Théorie mathématique de la lumière/1/Chap.03

Georges Carré (1p. 76-98).

CHAPITRE III


PRINCIPE DE HUYGHENS

61. Le principe de Huyghens sur lequel repose la théorie de la diffraction a été l’objet de nombreuses objections. Afin de lever ces objections et de donner une justification aussi complète que possible de cet important principe, nous serons obligés de nous étendre longuement sur ce sujet.

Exposons d’abord les idées de Huyghens. Supposons que,
Fig. 4.
toutes les molécules d’éther étant au repos, on donne un ébranlement à celles qui sont contenues à l’intérieur d’une sphère (fig. 4) de très petit rayon, puis qu’on abandonne l’éther à lui-même. L’ébranlement donné aux molécules de se propagera dans l’éther ; Huyghens admet qu’il se produit une onde sphérique, et qu’au bout d’un temps les seules molécules en mouvement occupent une couche infiniment mince située à la surface d’une sphère de rayon et concentrique à Cette hypothèse revient à admettre la possibilité de la propagation d’une onde isolée et, bien qu’expérimentalement la réalisation de ce fait n’ait jamais lieu, on peut faire usage de cette abstraction dans la théorie. S’il en est ainsi, les seules molécules en mouvement au bout du temps seront situées dans une couche sphérique concentrique à et de rayon Le principe de Huyghens consiste à admettre que le mouvement de l’éther en tout point de cette onde est la résultante des mouvements qu’enverraient isolément tous les éléments de la même onde considérée dans une position antérieure

Si ce principe est vrai, on doit pouvoir en déduire que les molécules en mouvement au temps sont toutes situées à l’intérieur de la couche Or, l’onde partielle, provenant de la propagation du mouvement qui animait au temps un élément de l’onde sera une sphère de centre et de rayon cette onde est donc tangente à l’onde Il en sera de même pour toutes les ondes partielles, et l’on peut regarder l’onde comme l’enveloppe des ondes partielles provenant des différents points de Il est donc évident qu’il ne pourra pas y avoir de mouvement au delà de l’onde Mais rien ne prouve a priori qu’il n’y en aura pas en deçà. Au premier abord, il semble même difficile qu’il en soit ainsi, car, les mouvements des molécules de la sphère d’ébranlement paraissant être de même sens, ils devraient donner naissance à des mouvements de même sens qui ne peuvent se détruire. Huyghens expliquait cette anomalie en admettant que, la couche étant infiniment mince, les mouvements provenant de l’ébranlement des divers éléments de cette surface devaient être infiniment petits et qu’ils ne pouvaient être appréciables que sur la surface où un grand nombre de ces mouvements se composent. Cette explication ne résiste pas à une analyse rigoureuse.

62. Fresnel, dans sa théorie de la diffraction, modifie le principe de Huyghens en considérant, non plus une onde isolée, mais une succession d’ondes provenant de mouvements vibratoires. Voici d’ailleurs comment il énonce ce principe : Les vibrations d’une onde lumineuse dans chacun de ses points peuvent être regardées comme la somme des mouvements élémentaires qu’y enverraient au même instant, en agissant isolément, toutes les parties de cette onde considérée dans une quelconque de ses positions antérieures. À cet énoncé il ajoute, en note[1] : « Je considère toujours la succession d’une infinité d’ondulations ou une vibration générale du fluide. Ce n’est que dans ce sens qu’on peut dire que deux ondes lumineuses se détruisent lorsqu’elles sont à une demi-ondulation l’une de l’autre. Les formules d’interférence que je viens de donner ne sont point applicables au cas d’une ondulation isolée, qui d’ailleurs n’est pas celui de la nature. » — En considérant ainsi des ondes successives, les mouvements des molécules de sont tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, et on peut concevoir qu’au temps les molécules qui sont en dehors de la surface ne soient pas en mouvement. Cette explication est loin d’être à l’abri de tout reproche, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant. D’ailleurs la théorie de la propagation d’une onde isolée, propagation mathématiquement possible, laisse subsister une difficulté qu’il est nécessaire d’expliquer.

63. Controverse de Fresnel avec Poisson. — Que l’on considère une onde isolée ou une série d’ondes successives, le principe de Huyghens conduit à admettre qu’outre l’onde il s’en produit une autre qui est l’enveloppe intérieure des ondes élémentaires C’est une des objections que fait Poisson à Fresnel, dans une lettre[2] dont nous extrayons le passage suivant : « Je vous ferai aussi remarquer que, dans le raisonnement qui vous a conduit à la formule de la page 287 de votre Mémoire sur la diffraction[3], rien n’exprime que
Fig. 5.
le point (fig. 5) soit situé au delà de l’onde et que, s’il était situé en deçà de cette onde, le même raisonnement appliqué mot à mot vous conduirait à une formule semblable pour exprimer la vitesse qu’il reçoit, avec cette seule différence qu’au lieu de cette formule contiendrait qui serait alors la distance Il suivrait donc de vos principes que l’onde même quand elle est complète, devrait produire du mouvement en deçà et au delà de sa position, conclusion qui suffirait pour montrer qu’il y a un vice quelconque dans votre manière d’envisager la question. Et, en effet, la production d’une nouvelle onde en avant de celle que vous considérez, et la non-communication du mouvement en arrière, n’ont lieu qu’à raison d’un rapport déterminé qui subsiste, dans l’onde donnée, entre les condensations et les vitesses propres des molécules fluides, et nullement à raison de l’interférence des ondes élémentaires parties de tous ses points à des instants différents. »

64. Dans sa réponse à cette lettre, Fresnel, après avoir répondu à d’autres objections de Poisson, arrive enfin à la véritable explication de l’anomalie qui avait si longtemps arrêté les géomètres. Il y a, dit-il, deux choses à considérer dans le mouvement d’une molécule : la vitesse dont elle est animée, et son écartement de sa position d’équilibre, il en résulte deux systèmes d’ondes dérivées.

Mais, avant de citer ce passage de Fresnel, nous devons donner quelques explications au sujet de ce qu’il appelle la loi du cosinus.
Fig. 6.
À l’époque où avait lieu cette controverse, Fresnel avait déjà fait sa grande découverte de la transversalité des vibrations. Mais Poisson et les géomètres de son temps se refusaient à l’admettre. Aussi Fresnel, désireux de diminuer la divergence de ses vues avec celles de Poisson, et convaincu que sa théorie de la diffraction était également applicable à toutes les hypothèses, raisonne-t-il constamment comme si les vibrations étaient longitudinales.

C’est ainsi qu’il arrive, par un raisonnement qui ne serait d’ailleurs pas à l’abri de tout reproche, à cette conséquence que le mouvement envoyé par un point (fig. 6) de l’onde à un point de l’onde est proportionnel au cosinus de l’angle formé par la direction avec la normale à l’onde Ce raisonnement n’est en aucune façon applicable au cas des mouvements transversaux.

Heureusement la loi du cosinus ne joue aucun rôle essentiel dans la théorie de Fresnel, et ne doit être considérée que comme un incident de sa controverse. Les objections auxquelles cette loi peut donner lieu ne portent aucune atteinte à la théorie elle-même.

65. Citons maintenant le passage le plus important de la lettre de Fresnel (Œuvres complètes, t. II, p . 227).

« Vous objecterez peut-être encore au raisonnement que je viens de faire pour le cas d’un petit ébranlement, qu’il établirait l’existence de rayons d’une égale intensité en sens opposé, lors même que l’ébranlement initial ferait partie d’une onde dérivée ; mais je répondrai, comme je l’ai déjà fait, que ce n’est point une conséquence du principe sur lequel je m’appuie. En effet, j’arrive à cette loi du cosinus, en considérant séparément l’onde produite par les vitesses imprimées aux molécules comprises dans le centre d’ébranlement, et celle qui résulte de leurs simples déplacements, puis en les ajoutant ensemble : or, quand ces deux ondes poussent le fluide dans le même sens, elles se fortifient mutuellement par leur superposition ; et si les intensités des divers points de la surface suivent la loi du cosinus dans l’une et dans l’autre, cette même loi aura encore lieu dans l’onde résultant de leur réunion. Si elles tendent à pousser les molécules du fluide en sens opposés, les vitesses absolues qu’elles apportent se retranchent et peuvent même se détruire mutuellement, dans le cas où elles sont égales ; c’est ce qui a lieu pour les ondes rétrogrades, lorsque le centre d’ébranlement a la constitution particulière des ondes dérivées. Que l’on considère, par exemple, un élément d’une pareille onde au moment où ses molécules sont poussées en avant, c’est-à-dire dans le sens de la propagation de l’onde dérivée : on sait qu’alors ce mouvement en avant est accompagné d’une condensation, c’est-à-dire d’un rapprochement des molécules ; si les molécules n’étaient que déplacées et d’ailleurs sans vitesse au même instant, il résulterait de leur rapprochement une force expansive qui pousserait le fluide en arrière comme en avant, et produirait ainsi une onde rétrograde semblable à celle qu’elle exciterait en avant, mais dans laquelle les vitesses absolues seraient de signe contraire ; si, d’un autre côté, les molécules se trouvaient dans leurs positions d’équilibre au moment où l’on considère l’ébranlement, et recevaient seulement à cet instant les vitesses qui les poussent en avant, il en résulterait encore une onde en arrière, comme une onde en avant, puisque ces molécules seraient suivies par celles qui sont derrière, et ainsi de proche en proche ; l’onde rétrograde serait encore de même intensité que l’onde qui se propagerait en avant, et elle déplacerait les molécules du fluide dans le même sens ; mais l’onde rétrograde résultant de la simple condensation les pousse en sens contraire. Ces deux mouvements se retrancheront donc l’un de l’autre dans les ondes rétrogrades dues à la condensation et aux vitesses des molécules, tandis qu’ils s’ajouteront dans les deux ondes qui se propagent en avant ; si donc ces deux causes tendent à produire des effets égaux, comme cela a lieu dans le cas particulier des ondes dérivées, les ondes rétrogrades s’effaceront mutuellement, et les vibrations ne pourront se propager que dans le sens de la marche de l’onde dérivée. »

C’était bien là la véritable explication du principe de Huyghens ; nous allons le montrer avec plus de rigueur dans ce qui va suivre.

66. Intégration des équations des mouvements transversaux dans le cas des ondes sphériques. — Reprenons les équations des mouvements transversaux

que nous avons déjà résolues dans le cas des ondes planes (50), et proposons-nous d’en trouver les intégrales dans le cas des ondes sphériques.


Fig. 7.
Dans les ondes de cette nature les déplacements et les vitesses d’un point (fig. 7) doivent avoir les mêmes valeurs pour tous les points situés à une même distance ) du centre des ondes ; donc et leurs dérivées ne dépendront que de et du temps En prenant pour origine des coordonnées le centre des ondes sphériques et appelant les coordonnées du point nous aurons

Posons 

étant une fonction quelconque de et de et cherchons quelle doit être la forme de cette fonction pour satisfaire aux équations du mouvement.

La quantité est une fonction linéaire et homogène de et de ses deux premières dérivées par rapport à nous pouvons l’écrire

67. La valeur des coefficients pourrait s’obtenir en calculant les dérivées secondes de par rapport à et les additionnant, mais il est plus simple de les déterminer en faisant des hypothèses particulières sur la fonction

Supposons d’abord que l’on ait on aura C’est la forme de la fonction potentielle dans l’attraction de deux points suivant la loi de Newton. On doit donc avoir et comme l’expression de se réduit à dans ce cas particulier, doit être nul.

Prenons nous aurons et par suite D’autre part, nous avons

par conséquent, comme est nul d’après ce qui précède.

Le coefficient doit donc aussi être nul.

Pour trouver le coefficient faisons la dérivée seconde de cette fonction par rapport à sera égale à et la valeur de se réduira à

Mais si nous avons et le calcul donne pour

En égalant ces deux valeurs de nous avons pour valeur de

L’expression de dans le cas général est donc :

Portant cette valeur dans la première des équations du mouvement et remplaçant par sa valeur nous aurons une équation qui déterminera cette équation est

ou

En intégrant, on aura

d’où

68. Les fonctions et étant quelconques, nous pouvons supposer que l’une d’elles, se réduise à nous aurons alors

expression qui satisfait aux équations du mouvement. Par conséquent, dans le cas général, peut être considéré comme le déplacement résultant de deux mouvements se propageant par ondes sphériques, à partir du centre l’un avec une vitesse l’autre avec une vitesse Le facteur qui entre dans l’expression de montre que le mouvement s’affaiblit quand on s’éloigne du centre d’ébranlement.

Les deux dernières équations des mouvements transversaux nous donneraient pour et des expressions analogues à celle que nous venons de trouver pour

69. Quand on se donne les valeurs initiales des composantes des vitesses, le mouvement est complètement déterminé et on peut trouver les fonctions et Supposons qu’au temps nous ayons

En faisant dans l’expression de et en égalant à la valeur donnée nous obtenons la relation

(1)

La dérivée de par rapport au temps est

sa valeur pour se réduit à

On a donc la relation

(2)

Les relations (1) et (2) détermineront les fonctions et

Une solution particulière des équations des mouvements transversaux qui est intéressante en optique est celle où l’on a

La valeur de est alors

Sa dérivée seconde par rapport à a pour valeur Comme satisfait aux équations du mouvement, on doit avoir

ou enfin

70. Intégrales générales des équations des mouvements transversaux. — Considérons la première de ces équations que nous écrirons sous la forme

(1)

Nous aurons l’intégrale générale de cette équation si nous trouvons une fonction de et qui y satisfasse identiquement et qui se réduise, pour à une fonction arbitraire de et pendant que sa dérivée se réduit aussi, pour à une autre fonction arbitraire de et

L’intégrale générale contient donc deux fonctions arbitraires.

Voyons d’abord à quoi nous conduit l’application du principe de Huyghens. Supposons qu’à l’origine des temps toutes les molécules de l’éther soient ébranlées de telle façon que l’ébranlement initial au point soit égal à Au bout du temps le point aura envoyé un ébranlement égal à à tous les points situés à une distance du point et n’en aura envoyé aucun à tous les points situés à une distance plus grande ou plus petite.

Donc, d’après le principe de Huyghens, le point aura reçu à l’instant un ébranlement de tous les points de la sphère qui a pour centre et pour rayon et n’en aura reçu d’aucun autre point de l’espace.

Faisons donc

(2)

l’intégrale étant étendue à tous les éléments de la sphère de centre et de rayon et désignant les coordonnées de l’élément La valeur de l’intégrale dépendra évidemment du centre et du rayon de cette sphère, et par conséquent sera fonction de et Nous devons donc, pour justifier le principe de Huyghens, démontrer que la valeur (2) de satisfait à l’équation (1).

Calculons Pour cela donnons à un accroissement en conservant à à à et par conséquent à leurs valeurs cela revient à donner à la sphère une translation parallèle à l’axe des Il en résultera pour un accroissement tandis que et conserveront la même valeur. L’accroissement de sera et on aura

Comme l’accroissement de est le même pour tous les éléments de l’intégrale, on peut mettre en facteur, et en divisant les deux membres de l’égalité par cette quantité, on obtiendra

En dérivant une seconde fois par rapport à on aura, pour la dérivée seconde,

Le même raisonnement conduirait aux expressions

pour les dérivées secondes de par rapport à et à En faisant la somme de ces dérivées secondes, on aura

(3)

71. Cherchons maintenant la dérivée seconde de l’intégrale (2) par rapport au temps. Si nous donnons au temps un accroissement sans faire varier le centre de la sphère ne changera pas, mais son rayon subira un accroissement :

L’élément de surface deviendra On peut faire disparaître de l’intégrale en introduisant l’angle solide sous lequel cet élément est vu du centre de la sphère ; on a

d’où

Par conséquent, l’intégrale devient

(4)

et comme est le même pour tous les éléments de l’intégrale, on peut écrire

Si donc subit un accroissement l’accroissement qui en résultera pour sera

ou

Pour calculer la valeur de la seconde intégrale qui entre dans cette expression, remarquons que, le rayon étant normal à l’élément de surface on a, d’après le théorème de Green,

étant un élément de volume, et l’intégrale du second membre étant étendue à toute la sphère. En introduisant dans cette dernière égalité l’angle solide qui correspond à elle devient

(5)

Nous pouvons donc remplacer la valeur trouvée précédemment pour par la suivante :

ou, en divisant par
(6)

En différentiant cette dernière expression par rapport à nous obtenons l’égalité

qui, si nous tenons compte de la relation (5), se réduit à

(7)

Le second membre de cette relation est, au facteur près la valeur de l’intégrale

étendue aux éléments de volume d’une couche comprise entre les sphères de rayons et Considérons un de ces éléments limité par ces deux sphères et par un cône ayant pour sommet le centre commun des deux sphères et pour base l’élément de la surface de la première sphère. Le volume de cet élément sera, en négligeant les infiniment petits d’un ordre supérieur au troisième, Par conséquent l’intégrale précédente devient

ou

intégrale étendue à tous les éléments de la sphère de rayon On obtient alors, pour la relation (7),

(8)

72. En remplaçant, dans l’équation (1) du mouvement, par sa valeur tirée de cette dernière relation, et par sa valeur (3), l’équation sera satisfaite. Par conséquent

est une solution particulière de l’équation du mouvement. Ce ne peut être encore l’intégrale générale, puisqu’elle ne contient qu’une fonction arbitraire.

Cherchons les valeurs initiales de et de Quand tend vers zéro, le rayon de la sphère tend vers zéro, et la valeur de tend vers Si diffèrent peu de l’intégrale

aura une valeur voisine de

Il en résulte que la valeur de donnée par l’expression (4) diffère peu de

À la limite, quand est égal à zéro, est donc nul. Par conséquent la valeur initiale de est nulle.

La relation (6) nous donne, pour

Le second terme du second membre peut être négligé quand le rayon est infiniment petit. En effet, l’intégrale qu’il contient, devant être étendue à tous les éléments de la sphère, sera un infiniment petit du troisième ordre; son quotient par sera du second ordre et sera négligeable vis-à-vis du premier terme dont la valeur est à la limite Nous aurons donc

(9)

Comme la fonction est quelconque, la vitesse initiale du déplacement est arbitraire.

73. Pour avoir l’intégrale générale de l’équation du mouvement, il nous faut trouver une seconde solution particulière dont la valeur initiale puisse être prise arbitrairement. Nous allons montrer que

satisfait à ces conditions.

D’abord, c’est une solution de l’équation du mouvement. En effet, on a

et

Par conséquent pour que l’équation du mouvement soit satisfaite, il faut que l’on ait

ou

Cette égalité sera satisfaite puisqu’on l’obtient en différentiant par rapport à l’équation (1) à laquelle satisfait identiquement.

Pour avoir la valeur initiale de il suffit de chercher ce que devient la relation (6) quand on y fait D’après ce que nous avons dit précédemment dans la recherche de la valeur initiale de on aura

(10)

On peut donc prendre une valeur quelconque pour la valeur initiale du déplacement, puisque la fonction est arbitraire.

La valeur initiale de se déduira de la relation (8). On a

par conséquent la valeur initiale de la vitesse est nulle.

74. La somme des deux solutions particulières et que nous venons de trouver sera la solution la plus générale de l’équation du mouvement. Cette solution est

en désignant par la fonction arbitraire qui entre dans la seconde solution particulière.

Cherchons l’expression de cette solution quand on se donne les valeurs initiales du déplacement et de la vitesse :

La valeur initiale de l’expression générale de se réduit à la valeur initiale de la seconde solution particulière ; par conséquent, la relation (10) nous donne

La vitesse initiale de la seconde solution particulière étant nulle, nous aurons d’après la relation (9)

En remplaçant, dans l’expression générale de les fonctions et par leurs valeurs tirées de ces dernières relations, nous obtiendrons

ou  (11)

75. Justification du principe de Huyghens. — L’expression précédente montre que la valeur, au temps du déplacement d’un point d’une sphère de rayon dépend à la fois des valeurs du déplacement et de la vitesse du centre de la sphère à l’origine des temps. Nous allons tirer de là la justification du principe de Huyghens, soit dans le cas d’une onde isolée, soit dans le cas d’une série d’ondes périodiques.

Supposons, comme le faisait Huyghens, qu’on ébranle les molécules d’une sphère de rayon infiniment petit. Cet ébranlement se propagera par ondes sphériques et à un certain moment les molécules ébranlées seront situées dans une couche comprise entre deux sphères de rayons et Le déplacement d’une molécule sera donné par la formule

que nous avons trouvée (68) dans le cas de la propagation par ondes sphériques. Comme il n’y a de mouvement que dans la couche sphérique, et par suite devront être nuls pour tout point pris en dehors de cette couche. Cette fonction nulle pour et pour doit passer par un maximum ou un minimum pour une valeur de comprise entre et par conséquent, sa dérivée par rapport à n’a pas le même signe pour tous les points de la couche. Or, la vitesse d’une molécule a pour valeur :

elle doit donc changer de signe pour une valeur de telle que

Au bout du temps il n’y aura de mouvement qu’à l’intérieur d’une couche sphérique limitée par deux sphères concentriques de rayons et D’autre part, si nous voulons avoir la valeur de à l’époque et en un point quelconque de l’espace, nous pouvons regarder les diverses molécules de comme des centres d’ébranlement. Cette valeur de nous sera donnée par la formule (11) du no 74.

L’intégrale doit être étendue à tous les éléments d’une sphère de centre et de rayon ou plutôt à tous ceux de ces éléments qui appartiennent à la couche infiniment mince désigne la valeur du déplacement du centre de gravité de à l’époque et représente la valeur de la vitesse de ce même point à ce même instant.

Il s’agit d’expliquer comment l’expression de ainsi trouvée est nulle toutes les fois que le point n’appartient pas à la couche On s’en rendra compte en observant que la vitesse initiale ne conserve pas toujours le même signe ainsi que nous venons de le voir. L’intégrale a donc des éléments positifs et négatifs et l’on conçoit qu’elle puisse être nulle.

Il nous suffira d’avoir montré qu’il n’y a là aucune anomalie réelle ; le calcul montrerait que l’intégrale s’annule effectivement pour tous les points de l’espace situés en dehors de


  1. Œuvres de Fresnel, t. I, p. 293.
  2. Œuvres de Fresnel, t. II, p. 209.
  3. C’est la formule

    qui donne la vitesse du déplacement au point et que Fresnel a trouvée en s’appuyant sur le principe de Huyghens (Œuvres de Fresnel, t. I, p. 316). désigne la distance la distance