Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 3/Revenus publics


REVENUS PUBLICS.

Le revenu du royaume de Caboul dans les temps paisibles, s’élève à près de trois crores de roupies (soixante-quinze millions de francs) ; mais il faut en déduire plus d’un tiers, à raison des petits princes à moitié subjugués, qui consentent bien à se reconnoître tributaires, mais ne veulent absolument rien payer.

Des deux crores (ou cinquante millions de francs) restans, une grande partie est assignée en dotation à charge de service militaire. Une autre somme considérable est payée aux mollahs, ou distribuée en aumônes aux derviches et aux syouds. Ce qui entroit dans le trésor royal, avant les troubles actuels, se montoit à neuf millions de roupies (vingt-trois millions de francs).

La principale source du revenu royal consiste dans un impôt sur le produit des terres. Cette taxe varie suivant la nature du sol, et elle n’est pas la même dans toutes les provinces. Il y a des tribus afghanes et des provinces éloignées, qui, au lieu de ce droit proportionnel, paient annuellement une somme fixe. Les autres branches de recettes sont des droits d’entrée dans les villes, les douanes, le produit du domaine royal, celui des amendes et des confiscations, le bénéfice sur les monnoies, etc.

Il faut aussi mettre en ligne de compte les vivres que l’on prend par voie de réquisition, pour défrayer la maison du roi, et une partie de son armée dans les villes qu’il traverse.

Le trésor gagne encore sur les compositions en argent, pour les fournitures que les districts ou les tribus devroient faire en nature. Enfin, lorsqu’un haukim est nouvellement nommé à un gouvernement important, il paie une finance considérable ; et dans ces derniers temps on a été obligé de tirer parti de la vente des emplois.

La taxe sur les terres est levée par les chefs de chaque village, et versée entre les mains du haukim ou de ses agens. Assez souvent le haukim prend à ferme les revenus de sa province, et donne en sous-bail ceux des différens districts. Une fois par an il rend ses comptes, qui sont examinés par divers officiers avant de recevoir l’approbation royale. Mais le compte est toujours arrangé de manière que le haukim y fait de gros bénéfices.

Dans les petites provinces commandées par des sirkars militaires, les impôts ne sont point affermés.

Les principales dépenses de la couronne sont la solde de l’armée, les frais de la maison royale, la tenue de la cour, et le clergé.

Les dépenses de l’armée sont peu considérables, eu égard à sa force, à cause du grand nombre des tecouls, ou dotations qui sont affectées à son entretien.

Les frais de la maison royale sont fort allégés par les réquisitions en grains, moutons et bœufs.

Les honoraires des grands de l’État sont fort modiques ; ils tiendroient mal leur rang sans leur vénalité et sans les exactions qu’ils se permettent.

Les mollahs sont payés en partie sur des tecouls, ou fondations pieuses, en partie par des mandats sur les haukims ou sur le trésor ; ces dépenses sont, dit-on, considérables.

La dépense totale de la couronne, sans compter les dotations ne s’élève guère au-dessus d’un demi-crore de roupies (douze à treize millions de francs) dans les années tranquilles. Le surplus est mis en réserve pour faire face aux cas imprévus.

Il y a long-temps que les trésors du Caboul sont dissipés. La seule richesse du monarque consiste dans la multitude de ses perles et diamans. Leur nombre est bien diminué sans doute depuis le règne de Timur-Schah ; mais la difficulté de vendre ces magnifiques superfluités a forcé d’en conserver la plus forte partie.