Théâtre de campagne/La Plainte ridicule

Théâtre de campagneRuaulttome IV (p. 349-378).

LA
PLAINTE
RIDICULE,
COMÉDIE
En un Acte & en Prose.

PERSONNAGES.

Mde D’ERSON, Veuve.
M. D’ERSON, Fils de Madame d’Erson.
M. DU ROCHER.
LE COMMISSAIRE.
LE NOIR, Clerc du Commissaire, Bredouilleur.

La Scène est chez le Commissaire.


Scène PREMIÈRE.

LE COMMISSAIRE, LE NOIR.
Le Noir, écrivant.

Monsieur le Commissaire, serez-vous long-tems ?

Le Commissaire.

Long-tems, long-tems ; je serai le tems qu’il me faudra. Pourquoi ?

Le Noir.

C’est que Madame d’Erson à envoyé savoir à quelle heure elle pourroit vous voir.

Le Commissaire.

Madame d’Erson ? Quoi, cette vieille folle qui demeure ici près ?

Le Noir.

Oui, Monsieur ; elle veut vous parler.

Le Commissaire.

Ah ! qu’elle s’aille promener. Vous ne la connoissez pas, vous ?

Le Noir.

Non, Monsieur.

Le Commissaire.

Elle m’a ennuyé pendant trois ans de ses Amans, elle croit que tout le monde est amoureux d’elle ; enfin, c’étoit tous les jours des plaintes qui m’impatientoient. J’ai voulu lui dire que je ne l’écouterois plus, elle m’a voulu soutenir que je l’aimois, & que j’étois jaloux de tous ceux qui alloient chez elle. Si elle va recommencer, nous ne finirons pas.

Le Noir.

Et, payoit-elle ses plaintes ?

Le Commissaire.

Presque jamais.

Le Noir.

Laissez-moi lui parler, je la ferai payer cher, pourvû que vous l’écoutiez quelquefois.

Le Commissaire.

À la bonne-heure.

Le Noir.

Ce sera toujours autant de gagné.

Le Commissaire.

À propos de gagner, finissons l’expédition du scellé de cet inventaire.

Le Noir.

Vous serez content ; j’ai inventé des abrégés pour certains articles, dont chaque mot tient une ligne.

Le Commissaire.

Oui, mais…

Le Noir.

Cela ne paroît pas.

Le Commissaire.

Cela est fort bien ; à mon retour vous me montrerez.

Le Noir.

Vous verrez que vous serez content.


Scène II.

Mde D’ERSON, LE COMMISSAIRE, LE NOIR.
Le Commissaire.

Bon ! vous m’avez arrêté, & vous êtes cause que je ne puis éviter cette diable de folle : c’est justement elle.

Mde d’Erson.

Ah ! Monsieur le Commissaire, je suis bien heureuse de vous trouver…

Le Commissaire.

Moi, je suis très-fâché d’être obligé de sortir, Madame ; mais parlez à mon Clerc.

Mde d’Erson.

À votre Clerc ?

Le Commissaire.

Oui ; je m’en vais.

Mde d’Erson.

Mais votre Clerc est bien jeune, Monsieur le Commissaire ; & rester comme cela en tête à tête… Je reviendrai, je reviendrai ; quand serez-vous ici ?

Le Commissaire.

Mais, Madame…

Mde d’Erson.

Je vous dis que je reviendrai. Ah ? tenez, voilà mon Fils qui vient me chercher.


Scène III.

Mde D’ERSON, M. D’ERSON, LE NOIR.
Mde d’Erson, à M. d’Erson.

Tu m’as vû entrer, n’est-ce pas ?

M. d’Erson.

Ma Mère…

Mde d’Erson.

Tu viens fort à propos. Monsieur le Commissaire vient de sortir.

M. d’Erson.

Oui, je l’ai rencontré.

Mde d’Erson.

Eh bien, il faut que tu attendes qu’il soit de retour, & tu viendras m’avertir. Ne va pas t’en aller.

M. d’Erson.

Non, non, ma Mère, ne soyez pas inquiète.

Mde d’Erson, à Le Noir.

Adieu, Monsieur, je vous reverrai tantôt ; car ceci est sérieux, cela vous donnera de la besogne.


Scène IV.

M. D’ERSON, LE NOIR.
M. d’Erson.

Est-ce que ma Mère n’a pas parlé à Monsieur le Commissaire ?

Le Noir.

Non, Monsieur, il n’avoit pas le tems de l’écouter.

M. d’Erson.

Je m’en vais vous dire quel est l’objet de sa plainte, & ce que je crains.

Le Noir.

Asseyez-vous donc, Monsieur.

M. d’Erson.

Nous avons pour voisin Monsieur Du Rocher, qui a une Fille charmante ! je voudrois bien l’épouser, mais comme elle n’est pas assez riche, ma Mère n’y voudra jamais consentir, & elle pourroit me déshériter si je me passois de son consentement. Mademoiselle Du Rocher aime passionnément la Musique, & fort souvent, avec d’excellens Musiciens, je lui donne la nuit de petits concerts sous ses fenêtres. Mais ma Mère que ces Concerts importunent veut s’en plaindre ; elle m’a dit qu’elle savoit d’où cela venoit, je souhaite fort qu’elle se trompe ; car si elle croyoit que j’eusse de l’amour pour Mademoiselle Du Rocher, nous serions perdus & je ne pourrois plus la voir, & cependant je ne peux ni ne veux jamais cesser de l’aimer. Ce qui m’importe le plus de savoir, c’est si les soupçons de ma Mère tombent sur moi au sujet de cette Musique.

Le Noir.

Mais elle n’a pas été fâchée de vous trouver ici, & il est vraisemblable que ce n’est pas contre vous qu’elle voudroit faire une plainte.

M. d’Erson.

Il ne me le paroît pas non plus ; cependant elle a dit qu’elle savoit qui c’étoit ; je voudrois savoir quelles sont ses idées là-dessus.

Le Noir.

Nous verrons la plainte qu’elle fera.

M. d’Erson.

Peut-être qu’elle ne voudra pas parler devant moi.

Le Noir.

Nous vous montrerons la plainte.

M. d’Erson.

Vous me la montrerez ?

Le Noir.

Oui, pas Monsieur le Commissaire ; mais moi, en payant s’entend.

M. d’Erson.

Cela est juste, & si vous voulez d’avance…

Le Noir.

Non, non, Monsieur. Pour qui me prenez-vous ?

M. d’Erson.

Je vous demande bien pardon.

Le Noir.

Au reste ce qui est fait n’est pas à faire.

M. d’Erson.

Volontiers. Il lui donne de l’argent.

Le Noir.

J’entends quelqu’un.

M. d’Erson.

C’est ma Mère.

Le Noir.

Eh bien, je vais lui parler. Sortez par cette porte-là.


Scène V.

Mde D’ERSON, LE NOIR.
Mde d’Erson.

Monsieur le Commissaire n’est pas encore revenu ?

Le Noir.

Non, Madame.

Mde d’Erson.

Où est donc mon Fils ?

Le Noir.

Il n’est pas loin, Madame.

Mde d’Erson.

C’est que j’ai pensé que j’aurois pu vous parler devant lui, pour éviter d’être seule avec vous.

Le Noir.

Oh ! Madame, ne craignez rien de ma part.

Mde d’Erson.

Je me défie toujours des hommes, ce sont des trompeurs, qui cherchent sans cesse à abuser notre sexe. Allons, je veux bien me fier à vous.

Le Noir.

Vous le pouvez en assurance ; je crains l’amour autant que vous, Madame.

Mde d’Erson.

C’est que les Amans me persécutent à un point !… Et, tenez, c’est-là le sujet de ma plainte.

Le Noir.

Comment donc ? Les Amans vous persécutent, Madame ? Mais cela est affreux !

Mde d’Erson.

Je vous dis, il faut que Monsieur le Commissaire me délivre absolument de celui-ci.

Le Noir.

Dites qui c’est, exposez, s’il vous plaît, quels sont ces griefs, je vais les écrire. Il écrit.

Mde d’Erson.

Monsieur, imaginez-vous, que tous les soirs, on me donne des sérénades, qui mettent mon ame dans un état de langueur… Enfin, quand j’ai entendu cette musique-là, je ne peux pas dormir de la nuit.

Le Noir.

Mais êtes-vous bien sûre, Madame, que ce soit pour vous ?

Mde d’Erson.

Si j’en suis sûre ? Et pour qui donc voulez-vous que ce soit ?

Le Noir.

Je ne sais pas, Madame.

Mde d’Erson.

Qui croyez-vous qui le mérite autant ?

Le Noir.

Mais si vous trouvez que ce soit une justice, vous ne devez pas vous en plaindre.

Mde d’Erson.

Comment, Monsieur, on tourmentera mon cœur toute la nuit, & ma vertu ne cherchera pas à se venger ?

Le Noir.

Votre vertu, Madame, n’est point attaquée par une sérénade ; c’est une galanterie tout au plus.

Mde d’Erson.

Mais, Monsieur, une galanterie d’un Amant : on juge toujours bien quel en est l’objet, le but, & il n’y a que trop de quoi voir que la pudeur doit s’en alarmer ; l’amour est toujours suivi des desirs, & Monsieur, vous savez ce que c’est que les désirs ? en vérité, je ne saurois m’empêcher de rougir en prononçant ce mot-là.

Le Noir.

Ah ! Madame, il ne faut pas vous contraindre avec moi ; c’est une plainte que vous faites.

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur, & bien vive assurément !

Le Noir.

Et qui soupçonnez-vous, Madame, de cet outrage fait à votre vertu ?

Mde d’Erson.

Ah ! Monsieur, un homme qui est amoureux de moi, depuis mon enfance, depuis près de trente ans.

Le Noir.

Cette constance-là mériteroit bien d’être récompensée.

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur, si j’étois encore Fille, à la bonne heure ; mais on doit respecter une Veuve ; le veuvage est un terrible état, Monsieur !

Le Noir.

Je conviens que dans les premier jours…

Mde d’Erson.

Ah ! Monsieur, toujours, toujours ! & l’on vient tourmenter mon ame, essayer d’attendrir mon cœur ! me croit-on insensible ?…

Le Noir.

Eh bien, nommez celui que vous croyez qui vous outrage.

Mde d’Erson.

Quoi, je ne vous l’ai pas nommé, & vous ne reconnoissez pas-là Monsieur Du Rocher, mon plus proche voisin ?

Le Noir.

Vous croyez que Monsieur Du Rocher vous aime ?

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur.

Le Noir.

Mais, c’est un homme farouche, dur…

Mde d’Erson.

Eh ! voilà ce qui vous trompe comme tout le monde. Mes rigueurs semblent avoir abruti son ame ; mais c’est l’homme du monde le plus tendre.

Le Noir.

Et vous croyez que c’est lui qui vous donne des concerts, des sérénades ?

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur, & je voudrois que Monsieur le Commissaire lui imposât silence.

Le Noir.

Je vais envoyer chercher Monsieur Du Rocher, nous verrons ce qu’il dira. Il va donner le Billet à porter.

Mde d’Erson.

Je veux rester, pour voir comme il se défendra.

Le Noir.

Et vous ferez bien. On dit qu’il a une Fille fort jolie.

Mde d’Erson.

Si vous le voulez ; c’est une physionomie qui ne dit rien. De mon tems on étoit autrement que cela ; & je crois qu’en me regardant, vous devez trouver bien de la différence de Mademoiselle Du Rocher, à moi.

Le Noir.

Oh ! sûrement. Ah ! voilà Monsieur le Commissaire.


Scène VI.

Mde D’ERSON, LE COMMISSAIRE, LE NOIR.
Mde d’Erson.

Monsieur, enfin vous voilà.

Le Commissaire.

Oui, Madame ; avez-vous parlé à mon Clerc ?

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur ; &…

Le Noir.

Voilà la plainte que j’ai dressée.

Le Commissaire.

Je vais la lire. Il lit.

Mde d’Erson.

Mais, Monsieur le Commissaire, si vous vouliez m’entendre…

Le Commissaire.

Un moment, s’il vous plaît.

Mde d’Erson.

Ce que je vous dirois, vous feroit bien plus d’effet, vous sentiriez bien mieux mes raisons.

Le Commissaire, lisant.

Tout-à-l’heure.

Mde d’Erson.

Vous verriez combien il est douloureux pour une femme honnête & sensible…

Le Commissaire, lisant.

Attendez-donc.

Mde d’Erson.

Et j’espère que vous me rendriez justice, que…

Le Commissaire, lisant.

Oui, oui.

Mde d’Erson.

Vous seriez convaincu qu’il est bien douloureux pour une pauvre Veuve…

Le Commissaire, lisant.

Cela est bon. Il faut envoyer chercher celui contre lequel vous vous plaignez.

Le Noir.

Je viens d’y envoyer.

Le Commissaire, lisant.

Nous verrons ce qu’il dira.

Le Noir.

Le voici, Monsieur Du Rocher.


Scène VII.

M. DU ROCHER, Mde D’ERSON, LE COMMISSAIRE, LE NOIR.
M. Du Rocher.

Eh bien, Monsieur le Commissaire, vous m’envoyez chercher ? celui-là m’a paru fort extraordinaire ; je ne serois pas venu, si je n’avois pas eu une plainte à vous faire.

Le Commissaire.

Monsieur, j’aurai l’honneur de vous entendre, après que vous aurez répondu aux accusations de Madame d’Erson.

M. Du Rocher.

Madame d’Erson m’accuse ! moi ? Ah ! celui-là est plaisant ! Et de quoi donc, Monsieur ?

Le Commissaire.

De troubler son veuvage par l’amour que vous avez pour elle.

M. Du Rocher.

Moi, j’ai de l’amour pour vous, Madame ? celui ci est neuf !

Mde d’Erson.

Il n’est plus tems de le dissimuler.

M. Du Rocher.

En vérité, Monsieur le Commissaire, c’est une folie.

Mde d’Erson.

Comment, une folie ! Tenez, Monsieur le Commissaire, il y a plus de trente ans que Monsieur Du Rocher est amoureux de moi.

M. Du Rocher.

Vous voyez bien que cela est impossible.

Mde d’Erson.

Impossible ? J’ai de quoi le prouver.

M. Du Rocher.

Je vous en défie.

Mde d’Erson.

Tu m’en défie, perfide ! je vais te confondre. Oui, Monsieur, j’ai de quoi.

Le Commissaire.

Prouvez ce que vous avancez, Madame.

Mde d’Erson, tirant un papier.

Vous allez voir, Monsieur, vous allez voir. Voici une Chanson qu’il a faite pour moi, il y a plus de trente ans.

M. Du Rocher.

Moi ?

Mde d’Erson.

Oui, oui. Ne m’interromps pas, séducteur. Elle chante.

Air : Pour la Baronne, &c.

Éléonore,
Depuis long-tems charme mon cœur ;
Quel objet faut-il que j’adore,
Si je ne deviens le vainqueur
D’Éléonore.

Vous voyez,

Depuis long-tems charme mon cœur.

M. Du Rocher.

Cette chanson n’est pas de moi.

Mde d’Erson.

Ce n’est pas-là ton écriture, imposteur ?

M. Du Rocher.

Cela ne prouve rien.

Mde d’Erson.

Cela ne prouve rien ?

Le Commissaire.

Madame, dites les autres sujets de plaintes que vous avez, ou plutôt on va les lire.

Mde d’Erson.

Non, non, laissez-moi parler. Qu’est-ce que c’est que ces concerts que tu me donnes depuis un mois toutes les nuits ?

M. Du Rocher.

Moi, vous donner des concerts ?

Mde d’Erson.

Oui, toi ; tu cherches à attendrir mon cœur, tu veux le rendre sensible, je n’ai plus de repos ni le jour ni la nuit. J’y pense sans cesse, malgré moi ; non, non, je ne veux plus t’entendre.

M. Du Rocher.

Eh bien, Madame, entendez du moins ceci : je ne vous ai jamais aimée, & je ne vous aimerai jamais.

Mde d’Erson.

Vous l’entendez, Monsieur le Commissaire, il est outré de ce que je dévoile sa passion à vos yeux…

M. Du Rocher.

Non, Madame ; mais j’ai à me plaindre réellement moi, au sujet de ces sérénades, je sais qui les donne.

Mde d’Erson.

Je le crois bien, monstre !

M. Du Rocher.

Et mon honneur, celui de ma Fille, sont attaqués par cette imprudence. C’est de quoi je viens demander ici raison.

Le Commissaire.

Il est question d’honneur attaquée ? Ceci devient sérieux, Monsieur, parlez, je vous ferai justice.

M. Du Rocher.

Ceci n’est point des visions ; c’est le Fils de Madame, qui donne ces sérénades à ma Fille ; le Public est instruit par-là de son amour, il me faut une réparation.

Le Commissaire.

Le voici, il répondra lui-même à cette accusation.


Scène DERNIÈRE.

Mde D’ERSON, M. D’ERSON, M. DU ROCHER, LE COMMISSAIRE, LE NOIR.
Le Commissaire.

Monsieur d’Erson, ne convenez-vous pas que c’est vous qui donnez tous les soirs des sérénades a Mademoiselle Du Rocher ?

Mde d’Erson.

Eh non, Monsieur ; c’est un conte que vous a fait Monsieur, n’est-il pas vrai, mon Fils ?

M. d’Erson.

Ma Mère… Au Commissaire & à son Clerc. Messieurs, soyez sûrs…

Le Commissaire.

N’appréhendez rien, Monsieur, & convenez que vous aimez Mademoiselle Du Rocher.

Mde d’Erson.

Quoi, mon Fils aimeroit la Fille de mon persécuteur ?

M. Du Rocher.

Allons, vous rêvez, Madame, avec vos persécutions.

Le Commissaire.

L’éclat est fait, il faut tout réparer.

Mde d’Erson.

Oui, Monsieur Du Rocher sera puni, voilà ce que je demande.

M. d’Erson.

De quoi donc, ma Mère ?

Mde d’Erson.

Vous allez voir, vous allez voir.

Le Commissaire.

Non, Madame, au contraire, c’est Monsieur votre Fils qui doit être contraint à épouser Mademoiselle Du Rocher.

M. Du Rocher.

Fort bien.

Mde d’Erson.

Je n’y consentirai jamais.

Le Commissaire.

Vous consentirez donc à aller en prison.

Mde d’Erson.

Moi, en prison ? Une femme comme moi ?

Le Commissaire.

Oui, Madame, & sans tarder.

Mde d’Erson.

Perfide Commissaire ! perfide voisin ! quoi ce sont des gens qui m’ont aimée, qui m’accusent & qui me condamnent ! voilà donc ce que produit l’amour jaloux !

Le Commissaire.

Eh, Madame, ne pensez point à l’amour, & consentez à ce qu’on vous demande.

M. d’Erson.

Ma Mère…

Mde d’Erson.

Que Monsieur Du Rocher convienne du moins qu’il m’aime.

M. Du Rocher.

Moi, Madame !

Mde d’Erson.

Oui, sans quoi mon Fils n’épousera jamais ta Fille.

M. Du Rocher.

Mais, Madame, je ne peux pas convenir d’un amour qui n’a jamais existé.

M. d’Erson.

Eh, Monsieur, que vous importe ?

Mde d’Erson.

Eh bien, s’il en veut faire toujours mystère, au moins qu’il consente à m’épouser.

Le Commissaire.

Pourrez-vous refuser, Monsieur Du Rocher ?

M. d’Erson.

Vous ferez le bonheur de Mademoiselle votre Fille & le mien.

Le Commissaire.

Finissez cela.

M. Du Rocher.

Je veux bien consentir à épouser Madame d’Erson ; mais je ne consentirai point à dire que je l’ai jamais aimée. Si cela peut lui convenir…

Mde d’Erson.

Il le faut bien ; va, ta bouche dément ton cœur ; mais je n’en suis pas moins contente.

Le Commissaire.

Je suis bien aise de vous voir tous d’accord.

M. d’Erson, au Commissaire & à Le Noir.

Je vous reverrai, Messieurs. Je brûle de porter cette nouvelle à Mademoiselle Du Rocher.

M. Du Rocher.

Eh bien, venez tous les deux chez moi.

Mde d’Erson.

Oui, nous ferons le contrat tout de suite.

FIN.