Théorie analytique de la chaleur/Chapitre 3

Firmin Didot (p. Ch. III.-265).


CHAPITRE III.
PROPAGATION DE LA CHALEUR DANS UN SOLIDE RECTANGULAIRE INFINI.
Séparateur

SECTION PREMIÈRE.

Exposition de la question.

163.

Les questions relatives à la propagation uniforme ou au mouvement varié de la chaleur dans l’intérieur des solides, sont réduites, par ce qui précède, à des problèmes d’analyse pure, et les progrès de cette partie de la physique dépendront désormais de ceux que fera la science du calcul. Les équations différentielles que nous avons démontrées, contiennent les résultats principaux de la théorie, elles expriment, de la manière la plus générale et la plus concise, les rapports nécessaires de l’analyse numérique avec une classe très-étendue de phénomènes, et réunissent pour toujours aux sciences mathématiques, une des branches les plus importantes de la philosophie naturelle. Il nous reste maintenant à découvrir l’usage que l’on doit faire de ces équations pour en déduire des solutions complètes et d’une application facile. La question suivante offre le premier exemple de l’analyse qui conduit à ces solutions ; elle nous a paru plus propre qu’aucune autre à faire connaître les éléments de la méthode que nous avons suivie.

164.

Nous supposons qu’une masse solide homogène est contenue entre deux plans verticaux B et C parallèles et infinis, et qu’on la divise en deux parties par un plan A perpendiculaire aux deux autres (voy. fig. 7) ; nous allons considérer les températures de la masse BAC comprise entre les trois plans infinis A, B, C. On suppose que l’autre partie B’AC’ du solide infini est une source constante de chaleur, c’est-à-dire que tous ses points sont retenus à la température 1, qui ne peut jamais devenir moindre, ni plus grande. Quant aux deux solides latéraux compris l’un entre le plan C et le plan A prolongé, l’autre entre le plan B et le plan A prolongé, tous leurs points ont une température constante 0, et une cause extérieure leur conserve toujours cette même température ; enfin les molécules du solide compris entre A, B et C, ont la température initiale 0. La chaleur passera successivement du foyer A dans le solide BAC ; elle s’y propagera dans le sens de la longueur qui est infinie, et en même temps elle se détournera vers les masses froides B et C qui en absorberont une grande partie. Les températures du solide BAC s’élèveront de plus en plus ; mais elles ne pourront outre-passer ni même atteindre un maximum de température, qui est différent pour les différents points de la masse. Il s’agit de connaître l’état final et constant dont l’état variable s’approche de plus en plus.

Si cet état final était connu et qu’on le formât d’abord, il subsisterait de lui-même, et c’est cette propriété qui le distingue de tous les autres. Ainsi la question actuelle consiste à déterminer les températures permanentes d’un solide rectangulaire infini, compris entre deux masses de glace B et C et une masse d’eau bouillante A ; la considération des questions simples et primordiales est un des moyens les plus certains de découvrir les lois des phénomènes naturels, et nous voyons, par l’histoire des sciences, que toutes les théories se sont formées suivant cette méthode.

165.

Pour exprimer plus brièvement la même question, on suppose qu’une lame rectangulaire BAC, d’une longueur infinie, est échauffée par son extrémité A, et conserve dans tous les points de cette base une température constante 1, tandis que chacune des deux arêtes infinies B et C, perpendiculaires à la première, est aussi assujétie dans tous ses points à une température constante 0 ; il s’agit de déterminer quelles doivent être les températures stationnaires de chaque point de la lame.

On suppose qu’il ne se fait à la superficie aucune déperdition de chaleur, ou, ce qui est la même chose, on considère un solide formé par la super-position d’une infinité de lames pareilles à la précédente ; on prend pour l’axe des la droite qui partage la lame en deux moitiés, et les coordonnées de chaque point m sont et enfin on représente la largeur A de la lame par ou, pour abréger le calcul, par valeur de la demi-circonférence.

Concevons qu’un point m de la lame solide BAC, qui a pour coordonnées et ait la température actuelle et que les quantités qui répondent aux différents points, soient telles qu’il ne puisse survenir aucun changement dans les températures, pourvu que celle de chaque point de la base A soit toujours 1, et que les côtés B et C conservent dans tous leurs points la température 0.

Si l’on élevait en chaque point m une coordonnée verticale égale à la température on formerait une surface courbe qui s’étendrait au-dessus de la lame et se prolongerait à l’infini. Nous chercherons à connaître la nature de cette surface qui passe par une ligne parallèle élevée au-dessus de l’axe des à une distance égale à l’unité, et qui coupe le plan horizontal, suivant les deux arêtes infinies parallèles aux

166.

Pour appliquer l’équation générale


on considérera que, dans le cas dont il s’agit, on fait abstraction d’une coordonnée en sorte que le terme doit être omis ; quant au premier membre il s’évanouit, puisqu’on veut déterminer les températures stationnaires ; ainsi l’équation qui convient à la question actuelle, et détermine les propriétés de la surface courbe cherchée est celle-ci,

La fonction de et qui représente l’état permanent du solide BAC, doit 1o satisfaire à l’équation 2o devenir nulle lorsqu’on substitue ou au lieu de quelle que soit d’ailleurs la valeur de 3o elle doit être égale à l’unité, si l’on suppose et si l’on attribue à une valeur quelconque comprise entre et Il faut ajouter que cette fonction doit devenir extrêmement petite lorsqu’on donne à une valeur très-grande, puisque toute la chaleur sort du seul foyer A.

167.

Afin de considérer la question dans ses éléments, on cherchera en premier lieu les plus simples fonctions de et qui puissent satisfaire à l’équation ensuite on donnera à cette valeur de une expression plus générale, afin de remplir toutes les conditions énoncées. Par ce moyen la solution acquerra toute l’étendue qu’elle doit avoir, et l’on démontrera que la question proposée ne peut admettre aucune autre solution.

Les fonctions de deux variables se réduisent souvent à une expression moins composée, lorsqu’on attribue à l’une des variables ou à toutes les deux une valeur infinie ; c’est ce que l’on remarque dans les fonctions algébriques qui, dans ce cas, équivalent au produit d’une fonction de par une fonction de Nous examinerons d’abord si la valeur de peut être représentée par un pareil produit ; car cette fonction doit représenter l’état de la lame dans toute son étendue, et par conséquent celui des points dont la coordonnée est infinie. On écrira donc substituant dans l’équation et désignant par et par on aura on pourra donc supposer et étant une constante quelconque, et comme on se propose seulement de trouver une valeur particulière de on déduira des équations précédentes

168.

On ne pourrait point supposer que est un nombre négatif, et l’on doit nécessairement exclure toutes les valeurs particulières de où il entrerait des termes tels que étant un nombre positif, parce que la température ne peut point devenir infinie, lorsque est infiniment grande. En effet la chaleur n’étant fournie que par la source constante A, il ne peut en parvenir qu’une portion extrêmement petite dans les points de l’espace, qui sont très-éloignés du foyer. Le reste se détourne de plus en plus vers les arêtes infinies B et C, et se perd dans les masses froides qu’elles terminent.

L’exposant qui entre dans la fonction n’est pas déterminé, et l’on peut choisir pour cet exposant un nombre positif quelconque : mais, pour que devienne nulle en faisant ou quelle que soit on prendra pour un des termes de la suite, 1, 3, 5, 7, 9, etc. ; par ce moyen la seconde condition sera remplie.

169.

On formera facilement une valeur plus générale de en ajoutant plusieurs termes semblables aux précédents, et l’on aura + + + Il est évident que cette fonction désignée par satisfait à l’équation et à la condition Il reste à remplir une troisième condition, qui est exprimée ainsi : et il est nécessaire de remarquer que ce résultat doit avoir lieu lorsqu’on met pour une valeur quelconque, comprise entre et On ne peut en rien inférer pour les valeurs que prendrait la fonction si l’on mettait au lieu de une quantité non comprise entre les limites et L’équation doit donc être assujétie à la condition suivante :


C’est au moyen de cette équation que l’on déterminera les coëfficients etc. dont le nombre est infini.

Le second membre est une fonction de qui équivaut à l’unité, toutes les fois que la variable est comprise entre et On pourrait douter qu’il existât une pareille fonction, mais cette question sera pleinement éclaircie par la suite.

170.

Avant de donner le calcul des coëfficients, nous remarquerons l’effet que représente chacun des termes de la série dans l’équation

Supposons que la température fixe de la base A, au lieu d’être égale à l’unité pour tous ses points, soit d’autant moindre que le point de la droite A est plus éloigné du milieu O, et qu’elle soit proportionnelle au cosinus de cette distance ; on connaîtra facilement dans ce cas la nature de la surface courbe, dont l’ordonnée verticale exprime la température ou Si l’un coupe cette surface à l’origine par un plan perpendiculaire à l’axe des la courbe qui termine la section aura pour équation les valeurs des coëfficients seront les suivantes :


ainsi de suite, et l’équation de la surface courbe sera

Si l’on coupe cette surface perpendiculairement à l’axe des on aura une logarithmique dont la convexité est tournée vers l’axe ; si on la coupe perpendiculairement à l’axe des on aura une courbe trigonométrique qui tourne sa concavité vers l’axe. Il suit de là que la fonction a toujours une valeur positive, et que celle de est toujours négative. Or la quantité de chaleur qu’une molécule acquiert à raison de sa place entre deux autres dans le sens des est proportionnelle à la valeur de . (art. 123) ; il s’ensuit donc que la molécule intermédiaire reçoit de celle qui la précède, dans le sens des plus de chaleur qu’elle n’en communique à celle qui la suit. Mais, si l’on considère cette même molécule comme placée entre deux autres dans le sens des la fonction étant négative, on voit que la molécule intermédiaire communique à celle qui la suit plus de chaleur qu’elle n’en reçoit de celle qui la précède. Il arrive ainsi que l’excédent de chaleur qu’elle acquiert dans le sens des compense exactement ce qu’elle perd dans le sens des comme l’exprime l’ équation On connaît ainsi la route que suit la chaleur qui sort du foyer A. Elle se propage dans le sens des et en même temps elle se décompose en deux parties, dont l’une se dirige vers une des arêtes, tandis que l’autre partie continue de s’éloigner de l’origine, pour être décomposée comme la précédente et ainsi de suite à l’infini. La surface que nous considérons est engendrée par la courbe trigonométrique, qui répond à la base A, et se meut perpendiculairement à l’axe des en suivant cet axe, pendant que chacune de ses ordonnées décroît à l’infini, proportionnellement aux puissances successives d’une même fraction.

On tirerait des conséquences analogues, si les températures fixes de la base A étaient exprimées par le terme


et l’on peut, d’après cela, se former une idée exacte du mouvement de la chaleur dans les cas plus généraux ; car on verra par la suite que ce mouvement se décompose toujours en une multitude de mouvements élémentaires, dont chacun s’accomplit comme s’il était seul.

SECTION II.

Premier exemple de l’usage des séries trigonométriques dans la théorie de la chaleur.

171.

Nous reprendrons maintenant l’équation

dans laquelle il faut déterminer les coëfficients etc.

Pour que cette équation subsiste, il est nécessaire que les constantes satisfassent aux équations que l’on obtient par des différentiations successives, ce qui donne les résultats suivants :

ainsi de suite à l’infini.

Ces équations devant avoir lieu lorsque on aura

Le nombre de ces équations est infini comme celui des indéterminées etc. La question consiste à éliminer toutes les inconnues, excepté une seule.

172.

Pour se former une idée distincte du résultat de ces éliminations, on supposera que le nombre des inconnues etc., est d’abord défini et égal à On emploiera les , premières équations seulement, en effaçant tous les termes où se trouvent les inconnues qui suivent les premières. Si l’on fait successivement ainsi de suite, on trouvera dans chacune de ces suppositions, les valeurs des indéterminées La quantité par exemple, recevra une valeur pour le cas de deux inconnues, une autre pour le cas de trois inconnues, ou pour le cas de quatre inconnues, ou successivement pour un plus grand nombre. Il en sera de même de l’indéterminée qui recevra autant de valeurs différentes que l’on aura effectué de fois l’élimination ; chacune des autres indéterminées est pareillement susceptible d’une infinité de valeurs différentes. Or la valeur d’une des inconnues, pour le cas ou leur nombre est infini, est la limite vers laquelle tendent continuellement les valeurs qu’elle reçoit au moyen des éliminations successives. Il s’agit donc d’examiner si, à mesure que le nombre des inconnues augmente, chacune des valeurs etc. ne converge point vers une limite finie, dont elle approche continuellement.

Supposons que l’on emploie les sept équations suivantes :

Les six équations qui ne contiennent plus g, sont :

En continuant l’élimination, on obtiendra l’équation finale en qui est :

173.

Si l’en avait employé un nombre d’équations plus grand d’une unité, on aurait trouvé, pour déterminer une équation analogue à la précédente, ayant au premier membre un facteur de plus, savoir : et au second membre pour nouveau facteur. La loi à laquelle ces différentes valeurs de sont assujéties est évidente, et il s’ensuit que la valeur de qui correspond à un nombre infini d’équations, est exprimée ainsi :

Or cette dernière expression est connue et, suivant le théorème de Wallis, on en conclut Il ne s’agit donc maintenant que de connaître les valeurs des autres indéterminées.

174.

Les six équations qui restent après l’élimination de peuvent être comparées aux six équations plus simples que l’on aurait employées, s’il n’y avait eu que six inconnues. Ces dernières équations diffèrent des équations en que, dans celles-ci, les lettres se trouvent multipliées respectivement par les facteurs

Il suit de là que si on avait résolu les six équations linéaires que l’on doit employer dans le cas de six indéterminées, et que l’on eût calculé. la valeur de chaque inconnue, il serait facile d’en conclure la valeur des indéterminées de même nom, correspondantes au cas où l’on aurait employé sept équations. Il suffirait de multiplier les valeurs trouvées dans le premier cas par des facteurs connus. Il sera aisé, en général, de passer de la valeur de l’une des quantités, prise dans la supposition d’un certain nombre d’équations et d’inconnues, à la valeur de la même quantité, prise dans le cas où il y aurait une inconnue et une équation de plus. Par exemple, si la valeur de trouvée dans l’hypothèse de six équations et six inconnues, est représentée par celle de la même quantité prise dans le cas d’une inconnue de plus, sera Cette même valeur, prise dans le cas de huit inconnues, sera, par la même raison,

et dans le cas de neuf inconnues, elle sera


ainsi de suite. Il suffira de même de connaître la valeur de correspondante au cas de deux inconnues, pour en conclure celle de la même lettre qui correspond au cas de trois, quatre, cinq inconnues, etc. On aura seulement à multiplier cette première valeur de par


Pareillement si l’on connaît la valeur de pour le cas de trois inconnues, on multipliera cette valeur par les facteurs successifs


on calculera de même la valeur de par le cas de quatre inconnues seulement, et on multipliera cette valeur par


Le calcul de la valeur de a est assujéti à la même règle, car si on prend cette valeur pour le cas d’une seule inconnue, et qu’on la multiplie successivement par


on trouvera la valeur finale de cette quantité.

175.

La question est donc réduite à déterminer la valeur de dans le cas d’une inconnue, la valeur de dans le cas de deux inconnues, celle de dans le cas de trois inconnues, et ainsi de suite pour les autres inconnues.

Il est facile de juger, à l’inspection seule des équations et sans aucun calcul, que les résultats de ces éliminations successives doivent être

176.

Il ne reste qu’à multiplier les quantités précédentes par les séries des produits qui doivent les compléter et que nous avons donnés (art. 174)- On aura en conséquence, pour les valeurs finales, des inconnues etc., les expressions suivantes :

La quantité ou le quart de la circonférence équivaut, suivant le théorème de Wallis, à

Si l’on remarque maintenant quelles sont, dans les valeurs de etc., les facteurs que l’on doit écrire aux numérateurs et aux dénominateurs, pour y compléter la double série des nombres impairs et des nombres pairs, on trouvera que les facteurs à suppléer sont :

177.

C’est ainsi qu’on est parvenu à effectuer entièrement les éliminations et à déterminer les coëfficients etc., de l’équation

La substitution de ces coëfficients, donne l’équation suivante :

Le second membre est une fonction de qui ne change point de valeur quand on donne à la variable une valeur comprise entre et Il serait aisé de prouver que cette série est toujours convergente, c’est-à-dire que, en mettant au lieu de un nombre quelconque, et en poursuivant le calcul des coëfficients, on approche de plus en plus d’une valeur fixe, en sorte que la différence de cette valeur à la somme des termes calculés, devient moindre que toute grandeur assignable. Sans nous arrêter à cette démonstration, que le lecteur peut suppléer, nous ferons remarquer que la valeur fixe, dont on approche continuellement, est si la valeur attribuée à est comprise entre 0 et mais qu’elle est si est comprise entre et car, dans ce second intervalle, chaque terme de la série change de signe. En général la limite de la série est alternativement positive et négative ; au reste, la convergence n’est point assez rapide pour procurer une approximation facile, mais elle suffit pour la vérité de l’équation.

178.

L’équation


appartient à une ligne qui, ayant pour abcisse et pour ordonnée, est composée de droites séparées dont chacune est parallèle à l’axe et égale à la demi-circonférence. Ces parallèles sont placées alternativement au-dessus et au-dessous de l’axe, à la distance et jointes par des perpendiculaires qui font elles-mêmes partie de la ligne. Pour se former une idée exacte de la nature de cette ligne, il faut supposer que le nombre des termes de la fonction


reçoit d’abord une valeur déterminée. Dans ce derner cas l’équation


appartient à une ligne courbe qui passe alternativement au-dessus et au-dessous de l’axe, en le coupant toutes les fois que l’abcisse devient égale à l’une des quantités


à mesure que le nombre des termes de l’équation augmente, la courbe dont il s’agit tend de plus en plus à se confondre avec la ligne précédente, composée de droites parallèles et de droites perpendiculaires ; on sorte que cotte ligne est la limite des diff"rentes courbes que l’on obtiendrait en augmentant successivement le nombre des termes.

SECTION III.

Remarques sur ces séries.

179.

On peut envisager ces mêmes équations sous un autre point de vue, et démontrer immédiatement l’équation


Le cas ou est nulle se vérifie par la série de Léibnitz,


Ensuite on supposera que le nombre des termes de la série


au lieu d’être infini est déterminé et égal à On considérera la valeur de cette suite finie comme une fonction de et de On réduira la valeur de la fonction en une série ordonnée suivant les puissances négatives de et l’on reconnaîtra que cette valeur approche d’autant plus d’être constante et indépendante de que est un plus grand nombre.

Soit la fonction cherchée qui est donnée par l’équation ;

le nombre des termes étant supposé pair. Cette équation

différenciée par rapport à donne


en multipliant par on a


Chaque terme du second membre étant remplacé par la différence de deux cosinus, on en conclura :


Le second membre se réduit à ou donc

180.

On intégrera le second membre par parties, en distinguant dans l’intégrale le facteur qui doit être intégré successivement, et le facteur ou que l’on doit différencier successivement ; désignant les résultats de ces différenciations par etc., on aura


ainsi la valeur de ou


qui est une fonction de et se trouve exprimée par une série infinie ; et il est manifeste que plus le nombre augmente, plus la valeur de approche de celle de la constante. C’est pourquoi, lorsque le nombre est infini, la fonction a une valeur déterminée qui est toujours la même, quelle que soit la valeur positive de moindre que Or, si l’on suppose l’arc nul, on a


qui équivaut à Donc on aura généralement

181.

Si dans cette équation on suppose on trouvera


En donnant à l’arc d’autres valeurs particulières, on trouvera d’autres séries, qu’il est inutile de rapporter, et dont plusieurs ont déjà été publiées dans les ouvrages d’Euler. Si on multiplie l’équation par et que l’on intègre, on aura


En faisant dans cette dernière équation on trouve


série déjà connue. On pourrait énumérer à l’infini ces cas particuliers ; mais il convient mieux à l’objet de cet ouvrage de déterminer, en suivant le même procédé, les valeurs de diverses séries formées de sinus ou de cosinus, d’arcs multiples.

182.

Soit


étant un nombre pair quelconque. On tire de cette équation


multipliant par et remplaçant chaque terme du second membre par la différence de deux sinus, on aura :


et, en réduisant



équivaut à on a donc


on en conclut


Si l’on intègre par parties, en distinguant le facteur ou qui doit être successivement différencié, et le facteur que l’on intégrera plusieurs fois de suite, on formera une série dans laquelle les puissances de entrent aux dénominateurs. Quant à la constante, elle est nulle, parce que la valeur de commence avec celle de Il suit de là que la valeur de la suite finie


diffère extrêmement peu de lorsque le nombre des termes est très-grand, et si ce nombre est infini, on à l’équation déjà connue


On pourrait ainsi déduire de cette dernière série, celle que nous avons donnée plus haut pour la valeur de

183.

Soit maintenant


Différenciant, multipliant par substituant les différences de cosinus et réduisant, on aura :


intégrant par parties le dernier terme du second membre, et supposant infini, on a Si dans l’équation


on suppose nulle, on trouve ;


donc On parvient ainsi à la série donnée par Euler :


184.

En appliquant le même procédé à l’équation


on trouvera la série suivante, qui n’avait pas été remarquée,

Il faut observer à l’égard de toutes ces séries, que les équations qui en sont formées n’ont lieu que lorsque la variable est comprise entre certaines limites. C’est ainsi que la fonction


n’est équivalente à , que si la variable est contenue entre les limites que nous avons assignées. Il en est de même de la série


Cette suite infinie, qui est toujours convergente, donne la valeur toutes les fois que l’arc est plus grand que 0, et moindre que Mais elle n’équivaut plus à si l’arc surpasse elle a au contraire des valeurs très-différentes de car il est évident que dans l’intervalle de à la fonction reprend avec le signe contraire toutes les valeurs qu’elle avait eues dans l’intervalle précédent, depuis jusqu’à Cette série est connue depuis longtemps, mais l’analyse qui a servi à la découvrir n’indique pas pourquoi le résultat cesse d’avoir lieu lorsque la variable surpasse

Il faut donc examiner attentivement la méthode que nous venons d’employer et y chercher l’origine de cette limitation, à laquelle les séries trigonométriques sont assujéties.

185.

Pour y parvenir, il suffit de considérer que les valeurs exprimées par les suites infinies, ne sont connues, avec une entière certitude, que dans les cas où l’on peut assigner les limites de la somme des termes qui les complètent ; il faut donc supposer qu’on emploie les premiers termes seulement de ces suites et trouver les limites entre lesquelles le reste est compris.

Nous appliquerons cette remarque à l’équation


le nombre des termes est pair et représenté par  ; on en déduit que cette équation d'où l’on peut tirer la valeur de , en intégrant par parties. Or, l’intégrale peut être résolue en une série composée d’autant de termes qu’on le voudra, et étant des fonctions de . On peut écrire, par exemple :


équation qui se vérifie d’elle-même par la différentiation.

En désignant par et par , on trouvera

186.

Il s’agit maintenant de connaître les limites entre lesquelles est comprise l’intégrale qui complète la suite. Pour former cette intégrale il faudrait donner à l’arc une infinité de valeurs, depuis 0, terme où l’intégrale commence, jusqu’à qui est la valeur finale de l’arc, déterminer pour chacune des valeurs de celles de la différentielle et celle du facteur et ajouter tous les produits partiels : or le facteur variable est nécessairement une fraction positive ou négative : par conséquent l’intégrale se compose de la somme des valeurs variables de la différentielle multipliées respectivement par des fractions. La valeur totale de cette intégrale est donc moindre que la somme des différentielles prises depuis jusqu’à et elle est plus grande que cette même somme prise négativement : car, dans le premier cas, on remplace le facteur variable par la quantité constante et dans le second cas on remplace ce facteur par or cette somme des différentielles ou ce qui est la même chose, l’intégrale prise depuis est est une certaine fonction de et est la valeur de cette fonction, prise en supposant l’arc nul.

L’intégrale cherchée est donc comprise entre


c’est-à-dire, qu’en représentant par une fraction inconnue positive ou négative, on aura toujours


On parvient ainsi à l’équation


dans laquelle la quantité exprime exactement la somme de tous les derniers termes de la série infinie.

187.

Si l’on eût cherché deux termes seulement, on aurait eu l’équation


Il résulte de là que l’on peut développer la valeur de en autant de termes que l’on voudra, et exprimer exactement le reste de la série ; on trouve ainsi cette suite d’équations :


Le nombre qui entre dans ces équations n’est pas le même pour toutes, et il représente dans chacune une certaine quantité qui est toujours comprise entre et est égal au nombre des termes de la suite


dont la somme est désignée par

188.

On ferait usage de ces équations, si le nombre était donné, et quelque grand que fût ce nombre, on pourrait déterminer aussi exactement qu’on voudrait, la partie variable de la valeur de Si le nombre est infini, comme on le suppose, on considérera la première équation seulement ; et il est manifeste que les deux termes qui suivent la constante, deviennent de plus en plus petits ; en sorte que a dans ce cas pour valeur exacte la constante on détermine cette constante en supposant dans la valeur de et l’on en conclut

Il est facile de voir maintenant que le résultat a nécessairement lieu, si l’arc est moindre que En effet, attribuant à cet arc une valeur déterminée X aussi voisine de qu’on voudra le supposer, on pourra toujours donner à une valeur si grande, que le terme qui complète la série, devienne moindre qu’une quantité quelconque ; mais l’exactitude de cette conclusion est fondée sur ce que le terme n’acquiert point une valeur qui excède toutes les limites possibles, d’où il suit que le même raisonnement ne peut s’appliquer au cas où l’arc n’est pas moindre que

On fera usage de la même analyse pour les séries qui expriment les valeurs de et l’on pourra distinguer par ce moyen les limites entre lesquelles la variable doit être comprise, pour que le résultat du calcul soit exempt de toute incertitude ; au reste, ces mêmes questions seront traitées ailleurs par une méthode l’ondée sur d’autres principes.

189.

L’expression de la loi des températures fixes, dans une lame solide, suppose la connaissance de l’équation


Voici le moyen le plus simple d’obtenir cette équation :

Si la somme de deux arcs équivaut au quart de la circonférence , le produit de leurs tangentes est 1, on a donc en général le signe indique la longueur de l’arc dont la tangente est et l’on connaît depuis long-temps la série qui donne la valeur de cet arc ; on aura donc le résultat suivant :

\nowiki/>


si maintenant on écrit au lieu de dans l’équation et dans l’équation on aura :


la série de l’équation est toujours divergente, et celle de l’équation est toujours convergente ; sa valeur est ou

SECTION IV.

Solution générale.

190.

On peut maintenant former la solution complète de la question que nous nous sommes proposée ; car les coëfficients de l’équation (art. 168) étant déterminés, il ne reste plus qu’à les substituer, et l’on aura :


Cette valeur de satisfait à l’équation elle devient nulle lorsqu’on donne à une valeur égale à ou enfin, elle équivaut à l’unité, toutes les fois que étant nulle, est comprise entre et Ainsi toutes les conditions physiques de la question sont exactement remplies, et il est certain que, si l’on donnait à chaque point de la lame la température que l’équation détermine, et en même temps si l’on entretenait la base A à la température 1, et les arêtes infinies B et C à la température 0, il serait impossible qu’il survînt aucun changement dans le système des températures.

191.

Le second membre de l’équation étant réduit en une série extrêmement convergente, il est toujours facile de déterminer en nombre la température d’un point dont les coordonnées et sont connues. Cette solution donne lieu à diverses conséquences qu’il est nécessaire de remarquer, parce qu’elles appartiennent aussi à la théorie générale.

Si le point dont on considère la température fixe, est très-éloigné de l’origine A, le second membre de l’équation aura pour valeur extrêmement approchée, il se réduit à ce premier terme, si est infinie.

L’équation représente aussi un état du solide qui se conserverait sans aucun changement, s’il était d’abord formé ; il en serait de même de l’état exprimé par l’équation et en général chaque terme de la série correspond à un état particulier qui jouit de la même propriété. Tous ces systèmes partiels existent à-la-fois dans celui que représente l’équation ils se superposent, et le mouvement de la chaleur a lieu pour chacun d’eux de la même manière que s’il était seul. Dans l’état qui répond à l’un quelconque de ces termes, les températures fixes des points de la base A diffèrent d’un point à un autre, et c’est la seule condition de la question qui ne soit pas remplie ; mais l’état général qui résulte de la somme de tous les termes satisfait à cette même condition.

À mesure que le point dont on considère la température est plus éloigné de l’origine, le mouvement de la chaleur est moins composé : car, si la distance a une valeur assez grande, chaque terme de la série est fort petit, par rapport au précédent, de sorte que l’état de la lame échauffée est sensiblement représenté par les trois premiers termes, ou par les deux premiers, ou par le premier seulement, pour les parties de cette lame qui sont de plus en plus éloignées de l’origine.

La surface courbe, dont l’ordonnée verticale mesure la température fixe se forme en ajoutant les ordonnées d’une multitude de surfaces particulières, qui ont pour équations


La première de celles-ci se confond avec la surface générale, lorsque est infinie, et elles ont une nappe asymptotique commune.

Si la différence de leurs ordonnées est considérée comme l’ordonnée d’une surface courbe, cette surface se confondra lorsque est infinie, avec celle dont l’équation est Tous les autres termes de la série donnent une conclusion semblable.

On trouverait encore les mêmes résultats si la section, à l’origine, au lieu d’être terminée comme dans l’hypothèse actuelle par une droite parallèle à l’axe des avait une figure quelconque formée de deux parties symétriques. On voit donc que les valeurs particulières


prennent leur origine dans la question physique elle-même, et ont une relation nécessaire avec les phénomènes de la chaleur. Chacun d’eux exprime un mode simple suivant le quel la chaleur s’établit et se propage dans une lame rectangulaire, dont les côtés infinis conservent une température constante. Le système général des températures se compose toujours d’une multitude de systèmes simples, et l’expression de leur somme n’a d’arbitraire que les coëfficients etc.

192.

On peut employer l’équation pour déterminer toutes les circonstances du mouvement permanent de la chaleur dans une lame rectangulaire échauffée à son origine. Si l’on demande, par exemple, quelle est la dépense de la source de chaleur, c’est-à-dire, quelle est la quantité qui, pendant un temps donné, pénètre à travers la base A et remplace celle qui s’écoule dans les masses froides B et C ; il faut considérer que le flux perpendiculaire à l’axe des a pour expression la quantité qui, pendant l’instant s’écoule à travers une particule de l’axe, est donc


et, comme les températures sont permanentes, le produit du flux, pendant l’unité de temps, est On intégrera cette expression entre les limites et afin de connaître la quantité totale qui traverse la base, ou, ce qui est la même chose, on intégrera depuis jusqu’à et l’on prendra le double de la somme. La quantité est une fonction de et dans laquelle on doit faire afin que le calcul se rapporte à la base A, qui coïncide avec l’axe des La dépense de la source de chaleur a donc pour expression L’intégrale doit être prise depuis jusqu’à si dans la fonction on ne suppose point mais l’intégrale sera une fonction de qui fera connaître combien il s’écoule de chaleur pendant l’unité de temps à travers une arête transversale placée à la distance de l’origine.

193.

Si l’on veut connaître la quantité de chaleur qui, pendant l’unité de temps, pénètre au-delà d’une ligne tracée sur la lame parallèlement aux arêtes B et C, on se servira de l’expression et, la multipliant par l’élément delà ligne tracée, on intégrera par rapport à entre les termes donnés de la ligne ; ainsi l’intégrale fera connaître combien il s’écoule de chaleur à travers toute l’étendue de la ligne ; et si avant ou après l’intégration on fait , on connaîtra la quantité de chaleur qui, pendant l’unité de temps, sort de la lame en traversant l’arête infinie C. On pourra ensuite comparer cette dernière quantité à la dépense de la source de chaleur ; car il est nécessaire que le foyer supplée continuellement la chaleur qui s’écoule dans les masses B et C. Si cette compensation n’avait pas lieu à chaque instant, le système des températures serait variable.

194.

L’équation donne


multipliant par intégrant depuis on a


Si l’on fait et si l’on double l’intégrale, on trouvera :


pour l’expression de la quantité de chaleur qui, pendant l’unité de temps, traverse une ligne parallèle à la base et dont la distance à cette base est

On déduit aussi de l’équation


donc l’intégrale prise depuis est


Si l’on retranche cette quantité de la valeur qu’elle prend lorsqu’on y fait infinie, on trouvera :


et, en faisant on aura l’expression de la quantité totale de chaleur qui traverse l’arête infinie C, depuis le point dont la distance à l’origine est jusqu’à l’extrémité de la lame : cette quantité est


on voit qu’elle équivaut à la moitié de celle qui pénètre pendant le même temps au-delà de la ligne transversale tracée sur la lame à la distance de l’origine. Nous avons déjà remarqué que ce résultat est une conséquence nécessaire des conditions de la question ; s’il n’avait pas lieu, la partie de la lame qui est placée au-delà de la ligne transversale et se prolonge à l’infini, ne recevrait point par ses bases une quantité de chaleur égale à celle qu’elle perd par ses deux arêtes, elle ne pourrait donc point conserver son état, ce qui est contraire à l’hypothèse.

195.

Quant à la dépense de la source de chaleur, on la trouve en supposant dans l’expression précédente ; elle acquiert par-là une valeur infinie, et l’on en connaîtra la raison si l’on remarque que, d’après l’hypothèse, tous les points de la ligne A ont et conservent la température 1 ; les lignes parallèles qui sont très-voisines de cette base ont aussi une température extrêmement peu différente de l’unité ; donc les extrémités de toutes ces lignes qui sont contiguës aux masses froides B et C leur communiquent une quantité de chaleur incomparablement plus grande que si le décroissement de la température était continu et insensible. Il existe dans cette première partie de la lame, aux extrémités voisines de B ou de C, une cataracte de chaleur ou un flux infini. Ce résultat cesse d’avoir lieu lorsque la distance reçoit une valeur appréciable.

196.

On a désigné par la longueur de la base. Si on lui attribue une valeur quelconque il faudra écrire, au lieu de et multipliant aussi les valeurs de par on écrira au lieu de Désignant par la température constante de la base, on remplacera par Ces substitutions étant faites dans l’équation on a


Cette équation représente exactement le système des températures permanentes dans un prisme rectangulaire infini, compris entre deux masses de glace B et C, et une source de chaleur constante.

197.

Il est facile de voir, soit au moyen de cette équation, soit d’après l’art. 171, que la chaleur se propage dans ce solide, en s’éloignant de plus en plus de l’origine, en même temps qu’elle se dirige vers les faces infinies B et C. Chaque section parallèle à celle de la base est traversée par une onde de chaleur qui se renouvelle à chaque instant, et conserve la même intensité : cette intensité est d’autant moindre, que la section est plus distante de l’origine. Il s’opère un mouvement semblable, par rapport à un plan quelconque parallèle aux faces infinies ; chacun de ces plans est traversé par une onde constante qui porte sa chaleur aux masses latérales.

Nous aurions regardé comme inutiles les développements contenus dans les articles précédents, si nous n’avions point à exposer une théorie entièrement nouvelle, dont il est nécessaire de fixer les principes. C’est dans cette même vue que nous ajouterons les remarques suivantes.

198.

Chacun des termes de l’équation correspond à un seul système particulier de températures, qui pourrait subsister dans une lame rectangulaire échauffée par son extrémité, et dont les arêtes infinies sont retenues à une température constante. Ainsi l’équation représente les températures permanentes, lorsque les points de la base A sont assujétis à une température fixe, désignée par . On peut concevoir maintenant que la lame échauffée fait partie du plan qui se prolonge à l’infini dans tous les sens, et en désignant par et les coordonnées d’un point quelconque de ce plan, et par , la température du même point, on appliquera au plan tout entier l’équation  ; par ce moyen, les arêtes B et C auront la température constante 0 ; mais il n’en sera pas de même des parties contiguës BB et CC ; elles recevront et conserveront une température moindre. La base A aura dans tous ses points la température permanente, désignée par , et les parties contiguës AA auront une température plus élevée.

Si l’on construit la surface courbe dont l’ordonnée verticale équivaut à la température permanente de chaque point du plan, et si on le coupe par un plan vertical passant par la ligne A, ou parallèle à cette ligne, la figure de la section sera celle d’une ligne trigonométrique dont l’ordonnée représente la suite infinie et périodique des cosinus. Si l’on coupe cette même surface courbe par un plan vertical parallèle à l’axe des , la figure de la section sera dans toute son étendue celle d’une courbe logarithmique.

199.

On voit par-là de quelle manière le calcul satisfait aux deux conditions de l’hypothèse, qui assujétissent la ligne à une température égale à , et les deux côtés B et C à la température 0. Lorsqu’on exprime ces deux conditions, on résout en effet la question suivante : Si la lame échauffée faisait partie d’un plan infini, quelles devraient être les températures de tous les points de ce plan, pour que le système fût de lui-même permanent, et que les températures fixes des côtés du rectangle infini fussent celles qui sont données par l’hypothèse ?

Nous avons supposé précédemment que des causes extérieures quelconques retenaient les faces du solide rectangulaire infini, l’une à la température 1, et les deux autres à la température 0. On peut se représenter cet effet de différentes manières ; mais l’hypothèse propre au calcul, consiste à regarder le prisme comme une partie d’un solide dont toutes les dimensions sont infinies, et à déterminer les températures de la masse qui l’environne, en sorte que les conditions relatives à la surface soient toujours observées.

200.

Pour connaître le système des températures permanentes dans une lame rectangulaire dont l’extrémité A est entretenue à la température 1, et les deux arêtes infinies à la température 0, on pourrait considérer les changements que subissent les températures, depuis l’état initial qui est donné jusqu’à l’état fixe qui est l’objet de la question. On déterminerait ainsi l’état variable du solide pour toutes les valeurs du temps, et l’on supposerait ensuite cette valeur infinie. La méthode que nous avons suivie est différente, et conduit plus immédiatement à l’expression de l’état final, parce qu’elle est fondée sur une propriété distinctive de cet état. On va prouver maintenant que la question n’admet aucune autre solution que celle que nous avons rapportée. Cette démonstration résulte des propositions suivantes.

201.

Si l’on donne à tous les points d’une lame rectangulaire infinie les températures exprimées par l’équation (\alpha), et si l’on conserve aux deux arêtes B et C la température fixe 0 pendant que l’extrémité A est exposée à une source de chaleur qui retient tous les points de la ligne A à la température fixe 1 ; il ne pourra survenir aucun changement dans l’état du solide. En effet, l’équation étant satisfaite, il est manifeste que la quantité de chaleur qui détermine la température de chaque molécule ne pourra être ni augmentée ni diminuée.

Supposons les différents points du même solide ayant reçu les températures exprimées par l’équation (\alpha) ou qu’au lieu de retenir l’arête A à la température 1, on lui donne ainsi qu’aux deux lignes B et C la température fixe 0 ; la chaleur contenue dans la lame BAC s’écoulera à travers les trois arêtes A,B,C, et d’après l’hypothèse elle ne sera point remplacée, en sorte que les températures diminueront continuellement, et que leur valeur finale et commune sera zéro. Cette conséquence est évidente parce que les points infiniment éloignés de l’origine A ont une température infiniment petite d’après la manière dont l’équation a été formée.

Le même effet aurait lieu en sens opposé, si le système des températures était au lieu d’être c’est-à-dire que toutes les températures initiales négatives varieraient continuellement, et tendraient de plus en plus vers leur valeur finale 0, pendant que les trois arêtes A,B,C conserveraient la température 0.

202.

Soit une équation donnée qui exprime la température initiale des points de la lame BAC, dont la base A est retenue à la température 1, pendant que les arêtes B et C conservent la température 0.

Soit une autre équation donnée qui exprime la température initiale de chaque point d’une lame solide BAC parfaitement égale à la précédente, mais dont les trois arêtes B, A, C sont retenues à la température 0.

Supposons que dans le premier solide l’état variable qui succède à l’état initial soit déterminé par l’équation


désignant le temps écoulé, et que l’équation détermine l’état variable du second solide, pour lequel les températures initiales sont

Enfin, supposons un troisième solide égal à chacun des deux précédents ; soit l’équation qui représente son état initial, et soient 1 la température constante de la base A, 0 et 0 celles des deux arêtes B et C.

On va démontrer que l’état variable du troisième solide sera déterminé par l’équation

En effet, la température d’un point m du troisième solide varie, parce que cette molécule, dont M désignera le volume, acquiert ou perd une certaine quantité de chaleur L’accroissement de la température pendant l’instant


le coëfficient désignant la capacité spécifique rapportée au volume. La variation de la température du même point, dans le premier solide, sera et elle sera dans le second, les lettres et représentant la quantité de chaleur positive ou négative que la molécule acquiert en vertu de l’action de toutes les molécules voisines. Or il est facile de reconnaître que équivaut à Pour s’en convaincre il suffit de considérer la quantité de chaleur que le point in reçoit d’un autre point m’ appartenant à l’intérieur de la lame, ou aux arêtes qui la limitent.

Le point m, dont la température initiale est désignée par transmettra, pendant l’instant à la molécule m, une quantité de chaleur exprimée par le facteur représentant une certaine fonction de la distance des deux molécules. Ainsi la quantité totale de chaleur acquise par m sera le signe exprimant la somme de tous les termes que l’on trouverait en considérant les autres points etc. qui agissent sur m ; c’est-à-dire, en mettant ou ou ainsi de suite, à la place de On trouvera de même pour l’expression de la quantité totale de chaleur acquise par le même point m du second solide ; et le facteur est le même que dans le terme puisque les deux solides sont formés de la même matière, et que la situation des points est la même ; on a donc


On trouvera par la même raison

donc et Il suit de là que chaque

molécule m du troisième solide acquerra, pendant l’instant un accroissement de température égal à la somme des deux accroissements qui auront lieu pour le même point dans les deux premiers solides. Donc à la fin du premier instant, l’hypothèse primitive subsistera encore, puisqu’une molécule quelconque du troisième solide aura une température égale à la somme de celles qu’elle a dans les deux autres. Donc cette même relation aura lieu au commencement de chaque instant, c’est-à-dire que l’état variable du troisième solide sera toujours représenté par l’équation

203.

La proposition précédente s’applique à toutes les questions relatives au mouvement uniforme ou varié de la chaleur. Elle fait voir que ce mouvement peut toujours être décomposé en plusieurs autres dont chacun s’accomplit séparément comme s’il avait lieu seul. Cette superposition des effets simples, est un des éléments fondamentaux de la théorie de la chaleur. Elle est exprimée dans le calcul, par la nature même des équations générales, et tire son origine du principe de la communication de la chaleur.

Soit maintenant l’équation qui exprime l’état permanent de la lame solide BAC, échauffée par son extrémité A, et dont les arêtes B et C conservent la température 1 ; l’état initial de cette lame est tel, d’après l’hypothèse, que tous ses points ont une température nulle, excepté ceux de la base A, dont la température est 1. Cet état initial pourra donc être considéré comme formé de deux autres, savoir : un premier, pour lequel les températures initiales seraient les trois arêtes étant maintenues à la température 0, et un second état, pour lequel les températures initiales sont les deux arêtes B et C conservant la température 0, et la base A la température 1 ; la superposition de ces deux états produit l’état initial qui résulte de l’hypothèse. Il ne reste donc qu’à examiner le mouvement de la chaleur dans chacun des deux états partiels. Or, pour le second, le système des températures ne peut subir aucun changement ; et pour le premier, il a été remarqué dans l’article 201 que les températures varient continuellement, et finissent toutes par être nulles. Donc l’état final, proprement dit, est celui que représente l’équation ou

Si cet état était formé d’abord, il subsisterait de lui-même, et c’est cette propriété qui nous a servi à le déterminer. Si l’on suppose la lame solide dans un autre état initial, la différence entre ce dernier état et l’état fixe forme un état partiel, qui disparaît insensiblement. Après un temps considérable, cette différence est presque évanouie, et le système des températures fixes n’a subi aucun changement. C’est ainsi que les températures variables convergent de plus en plus vers un état final, indépendant de réchauffement primitif.

204.

On reconnaît par-là que cet état final est unique ; car, si l’on en concevait un second, la différence entre le second et le premier formerait un état partiel, qui devrait subsister de lui-même, quoique les arêtes A, B, C fussent entretenues à la température 0. Or ce dernier effet ne peut avoir lieu : il n’en serait pas de même si l’on supposait une autre source de chaleur indépendamment de celle qui s’écoule à l’origine A : au reste cette hypothèse n’est point celle de la question que nous avons traitée, et pour laquelle les températures initiales sont nulles. Il est manifeste que les parties très-éloignées de l’origine ne peuvent acquérir qu’une température extrêmement petite.

Puisque l’état final qu’il fallait déterminer est unique, il s’ensuit que la question proposée n’admet aucune autre solution que celle qui résulte de l’équation On peut donner une autre forme à ce même résultat, mais on ne peut ni étendre, ni restreindre la solution, sans la rendre inexacte.

La méthode que nous avons exposée dans ce chapitre, consiste à former d’abord des valeurs particulières très-simples, qui conviennent à la question, et à rendre la solution plus générale, jusqu’à ce que la fonction ou satisfasse à trois conditions, savoir :


Il est visible que l’on pourrait suivre une marche contraire, et la solution que l’on obtiendrait serait nécessairement la même que la précédente. Nous ne nous arrêterons point à ces détails, qu’il est facile de suppléer, dès qu’une fois la solution est connue. Nous donnerons seulement dans la section suivante une expression remarquable de la fonction dont la valeur est développée en série convergente dans l’équation

SECTION V.

Expression finie du résultat de la solution.

205.

On pourrait déduire la solution précédente de l’intégrale de l’équation qui contient des quantités imaginaires, sous le signe des fonctions arbitraires. Nous nous bornerons ici à faire remarquer que cette intégrale


a une relation manifeste avec la valeur de donné par l’équation


En effet, en remplaçant les cosinus par leurs expressions imaginaires, on a


La première série est une fonction de et la seconde est la même fonction de

En comparant ces séries au développement connu de l’arc en fonction de sa tangente, on voit sur-le-champ que la première est , et que la seconde est ainsi l’équation prend cette forme finie,


C’est de cette manière qu’elle rentre dans l’intégrale générale


la fonction est et il en est de même de la fonction

Si dans l’équation (B) on désigne le premier terme du second membre par et le second par on aura



on en déduit l’équation


C’est la forme la plus simple sur laquelle on puisse présenter la solution de la question.

206.

Cette valeur de ou satisfait aux conditions relatives aux extrémités du solide qui sont et  ; elle satisfait aussi à l’équation générale puisque l’équation est une transformée de l’équation (B). Donc elle représente exactement le système des températures permanentes ; et comme ce dernier état est unique, il est impossible qu’il y ait aucune autre solution, ou plus générale ou plus restreinte.

L’équation fournit, au moyen des tables, la valeur de l’une des trois indéterminées lorsque les deux autres sont données ; elle fait connaître très-clairement la nature de la surface qui a pour ordonnée verticale la température permanente d’un point donné de la lame solide. Enfin on déduit de cette même équation les valeurs des coëfficients différentiels et qui mesurent la vitesse avec laquelle la chaleur s’écoule dans les deux directions orthogonales ; et l’on connaîtra par conséquent la valeur du flux dans toute autre direction.

Ces coëfficients sont exprimés ainsi