Théorie de la grande guerre/Livre I/Chapitre 2

Traduction par Lt-Colonel de Vatry.
Librairie militaire de L. Baudoin et Cie (Introductionp. 33-55).
de la nature de la guerre

CHAPITRE II

du but et du moyen à la guerre.


Si, après avoir reconnu dans le chapitre précédent que la guerre est de nature complexe et variable, nous cherchons maintenant à déterminer l’objectif général qu’elle doit poursuivre pour devenir le véritable instrument de la politique et la conduire à son but, nous découvrons que cet objectif n’est pas moins variable que le but politique lui-même et que les rapports qui président à la guerre.

À proprement parler, si l’on ne considère tout d’abord la guerre que d’après son concept abstrait, il faut reconnaître qu’elle ne peut tenir aucun compte du but politique. Elle n’est alors, en effet, qu’un acte de violence par lequel nous cherchons à contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté, et, par conséquent, elle ne peut toujours et uniquement tendre qu’à le renverser, c’est-à-dire à le forcer à mettre bas les armes. Or comme, dans un grand nombre de cas de son application à la vie réelle, la guerre se rapproche beaucoup de ce but déduit de son idée abstraite, il nous faut avant tout rechercher les modifications qu’il est susceptible de recevoir en pareille occurrence.

Par la suite, quand nous traiterons du plan de guerre, nous dirons ce qu’il faut entendre par réduire un État à l’impuissance, mais, dès aujourd’hui, nous devons signaler la force armée, le territoire et la volonté de l’adversaire comme constituant les éléments principaux et résumant en eux tous les facteurs de sa résistance.

Il faut détruire la force armée de l’adversaire, c’est-à-dire, et c’est là désormais ce qu’on devra toujours entendre quand nous nous servirons de cette expression, qu’il faut le réduire à une situation telle qu’il ne puisse plus continuer la lutte.

Il faut s’emparer de son territoire, afin qu’il n’y puisse organiser une nouvelle force armée.

Ces deux résultats obtenus, la tension, l’action des forces hostiles existera encore, et la guerre ne pourra pas être considérée comme terminée avant que la volonté de l’adversaire ne soit réduite, c’est-à-dire tant que son gouvernement et ses alliés n’auront pas été contraints à signer la paix, et sa population à l’accepter. Dans ces conditions en effet, et bien même que nous occupions la totalité du territoire, la lutte peut se renouveler, soit dans une forme insurrectionnelle, soit avec l’assistance des alliés. Il est vrai que le phénomène se produit parfois aussi après la signature de la paix, et cela ne prouve qu’une chose, c’est qu’il est des guerres qui ne comportent pas une solution parfaite ; mais, lors même qu’il en est ainsi, dès que la paix est conclue, comme elle a de nombreux partisans dans tous les pays et quelles que soient les conditions de la guerre, l’irritation diminue, la détente se produit, et une quantité de foyers s’éteignent dans lesquels le feu eût, sans cela, continué à couver sous la cendre. Bref, dès que la paix est signée, il convient de considérer le but comme atteint et l’acte de guerre comme terminé.

Des trois éléments de la résistance, la force armée étant destinée à la protection du territoire, l’ordre naturel à suivre est de détruire d’abord celle-ci pour conquérir ensuite celui-là, et, ces deux résultats obtenus, de profiter de la prépondérance acquise et de la puissance et des moyens encore disponibles pour agir sur la volonté de l’adversaire et le contraindre à accepter la paix. En général la destruction de la force armée ne se produit que peu à peu, et l’occupation du territoire la suit pas à pas. D’habitude ces deux résultats marchent donc de pair et réagissent l’un sur l’autre, chaque nouvelle portion de territoire enlevée à l’ennemi augmentant encore l’épuisement de sa force armée. Cette progression n’est nullement indispensable cependant, aussi ne se présente-t-elle pas toujours. Il peut arriver, par exemple, que, avant d’être considérablement affaiblie, la force armée se retire dans les provinces les plus éloignées, voire même au delà de la frontière, laissant ainsi à l’envahisseur la libre disposition de la plus grande partie ou de la totalité du territoire.

Mais réduire l’adversaire à l’impossibilité de continuer à se défendre, ce but idéal de la guerre, ce procédé au résultat duquel tous les autres doivent concourir, ce moyen par excellence d’atteindre le but politique, on est loin de le pouvoir poursuivre d’une façon générale dans la réalité ; et, comme il ne constitue pas l’indispensable condition de la paix, la théorie ne saurait l’imposer comme une loi. Les exemples sont innombrables de guerres dans lesquelles la paix a été conclue sans que l’une des deux parties ait été réduite à l’impuissance, et fréquemment même avant que l’équilibre ait été rompu entre les deux adversaires. Bien plus, si l’on considère chaque guerre en son particulier, il faut reconnaître que, dans toutes celles où les belligérants se sont trouvés de puissance initiale très inégale, le plus faible des deux n’aurait poursuivi qu’un vain rêve de son imagination si, pour arriver à son but, il eût tenté de renverser l’autre.

C’est en raison de la différence que nous avons constatée dans le chapitre précédent entre la guerre absolue et la guerre réelle, que le but logiquement déduit de la première n’est qu’exceptionnellement et non généralement applicable à la seconde. Si, dans son application par l’homme, la guerre devait rester ce qu’elle est dans son concept absolu, entre deux nations de puissance très inégale elle serait impossible, parce qu’elle constituerait une absurdité. Il faudrait alors, en effet, que l’inégalité des forces physiques se trouvât pour le moins compensée par la supériorité des forces morales, ce qui, dans l’état social actuel de l’Europe, ne serait guère réalisable. On doit donc reconnaître que si l’on a vu des guerres se produire entre des nations de forces très disproportionnées, cela tient uniquement à ce que, dans son application à la vie réelle, la guerre s’éloigne souvent beaucoup de son concept originel.

Dans la réalité deux facteurs, — l’invraisemblance du succès et le prix trop élevé qu’il coûterait, — peuvent se substituer, comme motifs de paix, à l’impossibilité de prolonger la résistance.

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que plus les rapports dont elle est sortie le lui permettent, ou, en d’autres termes, moins les motifs qui président à son action et les passions qui l’animent ont de puissance, et plus la guerre se soustrait aux lois rigoureuses de la nécessité et se soumet au calcul des probabilités. On comprend dès lors comment de ce calcul même, s’il est favorable, peuvent naître des motifs de paix. Dans ces conditions, en effet, il n’est plus nécessaire de continuer la lutte jusqu’à épuisement de l’un des adversaires, et l’on conçoit que, lorsque les motifs d’action sont faibles et la tension des rapports peu accentuée, il suffise de la moindre probabilité d’insuccès pour porter celui qui en est menacé à renoncer à ses prétentions. Or s’il en est ainsi d’un côté, de l’autre on s’efforcera naturellement d’aider à ce résultat qui s’obtient beaucoup plus promptement et exige bien moins d’efforts que le renversement même de l’adversaire.

Mais c’est la considération de la dépense de forces déjà faite et de celle qui reste encore à faire qui constitue cependant généralement ici la plus puissante incitation à conclure la paix. Dans son application à la vie réelle, la guerre n’étant plus un acte de passion aveugle et le but politique y exerçant la première autorité, c’est la valeur de ce but qui doit nécessairement déterminer la grandeur, c’est-à-dire à la fois l’étendue et la durée des sacrifices à faire pour l’atteindre. Dès que la dépense de force devient trop grande pour que la valeur du but la puisse compenser, il est donc logique de renoncer à poursuivre celui-ci, et par conséquent de conclure la paix.

On voit ainsi que, dans les guerres où l’un des adversaires n’est pas en état de réduire complètement l’autre à l’impuissance, les motifs de paix grandissent et diminuent de part et d’autre d’après la vraisemblance du résultat à atteindre et la dépense de forces à y consacrer. Si les chances de réussite et les sacrifices à faire étaient égaux des deux côtés, c’est dans la différence des intérêts politiques que les motifs de paix se rencontreraient. Ces intérêts peuvent être plus nombreux ou plus menacés chez l’un des belligérants que chez l’autre. C’est là ce qui décide, et, dès qu’il en est ainsi, la paix se conclut naturellement à l’avantage de celle des deux parties à laquelle elle s’impose le moins impérieusement.

C’est intentionnellement que nous ne parlons pas de la différence que, selon qu’il est de nature positive ou négative, le but politique introduit nécessairement dans la forme de l’action. Bien que ce soit là une question de la plus haute importance, ainsi que nous le ferons voir par la suite, nous devons ici nous maintenir à un point de vue plus général, par la raison que, précisément parce qu’elles subissent l’influence des résultats et des événements probables, les intentions politiques se modifient beaucoup au courant de la guerre, et en arrivent parfois même à devenir toutes différentes de ce qu’elles étaient à l’origine.

Il nous faut maintenant rechercher comment on peut agir sur la vraisemblance du résultat. C’est d’abord naturellement par les mêmes moyens que ceux auxquels on a recours pour renverser l’adversaire, c’est-à-dire par la destruction de sa force armée et la conquête de ses provinces. Ici, cependant, ces moyens ne présentent plus le même caractère. Il va de soi, en effet, que si en attaquant la force armée de l’ennemi nous nous proposons de la détruire entièrement, nous devons nous acharner après elle et la battre autant de fois qu’il est nécessaire pour arriver à ce résultat, tandis que si nous n’avons en vue que de lui ôter sa confiance en elle-même, de lui inspirer le sentiment de notre supériorité et de lui causer des craintes pour l’avenir, une seule victoire peut nous suffire sans que nous ayons à pousser plus loin l’acte de destruction. Il en est de même de la conquête des provinces ; dans le premier cas elle ne doit être normalement que la conséquence, la suite de la destruction de la force armée, et, s’il arrive qu’elle la précède, c’est qu’on n’a pu l’éviter, tandis que dans le second, pour peu qu’on ait la certitude que l’ennemi bien loin de rechercher lui-même les grandes solutions les redoute au contraire, si peu ou point défendue que soit une province, on est en droit d’en considérer l’occupation comme un avantage, et si cet avantage est assez grand pour inquiéter l’ennemi sur le résultat final, on peut déjà le regarder comme un acheminement vers la paix.

Lorsqu’on y peut recourir, les opérations militaires qui appuient directement l’action de la politique constituent un moyen spécial beaucoup plus expéditif que les précédents de se donner la vraisemblance du résultat. On comprend bien, en effet, que si ces opérations nous permettent d’établir un courant politique en notre faveur, de paralyser ou de rompre les alliances de l’ennemi ou de nous en créer à nous-mêmes de nouvelles, etc., etc., etc., elles augmenteront considérablement pour nous les probabilités du résultat et nous conduiront, par conséquent, bien plus promptement au but que le renversement même de la force armée de l’adversaire.

Quant à la dépense de forces, et par conséquent à la somme des sacrifices à faire par l’ennemi, on parvient à les augmenter en détruisant sa force armée et en occupant ses provinces.

Un examen plus approfondi de la question fait voir que, précisément parce que ces deux moyens ont chacun leur signification particulière, il peut arriver qu’il en faille modifier la combinaison quand le but change. Dans la majorité des cas, cependant, la différence n’est pas considérable, mais il importe néanmoins de la bien saisir, car, dans la réalité, lorsque les motifs de guerre sont faibles, ce sont souvent les moindres nuances qui décident de la forme qu’il convient le mieux de donner à l’action des forces. Ce que nous cherchons surtout à démontrer ici, c’est que, dans certaines conditions, plusieurs voies peuvent conduire au but sans qu’aucune d’elles implique contradiction, absurdité ou faute.

Indépendamment de ces deux moyens principaux, il en est trois autres qui sont particulièrement propres à augmenter immédiatement la dépense des forces de l’adversaire. Le premier est l’invasion, c’est-à-dire la prise de possession des provinces de l’ennemi, non en vue de les conserver, mais pour y lever des contributions de guerre ou même pour les dévaster. On voit que le but immédiat n’est pas ici la conquête des provinces et l’anéantissement des forces de l’adversaire, mais bien le dommage général qu’on lui peut causer.

Le second moyen consiste à diriger de préférence les opérations militaires sur les points où l’on peut le plus nuire à l’ennemi. Rien n’est plus facile que de se représenter deux directions à donner à l’action des forces, directions dont l’une mérite de beaucoup la préférence quand il s’agit de renverser l’adversaire, et dont l’autre est plus avantageuse quand il n’est et ne saurait être question d’atteindre ce résultat. Au premier coup d’œil on pourrait croire que le premier de ces deux modes d’action est plus militaire et le second plus politique ; mais, en se plaçant au point de vue le plus élevé, on comprend qu’il importe seulement de les appliquer à propos, et que, dès lors, ils ne sont pas moins militaires l’un que l’autre. Le troisième moyen enfin, de beaucoup le plus important en raison de la fréquence des cas où il est applicable, consiste à fatiguer l’ennemi. C’est intentionnellement que nous employons cette expression, parce qu’elle rend parfaitement notre pensée et est beaucoup moins figurée qu’on le pourrait supposer au premier abord. La notion de la fatigue produite par la lutte comporte en effet implicitement l’idée d’un épuisement des forces physiques et de la volonté amené graduellement par la durée de l’action.

Par la raison que plus le but à atteindre est grand et plus il exige de dépense de forces, moins le but visé est élevé et plus on est en mesure de surpasser l’adversaire dans la durée de la lutte. Or on ne peut se proposer un but plus modeste que de se borner à résister, c’est-à-dire à combattre sans intention positive. C’est donc dans la résistance pure et simple que l’on disposera des moyens relativement les plus forts et que le résultat sera le plus assuré. Bien que le but de la résistance soit négatif, comme pour qu’il y ait lutte il faut au moins qu’il y ait riposte, cette négation ne saurait aller jusqu’à la passivité absolue ; la résistance a donc son activité propre qui ne s’étend pas, il est vrai, au delà de chaque acte isolément considéré, — et c’est en cela que consiste la nature négative de son but, — mais c’est précisément par ce genre d’activité qu’elle en arrive à user à un tel point les forces de l’adversaire, que celui-ci est enfin contraint de renoncer à ses projets.

Il est incontestable que, ne visant ainsi qu’un but négatif dans chacun de ses actes partiels, l’action militaire doit se contenter d’un résultat moins considérable que celui que, dans ces mêmes actes et en cas de succès, elle atteindrait en poursuivant un but positif ; mais, en agissant de la sorte, elle se crée des droits à une réussite à la fois plus prompte et plus certaine. Ce qu’elle perd de puissance dans chaque acte isolément considéré, elle le peut rattraper dans le temps, c’est-à-dire par la durée de la lutte, et c’est précisément cette intention négative qui constitue le principe de la résistance proprement dite et en fait le moyen naturel de surpasser l’adversaire dans la durée de la lutte, et par conséquent de le fatiguer.

Telle est l’origine de la différence qui se présente entre l’offensive et la défensive et qui exerce une si grande autorité sur tout le domaine de la guerre. Nous ne saurions encore procéder à l’examen de cet important sujet, mais, dès aujourd’hui, nous pouvons déjà affirmer que c’est en conformité de la loi philosophico-dynamique qui détermine les rapports entre la grandeur et la certitude du résultat, que la résistance ne poursuit qu’un but négatif, et que c’est précisément à ce but négatif qu’il convient d’attribuer et la force intrinsèque de son action et la plus grande puissance des formes auxquelles elle permet de recourir dans la lutte. Nous démontrerons tout cela par la suite.

Si, en se bornant à ne poursuivre qu’un but négatif mais en y consacrant la totalité de ses moyens d’action, la résistance en arrive à se créer une supériorité qui neutralise celle de l’adversaire, la durée seule de la lutte peut causer à celui-ci une consommation telle de ses forces que, dépassant peu à peu la valeur du but politique, elle le contraigne enfin à abandonner ses projets. C’est ainsi que s’explique la fréquence des cas où, bien que les belligérants soient de puissance très inégale, le plus faible des deux essaye néanmoins de résister au plus fort en recourant à ce procédé par lequel il cherche à le fatiguer.

En aucun moment de la guerre de Sept-Ans le grand Frédéric n’eût été en état de renverser la monarchie autrichienne, et si, nouveau Charles XII, il l’eût tenté, il se fût infailliblement perdu ; mais lorsque, pendant toute la durée de la lutte, la plus sage économie n’eût cessé de présider à l’emploi de ses forces, les puissances coalisées reconnurent qu’elles allaient être entraînées à une dépense des leurs de beaucoup supérieure à ce qu’elles avaient prévu, et elles se décidèrent enfin à faire la paix.

On voit ainsi que, à la guerre, un grand nombre de voies conduisent au but, que ce but n’est pas toujours de renverser l’ennemi, et que la destruction de sa force armée, l’invasion, la conquête ou la simple occupation de ses provinces, ainsi que les opérations militaires qui appuient directement l’action politique et l’attente même du choc de l’attaque constituent autant de moyens à chacun desquels, selon que les circonstances s’y prêtent davantage, on peut recourir pour contraindre l’adversaire à se soumettre.

Il est en outre toute une classe d’autres moyens qui conduisent plus promptement au but, et que nous pouvons nommer des arguments ad hominem parce qu’ils consistent précisément à agir selon que l’ennemi procède lui-même. Dans toutes les branches du commerce des hommes, la valeur individuelle exerce une influence prépondérante sur les choses et sur la marche des événements, mais à la guerre, où la personnalité des combattants joue un si grand rôle dans les conseils et en campagne, cette influence est encore plus considérable. Nous ne saurions nous étendre davantage à ce sujet. Il y aurait pédanterie à chercher à faire une classification de ces moyens, car chacun d’eux peut être différent et leur nombre est infini.

Pour estimer à leur juste valeur ces moyens particulièrement expéditifs d’atteindre le résultat auquel on aspire, pour ne les pas considérer comme des exceptions, pour apprécier enfin les modifications considérables qu’ils imposent à la direction de l’action, il suffit de se rendre compte de la grande variété des buts politiques qui peuvent présider à une guerre, ou de mesurer d’un coup d’œil la distance qui sépare une guerre d’extermination, dans laquelle l’existence même de plusieurs États se trouve engagée, d’une guerre à laquelle on ne prend part qu’à contre-cœur, en exécution d’un traité d’alliance signé par contrainte ou en vue d’intérêts secondaires ou momentanés. De l’un à l’autre de ces extrêmes tous les degrés peuvent se présenter dans la réalité, et par conséquent, pour rester applicable en toutes circonstances, la théorie ne doit en rejeter aucun. Nous en avons fini des considérations générales sur le but à poursuivre à la guerre. Nous allons rechercher maintenant quels sont les moyens à employer pour atteindre ce but.


Ces moyens se réduisent à un seul : la lutte.

Quelle que soit celle de ses formes multiples que la guerre revête, si faibles que soient la haine et les sentiments d’hostilité qui se manifestent en elle, si nombreux que soient les éléments étrangers à la lutte qui s’y introduisent, son concept même implique que tout ce qu’elle produit doit avoir la lutte pour première origine.

La preuve, d’ailleurs, qu’il en est ainsi même dans les applications les plus variées et les plus compliquées de la guerre à la vie réelle, c’est que rien ne s’y fait que par la force armée ; or l’idée seule d’employer des hommes armés ne comporte-t-elle pas de toute nécessité celle de les faire lutter ?

L’activité militaire s’étend donc non seulement à l’emploi de la force armée, mais bien encore à tout ce qui se rapporte à cette force et en prépare l’emploi, c’est-à-dire à son recrutement et à son entretien.

À la guerre la lutte ne se poursuit pas d’individu à individu, mais elle constitue un grand ensemble. Dans cet ensemble nous pouvons distinguer deux unités de nature différente, l’une se rapportant au sujet et l’autre à l’objet de la lutte. Dans l’armée, unité subjective, le nombre des combattants se groupe sans cesse en unités nouvelles qui forment les membres d’unités plus considérables, de sorte que la lutte de chacun de ces membres constitue une fraction plus ou moins distincte de la lutte générale et que le résultat partiel que cette fraction de lutte produit concourt lui même au résultat général à obtenir.

On donne le nom de combat à la lutte de chacune des unités ou fractions d’unités que l’on peut ainsi distinguer les unes des autres dans l’action générale.

Comme l’idée de lutter avec l’ennemi préside toujours à l’emploi des forces armées, lors même que cet emploi n’a pas directement en vue le combat, il implique du moins toujours l’idée de le préparer.

Ainsi toute activité militaire se rapporte directement ou indirectement au combat. On recrute, on vêtit, on arme et on instruit le soldat, on le loge, on le nourrit et on l’exerce à la marche, tout cela uniquement pour le faire combattre en temps et lieux opportuns.

Toutes les branches de l’activité militaire aboutissant au combat, nous les retrouverons nécessairement toutes dans la recherche à laquelle nous allons procéder des diverses significations que les combats peuvent avoir.

C’est du but que l’on se propose d’atteindre par un combat, et nullement des conditions qui le précèdent, que découlent les effets qu’il produit. Or nous avons déjà reconnu que, dans un combat, l’action des efforts tend incessamment et uniquement à détruire la force armée de l’adversaire, c’est-à-dire à mettre celui-ci hors d’état de continuer la lutte. Tel est donc tout d’abord le seul moyen d’arriver au but cherché.

Rien ne s’oppose d’ailleurs à ce que, dans un combat, la destruction de la force de l’ennemi ne soit à la fois et le but et le moyen ; mais cela n’est nullement nécessaire, et le but et le moyen peuvent aussi être différents. Dans toutes les circonstances, en effet, où le renversement de l’adversaire n’étant pas le seul procédé à suivre pour atteindre le but politique, il est possible, ainsi que nous l’avons déjà démontré, d’y arriver en visant d’autres objets, il va de soi que ces objets peuvent constituer les objectifs d’actions militaires particulières et par conséquent aussi de combats isolés.

Bien plus, dans une action générale où la lutte se fractionne et où les combats secondaires sont particulièrement destinés à la destruction de la force armée de l’adversaire, ces combats eux-mêmes n’ont nullement besoin de viser directement ce résultat pour le réaliser.

Quand on songe au fractionnement multiple d’une grande force armée et à la variété des conditions auxquelles elle doit satisfaire dans son emploi, on comprend que la lutte d’une pareille masse de troupes doive se fractionner elle-même et se combiner de maintes façons diverses. Dès lors, dans le nombre des combats subordonnés dans lesquels elle se subdivise ainsi, la lutte peut et doit se proposer pour buts une quantité d’objets différents qui, bien qu’ils soient distincts de la destruction même de la force armée de l’adversaire, la peuvent cependant augmenter d’une façon indirecte. Lorsque, par exemple, on donne mission à un bataillon de déloger l’ennemi d’une montagne ou d’un pont, on n’a généralement en vue que d’entrer en possession de ces objets et non pas de détruire la force armée qui les occupe, et, si celle-ci se retire sur la simple démonstration de l’attaque, le but n’en est pas moins atteint sans effusion de sang. Bien que, lorsqu’elle devient nécessaire, la destruction de la force armée de l’adversaire ne soit manifestement ici que le moyen ou l’accessoire, ce n’est précisément d’habitude, cependant, que pour se créer par là le moyen ultérieur de la rendre plus considérable encore, que l’on s’empare de la montagne ou du pont. Or s’il en est ainsi sur un champ de bataille, à plus forte raison les choses se passent-elles de la sorte sur un théâtre de guerre où ce ne sont plus seulement deux armées, mais bien deux États, deux peuples et deux pays qui se trouvent engagés dans la lutte. Dès lors, en effet, le nombre des rapports et des combinaisons possibles augmente, la variété des dispositions s’accroît, et, en raison de la gradation des résultats intermédiaires à obtenir, il se passe plus de temps avant que la destruction de la force armée de l’adversaire, premier moyen à employer, devienne enfin l’unique but à poursuivre.

Par bien des motifs différents, il peut donc arriver que, dans un combat, la destruction de la force armée ennemie que l’on a devant soi ne constitue pas le but à atteindre, mais seulement le moyen d’y arriver. Chaque fois qu’il en est ainsi, le combat n’est qu’une joute où les forces des deux adversaires s’essayent et se tâtent, mais, par lui-même, il n’a aucune valeur et n’en prend qu’en raison du résultat qu’il produit. Lorsque les forces sont très inégales, on les peut même mesurer par la simple appréciation, et dès lors le plus faible des deux adversaires se retire et le combat n’a pas lieu.

On voit ainsi que le but du combat n’est pas toujours la destruction de la force armée de l’ennemi, et que, en raison de la manière dont l’action se présente et des conséquences qu’elle paraît devoir entraîner, le but du combat peut même parfois se trouver atteint sans que l’on ait effectivement combattu. C’est ainsi que s’explique que des campagnes entières aient pu être dirigées avec une grande activité, dans lesquelles cependant le combat proprement dit n’a joué qu’un rôle très secondaire.

L’histoire montre par cent exemples que la solution peut revêtir cette forme dans le combat. Quant à rechercher si, dans chacun de ces cas, le genre de solution s’est trouvé à sa place, s’il n’a pas impliqué contradiction avec la situation et si certaines réputations faites à ce propos sont justifiées, c’est une question que nous n’avons pas à traiter. Nous nous bornons à montrer que les choses peuvent prendre cette tournure à la guerre. Bien qu’il soit le seul moyen à employer à la guerre, le combat est susceptible d’y revêtir tant de formes différentes que, étant donnée la grande variété des buts que l’on peut se proposer d’atteindre, il semblerait que cela n’apportât aucune simplification dans la manière de procéder. Il n’en est rien cependant, et c’est précisément cette unité du moyen qui, parce qu’elle s’étend à l’universalité de l’acte de guerre, permet à l’observation d’y pénétrer à sa suite.

Le combat constitue toute l’activité à la guerre. Dans le combat la destruction de la force armée opposée est le moyen d’atteindre le but, lors même que le combat n’a pas effectivement lieu et que sa démonstration suffit pour que décision s’ensuive, car, dans ce cas, l’ennemi ne se retire manifestement que dans la supposition que, s’il acceptait la lutte, il y serait inévitablement détruit. À la guerre la destruction de la force armée de l’adversaire est donc la pierre d’angle de toutes les combinaisons, et l’on ne procède par suite à aucune opération militaire, que dans la pensée que la décision par les armes qu’elle comporte sera favorable. On voit ainsi que, dans les grandes comme dans les petites opérations de la guerre, la décision par les armes joue le même rôle que le règlement argent comptant dans les opérations à terme à la Bourse. Si éloignés que soient les rapports entre ces deux sujets et si rares que puissent être les époques de réalisation, à la guerre elles ne sauraient jamais manquer complètement.

De ce que l’acte de destruction par le combat est le principe de toutes les combinaisons à la guerre, il suit que l’adversaire peut rendre chacune des nôtres inefficace par une décision favorable à ses armes, soit que cette décision soit précisément celle sur laquelle notre combinaison repose directement, soit même que, étant différente, elle soit assez importante pour détruire une quantité considérable de nos forces, car dès lors cette décision réagit sur toutes les décisions précédentes et en fait varier le niveau.

Il semble donc que la destruction des forces de l’adversaire soit le premier et le plus efficace des moyens à employer à la guerre, et que, par conséquent, tous les autres moyens doivent lui céder le pas.

Hâtons-nous de le dire, cependant, on ne peut accorder cette prépondérance et cette plus grande efficacité à la destruction des forces de l’adversaire qu’en supposant que toutes les autres conditions soient égales de part et d’autre. On se tromperait donc fort si on concluait de notre enseignement que, en se jetant tête baissée dans la lutte et en frappant incessamment d’estoc et de taille, on doit toujours remporter la victoire sur l’habileté et la circonspection. Ce n’est pas là ce que nous entendons dire, car, en procédant ainsi, on marcherait infailliblement à l’anéantissement de ses propres forces et non pas à la destruction de celles de l’ennemi. La plus grande efficacité n’appartient pas ici à la voie suivie mais au but à atteindre, et, par conséquent, ce ne sont pas les moyens eux-mêmes qu’il faut comparer, mais bien uniquement les résultats auxquels ils peuvent conduire.

En parlant de la destruction de la force armée de l’adversaire, nous devons expressément faire remarquer que rien ne nous oblige à limiter cette idée à la force physique, mais même que tout nous fait une loi d’y comprendre aussi la force morale, par la raison que ces deux forces se pénètrent incessamment l’une l’autre jusque dans les plus petites parties de tout l’acte de guerre, et que, par conséquent, elles sont inséparables. C’est à ce phénomène, ainsi qu’à l’extrême faculté d’expansion que possède l’élément moral dans les armées, qu’il convient d’attribuer l’influence considérable qu’un grand acte de destruction, — une grande victoire, — ne manque jamais d’exercer dans une guerre sur toutes les autres solutions par les armes.

Deux correctifs, — la dépense de forces qu’elle exige et le danger qu’elle présente, — viennent cependant diminuer la supériorité que nous accordons ainsi à la destruction de la force armée de l’adversaire sur tous les autres buts à poursuivre à la guerre.

Que le procédé soit coûteux, cela se comprend de reste car, en supposant les conditions égales, il est clair que plus grande est la destruction des forces de l’ennemi que nous voulons atteindre, et plus il nous y faut nécessairement dépenser de nos propres forces.

Quant au danger, il consiste précisément en ce que, plus l’effet que nous cherchons à produire doit être grand, et plus les conséquences en seront désastreuses pour nous en cas d’insuccès.

Les autres procédés coûtent donc moins cher dans la réussite et présentent moins de danger dans le cas contraire, mais ils présentent d’autre part cet inconvénient qu’on n’y peut persévérer qu’à la condition que l’adversaire y recoure lui-même, car, dès que celui-ci préfère rechercher les grandes solutions par les armes, contre notre volonté même il nous faut aussitôt le suivre dans cette voie. Or, tout devant désormais dépendre uniquement du résultat de l’acte de destruction, en supposant de nouveau que tous les autres rapports soient égaux de part et d’autre, il est clair que nous nous trouverons à ce propos dans des conditions inférieures à celles de l’adversaire, par la raison que, au contraire de lui, nous aurons tout d’abord dirigé nos vues et nos moyens sur d’autres objets. On amoindrit en effet son action par le fait seul que l’on poursuit à la fois deux résultats différents. De tout cela on peut donc conclure : 1o  que lorsque l’un des deux belligérants est fermement résolu à rechercher les grandes décisions par les armes, il peut, par cela seul, se considérer comme ayant les plus grandes probabilités de succès dès qu’il est certain que son adversaire ne le veut pas suivre dans cette voie ; et 2o  qu’on ne peut raisonnablement se proposer de poursuivre un but plus restreint, qu’autant que l’on est en droit de supposer que, de son côté, l’adversaire ne recherchera pas davantage les grandes décisions par les armes.

Nous devons faire remarquer ici que, en dehors de la destruction même de la force armée de l’adversaire, les différents buts que l’on peut ainsi se proposer d’atteindre à la guerre sont des buts positifs, et que, par conséquent, l’offensive est seule susceptible de les poursuivre. Quant à la résistance à laquelle on ne recourt qu’en vue d’épuiser bien plutôt que de détruire par les armes les forces de l’attaque, l’intention positive lui fait défaut, et, par suite, ses efforts ne peuvent uniquement tendre qu’à neutraliser les projets de l’ennemi.

La conservation de la force armée dont on dispose constitue naturellement le corollaire de la destruction de la force armée de l’adversaire, et nous allons procéder maintenant à l’examen de ce côté négatif de la question. Bien que les efforts à faire pour atteindre ces deux résultats soient nécessairement de nature différente, ils sont néanmoins parties intégrantes d’un seul et même dessein, et, comme tels, marchent constamment de pair et se complètent l’un l’autre. Nous nous bornerons donc à voir quels sont les effets produits selon que, dans le mode d’action, on donne la prépondérance à l’un ou à l’autre de ces efforts. Dans la recherche de la destruction de la force armée de l’adversaire, l’action est positive, elle vise un résultat absolu, et, poursuivie jusqu’à ses dernières limites, elle devrait conduire au renversement de l’ennemi. Les efforts qu’exige la conservation de la force armée dont on dispose soi-même constituent au contraire une action négative qui aboutit à la résistance simple, par laquelle on cherche uniquement à neutraliser les desseins de l’adversaire, et dont l’objectif final ne peut être que l’épuisement des forces de celui-ci par la prolongation de la durée de la lutte.

Dirigés vers le but positif, les efforts tendent à la destruction des forces de l’ennemi ; dirigés vers le but négatif, ils attendent que cette destruction se produise.

Par la suite, quand nous traiterons de l’attaque et de la défense, à l’origine desquelles nous touchons de nouveau ici, nous indiquerons avec plus de précision jusqu’où cette attente peut et doit aller, mais, pour le moment, nous nous contenterons de dire qu’elle ne saurait être absolument passive et que rien ne s’oppose à ce que, dans le nombre des objets que le mode d’action qu’elle comporte permet d’atteindre, on choisisse précisément la destruction de celles des forces de l’adversaire qui s’exposent à cette action. Ce serait donc une grande erreur de considérer comme un principe que celui des deux adversaires qui adopte la forme négative renonce par cela même à toute destruction de la force armée de l’ennemi, et ne peut plus, dès lors, rechercher uniquement que des décisions sans effusion de sang. La supériorité intrinsèque que possède l’action négative peut bien, il est vrai, porter à n’y avoir recours que pour en tirer ce parti restreint, mais, en agissant de la sorte, on court toujours le danger que la voie choisie ne soit pas celle qu’il importe de prendre, ce qui repose sur des conditions qui nous sont absolument étrangères et dépend uniquement de ce que l’ennemi entend faire. La recherche des décisions sans effusion de sang ne saurait donc être considérée comme le moyen naturel de se donner la prépondérance par la conservation de la force armée dont on dispose, et il peut même fort bien se faire qu’on conduise celle-ci à une destruction certaine, en recourant à ce procédé quand les circonstances ne le comportent pas. Beaucoup de généraux sont tombés dans cette erreur et y ont trouvé la défaite. Le seul effet sur lequel on puisse immanquablement compter, en donnant la prépondérance à l’action négative, est de suspendre la solution, si bien qu’en y ayant recours on se réfugie en quelque sorte dans l’attente du moment décisif. On réussit ainsi généralement, en effet, à retarder l’époque de l’action et même, quand les circonstances et l’espace le permettent, à en déplacer le théâtre et à le porter plus en arrière. Mais, lorsque l’instant arrive où l’on ne peut plus agir ainsi sans inconvénients marqués, le bénéfice à tirer de l’action négative doit être considéré comme épuisé ; et, suspendue jusqu’alors pour les besoins de la cause mais non abandonnée, l’action positive impose désormais la recherche incessante de la destruction de la force armée de l’adversaire.

De toutes les considérations que nous avons exposées jusqu’ici, le lecteur doit conclure que, bien que l’on puisse suivre un grand nombre de voies différentes à la guerre, le combat étant le seul moyen de réaliser le but politique, tout y reste constamment soumis à la décision par les armes qui prononce seule en dernière instance. Or comme, dès que l’adversaire se décide à recourir à cette juridiction suprême, il faut de toute nécessité le suivre dans cet appel, à moins d’avoir la certitude absolue qu’il ne le veut pas faire, c’est s’exposer à perdre le procès que d’adopter dès le principe une voie moins énergique. La destruction de la force armée de l’adversaire constitue donc partout et toujours le plus efficace et le plus important des buts que l’on puisse se proposer à la guerre.

Nous verrons peu à peu, dans la suite de cette étude, ce que peuvent produire des combinaisons d’un autre ordre. Nous n’en saurions parler encore qu’incidemment et d’une façon générale, et nous nous bornons à dire qu’on n’y doit recourir que dans certains cas exceptionnels où, en raison de circonstances spéciales, la guerre s’écarte de ce qu’elle est habituellement dans son application à la vie réelle. Nous proclamons donc ici, sans tenir aucun compte de ces exceptions, que le moyen suprême à la guerre est la décision par les armes, c’est-à-dire la recherche incessante de la destruction de la force armée de l’adversaire. Qu’un général prudent, lorsque le but politique est restreint de part et d’autre, les motifs de guerre faibles et la tension des forces peu prononcée, recherche habilement tous les moyens par lesquels il peut arriver à la paix en tirant parti du peu d’énergie que son adversaire montre dans les conseils et dans l’action même de la guerre, nous ne saurions l’en blâmer si ses suppositions sont fondées et lui donnent la vraisemblance du succès ; mais nous sommes en droit d’exiger qu’il sache bien du moins qu’il s’avance ainsi par des voies détournées sur lesquelles il est dangereux de s’aventurer à la guerre, et surtout qu’il ne perde jamais de vue son adversaire, afin de ne pas se laisser devancer par lui si celui-ci se décide tout à coup à recourir à un moyen plus énergique.

Nous croyons avoir ainsi passé en revue tous les résultats que, par sa nature même, la guerre est susceptible de produire. Elle tend à la réalisation du but politique et ne dispose que d’un moyen unique ; mais, bien que, dans son application à la vie réelle, elle s’écarte toujours plus ou moins de son concept originel, elle ne se soustrait cependant jamais complètement à son autorité. Ces idées, le lecteur ne devra jamais les perdre de vue s’il veut nous suivre dans cette étude, car elles présideront au développement de tous les sujets que nous aurons successivement à traiter. Ce n’est, en effet, qu’en procédant de la sorte que nous arriverons à saisir les rapports véritables et la signification propre des choses, et que nous éviterons de tomber dans des contradictions incessantes avec la réalité et avec nous-même.