Traité de la musique/Livre 1/Chapitre 3

Œuvres complètes de Saint Augustin (éd. Raulx, 1864)
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CHAPITRE III.
QU’ENTEND-ON PAR BIEN MODULER ET POURQUOI CE MOT EST-IL NÉCESSAIRE À LA
DÉFINITION ?

4. L. M. Pourquoi avons-nous ajouté le mot bien, puisque la modulation suppose nécessairement un mouvement bien ordonné ? — LE. Je ne sais et j'ignore comment l'idée de cette question m'est échappée : car je m'étais proposé de la faire. — L. M. On aurait pu le supprimer, ce mot, et définir simplement la musique , la science qui apprend à moduler. — LE. Il serait fatigant en effet de vouloir ainsi tout expliquer avec le même soin. — L.M. La musique est la science des mouvements bien ordonnés. Sans doute on peut dire que les mouvements sont réguliers, quand on y observe avec art la mesure des temps et des repos : car ils plaisent alors et peuvent sans inconvénient s'appeler modulations; mais ne peut-il arriver que ces cadences et ces mesures plaisent à contre-temps, qu'une voix charmante et une danse gracieuse cherchent à provoquer une gaieté folâtre, quand la circonstance exige de la gravité ? On abuse alors d'une modulation parfaite, en d'autres termes, d'un mouvement qui était excellent, en tant que mesure, on fait un mauvais usage, parce qu'on l'emploie contre les convenances. Donc il y a une différence profonde entre moduler et bien moduler. La modulation se retrouve chez tous les chanteurs, pourvu qu'ils ne se trompent pas dans la mesure naturelle des paroles et des sons: mais la bonne modulation n'appartient qu'à cet art libéral que nous nommons la musique. Le même mouvement ne paraît pas bien, quand il manque d'à-propos , encore qu'il semble conforme aux lois de la cadence. Retenons ici et partout notre principe : gardons-nous de chicaner sur les mots, quand la chose est claire et ne nous préoccupons plus de savoir si la musique est la science des modulations ou des belles modulations. — LE. Laissons là ces querelles de mois que je méprise : cependant celle distinction ne me déplaît pas.