Théorie mathématique de la richesse sociale/Préface/I


PRÉFACE
DES QUATRE PREMIERS MÉMOIRES[1]



Je réunis ici, sous le titre commun de Théorie mathématique de la richesse sociale, une série de quatre mémoires intitulés respectivement : — Principe d’une théorie mathématique de l’échange — Équations de l’échange — Équations de la production — Équations de la capitalisation et du crédit, dont le premier, lu en 1873 à l’Académie des sciences morales et politiques, à Paris, a été reproduit dans le numéro de janvier 1874 du Compte-rendu des séances et travaux de cette Académie, ainsi que dans le numéro d’avril suivant du Journal des Économistes, et dont les trois derniers, communiqués à la Société vaudoise des sciences naturelles, à Lausanne, dans le courant de l’hiver 1875-1876, ont été publiés dans les numéros 76 et 77 du Bulletin de cette Société.

Les deux premiers mémoires de cette série résument la première partie de mes Éléments d’économie politique pure qui a paru il y a deux ans. Les deux derniers résument la seconde partie du même ouvrage qui paraîtra, je l’espère, l’année prochaine[2]. Diverses circonstances, parmi lesquelles ma désignation comme recteur de l’Académie de Lausanne et un état de santé peu satisfaisant, ayant retardé la publication de cette seconde partie, je me suis décidé, pour plusieurs motifs, à y suppléer par celle de ces quatre mémoires. Cette question de l’application des mathématiques à l’économie politique, relativement à laquelle je ne connaissais, il y a trois ans, que quelques tentatives ou complètement ignorées ou complètement oubliées, est, à cette heure, une question fort étudiée par des savants très distingués en Angleterre, en Suisse, en Hollande, en Italie, en Allemagne, en Danemark, en Hongrie. Ce fait est à ma connaissance personnelle et résulte pour moi d’une correspondance particulière qui s’étend de jour en jour. Dans une telle conjoncture, je n’ai pas cru devoir tarder plus longtemps, je l’avouerai tout d’abord, à prendre date pour les résultats acquis de mes recherches. Ayant déjà du restituer à M. le professeur Jevons, de Manchester, la priorité de la courbe d’utilité et de l’équation de satisfaction maximum, j’ai désiré m’assurer celle des autres formules ou théorèmes auxquels je suis parvenu. D’autre part, il m’a paru qu’une théorie mathématique complète de la richesse sociale, c’est-à-dire une théorie mathématique complète de la détermination : 1o des prix des produits, 2o des prix des revenus producteurs ou des fermages, salaires et intérêts, et 3o du taux du revenu net et, par suite, des prix des capitaux producteurs, qui serait réduite a ses éléments essentiels et débarrassée de toute discussion économique ou mathématique, serait tout-à-fait propre à retenir et a fixer l’attention des esprits sérieux qui, en Europe, se préoccupent actuellement d’introduire une méthode rigoureuse dans la science du bien-être de l’humanité. Enfin, et pour tout dire, j’ai voulu aussi donner satisfaction a M. le professeur Boccardo, de Gênes, qui, consacrant un volume de sa Biblioteca dell’Economista aux essais d’application des mathématiques à. l’économie politique, m’avait exprimé le désir d’y faire figurer ma théorie.

Tels sont les divers buts que je me suis proposés en complétant la série de ces mémoires, et je remercie la Société vaudoise des sciences naturelles qui, en accueillant mes communications parmi celles de sa section mathématique, m’a permis de les atteindre de la manière la plus prompte et la plus facile.

L. W.


Château de Glérolles, par St-Saphorin, Vaud (Suisse),
août 1876.

  1. Cette préface est celle qui a paru entête de la traduction italienne des quatre premiers mémoires faite par M. le professeur Gerolamo Boccardo, de Gênes, et publiée sous le titre de Teoria matematica della ricchezza sociale dans la Biblioteca dell’Economista, 3e série, vol. II (1878), et qui a été reproduite en tête de la traduction allemande faite par M. Louis de Winterfeld et publiée sous le titre de Mathematische Theorie der Preisbestimmung der wirthschaftlichen Gütter chez Ferdinand Enke, a Stuttgart (1881).
  2. Cette seconde partie a effectivement paru en 1877.