Tintin-Lutin/Le Châtiment

, Fred Isly
Félix Juven (p. 63-70).

Le tint au lit jusqu’au bout des vacances.


Le Châtiment


Vos parents ont répété souvent
Que tout péché appelle un châtiment,
Et nous sommes déjà presque à la fin
De ce livre sans que Tintin-Lutin
Ait récolté les justes punitions
De ses nombreuses mystifications.
Cette remarque est fort juste, ma foi !
Mais veuillez rester encor avec moi
Quelques instants ; vous serez satisfaits
Du résultat de son prochain méfait.



Les cyclistes passent nombreux.


Les cyclistes, en la belle saison,
Passent nombreux tout près de la maison
Des Kilabour. Ils fuient, la tête basse,
D’un vol rapide et dévorant l’espace.
Tintin s’est promis depuis fort longtemps
De s’amuser un jour à leurs dépens.
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Il a réussi à se procurer
Un gros cornet de clous de tapissier
(Ce sont des clous à grosse tête plate).
Sur la grand’route, il est allé en hâte
Les semer avec soin, la pointe en l’air

Il veut ainsi, cela n’est que trop clair,
Au moyen de ces milliers de lancettes
Faire éclater les pneus des bicyclettes.
Les cyclistes rouleront dans le sable,
Ramassant une pelle formidable.


Tintin les sème les pointes en l’air


Mais laissons un moment Tintin-Lutin
Pour jeter un coup d’œil sur le chemin.
Nous y voyons un fermier tout là-bas,
Poussant devant lui deux beaux cochons gras
Et s’avançant vers nous très lentement
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Mais soudain un coup de sifflet strident
Vient réveiller les échos de la plaine.
C’est un train qui passe à perte d’haleine,
La voie ferrée longe presque la route.
Cependant, ce bruit a mis en déroute
Les deux cochons qui, saisis de frayeur,



… poussant devant lui deux cochons


Faisant lâcher prise à leur conducteur
Par des sauts et des bonds inattendus,
Le nez baissé, se sauvent éperdus.
Ils arrivent au galop à l’endroit
Où Tintin prépare son bel exploit.
Mais son travail le tient si absorbé,
Qu’il n’a pas vu ce qui est arrivé.
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Les deux cochons, poursuivant leur chemin,
Passent aux côtés de Tintin-Lutin
Et la corde qui les relie entre eux
Se prend au pied du petit malheureux
Qui s’étale la tête la première
Sur les clous qu’il vient de semer à terre.
Pour le coup, voilà Tintin bien puni :



… le nez baissé se sauvent éperdus.


Les mille clous dont le sol est garni
Se sont plantés partout sur sa figure,
Lui infligeant une horrible torture…


… son travail le tient si absorbé.



Il s’étale la tête la première.


Regardez-le ! il est méconnaissable
Et sa douleur est presque insupportable.
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Quand on le ramena chez ses parents,
Tout meurtri, poussant des gémissements,
Ceux-ci comprirent que le scélérat
S’était lui-même mis en cet état,
Mais il était suffisamment châtié
Et sa douleur inspirait la pitié.
On envoya chercher un médecin


Du coup, il est puni.



… il est méconnaissable


Qui lui donna des drogues, du ricin,
De l’ipéca, lui mit sur la figure
De grands bandeaux enduits d’une mixture
Et, sans se soucier de ses doléances,
Le tint au lit jusqu’au bout des vacances.
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Tintin, pendant ce long repos forcé,
Se lamentait et pensait au passé,
Il se morfondait sur son matelas
Et finissait par s’avouer tout bas
Qu’après tout, il méritait son malheur
Car seul, il en avait été l’auteur.
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Cette pensée porta bientôt son fruit.
Un grand changement s’opéra en lui :
Le remords avait envahi son cœur,
Il se promit de devenir meilleur,
De ne jamais causer le moindre ennui
À ses parents, ni tourmenter autrui,




De se faire aimer de son entourage,
Et d’être désormais docile et sage.
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Martin Simon a tenu sa promesse.
Lui qui se distinguait par sa paresse,
Et dans sa classe était toujours dernier
Est devenu excellent écolier,
Appliqué, travaillant avec ardeur.
Étonnant même son vieux professeur.



Cette année-là, ce fut Tintin-Lutin
Qui obtint le premier prix de latin,
Celui d’histoire, de mathémathique,
De narration et celui de physique.
Le bonheur de ses parents fut intense,
Quand il revint chargé de récompenses
Et l’on fêta avec joie et entrain
L’heureuse transformation de Tintin.
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