Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 3/Les Eimauks


LES EIMAUKS.

Les Eimauks et les Hazaurehs habitent les montagnes du Paropamisus, entre Caboul et Héraut. Leur pays est aride et montagneux.

Rien n’est plus surprenant au premier abord que de trouver, dans la contrée même d’où ces Afghans sont originaires, un peuple qui en diffère autant par l’aspect, la langue et les manières ; mais cette figure, cet idiome, ces mœurs, sont ceux d’un autre peuple voisin, les Tourkées. À leurs traits on reconnoit leur origine tartare, et tout annonce qu’ils descendent des Mogols.

L’historien Aboulfuzl prétend qu’ils sont les restes d’une armée du prince mogol Mankou-Khan, petit-fils du célèbre Gengis.

Il n’y a pas de doute que les Eimauks et les Hazaurehs n’aient formé dans l’origine un seul et même peuple, quoiqu’ils aient embrassé les deux sectes opposées du culte mahométan. Les Eimauks sont des Sunnites rigoureux, et les Hazaurehs, des Schiites opiniâtres.

Les Eimauks vivent presque tous dans des camps, qu’ils nomment orde ; de là est venu le mot turc ourdou, camp ou armée, dont on a fait le mot français horde. Chacun de ces camps est gouverné par un cudkoda, sous les ordres du khan principal.

Les Eimauks possèdent d’immenses troupeaux de moutons ; ils nourrissent de plus des chevaux petits, mais vifs et infatigables, qu’ils vendent en pays étranger. Le peu de villages qu’on voit sur leur territoire sont habités par des Taujiks.

Ce sont des hommes grands et forts. Ils sont vêtus d’une longue robe, et marchent souvent les pieds nus. Ils se coiffent parfois d’un turban (Voyez la pl. en regard) ; mais plus souvent d’un bonnet de peau de mouton noir.

Ils ajoutent la chair de cheval aux mets ordinaires des Afghans, et font du pain avec la farine d’une espèce de noix huileuse, appelée khunjick, mêlée à celle de froment.

Le gouvernement despotique établi parmi eux y maintient la tranquillité et le bon ordre. Affranchis de cette
Eimauk.
contrainte pendant la guerre, ils commettent des actes de férocité qu’on n’a jamais reprochés aux Afghans. Souvent ils précipitent leurs prisonniers du haut d’une roche escarpée, ou les percent avec des flèches jusqu’à ce qu’ils les aient mis à mort. Un personnage digne de foi m’a assuré qu’encore aujourd’hui ils boivent le sang tout chaud de leurs victimes, et s’en frottent la barbe et le visage.