Théorie analytique de la chaleur/Chapitre 2

Firmin Didot (p. Ch. II.-158).


CHAPITRE II.
ÉQUATIONS DU MOUVEMENT DE LA CHALEUR.
Séparateur

SECTION PREMIÈRE.

Équations du mouvement varié de la chaleur dans une armille.

101.

On pourrait former les équations générales qui représentent le mouvement de la chaleur dans les corps solides d’une figure quelconque, et les appliquer aux cas particuliers. Mais cette méthode entraîne quelquefois des calculs assez compliqués que l’on peut facilement éviter. Il y a plusieurs de ces questions qu’il est préférable de traiter d’une manière spéciale, en exprimant les conditions qui leur sont propres ; nous allons suivre cette marche et examiner séparément les questions que l’on a énoncées dans la première section de l’introduction ; nous nous bornerons d’abord à former les équations différentielles, et nous en donnerons les intégrales dans les chapitres suivants.

102.

On a déjà considéré le mouvement uniforme de la chaleur dans une barre prismatique d’une petite épaisseur et dont l’extrémité est plongée dans une source constante de chaleur. Ce premier cas ne présentait aucune difficulté, parce qu’il ne se rapporte qu’à l’état permanent des températures, et que l’équation qui l’exprime s’intègre facilement. La question suivante exige un examen plus approfondi ; elle a pour objet de déterminer l’état variable d’un anneau solide dont les différents points ont reçu des températures initiales entièrement arbitraires.

L’anneau solide ou armille est engendré par la révolution d’une section rectangulaire autour d’un axe perpendiculaire au plan de l’anneau (Voyez fig. 3). l est le périmètre de la section dont est la surface, le coëfficient h mesure la conducibilité extérieure, la conducibilité propre, la capacité spécifique de chaleur, la densité. La ligne représente la circonférence moyenne de l’armille ou celle qui passe par les centres de figure de toutes les sections ; la distance d’une section à l’origine o, est mesurée par l’arc dont la longueur est est le rayon de la circonférence moyenne.

On suppose qu’à raison des petites dimensions et de la forme de la section on puisse regarder comme égales, les températures des différents points d’une même section.

103.

Concevons que l’on donne actuellement aux différentes tranches de l’armille, des températures initiales arbitraires, et que ce solide soit ensuite exposé à l’air qui conserve la température 0, et qui est déplacé avec une vitesse constante ; le système des températures variera continuellement, la chaleur se propagera dans l’anneau, et elle se dissipera par la surface : on demande quel sera l’état du solide dans un instant donné.

Soit la température que la section placée à la distance aura acquise après le temps écoulé est une certaine fonction de et de , dans laquelle doivent entrer aussi toutes les températures initiales ; c’est cette fonction qu’il s’agit de découvrir.

104.

On considérera le mouvement de la chaleur dans une tranche infiniment petite, comprise entre une section placée à la distance et une autre section placée à la distance L’état de cette tranche pendant la durée d’un instant est celui d’un solide infini que terminent deux plans parallèles retenus à des températures inégales ; ainsi la quantité de chaleur qui s’écoule pendant cet instant à travers la première section, et passe ainsi de la partie du solide qui précède la tranche dans cette tranche elle-même, est mesurée d’après les principes établis dans l’introduction, par le produit de quatre facteurs, savoir, la conducibilité l’aire de la section le rapport et la durée de l’instant ; elle a pour expression Pour connaître la quantité de chaleur qui sort de la même tranche à travers la seconde section, et passe dans la partie contiguë du solide, il faut seulement changer en dans l’expression précédente, ou ce qui est la même chose, ajouter à cette expression sa différentielle prise par rapport à ainsi la tranche reçoit par une de ses faces une quantité de chaleur égale à et perd par la face opposée une quantité de chaleur exprimée par Elle acquiert donc à raison de sa position une quantité de chaleur égale à la différence de deux quantités précédentes, qui est

D’un autre côté cette même tranche dont la surface extérieure est et dont la température diffère infiniment peu de laisse échapper dans l’air pendant l’instant une quantité de chaleur équivalente à il suit de là que cette partie infiniment petite du solide conserve en effet une quantité de chaleur représentée par


et qui fait varier sa température. Il faut examiner quelle est la quantité de ce changement.

105.

Le coëfficient exprime ce qu’il faut de chaleur pour élever l’unité de poids de la substance dont il s’agit depuis la température 0 jusqu’à la température 1 ; par conséquent, en multipliant le volume de la tranche infiniment petite par la densité pour connaître son poids, et par la capacité spécifique de chaleur on aura pour la quantité de chaleur qui élèverait le volume de la tranche depuis la température 0 jusqu’à la température 1. Donc l’accroissement de la température qui résulte de l’addition d’une quantité de chaleur égale à se trouvera en divisant cette dernière quantité par Donc en désignant selon l’usage par l’accroissement de température qui a lieu pendant l’instant on aura l’équation

Nous expliquerons par la suite l’usage que l’on doit faire de cette équation pour en déduire une solution complette, et c’est en cela que consiste la difficulté de la question ; nous nous bornerons ici à une remarque qui concerne l’état permanent de l’armille.

106.

Supposons que le plan de l’anneau étant horizontal, on place au-dessous de divers points m, n, p, q etc., des foyers de chaleur dont chacun exerce une action constante ; la chaleur se propagera dans le solide, et celle qui se dissipe par la surface étant incessamment remplacée par celle qui émane des foyers, la température de chaque section du solide s’approchera de plus en plus d’une valeur stationnaire qui varie d’une section à l’autre. Pour exprimer, au moyen de l’équation la loi de ces dernières températures qui subsisteraient d’elles-mêmes si elles étaient établies ; il faut supposer que la quantité ne varie point par rapport à ce qui rend nul le terme On aura ainsi l’équation


et étant les deux constantes.

107.

Supposons qu’une portion de la circonférence de l’anneau, placée entre deux foyers consécutifs, soit divisée en parties égales, désignons par etc., les températures des points de division dont les distances à l’origine sont etc., la relation entre et sera donnée par l’équation précédente, après que l’on aura déterminé les deux constantes au moyen des deux valeurs de qui correspondent aux foyers. Désignant par la quantité et par la distance de deux points de division consécutifs ; on aura les équations :


d’où l’on tire la relation suivante On trouverait un résultat semblable pour les trois points dont les températures sont et en général pour trois points consécutifs. Il suit de là que si l’on observait les températures etc., de plusieurs points successifs, tous placés entre les deux mêmes foyers m et n et séparés par un intervalle constant on reconnaîtrait que trois températures consécutives quelconques sont toujours telles que la somme de deux extrêmes, divisée par la moyenne, donne un quotient constant

108.

Si, dans l’espace compris entre deux autres foyers n et p, l’on observait les températures de divers autres points séparés par le même intervalle on trouverait encore que pour trois points consécutifs quelconques, la somme des deux températures extrêmes, divisée par la moyenne, donne le même quotient La valeur de ce quotient ne dépend ni de la position, ni de l’intensité des foyers.

109.

Soit cette valeur constante, on aura l’équation

on voit par-là que lorsque la circonférence est divisé en

parties égales, les températures des points de division, compris entre deux foyers consécutifs, sont représentées par les termes d’une série récurrente dont l’échelle de relation est composée de deux termes et

Les expériences ont pleinement confirmé ce résultat. Nous avons exposé un anneau métallique à l’action permanente et simultanée de divers foyers de chaleur, et nous avons observé les températures stationnaires de plusieurs points séparés par un intervalle constant ; nous avons toujours reconnu que les températures de trois points consécutifs quelconques, non séparés par un foyer, avaient entre elles la relation dont il s’agit. Soit que l’on multiplie les foyers, et de quelque manière qu’on les dispose, on ne peut apporter aucun changement à la valeur numérique du quotient il ne dépend que des dimensions ou de la nature de l’anneau, et non de la manière dont ce solide est échauffé.

110.

Lorsqu’on a trouvé, par l’observation, la valeur du quotient constant ou on en conclut la valeur de au moyen de l’équation L’une des racines est et l’autre racine est Cette quantité étant déterminée, on en conclut la valeur du rapport qui est Désignant par on aura Ainsi le rapport des deux conducibilités se trouve en multipliant par le quarré du logarithme hyperbolique de l’une des racines de l’équation et divisant le produit par

SECTION II.

Équations du mouvement varié de la chaleur dans une sphère solide.

111.

Une masse solide homogène, de forme sphérique, ayant été plongée pendant un temps infini dans un milieu entretenu à la température permanente 1, est ensuite exposée à l’air qui conserve la température 0, et qui est déplacé avec une vitesse constante : il s’agit de déterminer les états successifs du corps pendant toute la durée du refroidissement.

On désigne par la distance d’un point quelconque au centre de la sphère, par la température de ce même point, après un temps écoulé on suppose, pour rendre la question plus générale, que la température initiale, commune à tous les points qui sont placés à la distance du centre, est différente pour les différentes valeurs de c’est ce qui aurait lieu si l’immersion ne durait point un temps infini.

Les points du solide, également distants du centre, ne cesseront point d’avoir une température commune ; ainsi est une fonction de et de Lorsqu’on suppose il est nécessaire que la valeur de cette fonction convienne à l’état initial qui est donné, et qui est entièrement arbitraire.

112.

On considérera le mouvement instantané de la chaleur dans une couche infiniment peu épaisse, terminée par les deux surfaces sphériques dont les rayons sont et la quantité de chaleur qui, pendant un instant infiniment petit traverse la moindre surface dont le rayon est et passe ainsi de la partie du solide qui est plus voisine du centre dans la couche sphérique, est égale au produit de quatre facteurs qui sont la conducibilité la durée l’étendue de la surface, et le rapport pris avec un signe contraire ; elle est exprimée par

Pour connaître la quantité de chaleur qui s’écoule pendant le même instant par la seconde surface de la même couche, et passe de cette couche dans la partie du solide qui l’enveloppe, il faut changer, dans l’expression précédente, en c’est-à-dire, ajouter au terme la différentielle de ce terme prise par rapport à On trouve ainsi pour l’expression de la quantité de chaleur qui sort de la couche sphérique, en traversant sa seconde surface ; et si l’on retranche cette quantité de celle qui entre par la première surface, on aura Cette différence est évidemment la quantité de chaleur qui s’accumule dans la couche intermédiaire, et dont l’effet est de faire varier sa température.

113.

Le coëfficient désigne ce qu’il faut de chaleur pour élever de la température 0 à la température 1, un poids déterminé qui sert d’unité ; est le poids de l’unité de volume ; est le volume de la couche intermédiaire, ou n’en diffère que d’une quantité qui doit être omise : donc est la quantité de chaleur nécessaire pour porter la tranche intermédiaire de la température 0 à la température 1. Il faudra par conséquent diviser la quantité de chaleur qui s’accumule dans cette couche par et l’on trouvera l’accroissement de sa température pendant l’instant On obtiendra aussi l’équation ou

114.

L’équation précédente représente la loi du mouvement de la chaleur dans l’intérieur du solide, mais les températures des points de la surface sont encore assujéties à une condition particulière qu’il est nécessaire d’exprimer.

Cette condition relative à l’état de la surface peut varier selon la nature des questions que l’on traite ; on pourrait supposer, par exemple, qu’après avoir échauffé la sphère, et élevé toutes ses molécules à la température de l’eau bouillante, on opère le refroidissement en donnant à tous les points de la surface la température 0, et les retenant à cette température par une cause extérieure quelconque. Dans ce cas on pourrait concevoir que la sphère dont on veut déterminer l’état variable est couverte d’une enveloppe extrêmement peu épaisse, sur laquelle la cause du refroidissement exerce son action. On supposerait, 1o  que cette enveloppe infiniment mince est adhérente au solide, qu’elle est de la même substance que lui, et qu’elle en fait partie, comme les autres portions de la masse ; 2o  que toutes les molécules de l’enveloppe sont assujéties à la température 0 par une cause toujours agissante qui empêche que cette température puisse être jamais au-dessus ou au-dessous de zéro. Pour exprimer cette même condition dans le calcul, on doit assujétir la fonction qui contient et à devenir nulle, lorsqu’on donne à sa valeur totale égale an rayon de la sphère, quelle que soit d’ailleurs la valeur de On aurait donc dans cette hypothèse, en désignant par la fonction de et qui doit donner la valeur de les deux équations

de plus il faut que l’état initial soit représenté par cette même fonction on aura donc pour seconde condition Ainsi l’état variable d’une sphère solide dans la première hypothèse que nous avons décrite, sera représenté par une fonction qui doit satisfaire aux trois équations précédentes. La première est générale, et convient à chaque instant à tous les points de la masse ; la seconde affecte les seules molécules de la surface, et la troisième n’appartient qu’à l’état initial.

115.

Si le solide se refroidit dans l’air, la seconde équation est différente ; il faut alors concevoir que l’enveloppe extrêmement mince, est retenue par une cause extérieure, dans un état propre à faire sortir à chaque instant de la sphère, une quantité de chaleur égale à celle que la présence du milieu peut lui enlever.

Or la quantité de chaleur qui, pendant la durée d’un instant infiniment petit s’écoule dans l’intérieur du solide, à travers la surface sphérique placée à la distance est égale à et cette expression générale est applicable à toutes les valeurs de Ainsi, en y supposant on connaîtra la quantité de chaleur qui, dans l’état variable de la sphère, passerait à travers l’enveloppe extrêmement mince qui la termine ; d’un autre côté, la surface extérieure du solide ayant une température variable, que nous désignerons par laisserait échapper dans l’air une quantité de chaleur proportionnelle à cette température, et à l’étendue de la surface, qui est Cette quantité a pour valeur

Pour exprimer, comme on le suppose, que l’action de l’enveloppe remplace à chaque instant celle qui résulterait de la présence du milieu, il suffit d’égaler la quantité à la valeur que reçoit l’expression lorsqu’on donne à sa valeur totale et l’on obtient par-là l’équation qui doit avoir lieu lorsque dans les fonctions et on met, au lieu de sa valeur ce que l’on désignera en écrivant

116.

Il faut donc que la valeur de prise lorsque ait un rapport constant avec la valeur de qui répond au même point. Ainsi, on supposera que la cause extérieure du refroidissement détermine toujours l’état de l’enveloppe extrêmement mince, en sorte que la valeur de qui résulte de cet état, soit proportionnelle à la valeur de correspondante à et que le rapport constant de ces deux quantités soit Cette condition étant remplie au moyen d’une cause toujours présente, qui s’oppose à ce que la valeur extrême de soit autre que l’action de l’enveloppe tiendra lieu de celle de l’air.

Il n’est point nécessaire de supposer que l’enveloppe extérieure soit extrêmement mince, et l’on verra par la suite qu’elle pourrait avoir une épaisseur indéfinie. On considère ici cette épaisseur comme infiniment petite, pour ne fixer l’attention que sur l’état de la superficie du solide.

117.

Il suit de là que les trois équations qui doivent déterminer la fonction ou sont les suivantes,

La première a lieu pour toutes les valeurs possibles de et de la seconde est satisfaite lorsque quelle que soit la valeur de et la troisième est satisfaite lorsque quelle que soit la valeur de

On pourrait supposer que dans l’état initial, toutes les couches sphériques n’ont pas une même température ; c’est ce qui arrive nécessairement, si l’on ne conçoit pas que l’immersion ait duré un temps infini. Dans ce cas, qui est plus général que le précédent, on représentera par la fonction donnée, qui exprime la température initiale des molécules placées à la distance du centre de la sphère ; on remplacera alors la troisième équation par celle-ci,

Il ne reste plus qu’une question purement analytique dont on donnera la solution dans l’un des chapitres suivants. Elle consiste à trouver la valeur de au moyen de la condition générale, et des deux conditions particulières auxquelles elle est assujétie.

SECTION III.

Équations du mouvement varié de la chaleur dans un cylindre solide.

118.

Un cylindre solide, d’une longueur infinie, et dont le côté est perpendiculaire à la base circulaire, ayant été entièrement plongé dans un liquide dont la température est uniforme, s’est échauffé successivement, en sorte que tous les points également éloignés de l’axe, ont acquis la même température ; on l’expose ensuite à un courant d’air plus froid ; il s’agit de déterminer les températures des différentes couches, après un temps donné.

désigne le rayon d’une surface cylindrique, dont tous les points sont également distants de l’axe ; est le rayon du cylindre ; est la température que les points du solide, situés à la distance de l’axe, doivent avoir après qu’il s’est écoulé un temps désigné par depuis le commencement du refroidissement. Ainsi est une fonction de et de et si l’on y fait il est nécessaire que la fonction de qui en proviendra, satisfasse à l’état initial qui est arbitraire.

119.

On considérera le mouvement de la chaleur dans une portion infiniment peu épaisse du cylindre, comprise entre la surface dont le rayon est et celle dont le rayon est La quantité de chaleur que cette portion reçoit pendant l’instant de la partie du solide qu’elle enveloppe, c’est-à-dire, la quantité qui traverse pendant ce même temps la surface cylindrique dont le rayon est et à laquelle nous supposons une longueur égale à l’unité, a pour expression Pour trouver la quantité de chaleur, qui, traversant la seconde surface dont le rayon est passe de la couche infiniment peu épaisse dans la partie du solide qui l’enveloppe, il faut, dans l’expression précédente, changer en ou, ce qui est la même chose, ajouter au terme la différentielle de ce terme, prise par rapport à Donc la différence de la chaleur reçue à la chaleur perdue, ou la quantité de chaleur qui, s’accumulant dans la couche infiniment petite détermine les changements de température, est cette même différentielle, prise avec un signe contraire, ou d’un autre côté, le volume de cette couche intermédiaire est et exprime ce qu’il faut de chaleur pour l’élever de la température 0 à la température 1, étant la chaleur spécifique, et la densité ; donc le quotient


est l’accroissement que reçoit la température pendant l’instant On obtient ainsi l’équation :

120.

La quantité de chaleur qui traverse, pendant l’instant la surface cylindrique dont le rayon est étant généralement exprimée par il s’ensuit que l’on trouvera celle qui sort pendant le même temps de la superficie du solide, en faisant, dans la valeur précédente, d’un autre côté, cette même quantité qui se dissipe dans l’air est, selon le principe de la communication de la chaleur, égale à on doit donc avoir à la surface l’équation déterminée La nature de ces équations est expliquée avec plus d’étendue, soit dans les articles qui se rapportent à la sphère, soit dans ceux où l’on donne les équations générales pour un corps d’une figure quelconque. La fonction qui représente le mouvement de la chaleur dans un cylindre infini doit donc satisfaire, 1o à l’équation générale qui a lieu quelles que soient et 2o à l’équation déterminée qui a lieu, quelle que soit la variable lorsque 3o  à l’équation déterminée Cette dernière condition doit être remplie pour toutes les valeurs de où l’on fait quelle que soit la variable La fonction arbitraire est supposée connue, et elle correspond à l’état initial.

SECTION IV.

Équations du mouvement varié de la chaleur dans un prisme solide d’une longueur infinie.

121.

Une barre prismatique est plongée par une de ses extrémités dans une source constante de chaleur qui maintient cette extrémité à la température le reste de cette barre, dont la longueur est infinie, demeure exposé à un courant uniforme d’air athmosphérique entretenu à la température 0 ; il s’agit de déterminer la plus haute température qu’un point donné de la barre puisse acquérir.

Cette question diffère de celle de l’article 73, en ce qu’on a égard ici à toutes les dimensions du solide, ce qui est nécessaire pour que l’on puisse obtenir une solution exacte. En effet, on est porté à supposer que dans une barre d’une très-petite épaisseur, tous les points d’une même tranche acquièrent des températures sensiblement égales ; cependant il peut rester quelque incertitude sur les résultats de cette supposition. Il est donc préférable de résoudre la question rigoureusement, et d’examiner ensuite, par le calcul, jusqu’à quel point, et dans quel cas, on est fondé à regarder comme égales les températures des divers points d’une même section.


122.

La section faite perpendiculairement à la longueur de la barre, est un quarré dont le côté est l’axe de la barre est l’axe des et l’origine est à l’extrémité A. Les trois coordonnées rectangulaires d’un point de la barre sont la température fixe du même point est désignée par

La question consiste à déterminer les températures que l’on doit donner aux divers points de la barre, pour qu’elles continuent de subsister sans aucun changement, tandis que la surface extrême A, qui communique avec la source de chaleur, demeure assujétie, dans tous ses points, à la température permanente  ; ainsi est une fonction de de et de

123.

On considérera le mouvement de la chaleur dans une molécule prismatique, comprise entre six plans perpendiculaires aux trois axes des des et des Les trois premiers plans passent par le point m, dont les coordonnées sont et les autres passent par le point m’, dont les coordonnées sont

Pour connaître la quantité de chaleur qui, pendant l’unité de temps, pénètre dans la molécule, à travers le premier plan passant par le point m, et perpendiculaire aux il faut considérer que la surface de la molécule qui est située sur ce plan, a pour étendue et que le flux qui traverse cette aire est égal, suivant le théorème de l’art. 98, à ainsi la molécule reçoit à travers le rectangle passant par le point m, une quantité de chaleur exprimée par Pour trouver la quantité de chaleur qui traverse la face opposée, et sort de la molécule, il faut substituer, dans l’expression précédente, à ou ce qui est la même chose, ajouter à cette expression sa différentielle prise par rapport à seulement ; on en conclut que la molécule perd, par sa seconde face perpendiculaire aux une quantité de chaleur équivalente à


on doit par conséquent la retrancher de celle qui était entrée par la face opposée ; la différence de ces deux quantités est


elle exprime combien il s’accumule de chaleur dans la molécule, à raison de la propagation suivant le sens des et cette chaleur accumulée ferait varier la température de la molécule, si elle n’était point compensée par celle qui se perd dans un autre sens.

On trouve, de la même manière, qu’à travers le plan perpendiculaire aux et passant par le point m, il entre dans la molécule une quantité de chaleur égale à et que la quantité qui sort par la face opposée est


cette dernière différentielle étant prise par rapport à seulement. Donc la différence de ces deux quantités, ou exprime combien la molécule acquiert de chaleur, à raison de la propagation dans le sens des

Enfin on démontre de même que la molécule acquiert, à raison de la propagation dans le sens des une quantité de chaleur égale à Or, pour qu’elle ne change point de température, il est nécessaire qu’elle conserve autant de chaleur qu’elle en contenait d’abord, en sorte que ce qu’elle en acquiert dans un sens serve à compenser ce qu’elle en perd dans un autre. Donc la somme des trois quantités de chaleur acquises doit être nulle ; et l’on forme ainsi l’équation

124.

Il reste maintenant à exprimer les conditions relatives à la surface. Si l’on suppose que le point m appartient à l’une des faces de la barre prismatique, et que cette face est perpendiculaire aux on voit que le rectangle laisse échapper dans l’air, pendant l’unité de temps, une quantité de chaleur égale à en désignant par la température du point m à la surface, c’est-à-dire, ce que devient la fonction cherchée lorsqu’on fait demi-largeur du prisme. D’un autre côté, la quantité de chaleur qui, en vertu de l’action des molécules, traverse, pendant l’unité de temps, une surface infiniment petite située dans l’intérieur du prisme, perpendiculairement aux est, d’après les théorèmes cités, égale à Cette expression est générale, et en l’appliquant aux points pour lesquels la coordonnée a sa valeur complète on en conclut que la quantité de chaleur qui traverse le rectangle placé à la superficie, est en donnant à dans la fonction sa valeur complète Donc les deux quantités et doivent être égales, afin que l’action des molécules convienne avec celle du milieu. Cette égalité doit aussi subsister si l’on donne à dans les fonctions et la valeur ce qui a lieu pour la face opposée à celle que l’on considérait d’abord. De plus, la quantité de chaleur qui traverse une surface plane infiniment petite perpendiculaire à l’axe des étant il s’ensuit que celle qui s’écoule à travers un rectangle placé sur une face du prisme perpendiculaire aux est en donnant à dans la fonction sa valeur complète Or, ce rectangle laisse échapper dans l’air une quantité de chaleur exprimée par  ; il est donc nécessaire que l’on ait l’équation , lorsqu’on fait ou dans les fonctions et

125.

La valeur de la fonction doit être, par hypothèse, égale à lorsqu’on suppose quelles que soient les valeurs de et de Ainsi, la fonction cherchée est déterminée par les conditions suivantes : 1o  elle satisfait pour toutes les valeurs de à l’équation générale


2o  elle satisfait à l’équation lorsque équivaut à ou quelles que soient et ou à l’équation lorsque équivaut à ou à quelles que soient et 3o  elle satisfait à l’équation lorsque a quelles que soient et

SECTION V.

Équations du mouvement varié de la chaleur dans un cube solide.

126.

Un solide, de forme cubique, dont tous les points ont acquis une même température, est placé dans un courant uniforme d’air atmosphérique, entretenu à la température 0. Il s’agit de déterminer les états successifs du corps pendant toute la durée du refroidissement.

Le centre du cube est pris pour origine des coordonnées rectangulaires ; les trois perpendiculaires, abaissées de ce point sur les faces, sont les axes des des et du est le côté du cube, est la température à laquelle un point dont les coordonnées sont se trouve abaissé, après le temps qui s’est écoulé depuis le commencement du refroidissement : la question consiste à déterminer la fonction qui contient et

127.

Pour former l’équation générale à laquelle doit satisfaire, on cherchera quel est le changement de température qu’une portion infiniment petite du solide doit éprouver pendant l’instant en vertu de l’action des molécules qui en sont extrêmement voisines. On considérera donc une molécule prismatique comprise entre six plans rectangulaires ; les trois premiers passent par le point m, dont les coordonnées sont et les trois autres, par le point m’, dont les coordonnées sont

La quantité de chaleur qui pénètre pendant l’instant dans la molécule, à travers le premier rectangle perpendiculaire aux est et celle qui sort dans le même temps de la molécule, par la face opposée, se trouve en mettant au lieu de dans l’expression précédente, elle est cette différentielle étant prise par rapport à seulement. La quantité de chaleur qui entre pendant l’instant dans la molécule, à travers le premier rectangle perpendiculaire à l’axe des est et celle qui sort de la molécule, dans le même instant, par la face opposée, est la différentielle étant prise par rapport à seulement. La quantité de chaleur que la molécule reçoit pendant l’instant par sa face inférieure perpendiculaire à l’axe des est et celle qu’elle perd par la face opposée est la différentielle étant prise par rapport à seulement.

Il faut maintenant retrancher la somme de toutes les quantités de chaleur qui sortent de la molécule de la somme des quantités qu’elle reçoit, et la différence est ce qui détermine son accroissement de température pendant un instant : cette différence est

ou

128.

Si l’on divise la quantité que l’on vient de trouver par celle qui est nécessaire pour élever la molécule de la température 0 à la température 1, on connaîtra l’accroissement de température qui s’opère pendant l’instant Or, cette dernière quantité est car désigne la capacité de chaleur de la substance ; sa densité, et le volume de la molécule. On a donc, pour exprimer le mouvement de la chaleur dans l’intérieur du solide, l’équation

129.

Il reste à former les équations qui se rapportent à l’état de la surface, ce qui ne présente aucune difficulté, d’après les principes que nous avons établis. En effet, la quantité de chaleur qui traverse, pendant l’instant le rectangle tracé sur un plan perpendiculaire aux est Ce résultat, qui s’applique à tous les points du solide, doit avoir lieu aussi lorsque la valeur de est égale à demi-épaisseur du prisme. Dans ce dernier cas, le rectangle étant placé à la superficie, la quantité de chaleur qui le traverse, et se dissipe dans l’air pendant l’instant est exprimée par on doit donc avoir, lorsque l’équation Cette condition doit aussi être satisfaite lorsque

On trouvera de même que, la quantité de chaleur qui traverse le rectangle situé sur un plan perpendiculaire à l’axe des étant en général , et celle qui à la superficie s’échappe dans l’air à travers ce même rectangle étant il est nécessaire que l’on ait l’équation lorsque Enfin on obtient pareillement l’équation déterminée qui est satisfaite lorsque

130.

La fonction cherchée, qui exprime le mouvement varié de la chaleur dans l’intérieur d’un solide de forme cubique doit donc être déterminée par les conditions suivantes :

1o  Elle satisfait à l’équation générale

2o  Elle satisfait aux trois équations déterminées


qui ont lieu lorsque

3o  Si, dans la fonction qui contient on fait quelles que soient les valeurs de et on doit avoir, selon l’hypothèse, qui est la valeur initiale et commune de la température.

131.

L’équation à laquelle on est parvenu dans la question précédente, représente le mouvement de la chaleur dans l’intérieur de tous les solides. Quelle que soit en effet la forme du corps, il est manifeste qu’en le décomposant en molécules prismatiques, on obtiendra ce même résultat. On pourrait donc se borner à démontrer ainsi l’équation de la propagation de la chaleur. Mais afin de rendre plus complète l’exposition des principes, et pour que l’on trouve rassemblés dans un petit nombre d’articles consécutifs les théorèmes qui servent à établir l’équation générale de la propagation dans l’intérieur des solides, et celles qui se rapportent à l’état de la surface, nous procéderons, dans les deux sections suivantes, à la recherche de ces équations, indépendamment de toute question particulière, et sans recourir aux propositions élémentaires que nous avons expliquées dans l’introduction.

SECTION VI.

Équation générale de la propagation de la Chaleur dans l’intérieur des solides.

132.

THÉORÊME I.

Si les différents points d’une masse solide homogène, comprise entre six plans rectangulaires, ont des températures actuelles déterminées par l’équation linéaire


et si les molécules placées à la surface extérieure sur les six plans qui terminent le prisme sont retenues, par une cause quelconque, à la température exprimée par l’équation (a) ; toutes les molécules situées dans l’intérieur de la masse conserveront d’elles-mêmes leur température actuelle, en sorte qu’il ne surviendra aucun changement dans l’état du prisme. désigne la température actuelle du point dont les coordonnées sont sont des coëfficients constants.

Pour démontrer cette proposition, considérons dans le solide trois points quelconques m M µ, placés sur une même droite mµ, que le point M divise en deux parties égales ; désignons par les coordonnées du point M, et par sa température, par les coordonnées du point µ, et par sa température, par les coordonnées du point m, et par sa température, on aura


d’où l’on conclut

Donc


Donc

Or la quantité de chaleur qu’un point reçoit d’un autre dépend de la distance des deux points et de la différence de leurs températures. Donc l’action du point M sur le point µ est égale à l’action de m sur M, ainsi le point M reçoit autant de chaleur de m qu’il en envoie au point µ.

On tirera la même conséquence quelles que soient la direction et la grandeur de la ligne qui passerait par le point M, et qu’il diviserait en deux parties égales. Donc il est impossible que ce point change de température, car il reçoit de toutes parts autant de chaleur qu’il en donne. Le même raisonnement s’applique aux autres points ; donc il ne pourra survenir aucun changement dans l’état du solide.

133.

COROLLAIRE I.

Un solide étant compris entre deux plans infinis parallèles A et B, on suppose que la température actuelle de ses différents points est exprimé par l’équation et que les deux plans qui le terminent sont retenus par une cause quelconque, l’un A à la température 1, et l’autre B à la température 0 : ce cas particulier sera donc compris dans le lemme précédent, en faisant

134.

COROLLAIRE II.

Si l’on se représente dans l’intérieur du même solide un plan M parallèle à ceux qui le terminent, on voit qu’il s’écoule à travers ce plan une certaine quantité de chaleur pendant l’unité de temps ; car deux points très-voisins, tels que m et n, dont l’un est au-dessous du plan et l’autre au-dessus, sont inégalement échauffés ; le premier, dont la température est plus élevée, doit donc envoyer au second, pendant chaque instant, une certaine quantité de chaleur qui, au reste, peut être fort petite, et même insensible, selon la nature du corps et la distance des deux molécules. Il en est de même de deux autres points quelconques séparés par le plan. Le plus échauffé envoie à l’autre une certaine quantité de chaleur, et la somme de ces actions partielles, ou de toutes les quantités de chaleur envoyées à travers le plan, compose un flux continuel dont la valeur ne change point, puisque toutes les molécules conservent leur température. Il est facile de prouver que ce flux ou la quantité de chaleur qui traverse le plan M pendant l’unité de temps, équivaut à celle qui traverse, pendant le même temps, un autre plan N parallèle au premier. En effet, la partie de la masse qui est comprise entre les deux surfaces M et N, recevra continuellement, à travers le plan M, autant de chaleur qu’elle en perd à travers le plan N. Si la quantité de chaleur qui, pénétrant au-delà du plan M, entre dans la partie de la masse que l’on considère, n’était point égale à celle qui en sort par la surface opposée N, le solide compris entre les deux surfaces acquérerait une nouvelle chaleur, ou perdrait une partie de celle qu’il a, et ses températures ne seraient point constantes, ce qui est contraire au lemme précédent.

135.

On prend pour mesure de la conducibilité spécifique d’une substance donnée la quantité de chaleur qui, dans un solide infini, formé de cette substance, et compris entre deux plans parallèles, s’écoule pendant l’unité de temps à travers une surface égale à l’unité, et prise sur un plan intermédiaire quelconque, parallèle aux plans extérieurs dont la distance est égale à l’unité de mesure, et dont l’un est entretenu à la température 1, et l’autre à la température 0. On désigne par le coëfficient ce flux constant de chaleur qui traverse toute l’étendue du prisme, et qui est la mesure de la conducibilité.

136.

LEMME.

Si l’on suppose que toutes les températures du solide dont il s’agit dans l’article précédent, sont multipliées par un nombre quelconque en. sorte que l’équation des températures soit au lieu d’être et si les deux plans extérieurs sont entretenus, l’un à la température et l’autre à la température 0, le flux constant de chaleur, dans cette seconde hypothèse, ou la quantité qui, pendant l’unité de temps traverse l’unité de surface prise sur un plan intermédiaire parallèle aux bases, est égale au produit du premier flux multiplié par

En effet, puisque toutes les températures ont été augmentées dans le rapport d’un à les différences des températures des deux points quelconques m et µ, sont augmentées dans le même rapport. Donc, suivant le principe de la communication de la chaleur, il faut, pour connaître la quantité de chaleur que m envoie à µ, dans la seconde hypothèse, multiplier par la quantité que ce point m envoyait à µ dans la première. Il en serait de même des deux autres points quelconques. Or, la quantité de chaleur qui traverse un plan M résulte de la somme de toutes les actions que les points m m′ m″ m‴ etc., situés d’un même côté du plan, exercent sur les points µ, µ′, µ″, µ‴, etc., situés de l’autre côté. Donc, si dans la première hypothèse le flux constant est désigné par il sera égal à lorsqu’on aura multiplié toutes les températures par

137.

THÉORÊME II.

Dans un prisme dont les températures constantes sont exprimées par l’équation et que terminent six plans rectangulaires dont tous les points sont entretenus aux températures déterminées par l’équation précédente, la quantité de chaleur qui, pendant l’unité de temps, traverse l’unité de surface prise sur un plan intermédiaire quelconque perpendiculaire aux est la même que le flux constant dans un solide de même substance, qui serait compris entre deux plans parallèles infinis, et pour lequel l’équation des températures constantes serait

Pour le démontrer, considérons dans le prisme, et ensuite dans le solide infini, deux points m et µ extrêmement voisins et séparés par le plan M, perpendiculaire à l’axe des µ étant au-dessus du plan, et m au-dessous (Voy. fig. 4.), choisissons au-dessous du même plan un point m’ tel que la perpendiculaire abaissée du point µ sur le plan soit aussi perpendiculaire sur le milieu h de la distance mm’. Désignons par les coordonnées du point µ, dont la température est par les coordonnées de m, dont la température est et par les coordonnées de m’ dont la température est

L’action de m sur µ, ou la quantité de chaleur que m envoie à µ pendant un certain temps, peut être exprimée par Le facteur dépend de la distance mµ, et de la nature de la masse. L’action de m’ sur µ sera donc exprimée par et le facteur est le même que dans l’expression précédente ; donc la somme des deux actions de m sur µ, et de m’ sur µ, ou la quantité de chaleur que µ reçoit de m et de m’, est exprimée par

Or, si les points m, µ, m’ appartiennent au prisme, on a et  ; et si ces mêmes points appartenaient au solide infini, on aurait, par hypothèse,


Dans le premier cas, on trouve


et, dans le second cas, on a encore le même résultat. Donc la quantité de chaleur que µ reçoit de m et de m’ dans la première hypothèse, lorsque l’équation des températures constantes est équivaut à la quantité de chaleur que µ reçoit de m et de m′, lorsque l’équation des températures constantes est

On tirerait la même conséquence par rapport à trois autres points quelconques m′, µ′, m″, pourvu que le second µ′ fût placé à égale distance des deux autres, et que la hauteur du triangle isoscèle m′ µ′ m″ fût parallèle aux Or, la quantité de chaleur qui traverse un plan quelconque M résulte de la somme des actions que tous les points m, m′, m″, m‴, etc. situés d’un côté de ce plan, exercent sur tous les points µ µ′ µ″ µ‴, etc. situés de l’autre côté : donc le flux constant qui, pendant l’unité de temps, traverse une partie déterminée du plan M dans le solide infini, est égale à la quantité de chaleur qui s’écoule dans le même temps à travers la même portion du plan M dans le prisme dont les températures sont exprimées par l’équation

138.

COROLLAIRE.

Le flux a pour valeur dans le solide infini, lorsque la partie du plan qu’il traverse est l’unité de surface. Il a donc aussi dans le prisme la même valeur ou

On prouve de la même manière que le flux constant qui a lieu, pendant l’unité de temps, dans le même prisme à travers l’unité de surface sur un plan quelconque perpendiculaire aux est égal à ou et que celui qui traverse le plan perpendiculaire aux a pour valeur ou

139.

Les propositions que l’on a démontrées dans les articles précédents s’appliquent aussi au cas où l’action instantanée d’une molécule s’exercerait dans l’intérieur de la masse, jusqu’à une distance appréciable. Il faut, dans ce cas, supposer que la cause qui retient les tranches extérieures des corps dans l’état exprime par l’équation linéaire, affecte la masse jusqu’à une profondeur finie. Toutes les observations concourent à prouver que, dans les solides et les liquides, la distance dont il s’agit est extrêmement petite.

140.

THÉORÊME III.

Si les températures des points d’un solide sont exprimées par l’équation dans laquelle sont les coordonnées de la molécule dont la température est égale à après le temps écoulé le flux de chaleur qui traverse une partie d’un plan tracé dans le solide, et perpendiculaire à l’un des trois axes, n’est plus constant ; sa valeur est différente pour les différentes parties du plan, et elle varie aussi avec le temps. Cette quantité variable peut être déterminée par le calcul.

Soit ω un cercle infiniment petit dont le centre coïncide avec le point m du solide et dont le plan soit perpendiculaire à la coordonnée verticale il s’écoulera pendant l’instant à travers ce cercle, une certaine quantité de chaleur qui passera de la partie du solide inférieur au plan du cercle, dans la partie supérieure. Ce flux se compose de tous les rayons de chaleur qui partent d’un point inférieur, et parviennent à un point supérieur, en traversant un point de la petite surface ω. Nous allons démontrer que la valeur du flux a pour expression

Désignons par les coordonnées du point m dont la température est et supposons que l’on rapporte toutes les autres molécules à ce point m choisi pour l’origine de trois nouveaux axes parallèles aux précédents ; soient les trois coordonnées d’un point rapporté à l’origine m ; on aura, pour exprimer la température actuelle d’une molécule infiniment voisine de m, l’équation linéaire

Les coëfficients sont les valeurs que l’on trouve, en substituant dans les fonctions aux variables les quantités constantes qui mesurent les distances du point m aux trois premiers axes des des des

Supposons maintenant que le même point m soit aussi une molécule intérieure d’un prisme rectangulaire compris entre six plans perpendiculaires aux trois axes dont m est l’origine ; que la température actuelle de chaque molécule de ce prisme, dont les dimensions sont finies, soit exprimée par l’équation linéaire et que les six faces qui terminent le prisme soient retenues aux températures fixes que cette dernière équation leur assigne. L’état des molécules intérieures sera aussi permanent, et il s’écoulera pendant l’instant à travers le cercle ω, une quantité de chaleur que mesure l’expression .

Cela posé, si l’on prend pour les valeurs des constantes , les quantités l’état fixe du prisme sera exprimé par l’équation


Ainsi les molécules infiniment voisines du point m auront, pendant l’instant la même température actuelle dans le solide dont l’état est variable, et dans le prisme dont l’état est constant. Donc le flux qui a lieu au point m pendant l’instant à travers le cercle infiniment petit ω, est le même dans l’un et l’autre solide : donc il est exprimé par

On en conclut la proposition suivante :

Si dans un solide dont les températures intérieures varient avec le temps, en vertu de l’action des molécules, on trace une ligne droite quelconque, et que l’on élève (voy. fig. 5), aux différents points de cette ligne, les ordonnées p m d’une courbe plane égales aux températures de ces points prises au même instant ; le flux de chaleur, en chaque point p de la droite, sera proportionnel à la tangente de l’angle α que fait l’élément de la courbe avec la parallèle aux abaisses ; c’est-à-dire que si l’on plaçait au point p le centre d’un cercle infiniment petit ω perpendiculaire à la ligne, la quantité de chaleur écoulée pendant un instant à travers ce cercle, dans le sens suivant lequel les abaisses a p croissent, aurait pour mesure le produit de quatre facteurs qui sont la tangente de l’angle α un coëfficient constant l’aire du cercle, et la durée de l’instant.

141.

COROLLAIRE.

Si l’on représente par ε l’abaisse de cette courbe ou la distance d’un point p de la droite à un point fixe o ; et par l’ordonnée qui représente la température du point p ; variera avec la distance et sera une certaine fonction de cette distance ; la quantité de chaleur qui s’écoulerait à travers le cercle ω placé au point p perpendiculairement à la ligne, sera ou en désignant par la fonction

Nous donnerons à ce résultat l’expression suivante, qui facilite les applications.

Pour connaître le flux actuel de la chaleur en un point p d’une droite tracée dans un solide, dont les températures varient par l’action des molécules, il faut diviser la différence des températures de deux points infiniment voisins du point p par la distance de ces points. Le flux est proportionnel au quotient.

142.

THÉORÊME IV.

Il est facile de déduire des théorêmes précédents les équations générales de la propagation de la chaleur.

Supposons que les différents points d’un solide homogène d’une forme quelconque, aient reçu des températures initiales qui varient successivement par l’effet de l’action mutuelle des molécules, et que l’équation représente les états successifs du solide, on va démontrer que la fonction v de quatre variables satisfait nécessairement à l’équation

En effet, considérons le mouvement de la chaleur dans une molécule comprise entre six plans perpendiculaires aux axes des des et des les trois premiers de ces plans passent par le point m, dont les coordonnées sont et les trois autres passent par le point m’, dont les coordonnées sont

La molécule reçoit pendant l’instant à travers le rectangle inférieur qui passe par le point m, une quantité de chaleur égale à Pour connaître la quantité qui sort de la molécule par la face opposée, il suffit de changer dans l’expression précédente en c’est-à-dire d’ajouter à cette expression sa propre différentielle prise par rapport à seulement ; on aura donc


pour la valeur de la quantité qui sort à travers le rectangle supérieur. La même molécule reçoit encore à travers le premier rectangle qui passe par le point m, une quantité de chaleur égale à et si l’on ajoute à cette expression sa propre différentielle prise par rapport à seulement, on trouve que la quantité qui sort à travers la face opposée a pour expression

Enfin cette molécule reçoit, par le premier rectangle une quantité de chaleur égale à et ce qu’elle perd à travers le rectangle opposé, qui passe par m’, a pour expression

Il faut maintenant prendre la somme des quantités de chaleur que la molécule reçoit, et en retrancher la somme de celles qu’elle perd. On voit par-là qu’il s’accumule durant l’instant dans l’intérieur de cette molécule, une quantité totale de chaleur égale à Il ne s’agit plus que de connaître quel est l’accroissement de température qui doit résulter de cette addition de chaleur.

étant la densité du solide, ou le poids de l’unité de volume, et la capacité spécifique, ou la quantité de chaleur qui élève l’unité de poids de la température 0 à la température 1 ; le produit exprime combien il faut de chaleur pour élever de 0 à 1 la molécule dont le volume est Donc en divisant par ce produit la nouvelle quantité de chaleur que la molécule vient d’acquérir, on aura son accroissement de température. On obtient ainsi l’équation générale


qui est celle de la propagation de la chaleur dans l’intérieur de tous les corps solides.

143.

Indépendamment de cette équation, le système des températures est souvent assujéti à plusieurs conditions déterminées, dont on ne peut donner une expression générale, puisqu’elles dépendent de l’espèce de la question.

Si la masse dans laquelle la chaleur se propage a des dimensions finies, et si la superficie est retenue par une cause spéciale dans un état donné ; par exemple, si tous ses points conservent, en vertu de cette cause, la température constante 0, on aura, en désignant la fonction inconnue par l’équation de condition il est nécessaire qu’elle soit satisfaite pour toutes les valeurs de qui appartiennent aux points de la surface extérieure, et pour une valeur quelconque de

De plus, si l’on suppose que les températures initiales du corps sont exprimées par la fonction connue on a aussi l’équation la condition exprimée par cette équation doit être remplie pour les valeurs des coordonnées qui conviennent à un point quelconque du solide.

144.

Au lieu d’assujétir la surface du corps à une température constante, on peut supposer que cette température n’est pas la même pour les différents points de la surface, et qu’elle varie avec le temps suivant une loi donnée ; c’est ce qui a lieu dans la question des températures terrestres. Dans ce cas l’équation relative à la surface, contient la variable

145.

Pour examiner en elle-même, et sous un point de vue très-général, la question de la propagation de la chaleur, il faut supposer que le solide, dont l’état initial est donné, a toutes ses dimensions infinies ; alors aucune condition spéciale ne trouble la diffusion de la chaleur, et la loi à laquelle ce principe est soumis, devient plus manifeste : elle est exprimée par l’équation générale


à laquelle il faut joindre celle qui se rapporte à l’état initial et arbitraire du solide.

Supposons que la température initiale d’une molécule, dont les coordonnées sont soit une fonction connue et désignons la valeur inconnue par on aura l’équation déterminée ainsi la question est réduite à intégrer l’équation générale (A) ensorte qu’elle convienne, lorsque le temps est nul, avec l’équation qui contient la fonction arbitraire

SECTION VII.

Équation générale relative à la surface.

146.

Si le solide a une forme déterminée, et si la chaleur primitive se dissipe successivement dans l’air atmosphérique entretenu à une température constante, il faut ajouter à l’équation générale (A) et à celle qui représente l’état initial, une troisième condition relative à l’état de la surface. Nous allons examiner dans les articles suivants, la nature de l’équation qui exprime cette dernière condition.

Considérons l’état variable d’un solide dont la chaleur se dissipe dans l’air, entretenu à une température fixe 0. Soit ω une partie infiniment petite de la surface extérieure, et µ un point de ω, par lequel on fait passer une normale à la surface ; les différents points de cette ligne ont au même instant des températures différentes.

Soient la température actuelle du point µ, prise pour un instant déterminé, et la température correspondante d’un point ν du solide pris sur la normale, et distant du point µ d’une quantité infiniment petite Désignons par les coordonnées du point µ, et par


celles du point ν ; soient l’équation connue de la surface du solide, et l’équation générale qui doit donner la valeur de en fonction des quatre variables En différentiant l’équation on aura sont des fonctions de

Il résulte du corollaire énoncé dans l’article 141, que le flux, dans le sens de la normale, ou la quantité de chaleur qui traverserait pendant l’instant la surface ω, si on la plaçait en un point quelconque de cette ligne, perpendiculairement à sa direction, est proportionnelle au quotient que l’on obtient en divisant la différence de température de deux points infiniment voisins par leur distance. Donc l’expression de ce flux à l’extrémité de la normale est

désignant la conducibilité spécifique de la masse. D’un autre côté la surface ω laisse échapper dans l’air, pendant l’instant une quantité de chaleur égale à étant la conducibilité relative à l’air atmosphérique. Ainsi le flux de chaleur à l’extrémité de la normale a deux expressions différentes, savoir : et donc ces deux quantités sont égales ; et c’est en exprimant cette égalité, que l’on introduira dans le calcul la condition relative à la surface.

147.

On a Or, il suit des principes de la géométrie, que les coordonnées qui fixent la position du point ν de la normale par l’apport au point µ, satisfont aux conditions suivantes :

On a donc


on a aussi


ou en désignant par la quantité


donc


par conséquent l’égalité

devient la suivante


Cette équation est déterminée et ne s’applique qu’aux points de la surface ; elle est celle que l’on doit ajouter à l’équation générale de la propagation de la chaleur (A), et à la condition qui détermine l’état initial du solide ; sont des fonctions connues des coordonnées des points de la surface.

148.

L’équation B signifie en général que le décroissement de la température, dans le sens de la normale, à l’extrémité du solide, est tel que la quantité de chaleur qui tend à sortir en vertu de l’action des molécules, équivaut toujours à celle que le corps doit perdre dans le milieu.

On pourrait concevoir que la masse du solide est prolongée, en sorte que la surface au lieu d’être exposée à l’air, appartient à-la-fois au corps qu’elle termine, et à une enveloppe solide qui le contient. Si, dans cette hypothèse, une cause quelconque réglait à chaque instant le décroissement des températures dans l’enveloppe solide, et la déterminait de manière que la condition exprimée par l’équation B, fût toujours satisfaite, l’action de l’enveloppe tiendrait lieu de celle de l’air, et le mouvement de la chaleur serait le même dans l’ini et l’autre cas : on peut donc supposer que cette cause existe, et déterminer, dans cette hypothèse, l’état variable du solide ; c’est ce que l’on fait en employant les deux équations A et B.

On voit par-là comment l’interruption de la masse et l’action du milieu, troublent la diffusion de la chaleur en l’assujétissant à une condition accidentelle.

149.

On peut aussi considérer sous un autre point de vue cette équation (B), qui se rapporte à l’état de la surface ; il faut auparavant déduire une conséquence remarquable du théorème III (art. 140). Nous conserverons la construction rapportée dans le corollaire du même théorème (art. 141). Soient les coordonnées du point et


celles d’un point infiniment voisin de et marqué sur la droite dont il s’agit ; désignons par et les températures des deux points et prises pour le même instant, on aura


donc le quotient


ainsi la quantité de chaleur qui s’écoule à travers la surface ω placée au point m, perpendiculairement à la droite, est

Le premier terme est le produit de par et par Cette dernière quantité est, d’après les principes de la géométrie, l’aire de la projection de ω sur le plan des et ainsi le produit représente la quantité de chaleur qui s’écoulerait à travers l’aire de la projection, si on la plaçait au point p, perpendiculairement à l’axe des

Le second terme représente la quantité de chaleur qui traverserait la projection de ω, faite sur le plan des et si on plaçait cette projection au point p, parallèlement à elle-même.

Enfin le troisième terme représente la quantité de chaleur qui s’écoulerait pendant l’instant à travers la projection de ω sur le plan des et si l’on plaçait cette projection au point p, perpendiculairement à la coordonnée

On voit par-là que la quantité de chaleur qui s’écoule à travers chaque partie infiniment petite d’une surface tracée dans l’intérieur du solide, peut toujours être décomposée en trois autres, qui pénètrent les trois projections orthogonales de la surface, selon des directions perpendiculaires aux plans des projections. Ce résultat donne naissance à des propriétés analogues à celles que l’on remarque dans la théorie des forces.

150.

La quantité de chaleur qui s’écoule à travers une surface plane, infiniment petite ω, donnée de figure et de position, étant équivalente à celle qui traverserait ses trois projections orthogonales, il s’ensuit que, si l’on conçoit dans l’intérieur du solide un élément d’une figure quelconque, les quantités de chaleur qui pénètrent dans ce polyèdre par ses différentes faces, se compensent réciproquement ; ou plus exactement, la somme des termes du premier ordre, qui entrent dans l’expression de ces quantités de chaleur reçues par la molécule, est zéro ; ensorte que la chaleur qui s’y accumule en effet, et fait varier sa température, ne peut être exprimée que par des termes infiniment plus petits que ceux du premier ordre.

On voit distinctement ce résultat lorsqu’on établit l’équation générale (A), en considérant le mouvement de la chaleur dans une molécule prismatique (articles 127 et 142) ; on le démontre encore pour une molécule d’une figure quelconque, en substituant à la chaleur reçue par chaque face, celle que recevraient ses trois projections.

Il est d’ailleurs nécessaire que cela soit ainsi : car, si une des molécules du solide acquérait pendant chaque instant une quantité de chaleur exprimée par un terme du premier ordre, la variation de sa température serait infiniment plus grande que celle des autres molécules, c’est-à-dire, que pendant chaque instant infiniment petit, sa température augmenterait ou diminuerait d’une quantité finie ; ce qui est contraire à l’expérience.

151.

Nous allons appliquer cette remarque à une molécule placée à la surface extérieure du solide.

Par un point a (voy. fig. 6), pris sur le plan des et menons deux plans perpendiculaires, l’un à l’axe des l’autre à l’axe des . Par un autre point b du même plan, infiniment voisin de a, menons aussi deux plans parallèles aux deux précédents ; les ordonnées z, élevées aux points a, b, c, d, jusqu’à la surface extérieure du solide, marqueront sur cette surface quatre points a’, b’, c’, d’, $et seront les arêtes d’un prisme tronqué, dont la base est le rectangle a b c d. Si par le point a’, qui désigne le moins élevé des quatre points a’, b’, c’, d’ on fait passer un plan parallèle à celui des et , on retranchera du prisme tronqué une molécule, dont une des faces, savoir : a’, b’, c’, d’ se confond avec la superficie du solide. Les valeurs des quatre ordonnées aa’ bb’ cc’ dd’ sont les suivantes :

152.

L’une des faces perpendiculaires aux est un triangle, et la face opposée est un trapèze. L’aire du triangle est

,


et le flux de chaleur dans la direction perpendiculaire à cette surface étant on a, en omettant le facteur ,


pour l’expression de la quantité de chaleur qui pénètre pendant un instant dans la molécule, à travers le triangle dont il s’agit.

L’aire de la face opposée est

$et le flux perpendiculaire à cette face est aussi en

supprimant les termes du second ordre, infiniment plus petits que ceux du premier ; on retranchera la quantité de chaleur qui sort par cette seconde face, de celle qui entre par la première et l’on trouvera

Ce terme exprime combien la molécule reçoit de chaleur par les faces perpendiculaires aux

On trouvera, par un calcul semblable, que la même molécule reçoit, par les faces perpendiculaires aux une quantité de chaleur égale à

La quantité de chaleur que la molécule reçoit par la base rectangulaire est Enfin, elle laisse échapper dans l’air, à travers la surface supérieure a’b’c’d’, une certaine quantité de chaleur égale au produit de par l’étendue ω de cette surface. La valeur de ω est, selon les principes connus, celle de multipliée par le rapport désigne la longueur de la normale, depuis la surface extérieure jusqu’au plan des et et


donc la molécule perd à travers sa surface a’b’c’d’ une quantité de chaleur égale à

Or, les termes du premier ordre qui entrent dans l’expression de la quantité totale de chaleur acquise par la molécule, doivent se détruire, afin que la variation des températures ne soit pas à chaque instant une quantité finie ; ou doit donc avoir l’équation


ou

153.

En mettant pour et leurs valeurs tirées de l’équation et désignant par la quantité on a



on connaît ainsi d’une manière distincte ce que représente chacun des termes de cette équation.

En les prenant tous avec des signes contraires et les multipliant par le rectangle le premier exprime combien la molécule reçoit de chaleur par les deux faces perpendiculaires aux , le second combien elle en reçoit par ses deux faces perpendiculaires aux le troisième combien elle en reçoit par la face perpendiculaire aux et le quatrième combien elle en reçoit du milieu. L’équation exprime donc que la somme de tous ces termes du premier ordre est nulle, et que la chaleur acquise ne peut être représentée que par des termes du second ordre.

154.

Pour parvenir à cette équation (B) il faut considérer une des molécules dont la base est à la surface du solide, comme un vase qui reçoit ou perd la chaleur par ses différentes faces. L’équation signifie que tous les termes du premier ordre qui entrent dans l’expression de la chaleur acquise se détruisent mutuellement ; ensorte que cet accroissement de chaleur ne peut être exprimé que par des termes du second ordre. On peut donner à cette molécule, ou la forme d’un prisme droit, dont l’axe est perpendiculaire à la surface du solide, ou celle d’un prisme tronqué, ou une forme quelconque.

L’équation générale (A) suppose que tous les termes du premier ordre se détruisent dans l’intérieur de la masse, ce qui est évident pour des molécules prismatiques comprises dans le solide. L’équation (B) exprime le même résultat pour les molécules placées aux limites des corps.

Tels sont les points de vue généraux sous lesquels on peut envisager cette partie de la théorie de la chaleur.

L’équation représente le mouvement de la chaleur dans l’intérieur des corps. Ce théorème fait connaître la distribution instantanée dans toutes les substances solides ou liquides ; on en pourrait déduire l’équation qui convient à chaque cas particulier.

Nous ferons cette application dans les deux articles suivants, à la question du cylindre et à celle de la sphère.


SECTION VIII.

Applications des équations générales.

155.

Désignons par le rayon variable d’une enveloppe cylindrique quelconque, et supposons, comme précédemment dans l’art. 118, que toutes les molécules également éloignées de l’axe ont à chaque instant une température commune ; sera une fonction de et  ; est une fonction de donnée par l’équation Il est évident, en premier lieu que la variation de par rapport à est nulle ; ainsi le terme doit être omis. On aura maintenant, suivant les principes du calcul différentiel, les équations :


donc


Il faut remplacer dans le second membre les quantités


par leurs valeurs respectives ; pour cela on tirera de l’équation

et parconséquent

la première équation, dont le premier membre est égal à donne

La seconde donne, lorsqu’on met pour

sa valeur 1

Si maintenant on substitue dans l’équation les valeurs données par les équations et on aura

Donc l’équation qui exprime le mouvement de la chaleur dans le cylindre, est

comme on l’a trouvé précédemment, art. 119.

On pourrait aussi ne point supposer que les molécules également éloignées de l’axe, ont reçu une température initiale commune ; dans ce cas on parviendrait à une équation beaucoup plus générale.

156.

Pour déterminer, au moyen de l’équation (A), le mouvement de la chaleur dans une sphère qui a été plongée dans un liquide, on regardera comme une fonction de et est une fonction de , donnée par l’équation

étant le rayon variable d’une enveloppe. On aura ensuite

En faisant les substitutions dans l’équation

on aura

L’équation fournit les résultats suivants :

Les trois équations du premier ordre donnent :

Les trois équations du second ordre donnent

et mettant pour

la valeur 1, on a

Faisant les substitutions dans l’équation on aura l’équation

qui est la même que celle de l’art. 114.

L’équation contiendrait un plus grand nombre de termes, si l’on ne supposait point que les molécules également éloignées du centre ont reçu la même température initiale.

On pourrait aussi déduire de l’équation déterminée (B), celles qui expriment l’état de la surface dans les équations particulières, où l’on suppose qu’un solide d’une forme donnée, communique sa chaleur à l’air atmosphérique ; mais le plus souvent ces équations se présentent d’elles-mêmes, et la forme en est très-simple, lorsque les coordonnées sont choisies convenablement.

SECTION IX.

Remarques générales.

157.

La recherche des lois du mouvement de la chaleur, dans les solides consiste maintenant à intégrer les équations que nous avons rapportées ; c’est l’objet des chapitres suivants ; nous terminerons celui-ci par des remarques générales sur la nature des quantités qui entrent dans notre analyse.

Pour mesurer ces quantités et les exprimer en nombre, on les compare à diverses sortes d’unités, au nombre de cinq, savoir : l’unité de longueur, l’unité de temps, celle de la température, celle du poids, et enfin l’unité qui sert à mesurer les quantités de chaleur. On aurait pu choisir pour cette dernière unité la quantité de chaleur qui élève un volume donné d’une certaine substance, depuis la température 0 jusqu’à la température 1. Le choix de cette unité serait préférable à plusieurs égards à celui de la quantité de chaleur nécessaire pour convertir une masse de glace d’un poids donné, en une masse pareille d’eau, sans élever la température 0. Nous n’avons adopté cette dernière unité, que parce qu’elle était en quelque sorte fixée d’avance dans plusieurs ouvrages de physique ; au reste, cette supposition n’apporterait aucun changement dans les résultats du calcul.

158.

Les éléments spécifiques qui déterminent dans chaque corps les effets mesurables de la chaleur, sont au nombre de trois, savoir : la conducibilité propre, la conducibilité relative à l’air atmosphérique, et la capacité de chaleur.

Les nombres qui expriment ces quantités sont comme la pesanteur spécifique autant de caractères naturels propres aux diverses substances.

Nous avons déjà remarqué, art. 36, que la conducibilité de la surface serait mesurée d’une manière plus exacte, si l’on avait des observations suffisantes sur les effets de la chaleur rayonnante dans les espaces vides d’air.

On peut voir, comme nous l’avons annoncé dans la première section du chap. I, art. 11, qu’il n’entre dans le calcul que trois coëfficients spécifiques ils doivent être déterminés par des observations, et nous indiquerons par la suite les expériences propres à les faire connaître avec précision.

159.

Le nombre qui entre dans le calcul, est toujours multiplié par la densité c’est-à-dire, par le nombre d’unités de poids qui équivalent au poids de l’unité de volume ; ainsi ce produit peut être remplacé par le coëfficient Dans ce cas on doit entendre, par capacité spécifique de chaleur, la quantité nécessaire pour élever de la température 0 à la température 1 l’unité de volume d’une substance donnée, et non l’unité de poids de cette substance. C’est pour ne pas s’éloigner des définitions communes, que l’on a rapporté dans cet ouvrage la capacité de chaleur au poids et non au volume ; mais il serait préférable d’employer le coëfficient tel que nous venons de le définir ; alors il n’entrera dans les expressions analytiques aucune grandeur mesurée par l’unité de poids : on aura seulement à considérer, 1o  la dimension linéaire la température et le temps 2o  les coëfficients et Les trois premières quantités sont des indéterminées, et les trois autres sont, pour chaque substance, des éléments constants que l’expérience fait connaître. Quant à l’unité de surface et à l’unité de volume, elles n’ont rien d’absolu, et dépendent de l’unité de longueur.

160.

Il faut maintenant remarquer que chaque grandeur indéterminée ou constante a une dimension qui lui est propre, et que les termes d’une même équation ne pourraient pas être comparés, s’ils n’avaient point le même exposant de dimension. Nous avons introduit cette considération dans la théorie de la chaleur pour rendre nos définitions plus fixes, et servir à vérifier le calcul ; elle dérive des notions primordiales sur les quantités ; c’est pour cette raison que, dans la géométrie et dans la mécanique, elle équivaut aux lemmes fondamentaux que les Grecs nous ont laissés sans démonstration.

161.

Dans la théorie analytique de la chaleur, toute équation (E) exprime une relation nécessaire entre des grandeurs subsistantes Cette relation ne dépend point du choix de l’unité de longueur, qui de sa nature est contingent, c’est-à-dire que, si l’on prenait une unité différente pour mesurer les dimensions linéaires, l’équation (E) serait encore la même. Supposons donc que l’unité de longueur soit changée, et que sa seconde valeur soit équivalente à la première, divisée par Une quantité quelconque qui dans l’équation (E) représente une certaine ligne et qui, parconséquent, désigne un certain nombre de fois l’unité de longueur, deviendra afin de correspondre à la même grandeur la valeur du temps et la valeur de la température ne seront point changées ; il n’en sera pas de même des éléments spécifiques le premier deviendra car il exprime la quantité de chaleur qui sort pendant l’unité de temps, de l’unité de surface à la température 1. Si l’on examine avec attention la nature du coëfficient tel que nous l’avons défini dans les art. 68 et 135, on reconnaîtra qu’il devient car le flux de chaleur est en raison directe de l’étendue de la surface, et en raison inverse de la distance des deux plans infinis (art. 72). Quant au coëfficient qui représente le produit C D, il dépend aussi de l’unité de longueur et devient donc l’équation (E) ne doit subir aucun changement, si l’on écrit, au lieu de et en même temps, au lieu de le nombre disparaîtra de lui-même après ces substitutions : ainsi la dimension de par rapport à l’unité de longueur est celle de est celle de est et celle de est Si l’on attribue à chaque quantité son exposant de dimension, l’équation sera homogène, parce que chaque terme aura le même exposant total. Les nombres tels que qui représenteraient des surfaces ou des solides, ont la dimension dans le premier cas, et la dimension dans le second. Les angles, les sinus et autres fonctions trigonométriques, les logarithmes ou exposants de puissance sont, d’après les principes du calcul, des nombres absolus qui ne changent point avec l’unité de longueur ; on doit donc trouver leur dimension égale à 0, qui est celle de tous les nombre abstraits.

Si l’unité de temps, qui était d’abord 1, devient le nombre sera et les nombres et ne changeront point. Les coëfficients seront Ainsi les dimensions de par rapport à l’unité de temps, sont 0, 1, 0, et celles de sont

Si l’unité de température était changée, en sorte que la température 1 devînt celle qui répond à un autre effet que l’ébullition de l’eau ; et si cet effet exigeait une température moindre, qui fut à celle de l’eau bouillante dans le rapport de 1 au nombre deviendrait et conserveraient leurs valeurs, et les coëfficiens seraient

Le tableau suivant représente les dimensions des trois indéterminées et des trois constantes, par rapport à chaque sorte d’unité.

  LONGUEUR. DURÉE. TEMPÉRATURE.
Exposant de dimension de......


La conducibilité spécifique.....
La conducibilité de la surface...
La capacité de chaleur.........

162.

Si l’on conservait les coëfficients et dont le produit a été représenté par on aurait encore à considérer l’unité de poids, et l’on trouverait que l’exposant de dimension, par rapport à l’unité de longueur, est pour la densité et 0 pour

En appliquant la règle précédente aux différentes équations et à leurs transformées, on trouvera qu’elles sont homogènes par rapport à chaque sorte d’unité, et que la dimension de toute quantité angulaire ou exponentielle est nulle. Si cela n’avait point lieu, on aurait commis quelque erreur dans le calcul, ou l’on y aurait introduit des expressions abrégées.

Si l’on choisit, par exemple, l’équation de l’art. 105


on trouve que, par rapport à l’unité de longueur, la dimension de chacun des trois termes est 0 ; qu’elle est pour l’unité de température, et pour l’unité de temps.

Dans l’équation de l’art. 76, la dimension linéaire de chaque terme est 0, et l’on voit que celle de l’exposant est toujours nulle, soit pour l’unité linéaire, soit pour la durée ou la température.

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