Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 3/Ministère


MINISTÈRE.

Les principales affaires de l’État sont dirigées par le roi avec l’assistance du grand-visir (Visir-Auzim).

Ce premier ministre a la direction entière des revenus, et celle des affaires politiques du gouvernement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il a aussi le droit de surveillance sur tous les autres départemens.

Le visir devroit toujours être choisi dans la horde de Baumizie et dans la famille de Schah-Wullée-Khan. Mais Schah-Zemaun et Schah-Mahmoud ont tous deux dérogé à cet usage. Ils ont choisi des visirs parmi les Suddozyes, c’est-à-dire du sang royal.

La première de ces exceptions eut lieu vers 1800, en faveur du fameux Wuffadar-Klian. Le choix fut vu de mauvais œil. On disoit qu’il étoit naturel que le roi fut pris dans la tribu vénérée des Suddozyes, puisque sa personne est sacrée ; mais on ne croyoit pas que le visir dût être de la même tribu, puisqu’il se trouveroit ainsi inviolable, et qu’il n’offriroit aucune responsabilité pour ses actes de cruauté et d’oppression.

D’autres regardoient comme impolitique la nomination d’un visir Suddozye, puisque la naissance d’un tel ministre lui donnoit un prétexte pour aspirer à la couronne.

Ces innovations causant du mécontentement, on élude la loi, en remettant le titre de la charge à l’un de ceux qui y ont des droits par leur naissance, mais en confiant la plus grande partie de l’autorité de premier ministre à l’un des favoris du roi. Il est vrai que cet expédient même engendre de la confusion ; et l’on ne sait jamais à qui s’adresser dans les cas embarrassans.

Après le grand-visir, les principaux ministres sont le mounschi-baschi ou secrétaire-d’Etat, et le hircarrah-baschi, lequel est l’intendant de tous les courriers à pied et à cheval, appelés cossids et chuppers. Il faut y joindre le nusukchi-baschi, qui surveille l’exécution des jugemens criminels, et exerce en outre les fonctions de maréchal de la cour ; enfin le zubt-begi, qui est chargé de confisquer ou de séquestrer les biens des condamnés.

Les directeurs des revenus et de la justice, et les chefs de l’armée prennent rang parmi les premiers officiers de l’État.

Les officiers de la cour et de la maison royale sont très-nombreux. Chacun d’eux se distingue par un costume particulier. (Voyez dans la pl. en regard le umla-baschi à cheval et en habit de cérémonie. Cet office correspond à celui de grand-maître de la maison du roi.)

L’aspect de cette cour est régulier et imposant ; il devoit être magnifique avant les guerres civiles, lorsque les meubles et les ornemens des palais n’avoient pas été encore enlevés par
Umla-baschi.
les deux partis qui les ont occupés et saccagés tour à tour.

Le mir-akhor ou grand-maitre de la cavalerie occupe une charge héréditaire, et il doit toujours être pris dans la famille des Ishakzyes.

L’emploi d’ishiwaghaussi-baschi ou gardien de la porte, est également héréditaire ; il correspond à celui de grand-maître des cérémonies.

Le poste d’arz-bégi est héréditaire dans la famille d’Akram-Khan. Ses fonctions consistent à répéter tout haut au roi ce qui lui a été dit par ses sujets admis en sa présence. Elles ont pour objet de prévenir les bévues que les personnes étrangères à la cour pourroient commettre dans l’emploi des termes prescrits par l’étiquette. Elles remédient aussi à l’inconvénient qui résulte pour les étrangers de la grande distance où ils sont placés du monarque. L’office est d’une haute importance, car le roi charge fréquemment l’arz-bégi de prendre lui-même des informations sur les plaintes qu’on lui présente, et il se décide d’après son rapport.

Le jaurchi-baschi et les jaurchis sont des crieurs attachés à l’arz-bégi.

Le chiaou-baschi ( Voyez la pl. en regard de la p. 65 du t. Ier) est l’introducteur des ambassadeurs ou des personnes admises à faire leur cour au roi. L’usage veut qu’en cette occasion il se serve de la langue turque pour communiquer les ordres du prince.

Les charges du sundoukdar-baschi (grand-maître de la garde-robe, ou gardien des joyaux), de hukim-baschi (premier médecin) de grand-veneur, de chef de la fauconnerie, des chameliers ou des muletiers, ne méritent pas de détails, quoique plusieurs soient remplies par des personnages considérables.

Les eunuques jouissent d’un grand crédit, parce qu’ils sont en tout temps admis devant le monarque, et qu’il leur est permis d’assister aux délibérations les plus secrètes.

Les dépenses de la maison du roi sont prises sur des fonds alloués tout exprès. Le trésorier particulier de la couronne, et le moushrif, auditeur des comptes, en ont l’administration.