Albin Michel (p. 22-42).



II

UNE JOURNÉE D’ENFANT


Les rayons d’août sont à la fenêtre depuis plusieurs heures. Tous les coqs chantent, tous les chiens aboient, tous les grillons craquent, toutes les feuilles chauffent. La cloche du village sonne. Des voix parlent, ici et plus loin. Des essieux cognent au creux des routes. La grosse horloge d’en bas frappe sept coups retentissants. Ô réveil d’une petite fille dans la fraîcheur du matin d’été !

Toutoune se retourne dans son lit, se frotte les yeux, les ouvre, et ressuscite. La chambre, camaïeu rose et blanc qui s’éraille, meubles rustiques et vénérables, semble dire bonjour, de tout le sourire de ses fenêtres, illuminées derrière les rideaux tirés. Une ombre couleur de feuille est enfermée entre les murs, et baigne les choses. Toute la maison romanesque trempe dans une demi obscurité pareille, venue des arbres trop proches. La Normandie étouffe sous la verdure. Humidité, mélancolie, ses manoirs et ses fermes ont peine à voir le jour, à travers l’envahissement vert sombre.

— Qu’est-ce que j’ai ?

Le petit cœur se souvient. Endormie en pleurant… Comme c’est triste quand on n’a pas neuf ans.

La douleur d’un enfant, lorsqu’elle ne vient pas de quelque poupée cassée, a quelque chose de sacrilège. Douleur de grande personne, douleur qui n’êtes pas à l’échelle, est-ce que vous ne pourriez pas me laisser être de mon âge ? Quand je serai grande, qu’aura-t-on à m’offrir pour réparer cet irréparable : mon enfance attristée ?

Toutoune, assise contre l’oreiller, réalise que sa mère est partie, et ne reviendra pas avant de longs mois. La petite pâlotte baisse la tête. Ses deux grosses nattes, pareilles à de l’herbe séchée et tordue, pendent le long de sa figure mal équarrie où les yeux, avec leur regard malheureux, mettent un charme singulier.

Et, tout à coup, un petit plaisir traverse la grande souffrance sans paroles. Toutoune a fait un bond pour sauter du lit. Longue chemise de nuit blanche, elle traverse la chambre, pieds nus sur le glacial carreau rouge de l’ancien temps, et s’en va tirer de toutes ses forces le tiroir difficile de la commode Louis XVI.

Là dedans est caché le mouchoir sur lequel maman a versé la dernière goutte de parfum. Toutoune l’a caché sous des amas de choses, pour n’être pas tentée de le respirer trop souvent. Elle croit que respirer un parfum l’use. En laissant enfermé le mouchoir, l’odeur se conservera très longtemps, peut-être jusqu’au retour de l’absente.

Le tiroir enfin ouvert, l’enfant trouve son trésor. La voici qui plonge son museau de chien-loup dans le petit linge ensorcelé.

Parfum, parfum qui évoques, qui fais naître des apparitions derrière les paupières closes de l’extase, parfum, présence réelle, cruel parfum qui nous redonne tout un être, alors que nos pauvres bras ne serrent sur nos pauvres cœurs que du vide…

Les larmes aux yeux encore, la petite fille retourne à son lit, saute dedans d’un bond, renfonce sous les couvertures ses pieds refroidis, son corps étroit. Faisons semblant de dormir, car voici la mère Lacoste qui monte. Ce mouchoir, c’est un grand secret qu’il ne faut pas dire. C’est gentil d’avoir ce secret-là dans son âme…

— Bonjour, ma Charlotte !

La mère Lacoste porte avec soin le plateau de bois où fume le bol de café au lait, où le pain mollet, le beurre et le sucre s’échafaudent. Son profil de vieille Normande au beau nez, dessine sur le camaïeu ses lignes nettes. Elle est grande, osseuse, édentée, coiffée d’un bonnet blanc, respectable, propre, avec des petits yeux sérieux et réticents où veille la froideur moqueuse de la race, pour remettre chacun à sa place et repousser les familiarités.

Cette dignité naturelle, apanage de ceux de chez nous, sait quelquefois s’attendrir quand il le faut. Les vieux petits yeux dévisagent Toutoune, tandis que les mains serviables disposent le plateau sur le lit.

— Tu as bien reposé, mon bézot ?…

Un baiser effleure le petit front lisse. La mère Lacoste est aussi câline que peut l’être une vieille Normande, et sa grande pitié de la gamine délaissée qu’elle élève lui fait trouver des mots et des gestes d’aïeule. Mais elle a les doigts rugueux, sent un peu la lessive, et son humble camisole est dure sous la joue, quand elle dorlote ; et Toutoune ne sait pas elle-même à quel point elle souffre de ces choses. Les mains de Lacoste sur les siennes lui font éprouver une gêne qu’elle ignore être de la répulsion.

J’aime bien ma vieille nourrice, mais tous les enchantements qui viennent de maman, est-ce que je les subirais avec cette émotion, si je n’étais née sensitive ?

Après la toilette sommaire, campagnarde, que Mme Lacoste juge bien suffisante, voici l’enfant habillée. C’est une robe, ou plutôt une blouse de toile rude, envoyée de Paris, solide et simple, et dans le style qui convient à Toutoune ; ce sont des chaussettes de fil et de fortes bottines à lacets, tenue de plein air, tenue de liberté.

Huit heures. C’est le moment des devoirs et des leçons. Mlle Calpelle est chargée de l’instruction de la petite Villeroy. C’est la maîtresse d’école du village, lequel se compose de quatre maisons, d’une petite église, d’une petite mairie, et de grandes fermes dispersées au loin dans les profondeurs de la campagne.

Cette jeune fille vient deux fois par semaine, à cinq heures, donner sa leçon. Toutoune n’aime pas l’étude, et n’est point consciencieuse.

— Je vais aller apprendre mes leçons dehors, Nounou !

Mme Lacoste admire sans trop approuver. « Est bien du cassement de tête, tout ça ! »

Toutoune, le cartable sous le bras, toute petite entre les deux doubles rangées de hêtres de la cour d’honneur, a l’air de s’en aller à l’école. Mais l’école où elle va ne ressemble guère à celle du village. C’est le soleil et l’ombre, l’herbe et les branches, les grillons et les bourdons qui vont faire le cours. À cette école-là, Toutoune sera toute seule, ou, du moins, les petits chèvre-pieds qui sont ses camarades resteront invisibles.

Il s’agit de chercher la meilleure branche pour s’y asseoir, le livre à la main. Les grands hêtres de l’avenue ne se laissent pas faire. Mais il y a, dans le parc, un certain arbre qui a des bras de mère. Son corsage de mousse est presque aussi doux que ceux de maman.

Grimpée avec son livre, Toutoune a laissé son cartable au bas de l’arbre. Un temps. Il faut bien d’abord respirer, pour savoir quel goût a, ce matin, la nature. Et puis, entre les feuilles, un morceau du manoir se voit, et Toutoune contemple un peu « sa légitime ».

C’est un épais manoir Louis XIII, dont le grand toit simple d’ardoises descend très bas sur les fenêtres à petits carreaux. Une vigne vierge l’habille aux couleurs de la saison, vert sur vert.

« Je vois la fenêtre de ma chambre. Je vois la fenêtre de maman. Celle de Lacoste est cachée… »

Toutoune a tourné la tête. Voici là-bas un des bouts du parc. C’est une sorte de terrasse de terre qui donne sur la route et sur le plateau tout en moissons ; c’est une balustrade de pierre, prête à s’écrouler, quatre vieux vases de guingois, sur lesquels monte une mousse haute comme de l’herbe. Même dans la pierre il faut que la Normandie fasse pousser son éternel herbage.

— Je serais peut-être mieux près de la balustrade…

La pelouse à l’abandon, toute décoiffée, est agréable à traverser, dans l’ombre tremblante de ronds de soleil. Une fée a-t-elle laissé dans l’herbe la trace de ses petits pieds lumineux ? Les grillons s’exaspèrent, en bas, jusqu’au bout des horizons ; là-haut toutes les mouches du monde bourdonnent. Les arbres ronflent comme des ruches. L’air du matin porte une petite odeur spéciale qu’on ne retrouve jamais l’après-midi, les couleurs du matin ont des fraîcheurs, des scintillements qui passent avec la journée. Même les bruits sont différents.

Sur la route où ne passe presque jamais rien, Toutoune, arrivée à la balustrade, regarde comme les ombres des arbres sont longues. Il n’y a que le clair de lune qui fasse de si longues ombres. Un nuage tout rond et tout blanc, au-dessus de cet arbre tout rond et tout vert, a l’air de le copier dans le ciel. L’azur du mois d’août est déjà pâle de chaleur ; et pourtant il y avait encore un peu de rosée dans l’herbe, tout à l’heure, et il en reste sur les mottes de ce labour, entre les hautes récoltes.

« Huit heures trois quarts !… » annonce le petit clocher.

— Zut !… je n’ai pas ouvert mon arithmétique. Il n’est plus temps. Je vais commencer ma grammaire !

Toutoune n’a pas appris son arithmétique, mais elle a tout de même appris quelque chose.

Le déjeuner fini, la petite alla mettre son béret, et chercher sa bicyclette. Mme Lacoste ôtait le couvert.

Quand les parents n’étaient plus là, l’enfant prenait ses repas dans la cuisine avec sa nourrice, pour simplifier les choses, et parce que la salle à manger était trop grande pour elle toute seule.

Des habitudes paysannes lui étaient naturellement venues : couper son pain, mettre les bras sur la table, enfoncer la serviette dans son cou, manger avec bruit, tenir sa fourchette en l’air. Elle ne s’en rendait pas plus compte que de ses ongles mal soignés, et autres petites grossièretés de tous les jours.

Ayant sorti la bicyclette de sa niche, elle s’assit dessus pour se diriger vers le hasard.

Cette bicyclette, c’était le dernier cadeau de ses parents. Certes, ils n’étaient pas avares de leur argent. Ils ne l’étaient que de leur présence.

Toutoune volait à ras de terre, petit Mercure aux talons ailés. La bicyclette des enfants d’aujourd’hui remplace très bien la gouvernante du passé. Toutoune avait le droit de se promener seule dans la campagne, à des kilomètres autour du manoir. Mais il lui était défendu d’aller jusqu’à la ville. Scrupuleuse, elle suivait strictement les conditions du pacte.

Qu’il est enivrant de glisser sans bruit le long des routes et des chemins de l’été, d’être indépendante et rapide, de sentir multipliée la marche, d’avoir aux pieds, somme toute, les bottes de sept lieues du conte !

La grande campagne de Gourneville, avec ses vastes pièces de terre, sa route jaune qui se tord à travers, ses chemins creux qui se referment à mesure qu’on passe, ses carrefours solitaires veillés par quelque calvaire tragique, ses bois qui commencent là pour finir au bout du monde, ses prés riches de bestiaux, ses fermes cachées derrière les haies méfiantes, ses deux ou trois châteaux abandonnés et mystérieux, quelle belle promenade quotidienne !

Toutoune ne se lassait pas de cela, ne se lassait pas d’y être seule.

Elle n’y était pas seule, en vérité. Son imagination lui donnait une compagne.

— Si maman était avec moi sur sa bicyclette…

Ce thème en tête, elle vivait pour deux les belles heures agiles. Un peu plus haute que nature sur sa selle élastique, elle pouvait regarder par dessus les haies, découvrir des paysages par delà les « hauts bords », voir les vaches tachetées de roux et de blanc dans l’herbe tachetée d’ombre et de soleil, et ce bout d’infini qu’on découvre le long du chemin Saint-Pierre, monde bleu des côtes lointaines qui descendent jusqu’à l’embouchure de Seine, là où se niche la ville, avec son port trempé dans l’estuaire.

Elle revint par le village. On y rencontre des ânes avec leur bât, comme dans les livres de la Bibliothèque Rose, et parfois le berger avec son troupeau long d’au moins six mètres.

— Bonjour, berger !

— Bonjour Mam’zelle Villeroy !

Les deux chiens sont venus lécher les mains de la fillette. C’est Bergère et Capitaine. Et Toutoune voudrait bien les avoir pour amis d’enfance. Mais son père a la phobie des chiens, et les défend au manoir. C’est bien assez que Toutoune ait mérité son nom, par sa figure qui ressemble à celles de Bergère et de Capitaine.

Avant de reprendre le chemin de la maison, un petit tour à la ferme Lelandais. Encore une fois :

— Bonjour, Mam’zelle Villeroy !

Toutoune sait baratter le beurre, sait comment on fait le fromage de Pont-l’Evêque, comment se fabrique le boudin noir, comment se tue le porc annuel, comment se montent les meules de foin, comment se cueillent les pommes de l’automne, comment s’organise, tous les six mois, cette grande affaire : la lessive. Elle connaît les travaux terriens de toutes les saisons. Son enfance est nourrie de ces choses vigoureuses, de même qu’une plante est nourrie de bon terreau. Les humains sont bien plus végétaux qu’on ne croit. Une âme est un produit du sol, comme un arbre.

Mme Lelandais, fermière, raconte avec indignation une petite histoire qui lui est arrivée au marché de la ville, la semaine dernière.

— J’avais ma légume dans les paniers, et des bouquets de roses parmi. Une créature, qui devait venir de Trouville, m’en demande. Et la voilà qui te les prend un par un, pour les sentir, et les rejette après. « Madame, que j’y prêche, allez-vous finir d’prendre votre respire sur mes fleurs ? Est malaucœureux pour les autres acheteurs ! »

Que Toutoune comprend bien cette colère ! L’envie subite qu’elle a de son cher mouchoir secret lui fait précipiter sa visite.

— Au revoir, mère Lelandais !

— À la revoyure, mam’zelle Villeroy !

Elle revient à toutes pédales au manoir, à travers la campagne roulée dans l’embaumement immense de l’été. Voici poussée la vieille grille qui se rouille, et qu’on ne repeint jamais. Voici la cour d’honneur, le manoir tout au bout.

Le timbre de la bicyclette carillonne. La mère Lacoste, qui lavait dans un baquet, accourt :

— En retard, ma Charlotte ! Ta collation t’attend depuis plus d’un quart !

…Avant de manger son pain et son chocolat, elle monta vers le tiroir. Une bouffée de l’odeur sentimentale… vite !… vite !… en cachette…

Jusqu’à sept heures il va falloir encore travailler. Maintenant ce sont les devoirs qu’il faut faire. Problème… Analyse grammaticale… Narration… Tout cela doit être prêt d’ici lundi. Lundi, c’est dans deux jours… Quel dommage ! Le parc de cinq heures est si beau ! Impossible de travailler dehors. Dès qu’il s’agit d’écrire, c’est une telle complication !

« Où vais-je m’installer ? »

Il y avait la salle de billard, un beau billard dont nul ne se servait, témoin d’existences antérieures. Il y avait le grand salon, avec ses affreux rideaux de peluche bleue, ses têtes de cerf, ses collections de papillons, un vieux cor accroché… Passé, passé, charme des vieilles maisons démodées dont personne ne connaît bien l’histoire. Il y avait le fumoir et ses jolis fauteuils anciens.

Toutoune fut là-dedans avec son matériel scolaire. Elle ouvrit les livres et le cahier, trempa sa plume. Par quoi commencer ? L’analyse grammaticale l’ennuyait autant que le problème. Tout cela c’était un monde impénétrable, et dont l’énigme ne l’attirait pas du tout. Son entendement, devant cela, se fermait d’avance, comme une série de soupapes hermétiques. La nature, l’été, ces grands mystères l’ouvraient tout entière, la petite âme ; mais les secrets de l’arithmétique et de la grammaire, en quoi cela pouvait-il l’exalter ?

Sans chercher à rien comprendre, elle griffonnait n’importe quoi sur son cahier. Il s’agissait de passer le temps, le temps austère qui, de cinq à sept, l’asseyait devant la tâche quotidienne. Ainsi Mlle Calpelle ne pourrait pas, selon sa redoutable menace, écrire à Mme Villeroy pour se plaindre de son élève.

De toute sa mauvaise foi de paresseuse :

— J’ai fait ce que j’ai pu…

L’oreille au guet, elle reconnut le coup de sept heures au clocher, redit par la grosse horloge de la salle à manger. Les livres et le cahier refermés net, elle courut à clochepied jusqu’à la cuisine.

— Nounou, j’ai fini de travailler !

— Bien, mon Nenet ! T’es un p’tit ange du ciel !

Le malaise d’un léger remords passa sur le cœur de Toutoune. Elle ne se sentait pas très honnête. Mais un coup d’œil vers l’avenue la remit d’aplomb. Quelle bonne demi-heure avant le dîner, quelle récréation intense, dans la lumière rosée, où, déjà, se pressentait le long désespoir du couchant…

Dîner sans lampe, c’est un des signes les plus marquants de la longueur des jours d’août. La cuisine luisait de cuivres, belle dinanderie que Mme Lacoste faisait avec acharnement briller, selon des rites presque sacrés en Normandie. Toutoune racontait sa promenade sans événements, petite voix bavarde, enchaînait des niaiseries. Mais tout ce qu’elle ne pouvait pas dire, tout ce qui restait pour elle sans mots, admirations, rêveries, atmosphères respirées, couleurs, senteurs, bruits de l’été, tout cela, tragiquement, restait enseveli dans le silence impuissant de l’enfance.

Avant d’allumer la lampe, Lacoste ferma portes, volets, toutes les paupières de la maison. Toutoune, à cette heure-là, devenait triste jusqu’aux larmes.

Silencieuse, elle s’installa sous la lampe, à côté de la nourrice qui ravaudait ; et elle repassa ses leçons en pensant à autre chose. Puis, quand l’ancien douanier, qui venait de frapper, eût dit bonsoir et pris un verre de cidre avant de gagner le réduit qu’on lui donnait en bas :

— Allons, ma Charlotte !

Elles montèrent à la chambre. Encore fermer des volets, tirer des rideaux. La veilleuse est allumée. Toutoune est déjà dans son lit.

— N’oublie pas ta prière surtout !

La vieille se penche maternellement, embrasse les petites joues qui se tendent, machinales. Elle voudrait dire ce qu’il faut dire à ce fragile cœur délaissé.

— Ma Charlotte… commence-t-elle.

C’est une bien grande douceur d’avoir, dans sa vie, cette vieille femme attentive, affectueuse, et qui comprend bien des choses sans en avoir l’air. Mais la fillette peut-elle apprécier cela ? Cela c’est, pour elle, l’ordre naturel de l’existence. Cette enfant vit dans l’attente d’un miracle ; et, certes, la tendresse de Lacoste n’a rien de miraculeux.

Gâtée, assez autoritaire, sentant confusément son droit féodal, aidée dans ces instincts-là par l’esprit du pays qui est hiérarchique sans le savoir, et respectueux de l’ancien régime, Mlle Villeroy, propriétaire future du manoir de Gourneville, congédie un peu plus vite qu’il ne faudrait sa nourrice, par ces mots rapidement murmurés :

— Bonsoir, Nounou… J’ai bien sommeil !

Et, la lampe emportée aux mains de la vieille servante qui s’en va, Toutoune, dans le clair-obscur agité de la veilleuse, qui fait danser le camaïeu du bon vieux temps, recommence, les yeux grands ouverts, son pauvre petit songe, son pauvre petit songe.