Théorie de la grande guerre/Livre VII/Chapitre 9

Traduction par Marc-Joseph-Edgar Bourdon de Vatry.
Librairie militaire de L. Baudoin et Cie (Tome troisièmep. 43-44).

CHAPITRE IX.

attaque des positions défensives.


Vous avons précédemment montré dans quelle mesure les positions défensives contraignent l’agresseur à les attaquer ou à renoncer à pénétrer plus avant. On ne devrait nommer défensives que les positions qui sont réellement en état de produire ce résultat, car elles ont dès lors pour mission d’épuiser ou de neutraliser, en tout ou en partie, la force d’impulsion de l’attaque qui n’a rien à leur opposer à ce propos et ne dispose d’aucun moyen de contrebalancer ce désavantage. Mais toutes les positions défensives n’ont pas réellement ce caractère.

Lorsqu’une position défensive n’est pas en état de l’empêcher de poursuivre sa route et de marcher vers son but, l’envahisseur commettrait une faute de l’attaquer. Dans le cas contraire, il doit tout d’abord voir si en manœuvrant sur les flancs de la position il lui sera possible de forcer le défenseur à la quitter, et c’est seulement quand il a la certitude que ce moyen ne sera pas efficace qu’il doit se décider à attaquer une bonne position. Dès lors l’action sur les flancs étant celle qui présente le moins de difficulté, le choix du flanc à attaquer dépend de la situation et de la direction des lignes de retraites respectives. L’attaquant doit chercher à menacer celle du défenseur et à couvrir la sienne propre. Si, de ces deux conditions, une seule est réalisable, il faut naturellement donner la préférence à la première, parce que, au contraire de la seconde qui est de nature défensive, elle conserve à l’action son caractère offensif. Il importe, cependant, de reconnaître que l’attaque d’une bonne position occupée par un adversaire solide constitue toujours une action très aléatoire. Il est certain qu’il ne manque pas d’exemples, tels que Torgau et Wagram, de victoires remportées dans ces conditions par l’attaquant, — et, si nous ne citons pas ici Dresde, c’est qu’en vérité on ne peut guère parler de la solidité dont l’adversaire a fait preuve dans cette bataille, — mais, tout bien considéré, l’énorme quantité des cas, où l’on voit les généraux les plus résolus s’arrêter net devant une bonne position solidement défendue, prouve en somme qu’en pareille occurrence le danger auquel le défenseur est exposé est généralement très faible.

Les batailles que nous visons ici sont des plus rares, et l’on ne saurait les confondre avec les batailles habituelles. Celles-ci ne sont, pour la plupart, que de véritables rencontres dans lesquelles l’un des adversaires s’arrête bien, il est vrai, au moment de se heurter à l’autre, mais sur des positions non préparées, précipitamment prises et toutes de circonstance.