fond, soit avec du rouge, soit avec de la terre verte. Ces bleus-là peuvent se laver et ne craignent pas plus que les autres couleurs. ( V. Mottez.)