Traduction par Louis Viardot.
Hachette (p. 39-53).

Il y avait déjà plus d’une semaine que Tarass Boulba habitait la setch avec ses fils. Ostap et Andry s’occupaient peu d’études militaires, car la setch n’aimait pas à perdre le temps en vains exercices ; la jeunesse faisait son apprentissage dans la guerre même, qui, pour cette raison, se renouvelait sans cesse. Les Cosaques trouvaient tout à fait oiseux de remplir par quelques études les rares intervalles de trêve ; ils aimaient tirer au blanc, galoper dans les steppes et chasser à courre. Le reste du temps se donnait à leurs plaisirs, le cabaret et la danse. Toute la setch présentait un aspect singulier ; c’était comme une fête perpétuelle, comme une danse bruyamment commencée et qui n’arriverait jamais à sa fin. Quelques-uns s’occupaient de métiers, d’autres de petit commerce ; mais la plus grande partie se divertissait du matin au soir, tant que la possibilité de le faire résonnait dans leurs poches, et que leur part de butin n’était pas encore tombée dans les mains de leurs camarades ou des cabaretiers. Cette fête continuelle avait quelque chose de magique. La setch n’était pas un ramassis d’ivrognes qui noyaient leurs soucis dans les pots ; c’était une joyeuse bande d’hommes insouciants et vivants dans une folle ivresse de gaieté. Chacun de ceux qui venaient là oubliait tout ce qui l’avait occupé jusqu’alors. On pouvait dire, suivant leur expression, qu’il crachait sur tout son passé, et il s’adonnait avec l’enthousiasme d’un fanatique aux charmes d’une vie de liberté menée en commun avec ses pareils, qui, comme lui, n’avaient plus ni parents, ni famille, ni maisons, rien que l’air libre et l’intarissable gaieté de leur âme. Les différents récits et dialogues qu’on pouvait recueillir de cette foule nonchalamment étendue par terre avaient quelquefois une couleur si énergique et si originale, qu’il fallait avoir tout le flegme extérieur d’un Zaporogue pour ne pas se trahir, même par un petit mouvement de la moustache : caractère qui distingue les Petits-Russiens des autres races slaves. La gaieté était bruyante, quelquefois à l’excès, mais les buveurs n’étaient pas entassés dans un kabak[1] sale et sombre, où l’homme s’abandonne à une ivresse triste et lourde. Là ils formaient comme une réunion de camarades d’école, avec la seule différence que, au lieu d’être assis sous la sotte férule d’un maître, tristement penchés sur des livres, ils faisaient des excursions avec cinq mille chevaux ; au lieu de l’étroite prairie où ils avaient joué au ballon, ils avaient des steppes spacieuses, infinies, où se montrait, dans le lointain, le Tatar agile, ou bien le Turc grave et silencieux sous son large turban. Il y avait encore cette différence que, au lieu de la contrainte qui les rassemblait dans l’école, ils s’étaient volontairement réunis, en abandonnant père, mère, et le toit paternel. On trouvait là des gens qui, après avoir eu la corde autour du cou, et déjà voués à la pâle mort, avaient revu la vie dans toute sa splendeur ; d’autres encore, pour qui un ducat avait été jusque-là une fortune, et dont on aurait pu, grâce aux juifs intendants, retourner les poches sans crainte d’en rien faire tomber. On y rencontrait des étudiants qui, n’ayant pu supporter les verges académiques, s’étaient enfuis de l’école, sans apprendre une lettre de l’alphabet, tandis qu’il y en avait d’autres qui savaient fort bien ce qu’étaient Horace, Cicéron et la République romaine. On y trouvait aussi des officiers polonais qui s’étaient distingués dans les armées du roi, et grand nombre de partisans, convaincus qu’il était indifférent de savoir où et pour qui l’on faisait la guerre, pourvu qu’on la fît, et parce qu’il est indigne d’un gentilhomme de ne pas faire la guerre. Beaucoup enfin venaient à la setch uniquement pour dire qu’ils y avaient été, et qu’ils en étaient revenus chevaliers accomplis. Mais qui n’y avait-il pas ? Cette étrange république répondait à un besoin du temps. Les amateurs de la vie guerrière, des coupes d’or, des riches étoffes, des ducats et des sequins pouvaient, en toute saison, y trouver de la besogne. Il n’y avait que les amateurs du beau sexe qui n’eussent rien à faire là, car aucune femme ne pouvait se montrer, même dans le faubourg de la setch. Ostap et Andry trouvaient très étrange de voir une foule de gens se rendre à la setch, sans que personne leur demandât qui ils étaient, ni d’où ils venaient. Ils y entraient comme s’ils fussent revenus à la maison paternelle, l’ayant quittée une heure avant. Le nouveau venu se présentait au kochévoï[2], et le dialogue suivant s’établissait d’habitude entre eux :

— Bonjour. Crois-tu en Jésus-Christ ?

— J’y crois, répondait l’arrivant.

— Et à la Sainte Trinité ?

— J’y crois de même.

— Vas-tu à l’église ?

— J’y vais.

— Fais le signe de la croix.

L’arrivant le faisait.

— Bien, reprenait le kochévoï, va au kourèn qu’il te plaît de choisir.

À cela se bornait la cérémonie de la réception.

Toute la setch priait dans la même église, prête à la défendre jusqu’à la dernière goutte de sang, bien que ces gens ne voulussent jamais entendre parler de carême et d’abstinence. Il n’y avait que des juifs, des Arméniens et des Tatars qui, séduits par l’appât du gain, se décidaient à faire leur commerce dans le faubourg, parce que les Zaporogues n’aimaient pas à marchander, et payaient chaque objet juste avec l’argent que leur main tirait de la poche. Du reste, le sort de ces commerçants avides était très précaire et très digne de pitié. Il ressemblait à celui des gens qui habitent au pied du Vésuve, car dès que les Zaporogues n’avaient plus d’argent, ils brisaient leurs boutiques et prenaient tout sans rien payer. La setch se composait d’au moins soixante kouréni, qui étaient autant de petites républiques indépendantes, ressemblant aussi à des écoles d’enfants qui n’ont rien à eux, parce qu’on leur fournit tout. Personne, en effet, ne possédait rien ; tout se trouvait dans les mains de l’ataman du kourèn, qu’on avait l’habitude de nommer père (batka). Il gardait l’argent, les habits, les provisions, et jusqu’au bois de chauffage. Souvent un kourèn se prenait de querelle avec un autre. Dans ce cas, la dispute se vidait par un combat à coups de poing, qui ne cessait qu’avec le triomphe d’un parti, et alors commençait une fête générale. Voilà quelle était cette setch qui avait tant de charme pour les jeunes gens. Ostap et Andry se lancèrent avec toute la fougue de leur âge sur cette mer orageuse, et ils eurent bien vite oublié le toit paternel, et le séminaire, et tout ce qui les avait jusqu’alors occupés. Tout leur semblait nouveau, et les mœurs vagabondes de la setch, et les lois fort peu compliquées qui la régissaient, mais qui leur paraissaient encore trop sévères pour une telle république. Si un Cosaque volait quelque misère, c’était compté pour une honte sur toute l’association. On l’attachait, comme un homme déshonoré, à une sorte de colonne infâme, et, près de lui, l’on posait un gros bâton dont chaque passant devait lui donner un coup jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Le débiteur qui ne payait pas était enchaîné à un canon, et il restait à cette attache jusqu’à ce qu’un camarade consentit à payer sa dette pour le délivrer ; mais Andry fut surtout frappé par le terrible supplice qui punissait le meurtrier. On creusait une fosse profonde dans laquelle on couchait le meurtrier vivant, puis on posait sur son corps le cadavre du mort enfermé dans un cercueil, et on les couvrait tous les deux de terre. Longtemps après une exécution de ce genre, Andry fut poursuivi par l’image de ce supplice horrible, et l’homme enterré vivant sous le mort se représentait incessamment à son esprit.

Les deux jeunes Cosaques se firent promptement aimer de leurs camarades. Souvent, avec d’autres membre du même kourèn, ou avec le kourèn tout entier, ou même avec les kouréni voisins, ils s’en allaient dans la steppe à la chasse des innombrables oiseaux sauvages, des cerfs, des chevreuils ; ou bien ils se rendaient sur les bords des lacs et des cours d’eau attribués par le sort à leur kourèn, pour jeter leurs filets et ramasser de nombreuses provisions. Quoique ce ne fût pas précisément la vraie science du Cosaque, ils se distinguaient parmi les autres par leur courage et leur adresse. Ils tiraient bien au blanc, ils traversaient le Dniepr à la nage, exploit pour lequel un jeune apprenti était solennellement reçu dans le cercle des Cosaques. Mais le vieux Tarass leur préparait une autre sphère d’activité. Une vie si oisive ne lui plaisait pas ; il voulait arriver à la véritable affaire. Il ne cessait de réfléchir sur la manière dont on pourrait décider la setch à quelque hardie entreprise, où un chevalier pût se montrer ce qu’il est. Un jour, enfin, il alla trouver le kochévoï, et lui dit sans préambule :

— Eh bien, kochévoï, il serait temps que les Zaporogues allassent un peu se promener.

— Il n’y a pas où se promener, répondit le kochévoï en ôtant de sa bouche une petite pipe, et en crachant de côté.

— Comment, il n’y a pas où ? On peut aller du côté des Turcs, ou du côté des Tatars.

— On ne peut ni du côté des Turcs, ni du côté des Tatars, répondit le kochévoï en remettant, d’un grand sang-froid, sa pipe entre ses dents.

— Mais pourquoi ne peut-on pas ?

— Parce que… nous avons promis la paix au sultan.

— Mais c’est un païen, dit Boulba ; Dieu et la sainte Écriture ordonnent de battre les païens.

— Nous n’en avons pas le droit. Si nous n’avions pas juré sur notre religion, peut-être serait-ce possible. Mais maintenant, non, c’est impossible.

— Comment, impossible ! Voilà que tu dis que nous n’avons pas le droit ; et moi j’ai deux fils, jeunes tous les deux, qui n’ont encore été ni l’un ni l’autre à la guerre. Et voilà que tu dis que nous n’avons pas le droit, et voilà que tu dis qu’il ne faut pas que les Zaporogues aillent à la guerre !

— Non, ça ne convient pas.

— Il faut donc que la force cosaque se perde inutilement ; il faut donc qu’un homme périsse comme un chien sans avoir fait une bonne œuvre, sans s’être rendu utile à son pays et à la chrétienté ? Pourquoi donc vivons-nous ? Pourquoi diable vivons-nous ? Voyons, explique-moi cela. Tu es un homme sensé, ce n’est pas pour rien qu’on t’a fait kochévoï. Dis-moi, pourquoi, pourquoi vivons-nous ?

Le kochévoï fit attendre sa réponse. C’était un Cosaque obstiné. Après s’être tu longtemps, il finit par dire :

— Et cependant, il n’y aura pas de guerre.

— Il n’y aura pas de guerre ? demanda de nouveau Tarass.

— Non.

— Il ne faut plus y penser ?

— Il ne faut plus y penser.

— Attends, se dit Boulba, attends, tête du diable, tu auras de mes nouvelles.

Et il le quitta, bien décidé à se venger.

Après s’être concerté avec quelques-uns de ses amis, il invita tout le monde à boire. Les Cosaques, un peu ivres, s’en allèrent tous sur la place, où se trouvaient, attachées à des poteaux, les timbales qu’on frappait pour réunir le conseil. N’ayant pas trouvé les baguettes que gardait chez lui le timbalier, ils saisirent chacun un bâton, et se mirent à frapper sur les timbales. L’homme aux baguettes arriva le premier ; c’était un gaillard de haute taille, qui n’avait plus qu’un œil, et non fort éveillé.

— Qui ose battre l’appel ? décria-t-il.

— Tais-toi, prends tes baguettes, et frappe quand on te l’ordonne, répondirent les Cosaques avinés.

Le timbalier tira de sa poche ses baguettes qu’il avait prises avec lui, sachant bien comment finissaient d’habitude de pareilles aventures. Les timbales résonnèrent, et bientôt des masses noires de Cosaques se précipitèrent sur la place, pressés comme des frelons dans une ruche. Tous se mirent en rond, et après le troisième roulement des timbales, se montrèrent enfin les chefs, à savoir le kochévoï avec la massue, signe de sa dignité, le juge avec le sceau de l’armée, le greffier avec son écritoire et l’ïésaoul avec son long bâton. Le kockévoï et les autres chefs ôtèrent leurs bonnets pour saluer humblement les Cosaques qui se tenaient fièrement les mains sur les hanches.

— Que signifie cette réunion, et que désirez-vous, seigneurs ? demanda le kochévoï.

Les cris et les imprécations l’empêchèrent de continuer.

— Dépose ta massue, fils du diable ; dépose ta massue, nous ne voulons plus de toi, s’écrièrent des voix nombreuses.

Quelques kouréni, de ceux qui n’avaient pas bu, semblaient être d’un avis contraire. Mais bientôt, ivres ou sobres, tous commencèrent à coups de poing, et la bagarre devint générale.

Le kochévoï avait eu un moment l’intention de parler ; mais, sachant bien que cette foule furieuse et sans frein, pouvait aisément le battre jusqu’à mort, ce qui était souvent arrivé dans des cas pareils, il salua très bas, déposa sa massue, et disparut dans la foule.

— Nous ordonnez-vous, seigneurs, de déposer aussi les insignes de nos charges ? demandèrent le juge, le greffier et l’ïésaoul prêts à laisser à la première injonction le sceau, l’écritoire et le bâton blanc.

— Non, restez, s’écrièrent des voix parties de la foule. Nous ne voulions chasser que le kochévoï, parce qu’il n’est qu’une femme, et qu’il nous faut un homme pour kochévoï.

— Qui choisirez-vous maintenant ? demandèrent les chefs.

— Prenons Koukoubenko, s’écrièrent quelques-uns.

— Nous ne voulons pas de Koukoubenko répondirent les autres. Il est trop jeune ; le lait de sa nourrice ne lui a pas encore séché sur les lèvres.

— Que Chilo soit notre ataman ! s’écrièrent d’autres voix ; faisons de Chilo un kochévoï.

— Un chilo[3] dans vos dos, répondit la foule jurant. Quel Cosaque est-ce, celui qui est parvenu en se faufilant comme un Tatar ? Au diable l’ivrogne Chilo !

— Borodaty ! choisissons Borodaty !

— Nous ne voulons pas de Borodaty ; au diable Borodaty !

— Criez Kirdiaga, chuchota Tarass Boulba à l’oreille de ses affidés.

— Kirdiaga, Kirdiaga ! s’écrièrent-ils.

— Kirdiaga ! Borodaty ! Borodaty ! Kirdiaga ! Chilo ! Au diable Chilo ! Kirdiaga ! »

Les candidats dont les noms étaient ainsi proclamés sortirent tous de la foule, pour ne pas laisser croire qu’ils aidaient par leur influence à leur propre élection.

« Kirdiaga ! Kirdiaga ! » Ce nom retentissait plus fort que les autres. « Borodaty ! » répondait-on. La question fut jugée à coups de poing, et Kirdiaga triompha.

— Amenez Kirdiaga, s’écria-t-on aussitôt.

Une dizaine de Cosaques quittèrent la foule. Plusieurs d’ entre eux étaient tellement ivres, qu’ils pouvaient à peine se tenir sur leurs jambes. Ils se rendirent tous chez Kirdiaga, pour lui annoncer qu’il venait d’être élu. Kirdiaga, vieux Cosaque très madré, était rentré depuis longtemps dans sa hutte, et faisait mine de ne rien savoir de ce qui se passait.

— Que désirez-vous, seigneur ? demanda-t-il.

— Viens ; on t’a fait kochévoï.

— Prenez pitié de moi, seigneurs. Comment est-il possible que je sois digne d’un tel honneur ? Quel kochévoï ferais-je ? je n’ai pas assez de talent pour remplir une pareille dignité. Comme si l’on ne pouvait pas trouver meilleur que moi dans toute l’armée.

— Va donc, va donc, puisqu’on te le dit, lui répliquèrent les Zaporogues.

Deux d’entre eux le saisirent sous les bras, et, malgré sa résistance, il fut amené de force sur la place, bourré de coups de poing dans le dos, et accompagné de jurons et d’exhortations :

— Allons, ne recule pas, fils du diable ! accepte, chien, l’honneur qu’on t’offre.

Voilà de quelle façon Kirdiaga fut amené dans le cercle des Cosaques.

— Eh bien ! seigneurs, crièrent à pleine voix ceux qui l’avaient amené, consentez-vous à ce que ce Cosaque devienne notre kochévoï ?

— Oui ! oui ! nous consentons tous, tous ! répondit la foule ; et l’écho de ce cri unanime retentit longtemps dans la plaine.

L’un des chefs prit la massue et la présenta au nouveau kochévoï. Kirdiaga, d’après la coutume, refusa de l’accepter. Le chef la lui présenta une seconde fois ; Kirdiaga la refusa encore, et ne l’accepta qu’à la troisième présentation. Un long cri de joie s’éleva dans la foule, et fit de nouveau retentir toute la plaine. Alors, du milieu du peuple, sortirent quatre vieux Cosaques à moustaches et cheveux grisonnants (il n’y en avait pas de très vieux à la setch, car jamais Zaporogue ne mourut de mort naturelle) ; chacun d’eux prit une poignée de terre, que de longues pluies avaient changée en boue, et l’appliqua sur la tête de Kirdiaga. La terre humide lui coula sur le front, sur les moustaches et lui salit tout le visage. Mais Kirdiaga demeura parfaitement calme, et remercia les Cosaques de l’honneur qu’ils venaient de lui faire. Ainsi se termina cette élection bruyante qui, si elle ne contenta nul autre, combla de joie le vieux Boulba ; en premier lieu, parce qu’il s’était vengé de l’ancien kochévoï, et puis, parce que Kirdiaga son vieux camarade, avait fait avec lui les mêmes expéditions sur terre et sur mer, et partagé les mêmes travaux, les mêmes dangers. La foule se dissipa aussitôt pour aller célébrer l’élection, et un festin universel commença, tel que jamais les fils de Tarass n’en avaient vu de pareil. Tous les cabarets furent mis au pillage ; les Cosaques prenaient sans payer la bière, l’eau-de-vie et l’hydromel. Les cabaretiers s’estimaient heureux d’avoir la vie sauve. Toute la nuit se passa en cris et en chansons qui célébraient la gloire des Cosaques ; et la lune vit, toute la nuit, se promener dans les rues des troupes de musiciens avec leurs bandouras et leurs balalaïkas[4], et des chantres d’église qu’on entretenait dans la setch pour chanter les louanges de Dieu et celles des Cosaques. Enfin, le vin et la fatigue vainquirent tout le monde. Peu à, peu toutes les rues se jonchèrent d’hommes étendus. Ici, c’était un Cosaque qui, attendri, éploré, se pendait au cou de son camarade, et tous deux tombaient embrassés. Là, tout un groupe était renversé pêle-mêle. Plus loin, un ivrogne choisissait longtemps une place pour se coucher, et finissait par s’étendre sur une pièce de bois. Le dernier, le plus fort de tous, marcha longtemps, en trébuchant sur les corps et en balbutiant des paroles incohérentes ; mais enfin il tomba comme les autres, et toute la setch s’endormit.


  1. Cabaret russe.
  2. Chef élu de la setch.
  3. Chilo, en russe, veut dire poinçon, alène.
  4. Grandes et petites guitares.