Tolstoï - Œuvres complètes, vol13/Appendice



APPENDICE




I

Les articles pédagogiques de L. Tolstoï seront répartis en deux volumes, suivant l’ordre chronologique. Les occupations scolaires de Tolstoï se rapportent à deux époques distinctes : la première date encore de l’année 1858-1859 et se termine à la fin de 1862, avec une interruption en 1860, durant son voyage à l’étranger ; et l’autre comprend les années 1872-1875. La première période a un caractère plutôt pratique ; Tolstoï dirigeait alors lui-même l’école de Iasnaïa-Poliana, inspectait les écoles voisines, publiait une revue, où il défendait ses opinions, en un mot c’était la période des expériences personnelles. Tandis que l’autre période est consacrée à l’exposé des résultats obtenus dans l’activité de la première. C’est alors qu’il publia un manuel de la langue russe, son célèbre alphabet, qui, pendant ces trente dernières années, a toujours été la base, sinon le seul manuel de l’enseignement primaire en Russie, malgré toutes les interdictions et toutes les malveillances émanées du gouvernement.

Nous en parlerons davantage dans l’appendice du second volume pédagogique.

Les articles contenus dans ce volume ont été publiés tous dans la revue pédagogique mensuelle, éditée et dirigée par Tolstoï lui-même, dans le courant de l’année 1862. Les douze numéros de cette année existent. Ils ont paru parfois avec de grands retards, car Tolstoï, de son propre aveu, éprouvait la plus grande peine à se plier à un labeur régulier qui liait la liberté de sa pensée, exigeant de lui un travail à terme, de quoi il se sentait tout à fait incapable.

Outre les articles qui forment ce volume, dans la revue qui portait le nom de son domaine, Iasnaïa-Poliana, Tolstoï publiait aussi des articles d’instituteurs des écoles primaires voisines, soumises à son inspection, des comptes rendus de leurs occupations, des données statistiques, des bulletins bibliographiques, etc. Comme prime aux abonnés, il donnait des brochures avec des récits populaires tantôt composés par lui-même, tantôt faits par ses élèves, en classe, et corrigés par lui, ou bien c’étaient des œuvres de ses camarades dirigeant d’autres écoles primaires.

Le premier numéro de cette revue (Janvier 1862) fut précédé d’un appel au public, que voici :


« Au public,


« En entrant dans cette nouvelle voie, je crains et pour moi-même et pour mes idées, élaborées en moi durant des années, et que je considère comme justes. Je suis sûr d’avance que nombre de ces pensées paraîtront erronées. J’ai eu beau donner tous mes efforts à l’étude du sujet, je n’ai pu le regarder que d’un seul côté. J’espère que mes idées, une fois exprimées, soulèveront des opinions contraires. Toutes les opinions trouveront un accueil cordial dans les pages de ma revue. J’ai peur seulement que ces opinions ne soient exprimées d’une façon agressive, que la discussion d’un sujet aussi important et aussi cher à tous qu’est l’instruction publique ne se transforme en des moqueries, des personnalités et en une polémique de journal. Je ne dirai pas que les moqueries et les blessures n’ont pas prise sur moi, que je me sens au-dessus d’elles. Au contraire, j’avoue que j’ai peur pour moi-même autant que pour mon œuvre. J’ai peur d’être entraîné dans une polémique d’un caractère personnel, au lieu de continuer un travail calme et persévérant dans l’œuvre entreprise.

» C’est à cause de cela que je demande à tous les adversaires futurs de mes opinions, d’exprimer leurs pensées de telle manière, que je puisse donner des explications et développer mes arguments là où le désaccord sera causé par une obscurité quelconque, et que je puisse céder là où le caractère erroné de mes opinions sera bien prouvé.

» Comte Léon Tolstoï. »

Cette activité de propagande de la part de Tolstoï souleva bientôt une curieuse polémique entre deux ministères russes : ceux de l’Intérieur et de l’Instruction publique. Le ministère de l’Intérieur, toujours porté à voir dans les idées un peu avancées le commencement de la révolution, dénonça au ministère de l’Instruction publique les tendances dangereuses de la revue : Iasnaïa-Poliana.

Heureusement, le ministre de l’Instruction publique, à cette époque-là, était un peu libéral, et, après avoir fait une enquête, il répondit au ministre de l’Intérieur, que, quoiqu’il trouvât aussi les idées pédagogiques de Tolstoï un peu extravagantes, il ne les jugeait pas dangereuses et les laissait plutôt à une critique savante et raisonnable qu’à des persécutions administratives, espérant que l’auteur lui-même les abandonnerait après une expérience pratique et une étude théorique de la science.

Notre opinion est que le ministère de l’Intérieur avait fait preuve d’une plus grande clairvoyance que le ministère de l’Instruction publique, car ces idées pédagogiques n’étaient qu’une phase intermédiaire du développement général des idées de cet apôtre de la liberté, qui donna plus tard tant d’embarras au gouvernement russe.

Malheureusement pour eux et heureusement pour nous, il n’existe pas de puissance pouvant arrêter la marche de la vérité.


II

Les articles pédagogiques publiés dans ce volume parurent d’abord dans diverses revues, puis furent réunis en trois volumes édités chez Albert Savine sous les titres : Le progrès et l’instruction publique en Russie, et la Liberté dans l’école, et l’École de Iasnaïa-Poliana, traduits par B. Tseytline et E. Jaubert. Le second de ces recueils, en guise de préface, contient une lettre de M. Bréal, de l’Institut.

L’article : Qui doit enseigner l’art littéraire et à qui ? a été publié en français, dans le volume intitulé : Pour les Enfants, traduit par Tseytline et Jaubert et édité chez Albert Savine.

Le troisième article du présent volume des œuvres complètes de Tolstoï : Le projet du plan général de la création des écoles populaires, paraît en français pour la première fois.

Paul Birukov.