Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Amusemens


AMUSEMENS.
CHASSE. DANSES. JEUX.

Lamusement favori de tous les Afghans est la chasse ; on la fait de différentes manières, suivant la nature du pays et celle du gibier. Souvent une multitude de chasseurs à pied où à cheval, formant un demi-cercle, font une grande battue, et forcent tout le gibier qui est sur leur passage à se lever ; ils l’attirent ainsi au fond d’une vallée ou d’une autre embuscade. Lorsque les bêtes fauves se trouvent serrées de près, on lâche sur elles les chiens, et on les tire à coups de fusil. On en prend ainsi deux cents têtes dans une journée.

D’autres chasseurs, réunis en une troupe peu nombreuse, se mettent avec leurs lévriers à la poursuite des lièvres, des renards et des bêtes fauves.

On prend aussi les lapins et les lièvres avec des bassets. On va à la quête des bêtes fauves en se cachant derrière des bœufs ou des chameaux artificiels. En hiver on fait la chasse aux loups et aux autres animaux féroces sur la neige, et on va les tuer jusque dans leurs tanières. Il est des chasseurs qui se creusent une retraite près d’un abreuvoir, et ils attendent que les daims ou d’autres animaux viennent y boire, le soir, pour les tirer à bout portant. C’est aussi la nuit que l’on fait la chasse aux hyènes, qui ne cherchent leur proie que dans les ténèbres.

Jamais les Afghans ne tirent l’oiseau au vol ; ils n’ajustent les volatiles que lorsqu’ils sont perchés, ou qu’ils marchent à terre. Les Afghans orientaux sont les seuls qui chassent au faucon.

Il y a une manière de poursuivre à cheval les perdrix, et dont l’exécution est plus aisée qu’on ne sauroit l’imaginer.

Deux ou trois cavaliers ayant fait lever une perdrix, la poursuivent au galop jusqu’à ce qu’elle s’arrête après une courte volée ; alors un des chasseurs continue seul de la poursuivre. Les cavaliers se relayent ainsi jusqu’à ce que le volatile épuisé tombe de fatigue.

Quoique la chasse soit un amusement très populaire dans tout le royaume, les Afghans occidentaux sont surtout passionnés pour cet exercice.

Il y a souvent des courses de chevaux, et particulièrement à l’occasion des mariages. L’époux fournit le prix, qui est un chameau. Vingt ou trente chevaux se disputent la victoire, et parcourent une carrière de trois à quatre lieues.

Ils ont une espèce de carrousel qui consiste à courir à toute bride, et à percer ou à enlever un pigeon de bois avec la pointe de la lance.

Les cavaliers afghans font en courant l’exercice de la carabine, du mousquet ou de l’arc. Des hommes de différens villages se disputent quelquefois le prix de l’arquebuse. Le prix est ordinairement un dîner, et jamais une forte somme d’argent.

Les amusemens de société sont très-nombreux quoique les cartes soient inconnues, et les dez rarement en usage. Le grand plaisir des Afghans de l’ouest est de danser l’attum ou le goumboor. Pour cela, dix à vingt hommes ou femmes se mettent en cercle ; en été, ils se placent devant les maisons ou les tentes ; en hiver, ils dansent autour d’un grand feu. Les danseurs prennent toutes sortes d’attitudes, et exécutent des figures variées ; ils jettent des cris, battent des mains, et font claquer leurs doigts.

La plupart de leurs jeux nous paroîtroient puérils et peu d’accord avec leurs longues barbes et la gravité de leur maintien. Les hommes faits jouent aux billes, comme nos écoliers, dans tout le pays des Afghans, en Perse, et je crois en Turquie.

Un jeu très-commun s’appelle khossye chez les Douraunées, et cubuddie chez les Taujiks. Un homme, tenant son pied gauche de la main droite, s’avance à cloche-pied contre son adversaire, qui s’est imposé la même contrainte ; et tous deux cherchent réciproquement à se renverser. Les règles de ce jeu, qu’il seroit trop long de rapporter, sont fort compliquées ; mais c’est un divertissement étrange pour des hommes d’un âge mûr. Les barres, le petit palet, un jeu analogue à celui de la savatte, et dans lequel on fait courir un bonnet de main en main, sont chez eux des amusemens fort communs, ainsi que la lutte et autres exercices gymnastiques. Les combats de coqs, de cailles, de chiens, de béliers, même de chameaux leur inspirent beaucoup d’admiration. Le combat des chameaux ne laisse pas d’être intéressant dans la saison du rut ; ces animaux s’attaquent alors avec une extrême furie. Lorsque le combat est fini, le vaincu s’enfuit avec rapidité, et est poursuivi par le vainqueur à une grande distance du champ de bataille. Le prix du vainqueur est quelquefois la possession de l’animal qui a succombé, mais le plus communément le maître de l’animal vaincu paie à dîner au maître du vainqueur.