Tableau de l’instruction primaire en France/2

CHAPITRE II.

DE L’IGNORANCE DU PEUPLE ET DE SES CAUSES. — MOYENS PROPOSÉS POUR Y REMÉDIER.

Le délabrement des maisons d’école est un symptôme fâcheux du peu de goût que les populations se sentent pour l’instruction ; car il ne faut pas croire que la pénurie des écoles soit la source du mal, c’est au contraire le peu de valeur qu’on attribue à l’instruction elle-même qui empêche les communes de faire les frais nécessaires pour fonder des écoles. Quand un besoin est ressenti par les masses, elles saisissent la première occasion d’y satisfaire ; un secret instinct les domine et les pousse. Le jour où l’instruction aura gagné son procès contre l’apathie générale des classes qui devraient l’embrasser comme un bienfait, des maisons d’école s’élèveront dans toutes les communes : elles y mettront le même empressement et le même amour-propre qu’à posséder une église : mais les temps ne paraissent pas encore arrivés.

Il appartenait à un gouvernement prévoyant et éclairé de les hâter, de les devancer même. Quand la société n’aurait pas fait ce présent au peuple pour adoucir son sort, pour améliorer ses habitudes, et pour cultiver ses mœurs, elle aurait dû le faire dans un but de prudence pour sa propre sécurité. Il n’était pas difficile de prévoir qu’une nation, jalouse des nouveaux droits nés pour elle de la révolution de juillet, pouvait en faire une expérimentation périlleuse, si on l’abandonnait à son ignorance accoutumée ; qu’elle avait entre les mains désormais une arme utile ou funeste selon qu’elle en aurait appris ou méconnu le bon usage : et, sans borner ses inquiétudes aux prévisions de la politique, l’ébranlement communiqué à toutes les croyances salutaires par le langage hardi des mauvaises doctrines, le trouble des consciences descendu jusqu’au fond des classes les plus paisibles ; les progrès de la corruption et du libertinage (39) ; par quoi pouvaient-ils être guéris que par une éducation nouvelle, moins impuissante que l’ancienne ignorance à protéger dans les esprits les idées conservatrices de l’ordre et de la société ? Certes, si le salut est pour nous quelque part, c’est dans l’instruction populaire qu’il faut louer le gouvernement de l’avoir cherché.

Mais comme, en cela, la société obéissait à un instinct de conservation propre, senti plutôt par les esprits des classes élevées que par l’inexpérience des ordres inférieurs ; elle avait trop présumé du bon sens populaire, lorsqu’elle s’était attendue à voir accueillir ce bienfait avec enthousiasme par ceux mêmes auxquels il était destiné. On comptait sur de la reconnaissance ; on a, presque partout, éprouvé de la résistance. Le peuple a plus de bon sens qu’on ne suppose. Il ne bat pas des mains comme une académie à la découverte d’une charrue perfectionnée ; mais une vieille prudence le met en garde contre tout ce qui se présente avec la prétention d’innover. Il observe, il profite des fautes, comme aussi des progrès de son voisin ; Jacques Bonhomme ne va pas vite, mais il a l’avantage de ne reculer jamais d’un pas, et de toutes ces améliorations annoncées à grand fracas, le genre humain n’en perd pas une qui vaille la peine d’être conservée. C’est ce qui doit rassurer sur le sort de l’instruction primaire en France, les personnes dont le zèle, pour n’avoir pas rencontré d’abord un assez bon accueil, s’était trop tôt découragé, et qui ont craint alors que le peuple ne fût pas, comme on dit, mûr pour l’exécution de la loi. L’instruction d’un peuple n’est pas une œuvre d’impétuosité, mais de patience : l’homme n’a pas reçu le don d’improviser des choses durables.

Si la loi, s’adressant à des intérêts matériels, eût promis aux populations des compagnes un adoucissement visible et immédiat à leur misère, nul doute qu’elle n’eût été, tout d’abord, beaucoup plus justement appréciée (40). Quand il s’agit de préparer une route, tout le village court volontiers à la corvée, car chacun sait que ses denrées vont trouver, par cette voie, un débouché plus facile, et peut calculer d’avance les avantages et le degré d’aisance qu’il en espère pour sa famille. D’ailleurs, en vain entasserait-on contre cette vérité simple les raisonnements les plus subtils, le premier bien pour le pauvre n’est pas la culture de son intelligence ; le pain de la science est une figure qui n’apaise pas la faim de ses entrailles ; le goût de l’instruction suppose les premiers besoins satisfaits (41). Aussi, a-t-on vu les classes aisées répondre au vœu de la loi avant les conditions plus misérables, et les villes avant les campagnes.

Comment d’ailleurs la plupart d’entre elles auraient-elles pu se porter avec l’entraînement espéré, vers un bien dont elles ne connaissaient pas la douceur (42) ? Non seulement bien des communes sont dépourvues d’écoles, mais il n’est pas rare de trouver des cantons entiers où l’inspecteur n’en a pu signaler qu’un petit nombre, quelquefois une seule (43). D’autres fois enfin, il n’en a pas trouvé l’apparence dans un canton composé de 15 communes (44).

Il devient inutile de dire que, dans bien des villages, il est impossible de trouver un homme sachant lire, écrire et compter (45). Et quand un notaire est appelé pour signer un acte (46), il a soin d’arriver escorté de deux témoins perpétuels qu’il amène de la ville (47), parce qu’il sait bien qu’il chercherait en vain sur les lieux des citoyens français sachant signer leur nom. Mais, dira-t-on, il faut excepter de cette ignorance universelle le maire, au moins, de la commune, l’adjoint qui le supplée, les conseillers municipaux, dont le nom apposé au bas des procès-verbaux constate et sanctionne les délibérations de chaque séance. Les communes, en effet, sont souvent pour cela même dans un grand embarras, quand il s’agit du choix d’un maire ou d’un adjoint (48). Pour les conseillers municipaux, il est de règle que, dans certains pays, faute de pouvoir remplir cette condition, ils se tirent d’affaire à chaque procès-verbal par la formule suivante : ont déclaré ne pas savoir signer, un tel, un tel, un tel, etc. (49). Mais les maires eux-mêmes n’en savent pas toujours plus long (50) ; et il est tel canton de France où l’on n’en trouve pas plus de quatre qui même entendent le français (51).

Sans doute, il ne faudrait pas nous supposer l’intention d’étendre au-delà des limites raisonnables ces cas heureusement exceptionnels. Nul ne respecte plus que nous ces magistrats utiles, désintéressés, chargés de fonctions délicates et que la législation complique tous les jours ; mais les exemples que nous citons suffisent pour prouver combien l’ignorance règne encore en souveraine dans les campagnes, et le peu de fond qu’il faut faire sur le concours de certaines autorités pour stimuler le zèle des enfants et des familles, lorsqu’elles sont elles-mêmes incapables par leur éducation d’en apprécier et d’en faire valoir les avantages.

L’ignorance profonde du peuple n’est donc malheureusement que trop démontrée, et nous voudrions, dans l’intérêt de notre pays, qu’elle pût davantage soutenir la contradiction. Pour y remédier, il faut en connaître les causes ; il en est de générales par toute la France ; il en est de plus particulières qu’il faut étudier dans les localités. Sans pouvoir embrasser tous les détails de ces derniers obstacles qui restent à vaincre, après avoir exposé les causes les plus uniformes que l’on rencontre sur presque tout le sol français, j’essaierai de réunir quelques-unes des particularités principales qui ne sont pas non plus sans intérêt.


1o Insouciance et répugnance des familles.


Si nous jugeons des sentiments de MM. les inspecteurs de 1833, par les impressions pénibles que nous avons éprouvées nous-même dans l’accomplissement de cette mission, ce n’est pas tant de leurs fatigues qu’il faut les plaindre que du découragement où ils ont dû tomber souvent, à la vue des résistances inattendues qu’ils ont rencontrées. Nous nous rappellerons longtemps qu’après une journée de marche, où le cheval et le cavalier, presque perdus dans les landes, aspiraient également au lieu de repos ; après un exercice de 10 lieues, précédé la veille d’une épreuve du même genre et qui devait se renouveler le lendemain, un méchant bourg, le terme de notre pèlerinage, nous montre enfin, dans les ténèbres du crépuscule, la pointe de son clocher. Mouillé toute la journée par une pluie de novembre, nous voilà reçu dans l’école de Saint-Hippolyte par un vrai paysan, maire de sa commune, et, avant d’obtenir les premiers soins d’une hospitalité impossible (il n’y a point de lit dans les auberges du lieu), soutenu par le sentiment du bien que nous venions conseiller, nous nous voyons accueilli par des propos de ce genre : « Vous feriez bien mieux, monsieur, de nous apporter de l’argent pour nos chemins, pour réparer notre maison commune, pour… etc. Quant aux écoles, nous nous en soucions peu. » À défaut d’autre hospitalité, nous avions espéré du moins bon visage, et, au lieu de cela, reçu comme un commis des droits réunis qui vient visiter les bouteilles du débitant, il nous fallut, le cœur navré, traverser, à l’entrée de la nuit, un gué assez difficile, pour aller, presque à tâtons, chercher un gîte en dehors du malheureux département que nous avions à visiter.

Eh bien ! en y songeant depuis, j’ai vu que ce brave homme c’était le peuple des campagnes en personne. J’ai lu toutes les tribulations de mes collégues, et elles ont un peu allégé le souvenir des miennes. La forme de l’apathie générale n’est même pas très-variée, et toutes les bonnes raisons alléguées çà et là, au nord comme au midi, se réduisent en dernière analyse à ces axiomes : nos enfants seront ce qu’ont été nos pères (52). Le soleil se lève également pour l’ignorant et pour le savant (53). Mais, si la dépense vous effraie, vous n’aurez rien à débourser, familles indigentes, et vous aurez le double avantage de donner à vos enfants une éducation meilleure, sans bourse délier. — Nous ne voulons, répondent ils, d’instruction à aucun prix (54). — Mais nous vous fournirons même les livres (55). — Pas davantage (56). — Mais j’accorderai des secours à ceux d’entre vous qui seraient malades, si vous voulez me promettre d’envoyer vos enfants à l’école (57). — Nenni. — Mais on vous paiera. « Foin de l’instruction, nous avons mangé du pain sans savoir lire et écrire, nos enfants feront de même. Voyez un tel qui sait lire : il est pourtant moins riche que nous qui ne savons pas (58).


2o Négligence ou mauvaise volonté des conseils municipaux, des comités, et des notables.


Comment ne tiendraient-ils pas ce langage ? Quand l’esprit de routine ne suffirait pas pour le leur dicter, combien de bouches imprudentes leur soufflent ces funestes excuses ! car tous les conseils municipaux sont loin de ressembler à celui de Vrigny (59), qui du moins, dans une délibération officielle, exprime la douleur qu’il éprouve en pensant que, sur quarante-neuf indigents admis à jouir de l’instruction gratuite, presque aucun n’en profitera : et on ne lit pas sans étonnement la signature d’un ex-Garde-des-Sceaux au bas d’une délibération du conseil municipal de Cognac : « Reconnaissant l’inutilité d’y établir une école (60) etc. » En général, là où les autorités ne sont guère, par leur éducation, en état d’apprécier les bienfaits de l’instruction, il ne faut pas compter sur elles pour en inspirer le goût (61). Quelquefois encore les calculs d’intérêt les plus sordides déterminent la résolution prise. Témoin le conseil de Saint-Médard qui refuse des fonds pour louer un local destiné à l’école parce qu’aucun des membres qui le composent n’a d’enfant à y envoyer (62).

Les comités peuvent exercer sur les écoles de leur circonscription la plus salutaire influence, et beaucoup d’entre eux n’ont cessé de bien mériter du pays. Mais, en voyant l’empressement avec lequel des citoyens éclairés s’étaient offerts d’abord pour y prendre place, on a dû croire qu’ils s’y porteraient toujours avec la même ardeur, et que leur surveillance assidue donnerait à l’instruction primaire un essor rapide. C’est une erreur qu’il faut bien reconnaître, et qui a trop préoccupé l’honorable rapporteur de la Chambre des Députés[1], lorsqu’il a paru croire que leur zèle aurait pu rendre inutile la création d’inspecteurs spéciaux pour les écoles. Malheureusement, nous vivons dans un pays d’enthousiasme vif mais passager, et l’idée la plus sérieuse qui ait présidé à nos lois depuis 1830, la nécessité de fonder l’instruction primaire, a passé, comme le reste, par les diverses phases de toutes nos autres fantaisies, depuis l’exaltation jusqu’à l’indifférence. Dieu nous garde de réunir ici des preuves nombreuses qui pourraient sembler une atteinte portée à la considération de ces corps respectables ! Loin de prendre plaisir à énumérer les mauvais résultats qui naissent quelquefois de leur apathie, nous aimerions mieux, si nous en avions le loisir, recommander à la reconnaissance nationale le grand nombre de ceux qui se dévouent avec un zèle infatigable à leurs utiles et laborieuses fonctions (63). Mais nous devons à la vérité de proclamer la nécessité de la mesure adoptée par M. le Ministre de l’instruction publique. En créant, dans chaque département, un inspecteur particulier, affecté au service de l’instruction primaire, il a donné aux comités un auxiliaire nécessaire qui saura seconder, entretenir, réchauffer leur zèle. Alors, sans doute, les instituteurs ne se plaindront plus de voir avorter toutes leurs demandes entre les mains des comités (64), ni leur patience mise à bout, sans profit pour l’école, par des essais continuels, et par l’activité empirique de quelques membres inexpérimentés (65). On ne verra plus des comités déjà depuis long-temps institués sans s’être jamais réunis (66), ou sans avoir inspecté les écoles qui leur étaient confiées (67).

Parmi les personnes influentes par leur position, dont les avis peuvent hâter ou retarder la marche de l’instruction dans les campagnes, il faut compter d’abord les curés et desservants de paroisse, qu’on paraît, en général, soupçonner de sentiments hostiles à la nouvelle loi. Loin de chercher à éluder une question si importante, nous consacrerons au clergé, dans ses rapports avec l’instruction primaire, un chapitre particulier, et nous y renvoyons nos lecteurs pour apprécier avec exactitude l’influence bonne ou mauvaise qu’on doit en craindre ou en espérer.

Souvent encore l’opposition vient des personnes qui occupent dans leur circonscription un rang élevé. Nous ne parlons pas seulement de celles qui, par un sentiment de haine contre les institutions nouvelles, se déclarent contre toutes les mesures qui pourraient en assurer l’avenir. Nous n’avons vu nulle part la preuve que cette classe d’hommes soit très-nombreuse ni très-agissante dans nos campagnes, et on peut dire même que leur attachement connu à des principes politiques, qui ne trouvent pas de sympathie dans les masses, discrédite aussi leur résistance aux progrès de l’instruction. Mais c’est souvent parmi des hommes franchement dévoués au gouvernement que l’on entend des objections contre la loi (68). Tantôt ils les puisent dans l’intérêt de l’agriculture ; quand tous les enfants du village sauront lire et écrire, où trouverons-nous des bras (69) ? Ils iront dans quelque fabrique, et déserteront nos campagnes (70), ou bien ils feront comme les séminaristes de Servières, ils se dégoûteront des travaux manuels auxquels les destinaient leurs pères (71), et ils augmenteront le nombre des fainéants (72) et des avocats de village (73) qui déjà pullulent dans nos hameaux. « Nous avons besoin de vignerons, et non pas de lecteurs, dit un propriétaire du Médoc (74). » « Au lieu d’aller perdre leur temps à l’école, qu’ils aillent curer un fossé, dit un bourgeois du Gers (75). » Tantôt un amour-propre insensé révolte les fermiers un peu aisés contre l’idée d’envoyer leurs enfants s’asseoir côte à côte sur le même banc que les indigents (76). On a beaucoup parlé de cet esprit d’égalité qu’on suppose aujourd’hui faire le fond des mœurs françaises : eh bien ! presque partout, dans les campagnes, un homme qui se sent au-dessus des ouvriers qu’il emploie par la supériorité des journaux de terre qu’il possède, regarde comme un des priviléges de la position aristocratique qu’il occupe de ne point frayer avec eux ; et, pendant que nous voyons confondus dans nos colléges tous les rangs de la société, depuis les fils de roi jusqu’aux plus humbles boursiers, ce sera dans bien des villages un motif sérieux de résistance de la part des petits cultivateurs que cette nécessité d’appareiller l’éducation de leurs enfants à celles des familles indigentes (77). Ils ne craignent pas seulement que la malpropreté des uns soit pour les autres d’un mauvais exemple ; ils ne redoutent pas seulement l’influence des mauvaises habitudes et des principes dangereux contractés au sein de la misère, mais ils s’indignent qu’on ait songé à mettre ce niveau d’éducation entre l’aisance et la pauvreté (78). Supérieurs par la fortune et les jouissances de la vie, ils réclament, comme un droit exclusif de leur position, les lumières et les connaissances qu’on va puiser dans les leçons d’un maître. Lire, écrire et compter, c’est pour eux un insigne de l’aisance, comme de pouvoir monter un bidet pour aller au marché, pendant que l’indigent chemine pédestrement près d’eux ; comme de prendre place à la messe dans son propre banc, au lieu de s’agenouiller sur le pavé commun. L’égalité d’instruction promise par la loi a désenchanté toutes ces petites jouissances de l’amour-propre triomphant ; peut-être même a-t-elle aussi blessé quelques intérêts réels ; c’est du moins ce qu’ils lui reprochent : « Non seulement, disent-ils, nos enfants n’auront pas, comme auparavant, l’avantage d’être élevés au-dessus de ces petits misérables par leur instruction comme par leur fortune, mais ils ne pourront pas même en cela rivaliser avec eux. L’indigent, dont nous occupons les bras, n’a pas de terre pour y employer le travail de ses enfants ; ce n’est point un sacrifice pour lui que de les envoyer à l’école, c’est au contraire un immense avantage ; car, indépendamment de l’instruction qu’ils y trouvent, ils débarrassent, par leur absence, d’une foule de petits soins la mère, qui peut alors louer aussi sa journée, et travailler utilement de son côté ; mais nous, que notre propriété réclame à toute heure du jour, nous dont les enfants sont à chaque instant appelés loin de l’école par les divers besoins de la culture, il nous faudra payer des bras de plus pour remplacer ceux-là, ou condamner notre petite famille à une infériorité d’instruction trop évidente, puisqu’ils ne pourront suivre l’école avec la même assiduité (79). »


3o Abandon des écoles pour les travaux d’agriculture.


Cette plainte des cultivateurs nous mène à la véritable plaie de l’instruction primaire dans les campagnes. On peut prévoir, espérer un temps où, mieux éclairée sur ses véritables intérêts, la population indigente ne négligera plus, comme aujourd’hui, le bienfait qui lui est offert ; où les préjugés d’amour-propre dans les classes supérieures, leurs craintes mal fondées, feront place à des sentiments d’équité plus conformes à l’esprit de la loi ; mais qui peut prédire le jour où les écoles ne seront plus désertées pour les champs pendant la saison des travaux (80) ? Et cependant, quel fruit peut-on attendre d’une instruction ainsi donnée à bâton rompu (81) ?

On se plaint généralement du peu de progrès que font les enfants dans les écoles de village, et certes, on a bien le droit de s’en plaindre. On en accuse l’ignorance et la négligence des instituteurs, et malheureusement elle est sans excuse ; mais, en vérité, quels progrès d’ailleurs pourraient faire les élèves pendant leur court séjour à l’école ? Sur presque tous les points de la France, l’école n’est pas fréquentée plus de trois mois (82) : c’est le terme moyen qu’il convient de prendre entre les pays où les enfants s’y rendent quatre ou cinq mois, et ceux où deux mois sont réputés suffire pour leur instruction chaque année (83). Tout le reste de l’année, dès l’âge de huit ou dix ans, ils suivent leurs pères dans les campagnes, et épuisent leur jeune sève dans des travaux qui souvent surpassent leurs forces. Pour peu que le pays qu’ils habitent embrasse des cultures variées, on les voit, dès le milieu de février, donner aux vignes le premier coup de bêche, puis il faut se reprendre à la seconde façon. Cependant, les pluies du printemps ont fait foisonner l’herbe dans les prairies ; on quitte la houe pour le râteau ; à peine les faneuses ont-elles achevé leur tâche que celle des moissonneurs commence. Tout bras est bon pour tenir la faucille, et si la main de l’enfant est encore trop débile pour scier l’épi, au moins peut-elle recueillir à distance la glane que la mère, qui le précède dans le sillon, a laissé prudemment échapper de sa javelle. Après les seigles, les blés et les avoines, on se prépare aux vendanges. Il n’est si petite main dans la contrée qu’on n’invite à couper la grappe, et voilà comme se passe la vie de l’enfant des champs (84). Il retourne, vers le milieu de novembre, à l’école qu’il a laissée depuis le milieu de février.

Qu’arrive-t-il alors ? Comme il a oublié, pendant cet intervalle, le peu qu’il pouvait avoir appris auparavant (85) ; comme sa main, alourdie par les travaux rustiques, par le poids de la houe, devenue calleuse et presque insensible, ne se prête plus à la souplesse des déliés ; comme le langage grossier qu’il a entendu depuis neuf mois lui a fait perdre le souvenir d’une langue plus civilisée, une nouvelle éducation recommence, et l’on ne peut guère estimer à moins d’un mois le temps qu’il lui faut pour regagner tout ce qu’il a perdu (86). Restent donc deux mois à peine : encore, faut-il se rappeler que c’est à l’époque de l’année où les jours sont le plus courts, les chemins le plus mauvais, les maladies le plus fréquentes. Si la classe s’ouvre à huit heures le matin, l’enfant qui habite le bourg pourra s’y rendre peut-être, mais celui qui demeure dans quelque métairie éloignée perd dans le trajet un temps précieux. Le soir, pour qu’il ne soit pas surpris par la nuit ou par les bêtes sauvages, il faut encore abréger pour lui le temps de la classe (87). Quand ces pauvres petits arrivent, les mains rougies et couvertes d’engelures, il faut bien leur laisser rasseoir un moment leurs membres transis de froid (88).

Puis le sordide intérêt s’en mêle (89). Le même principe qui fait que les parents les retirent de l’école, dès les premiers beaux jours, pour économiser, comme ils disent, des domestiques (90), les rend féconds et ingénieux pour imaginer toute sorte d’économies pareilles. Ici, tel père de famille envoie ses enfants alternativement à l’école, pour ne payer qu’un écolage (91) ; là, on déduit du prix convenu les jours d’absence, qu’on a soin de multiplier, parce que c’est toujours autant de gagné (92). Ne soyons donc pas étonnés si l’on rencontre des jeunes gens qui fréquentent depuis quinze ans l’école, et qui ne savent qu’imparfaitement encore les notions premières (93). Ces quinze ans, si l’on en déduit tout le temps que nous avons supputé tout à l’heure, n’iront pas au-delà de trente mois dans les chances les plus favorables, et l’on devrait s’émerveiller, au contraire, si une pareille négligence portait de plus heureux fruits.

Encore n’avons-nous parlé ici que d’une cause, on peut dire, universelle dans toutes les campagnes, sans nous occuper des obstacles particuliers que l’instruction rencontre dans un grand nombre de localités (94). En effet, si l’on en excepte deux cantons (95), qui offrent, pour des raisons toutes spéciales, cette singularité que leurs écoles sont plus fréquentées en été qu’en hiver, on peut dire que du reste, toutes les communes rurales voient déserter leur école pendant plus de sept ou huit mois de l’année. Les instituteurs eux-mêmes, qui n’enseignent souvent en hiver que faute de pouvoir travailler en plein air, absolument par les mêmes raisons qu’on leur envoie aussi les enfants à instruire (96), sont souvent des premiers à fermer l’école, pour aller labourer ou bêcher (97), et trouvent fort mauvais qu’on leur conteste ce droit (98). Seulement, pour faire d’une pierre deux coups, et conserver encore le peu d’enfants qu’on leur laisse alors, ils commencent leurs travaux champêtres par leur jardin ou par la pièce de terre la plus voisine de la maison, et on pourra les trouver vers le commencement de mars menant ainsi la charrue, pendant que leur école est assemblée à quelques portées de fusil (99).

Parmi les causes plus particulières qui s’opposent çà et là à la propagation de l’instruction, nous citerons, dans le Jura, l’habitude d’employer, dès le plus bas âge, les enfants à colporter des fruits, de l’huile et du vin dans les montagnes (100) ; dans le Cantal, les émigrations annuelles des enfants qu’on envoie mendier ou ramoner dans les villes (101). Ailleurs, ce sera la vannerie, le tissage, la broderie ou le tricotage qui occuperont les enfants et les enlèveront à l’école (102). Mais de tous les usages auxquels on les emploie généralement, le plus fâcheux est peut-être la garde des bestiaux, des troupeaux, des oies (103). C’est là qu’éloignés de leurs familles, livrés à leurs seules pensées, à tous les mauvais penchants qu’excite le désœuvrement, ils perdent un temps si précieux pour l’éducation de leur esprit et pour la culture de leur âme. Est-ce bien une créature humaine qu’on voit errer dans les landes (104), seule pendant toute une semaine au milieu de ses vaches ou de ses pourceaux, sans reprendre le sentier de la maison paternelle que tous les dimanches ? Mais nous ne voulons pas insister sur les inconvénients de la vaine pâture si bien appréciés aujourd’hui, et si bien décrits par M. de Dombasle (105).


4o Difficulté de réunir plusieurs communes en une même école communale.


La loi sur l’instruction primaire, du 28 juin 1833, titre iii, article 9 porte que : « Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d’entretenir au moins une école primaire élémentaire. » Sans doute le vœu de la loi a été par là que l’instruction pénétrât jusques dans les hameaux les plus isolés, et que pas un Français ne pût se plaindre d’être exclu de sa part du bienfait offert à tous les autres. Les communes étant loin de posséder la même population et les mêmes ressources (106), on a prévu la difficulté de les amener toutes à faire les frais d’une école ; on a bien senti d’ailleurs que, pour donner à l’instituteur les moyens d’exister, il ne fallait pas qu’il dût compter seulement sur les 200 fr. votés par la commune, et que là où la population serait peu considérable, et par conséquent l’école peu nombreuse, il serait presque réduit au traitement fixe. Dans l’intérêt des études, on a pu dire encore qu’une école peu nombreuse manque d’un puissant mobile, l’émulation, et impose au maître la nécessité de recourir à l’enseignement individuel. Le législateur a pu considérer aussi que souvent les petites communes étaient assez voisines, et que ce voisinage établissait entre elles comme une certaine fraternité qui indiquait elle-même la réunion des enfants en une école commune.

Et cependant, cette disposition, inspirée par tant de motifs excellents, est peut-être celle qui offrira le plus long-temps encore des difficultés dans l’exécution.

Sans doute, il serait à souhaiter que cette proximité de deux communes formât entre elles comme un lien fraternel qui les rendît plus faciles pour faire en commun les frais nécessités par leurs intérêts communs. Mais il en est de cette illusion comme de tant d’autres. C’est encore un reste de vie pastorale, comme l’innocence des mœurs champêtres, et le nœud de satin rose qu’au sortir du collége nos yeux cherchaient sur la houlette des bergères. Les personnes qui auront étudié ailleurs que dans les idylles de Gessner les habitudes de la campagne, conviendront peut-être avec nous que deux communes voisines sont presque toujours deux communes rivales, quand elles ne sont pas ennemies. Elles se touchent par tant de points qu’il est impossible que leurs intérêts respectifs ne se soient pas rencontrés et froissés plus d’une fois. Elles ont chacune leurs magistrats, leurs titres et leurs droits particuliers ; elles forment chacune une de ces trente mille républiques dont l’ensemble représente la France. Cette individualité qu’elles craignent toujours de voir absorber dans celle de leurs voisins, quand il s’agit de créer quelque institution en commun, engendre chez elle un point d’honneur dont le principe n’est peut-être qu’une jalousie déguisée, mais qui produit souvent des effets excellents. Grâce à ce patriotisme communal, souvent des dépenses qui paraissaient très-lourdes pour les deux communes réunies, chacune se saigne les quatre veines pour les faire avec ses seules ressources. L’idée d’une paroisse commune les humiliait : chacune aura son clocher, etc. Nous avons vu des communes menacées de payer un instituteur en commun, et prisant d’ailleurs fort peu l’instruction, se plaindre d’abord d’être obligées de payer 100 francs pour leur part du traitement fixe ; et, quand elles ont vu que leur résistance deviendrait inutile, finir par voter à elles seules les 200 francs et le logement, sauf à se venger en n’envoyant pas d’enfants à l’école. C’est ainsi qu’un amour-propre de mauvaise origine les inspire mieux quelquefois que tous les conseils de la raison (107).

Un autre obstacle plus sérieux, plus invincible peut-être, tient à la nature même des localités. Un administrateur, le préfet d’un département, par exemple, pour obéir aux exigences de la loi, s’empresse de dresser le tableau des communes qui peuvent être réunies avec le moins d’inconvénients. Il tient d’une main le registre officiel où sont consignés les revenus de chacune d’elles et leur population ; de l’autre, il suit sur la carte de l’arrondissement qu’il étudie, leur circonscription respective. À un quart de lieue, une demi-lieue l’une de l’autre, le hasard semble avoir placé à propos des communes différentes, chacune d’un revenu modique et d’une population peu considérable. Une école, impossible pour l’une d’elles, va se trouver suffisamment pourvue en recevant le tribut de toutes les deux ; et l’on se hâte de les porter à la colonne, Réunion de communes, qui, des bureaux de la préfecture, passe dans ceux du ministère de l’instruction publique. Nous ne voulons pas poursuivre plus loin la fortune de cette proposition qui a pour elle toutes les apparences, et, par conséquent, toutes les chances d’obtenir l’adhésion du ministre, lorsque dans l’intervalle elle est devenue impossible. Un filet d’eau séparait les deux communes ; je veux même qu’il fût indiqué sur la carte que l’on a consultée. L’attention n’a pas dû s’arrêter sur un misérable ruisseau que les enfants de la ferme voisine peuvent, d’une enjambée, traverser à pied sec, et qui, peut-être même, tarit pendant l’été. C’est vrai, mais pendant l’hiver, dans la saison des écoles, le ruisseau devient un torrent (108), et un tronc brut (109), ou une planche vacillante jetée sur le ravin devient la seule voie de communication (110). Le père qui veut bien s’y hasarder, quand la nécessité l’appelle d’une commune à l’autre, se gardera bien d’y risquer les jours de son enfant, lorsque seul, par des temps de neige (111) et de glace, au milieu d’un brouillard trompeur, poursuivi peut-être par les plaisanteries périlleuses d’un camarade d’école, il devra deux ou quatre fois (112) par jour franchir le pont fatal (113).

Nous avons en France combien de communes où les chemins sont impraticables pendant l’hiver, combien de pays de montagnes où il est impossible de reconnaître le soir la sente que l’on a suivie le matin, et où les vents ont amoncelé assez de neige pour en faire votre tombeau (114) ; combien où les loups et même les ours cherchent leur proie (115) ; enfin, on ne sait pas assez qu’il y a telle commune qui, par défaut de communication, reste isolée six mois de l’année, et n’a rien de mieux à faire que de se tapir comme la marmotte en attendant le réveil du printemps (116).

Mais au moins, dira-t-on, s’il est vrai que quelques hameaux, quelques fermes isolées, quelques habitations éparses sont condamnées, par leur position, à se passer d’école, toujours est-il que la population agglomérée presque tout entière dans le chef-lieu, la vraie commune enfin n’éprouvera pas cet inconvénient. Malheureusement c’est une erreur assez générale que de croire la population d’une commune ainsi ramassée dans le bourg ; c’est plutôt là l’exception. Certainement, si l’on jugeait des villages par ceux de la banlieue de Paris, du Poitou par l’arrondissement de Sceaux, des Landes par Saint-Cloud et par Vincennes, on serait fondé à croire que le noyau de la population d’une commune est au cœur même du chef-lieu. Mais, si oubliant un moment les préjugés parisiens, on ne compare plus ces villes mal à propos travesties sous le nom de villages à ceux des campagnes, on verra (les pièces nombreuses auxquelles nous renvoyons en font foi) (117), que, le plus souvent, fort embarrassés de fixer un chef-lieu dans une commune éparpillée sur 7 (118) ou 9 lieues de tour, ou comprenant onze paroisses (119), les administrateurs, par une fiction nécessaire, en ont honoré quelques amas d’habitations plus ou moins considérables, mais qui ne sont qu’une faible portion de la commune (120). Souvent encore ce chef-lieu est loin d’être dans une position centrale : il a fallu le prendre tel que l’avait indiqué la nature des lieux. Là où il y avait une apparence de bourg, un clocher, quelques maisons principales, force a été d’y établir le chef-lieu. Mais la difficulté, pour cela, n’a pas été résolue. Il reste toujours à savoir si des enfants qui auront une lieue, souvent davantage (121), à faire chaque matin et chaque soir, par les plus mauvais chemins, fussent-ils montés sur des échasses pour traverser les landes, les lacs qui remplacent, l’hiver, l’aride plaine de l’été (122), seront assez abandonnés de leurs familles pour qu’on les envoie à l’école communale. Alors il faudra se contenter d’y recevoir, au plus, le tiers de ceux qui pouvaient la fréquenter (123) ; et que répondre aux conseils municipaux lorsqu’ils disent ? « Pourquoi nous forcer à nous adjoindre à telle commune dont les chemins et la nature des lieux ne nous permettent pas l’abord ? Pourquoi nous forcer à payer pour les enfants d’autrui ? Qui donc paiera pour les nôtres (124) ? »


5o Des patois.


La question des patois peut être considérée de deux manières.

Faut-il, pour la satisfaction des antiquaires, pour la commodité des linguistes, pour varier les plaisirs de quelque voyageur blasé, entretenir et favoriser dans nos provinces toutes les diversités d’idiôme qui s’y rencontrent, les honorer comme des ruines qu’on ne peut toucher sans sacrilége ? Alors ceux qui encouragent aujourd’hui les traductions de nos bons livres en bas-breton ou en platdeutsch ont raison ; il faut, dans les écoles normales primaires, créer des chaires de Gascon et de Champenois, et, l’on n’aura pas grand’peine à atteindre son but dans les campagnes, car la routine seule suffit depuis long-temps pour y prohiber tout progrès de la langue Française.

Faut-il prendre en pitié le sort de ces milliers de Français qui ne savent pas le français ; pour qui l’article de la Charte qui déclare tous les Français accessibles aux emplois n’est pas une vérité ; qui peuvent servir huit ans sous les drapeaux, sans avoir l’espérance de devenir caporaux ; qui ne peuvent comprendre les lois de leur pays, l’arrêt qui les condamne dans un procès, les actes administratifs qui les régissent ; qui ne peuvent, à raison de la diversité des langues, sympathiser par aucun point avec le peuple dont ils sont réputés frères, pas plus qu’au jour où leur province fut réunie à la couronne de France ? Est-il temps en effet d’opérer véritablement cette réunion par l’uniformité du langage et des mœurs, et de ne plus distinguer des races gaéliques ou germaniques, ou ibériennes, mais de les fondre toutes dans l’unité nationale ? En ce cas, dût-on nous traiter de Vandale, nous sommes d’avis qu’on tranche au vif dans cette antique transmission des patois, et que chaque école soit une colonie de la langue française en pays conquis.

Nous en sommes malheureusement encore bien loin. Un inspecteur se présente dans le canton de…, ou de…, sur le territoire français, et, comme préliminaires d’examen, il demande quelques renseignements. On s’attroupe autour de l’étranger qui parle une langue inconnue ; le maire est appelé et finit par s’aboucher avec lui à l’aide d’un trucheman (125). L’inspecteur se transporte chez l’instituteur, le voilà en pays de connaissance, et déjà, bien que sentant ses habitudes de patois (126), la lecture des bambins de l’école réjouit son oreille par des sons français. Il parle, mais personne ne lui répond : il est inutile de dire que les élèves ignorent la langue, quand nous saurons que le maître qui doit la leur enseigner ne la connaît pas lui-même (127) ; ou bien si, par un heureux hasard, il est en état de la montrer, tout s’oppose autour de lui à ce qu’il réussisse. Les enfants, de retour dans leur cabane, quelquefois même au sein des villes (128), vivent dans le patois : ils le retrouvent à l’école dans la conversation familière et dans les questions de l’instituteur (129) ou de sa famille (130). Les livres français, à commencer par la grammaire, sont pour eux des livres de lecture comme le psautier latin dans nos écoles (131) ; aussi, pour les choses qu’ils doivent comprendre, le catéchisme, par exemple, les ecclésiastiques exigent que l’instituteur le fasse réciter en patois (132), et refusent la porte à l’enfant qui ne le saurait dire qu’en français (133). En un mot les rôles sont changés : le français est pour eux ce qu’est pour nous leur idiôme, une langue morte, une ruine, ou, si vous voulez, un luxe dont ils n’ont que faire. Le patois est la vraie langue du pays (134) : elle se mêle à tout, aux conversations, aux plaisirs, aux affaires : elle règne dans l’école comme dans l’église où le prêtre n’emploie pas d’autre langue pour prêcher ses ouailles (135). « Parlez la langue de vos pères, dit le bon curé aux enfants (136) ; ils n’ont pas besoin de parler comme des bourgeois, disent aux instituteurs les pères de famille (137). »

— Telles sont les causes les plus générales que nous avons trouvées à la difficulté de propager en France l’instruction primaire : répugnance ou indifférence chez les masses ; inertie ou mauvais vouloir des gens influents, conflit d’intérêts dont les plus puissants seront toujours pour le pauvre ceux qui touchent de plus près à sa misère ; rivalité des communes, défaut de communication entre elles, limites trop étendues de leur circonscription, position excentrique des chefs-lieux, enfin, pour un assez grand nombre de provinces encore, la diversité des langues. Toutefois, en pénétrant davantage dans les causes particulières qui peuvent agir sur les localités, nous avons été amené à examiner un certain nombre de questions importantes, dont la solution eût pu hâter celle de la question fondamentale. Il en est qui ne nous ont pas paru douteuses, et nous exprimerons tout à l’heure sur celles-là nos convictions avec une entière sincérité, mais nous sommes forcé d’avouer que, pour bien d’autres, les rapports les plus contradictoires nous ont laissé dans une plus grande perplexité peut-être que si nous avions, à priori, étudié la matière par les ressources seules du raisonnement.

Nous nous sommes demandé par exemple lesquels étaient les plus favorables à l’instruction, des pays riches par la culture ou de ceux dont le sol est plus ingrat ; des grandes propriétés territoriales ou des petits domaines ; si l’on devait compter sur les progrès de l’industrie pour aider ceux de l’instruction primaire ; si les écoles sont plus souhaitées par l’aisance ou par la misère ; si l’instruction croît plus vigoureusement sur la montagne ou dans la plaine, le long des fleuves ou dans le voisinage des forêts, etc. Voici les conclusions et les doutes où nous a conduit une comparaison attentive des rapports entre eux.


Questions Particulières.


1o Des grands établissements d’industrie, ateliers, usines, fabriques, etc.


Nous sommes du nombre des personnes qui applaudissent sincèrement à tous les progrès de l'industrie, et qui ne désespèrent pas de voir les idées grandes, nobles et généreuses se concilier avec les calculs d’intérêt et les spéculations matérielles qu’elle suppose ; mais, avant que les mœurs publiques se soient formées à cette combinaison nouvelle, avant que la législature soit intervenue pour fixer à l’industrie sa limite dans le monde moral qui n’est pas de son domaine, nous ne pouvons voir sans douleur les funestes effets qu’elle exerce partout autour d’elle sur les populations qu’elle corrompt dans leur source. De toutes les passions humaines, la plus vile, l’amour du gain, est la seule qu’elle appelle pour auxiliaire, et l’instruction n’a pas de plus mortel ennemi (138). Qu’une fabrique (139), une filature, un arsenal (140), une usine (141) vienne à s’ouvrir, et vous pouvez fermer l’école. Je ne parle pas de tous les désordres qui troublent alors la paix du ménage, de toutes les formes hideuses que revêt la cupidité qui s’allume chez ces villageois, autrefois de mœurs simples et paisibles ; je ne plaide ici que la cause de l’enfance livrée par l’avarice des pères à l’avarice des commerçants. Pendant que le fabricant, pour un travail mécanique qui n’exige aucun développement des facultés de l’esprit, préfère de jeunes bras qu’il use à meilleur marché (142), les parents, de leur côté, reçoivent comme une aubaine inespérée les trois ou quatre sous que l’enfant exténué rapporte le soir à la maison (143).

Nous sommes, à vrai dire, une singulière nation ! Le voyageur qui veut nous émouvoir n’a qu’à nous transporter par la pensée sur le rivage de la Guinée ou du Congo ; qu’il nous montre là un jeune nègre livré au facteur européen par sa famille, pour quelques pièces de monnaie : il n’en faut pas davantage pour nous faire verser des larmes ; et, dans un élan généreux, au risque de perdre les colonies pour défendre un principe, nous vouons à l’infamie et aux galères le complice de cet odieux trafic. Eh bien ! dans les états industriels qui font de la philanthropie à deux mille lieues de distance, en Angleterre, par exemple, la traite des enfants est organisée impunément ; en France elle s’organise paisiblement ; et, si l’on n’y met promptement obstacle, qui peut dire combien de malheureux elle dévorera chaque année ? Et ce ne sont pas ici des Ghiolofs ni des Mandingos, c’est la chair de notre chair, ce sont des peaux blanches comme nous, que nous laissons livrer corps et âme, dès l’âge de cinq ou six ans, à un trafic plus odieux que la traite des nègres. Ceux-là, du moins, les maîtres dont ils sont devenus la chose, ont intérêt à ménager leurs forces pour qu’elles durent plus long-temps. L’intérêt du fabricant est directement contraire, c’est de tirer de ses quatre sous le plus grand profit possible. Que lui importe la santé, la vie même de l’enfant qui s’étiole et s’épuise à sa mécanique ? Il a une longue suite d’aspirants qui n’attendent qu’un vide pour le remplir : l’enfant est mort, vive l’enfant ! Dans les colonies, grâce à la rivalité des sectes religieuses de l’Angleterre et des États-Unis, l’esclave noir n’a pu que gagner pour son éducation à quitter la terre de barbarie où il était né. Les écoles du dimanche en réunissent un grand nombre, ne fût-ce que pour leur apprendre à prier le Dieu qui console de l’esclavage. Chez nous, des enfants à qui la loi a voulu conférer le bienfait d’une instruction nécessaire, sont disputés à l’école par l’appât de quelques centimes ; ils sont enlevés de la terre de civilisation pour être transplantés en terre de barbarie ; et, quand l’instituteur les réclame, il n’obtient que des refus. Quand le prêtre vient frapper à la porte de la fabrique pour apporter la parole sainte aux enfants de sa paroisse, on n’a pas une heure d’audience à donner à Dieu (144). Que manque-t-il donc à ces blancs pour être aussi des nègres ? L’amalgame peut-être. Hélas ! Pour qui a pénétré dans ces retraites, pour qui a pu observer la facilité du commerce des ouvriers entre eux, l’empire et l’influence des contre-maîtres, l’exemple des habitudes vicieuses sur des enfants abandonnés tout le jour de leurs père et mère, l’amalgame aussi ne s’y trouve-t-il pas ? Qu’importe son nom ! Nous lisons avec effroi, dans un tableau du Journal of Education, qu’en quatre jours, à Londres, quatorze cent quatre-vingt-quatorze enfants avaient fréquenté quatorze boutiques de rogomistes[2]. Nous voyons en France les mêmes usages naître de la même corruption ; et, par forme de récréation, la funeste pitié des parents laisse les jeunes enfants prélever sur le tribut quotidien qu’ils reçoivent de quoi boire l’eau-de-vie dans les tavernes de l’endroit (145). Ainsi, malgré le nombre prodigieux des maladies dont le séjour des enfants dans les fabriques devient pour eux la source, on est encore obligé de considérer leur mauvaise santé comme le moindre de leurs maux.

Nous le répéterons volontiers, nous sommes loin de déclarer la guerre à l’industrie : quand chacun de nous profite, à toute heure du jour, des jouissances qu’elle ajoute à la vie, il y aurait plus que de l’injustice à blasphémer ses bienfaits, il y aurait de l’ingratitude ; mais, s’il fallait les acheter par de pareils sacrifices, qui ne rougirait de payer si cher le bon marché qu’elle nous fait ? Je suis loin encore d’accuser de cette dureté de cœur tous les directeurs de fabrique et de manufacture ; on en cite même que nous comptons parmi les bienfaiteurs de nos écoles ; mais, quand deux intérêts, de leur nature aussi contraires que l’amour du gain et l’instruction, se disputent l’enfance, nous disons qu’il y aurait une imprudence coupable à la loi de s’en reposer sur la générosité des individus pour faire le sacrifice de leurs intérêts dans la mesure que prescrit la justice. Si ces pauvres enfants, sans appui dans la faiblesse de leur âge, sans appui dans la tendresse de leurs familles qui les vendent, sans appui dans l’humanité de ceux qui les achètent à beaux deniers comptants, ne trouvent pas non plus d’appui dans la loi, quel sera leur refuge ?


2o L’aisance est-elle plus favorable au développement de l’instruction que la misère ?


Les écoles sont-elles plus fréquentées dans les pays riches et fertiles que dans les campagnes moins bien favorisées du ciel ; dans les grasses vallées que sur l’aride montagne (146) ? Le raisonnement est impuissant à résoudre la question, et l’expérience est si incertaine qu’elle nous laisse dans le même embarras. En effet, si le paysan aisé peut se passer plus aisément du travail de ses enfants et sacrifier à leur instruction le temps qu’il aurait pu leur demander pour sa culture, d’un autre côté, cette fertilité même qui fait sa richesse réclame tous les bras de la ferme, et ceux de ses enfants seront donc alors perdus pour lui. En sacrifiant les éléments de cette richesse qui lui donne le goût de l’instruction, il la perd ; si le pauvre, en jetant les yeux au-dessus de lui, envie l’aisance des conditions plus élevées, et se sent disposé à donner à son fils, par une instruction plus soignée, les moyens de gravir au-dessus de la condition paternelle, d’un autre côté, les besoins sont si pressants, les nécessités si impérieuses, que le sacrifice du temps seul de ses enfants est une épargne qu’il ne peut faire. Que sera-ce s’il y faut joindre la dépense réelle d’une mise plus décente, d’une paire de sabots, d’un mouchoir, d’un livre de lecture ? Aussi, rien de plus hasardé que les jugements des inspecteurs sur cette question. Là où ils rencontrent une école bien fréquentée dans un pays ingrat : « C’est que la misère est un bon conseiller, » disent-ils. Si, au contraire, elle est déserte : « C’est que les gens sont trop misérables (147). » Descendent-ils dans un pays riant, couvert d’abondantes moissons : Si l’instruction est en souffrance, c’est que le pays est trop riche (148) ; il lui faut trop de bras. Si elle y est florissante, l’aisance est une bonne nourrice pour les écoles (149). Ces contradictions montrent assez qu’on s’est attaché là à des apparences extérieures beaucoup moins vitales qu’on ne le suppose dans la question. Je croirais volontiers que ce n’est, ni dans un peu plus de prospérité, ni dans un degré de gêne plus pénible, que se décide le goût ou l’insensibilité des gens de la campagne pour l’instruction (150). En cela, comme en toute chose l’homme est un animal imitateur, et l’exemple est aussi nécessaire pour le progrès du bien qu’il est contagieux pour la propagande du mal.

Aussi, en règle générale, tous les moyens de communication entre les hommes tournent au profit de l’instruction (151). Le Briançonnais, en revenant la besace chargée du petit pécule qu’il a gagné dans son enseignement de passage, réunit ses enfants autour de l’âtre, et leur apprend les secrets du métier. Il fait de sa famille une pépinière de maîtres ambulants comme lui (152). Le Limousin a vu le monde ; il a appris à Paris toute la distance qui sépare dans son état le goujat ignorant du tailleur de pierres qui sait lire, écrire, calculer, et même qui possède quelques notions de dessin élémentaire. Aussi, ne croit-il pas faire un mauvais marché en échangeant quelques pièces du petit trésor qu’il rapporte à sa famille contre une croix de Jésus qu’il met entre les mains de son enfant. Ici, toute contradiction disparaît ; les avis sont uniformes, non pas sur le résultat moral des émigrations pour la vie de famille, etc., ce qui n’est pas la question, mais pour les heureux effets qu’elles ne manquent jamais de produire, quant à l’instruction primaire (153). Les grandes routes ne servent pas seulement au transport des denrées ; les idées y circulent aussi, et les populations riveraines en arrêtent toujours quelqu’une au passage, dont elles font leur profit : c’est leur droit de péage (154). Le voisinage des rivières et des fleuves, peut-être aussi de la mer (155), n’est guère moins favorable, et par les mêmes motifs, si ce n’est lorsqu’ils servent de limites aux états ; car alors le fléau des frontières, la contrebande, s’empare de l’enfant en bas âge, et le prépare de bonne heure à toutes les fraudes qui peuvent le rendre redoutable à la société (156). Les forêts, au contraire, isolées d’ordinaire du commerce des hommes, et dont le voisinage commode invite à tant de délits la misère des populations voisines (157), ne s’ouvriront pas les premières à l’instruction (158). La saison des écoles est aussi la saison du bois mort et des fagots (159), et c’est ce qui fait tort aux écoles.

3o Nous aurions voulu nous assurer si le morcellement des propriétés doit être compté parmi nos auxiliaires ou parmi nos ennemis ; et, quoique l’attention des inspecteurs, apparemment distraite de cette question par des intérêts plus importants, ne nous ait fourni que des renseignements insuffisants pour la décider, nous avons grand’peur que la division des biens ne soit, comme l’industrie, sa sœur, qu’un obstacle de plus à vaincre. Le petit propriétaire se ramasse tout entier en son travail ; l’exploitation économique de son modique domaine ne lui permettant pas l’usage des forces étrangères, des chevaux ni des bœufs, il faut bien qu’il devienne avare des siennes, les seules sur lesquelles il puisse compter ; et celles de sa famille en sont une portion indivisible. Ses enfants sont une aide pour lui, quand ils travaillent ; c’est une charge, quand ils s’instruisent : un mulet lui coûterait moins, parce qu’il rapporterait (160).

4o Les résultats que nous avons vu attribuer à la concurrence ne nous ont pas non plus toujours satisfait. On aimait à penser que la rivalité de deux écoles tiendrait chaque instituteur en haleine, et il n’est point douteux que cette émulation entre les écoles des frères et les écoles mutuelles n’ait amélioré beaucoup l’enseignement des unes et des autres. Nous voyons même avec peine, à part le sentiment de justice qui commandait cette tolérance, que cette seule considération des avantages inhérents à leur rivalité, n’ait pas retenu bien des conseils municipaux, au moment de supprimer les frères ou les laïcs, par une économie funeste. Mais, quand cette concurrence ne s’exerce pas dans les villes, au milieu d’une population assez nombreuse pour y suffire, elle n’a, le plus ordinairement, que des inconvénients. Si le droit, que chaque instituteur trouve écrit dans nos lois, d’aller dresser sa tente à la porte de l’instituteur communal, leur imposait à tous deux des conditions égales, la lutte tournerait toujours à la fin contre l’ignorance ; mais, dans l’état des choses, le peu de lumières des familles ne leur permettant pas de faire entre les deux maîtres le choix le plus judicieux, elles courent naturellement au bon marché, et l’adjudication se fait au rabais (161). Pour peu que l’instituteur communal se trouve chargé, par exemple, de soixante-quatorze enfants indigents (162), et que l’instituteur privé, son émule, fasse annoncer à son de trompe qu’il reçoit les autres à cinq sous par mois (163), je ne sais si le second fera de brillantes affaires, mais le premier, réduit à son minimum de deux cents francs, ne pourra pas subsister long-temps de la sorte (164).


Remèdes proposés.


En signalant les obstacles que l’instruction primaire pouvait rencontrer long-temps encore, MM. les inspecteurs de 1833 ont dû naturellement réfléchir aux moyens d’y porter remède (165). La tâche est ici bien plus difficile, aussi n’ont-ils pas été toujours très heureux. Nous ne croyons pas, pour notre compte, avec un inspecteur de Bretagne, que l’instruction primaire soit très-intéressée à ce que M. le Ministre de l’instruction publique distingue les instituteurs par un costume particulier et leur assigne un rang honorable dans les cérémonies publiques (166). Peut-être est-ce encore le succès qu’obtiennent généralement les frères qui a inspiré à un autre la pensée de proposer une loi pour le célibat des instituteurs (167). Sans recourir à des moyens que récusent nos mœurs, l’expérience amènera, nous n’en doutons pas, des modifications importantes qui répondront aux vues du législateur. Nous avouerons même que de tous les empêchements, celui qui nous préoccupe le plus, c’est l’abandon des écoles pendant l’été. Le temps est pour nous ; il vaincra la répugnance insensée du pauvre. Il lui fera reconnaître tôt ou tard que l’instruction est pour lui un intérêt, même matériel. Si quelques magistrats municipaux se font de leur propre ignorance un argument contre l’instruction, d’un autre côté, en élevant dans des sentiments opposés la recrue du corps électoral, les enfants de la commune, nous leur préparons des successeurs plus éclairés. Si les comités étaient quelquefois tentés de laisser ralentir leur zèle, leur concours, toujours précieux, serait suppléé cependant par l’action constante de l’inspecteur spécial du département. Les influences rétrogrades de quelques esprits chagrins ou inquiets passeront avec leurs regrets ou leurs craintes. Le lien, tous les jours plus étroit, qui resserre en faisceau les intérêts de la nation entière, aidé d’une surveillance rigoureuse, exercée dans les écoles, et de quelques procédés ingénieux, déjà tentés avec succès (168), sans entraver l’industrie, usera à la longue cette rouille des anciens temps : les patois se civiliseront. Des règlements sévères protégeront l’enfant contre la double avarice de son père et de son maître.

La réunion des communes occupera long-temps la patience des administrateurs. L’éloignement qui les sépare et les difficultés des chemins me paraîtraient exiger quelque tolérance pour des faits d’ailleurs moins contraires à l’esprit qu’au texte de la loi. À mesure que les communes plus heureuses se seront pourvues d’instituteurs fixes, et d’une capacité éprouvée, ceux que leur médiocrité aura rendus victimes de la concurrence, bannis de leur poste par l’impuissance d’y subsister, iront porter dans des retraites où elle était jusqu’alors ignorée le degré d’instruction qu’ils possèdent. Nous ne prétendons pas garantir qu’elle sera suffisante, mais assez en rapport avec des populations pauvres, sauvages, grossières, dont elle débrouillera les mœurs et qu’elle préparera à un meilleur avenir. De leur côté, les instituteurs nomades, Briançonnais, Piémontais, Béarnais, etc., qui venaient chaque hiver, le bâton blanc à la main, offrir, en passant, leur service à une grande partie des communes de l’est et du midi, surpris de voir une école fixe, établie dans la vallée où l’hiver précédent ils avaient posé leur nid, se réfugieront dans ces hameaux moins favorisés que leur isolement ou leur dénuement exclut du bénéfice de la loi (169). Puis viendront les routes, qui sillonneront chaque département, uniront les points les plus extrêmes, perceront les forêts les plus sombres, peupleront les solitudes. Alors l’ignorance, traquée de village en village, après avoir fui de montagne en montagne, fera place au système régulier d’écoles qui doit régir toute la France ; mais alors, aussi, ces magisters ignorants, triste débris de l’ancienne milice enseignante, auront disparu. Peut-être, en attendant, auront-ils encore rendu quelques derniers services aux hameaux qui ne les auront pas repoussés ; c’est un pis-aller qu’il faut ménager aux communes dénuées de tout autre secours : et s’il était permis de souhaiter que les magistrats, chargés d’exécuter la loi, fussent jamais tentés de lui être infidèles, un peu de connivence pour ces pauvres outlaws de l’instruction primaire me semblerait une charité bien entendue (170).

Mais la question vitale, la question invincible, c’est la désertion des écoles pour les travaux de la campagne.

C’est sans doute surtout à raison de son importance que de très-bons esprits voulaient établir, par une pénalité particulière, l’obligation pour les familles d’envoyer leurs enfants à l’école. C’était trancher le nœud Gordien. Nous n’avons pas à nous occuper ici de ce vœu qui n’a pas été accueilli par la loi, et nous déclarons sincèrement, malgré l’autorité des noms que nous sommes accoutumés à respecter dans l’opinion contraire, que nous avons toujours assez espéré du progrès de la raison publique pour en attendre, plutôt que de la force, le succès d’une loi si populaire. La voie suivie est peut-être plus lente, mais plus honorable et elle déroge moins au caractère français. Toutefois, il faut qu’on ne l’accuse pas d’impuissance, et que des mesures soient prises pour en assurer l’entière exécution.

Déjà, les instituteurs communaux ont été avertis que leur titre et le traitement qu’ils reçoivent leur imposent l’obligation de tenir leur école l’été comme l’hiver (171). Les heures et les jours de classe ne dépendent plus de leur caprice ni de celui des familles (172). Un statut détaillé du conseil royal de l’instruction publique régit toutes les écoles du royaume. Les comités, placés plus près des besoins de chaque localité (173), ont toute facilité pour proposer les modifications, qui leur paraîtraient utiles.

J’oserais ici en soumettre quelques-unes à l’attention du Ministre.

C’est quelque chose d’avoir obtenu de l’instituteur que chaque jour de la belle saison il ouvre son école ; mais si les enfants, au lieu d’y entrer, saluent, en passant, le maître qui se tient les bras croisés sur la porte, et se répandent dans les champs voisins, le but n’est pas atteint.

Or, qui peut prédire quand les familles ouvriront les yeux sur leurs véritables intérêts, et renonceront au profit qu’elles tirent du travail de l’enfant, pour le laisser étudier lui-même à son profit ? En attendant ce progrès, bien éloigné, je le crains, ne pourrait-on pas trouver quelques accommodements avec ces habitudes pernicieuses, et placer, par exemple, les heures d’étude de manière à ne pas contrarier celles des travaux rustiques (174) ? Quelques personnes avaient songé à mettre la classe du matin avant le départ des enfants (175), mais la chose n’est pas praticable : dès le point du jour ils sont aux champs : ou bien à les prendre au retour (176) ; mais l’heure du sommeil les appelle, et puis, quel fruit espérer d’une classe suivie après l’épuisement des travaux du jour ? En général, dans les campagnes où les ouvriers devancent volontiers le lever du soleil pour chercher, de 10 heures du matin à une heure de l’après-midi, un refuge contre l’excessive chaleur des mois de juin, de juillet et d’août, ne pourrait-on pas profiter de ce moment où les forces ne sont pas encore épuisées, pour réunir les enfants dans l’école ? Au lieu des deux classes régulières, on ne pourrait guère en espérer qu’une, mais ce serait déjà une conquête, et peut-être un acheminement pour l’avenir. Les parents même y seraient d’autant plus disposés que souvent, à cette heure, leur repos (la siesta) est troublé par les jeux et la pétulance des enfants (177). Reste une grande difficulté : les parents, sans doute, se déchargeront volontiers alors de la surveillance de leurs enfants sur le maître, mais ils ne voudront pas le payer pour cela, et il ne recevra tout au plus que les indigents. Pour remédier à ce mal, plusieurs avis sont ouverts. — On aidera les familles qui se prêteront à cet arrangement par quelque secours pécuniaire : mais, est-il d’une bonne morale de payer aux parents le bien qu’on leur fait ? On a loué avec raison la sagesse du législateur de n’avoir pas établi la gratuité pour tous, et d’avoir voulu que chacun, dans la proportion de ses ressources, s’accoutumât à mieux apprécier l’instruction qu’on lui donne par les sacrifices même qu’elle lui impose. Ce principe ne serait-il pas ici démenti (178) ?

On propose encore d’imiter l’exemple de ce conseil municipal qui a voté, en sus du traitement fixe, deux cents francs à l’instituteur, pour recevoir, sans rétribution, pendant l’été, tous les enfants de la commune qui se présenteront dans son école (179). On ne peut que louer la générosité d’une pareille décision, mais sans espérer qu’elle trouve de nombreux imitateurs. Combien de communes ne suffisent pas par leurs seules ressources au minimum du traitement, loin de pouvoir en voter un supplémentaire !

Avant la loi du 28 juin 1833, nous trouvons établi dans quelques provinces, déjà plus avancées sur les questions d’instruction primaire, un usage que nous ne saurions trop recommander à l’attention. Au lieu de fixer la rétribution mensuelle, les conseils municipaux fixaient la rétribution annuelle. Elle se payait, chaque mois, par douzième (180). Par là, on assurait l’existence de l’instituteur pendant l’été comme pendant l’hiver ; et, ce qui est bien plus important, on enlevait aux familles la tentation malheureuse de faire des économies aux dépens de l’instruction de leurs enfants. Tel se dispense volontiers d’envoyer son fils à l’école, pendant la saison des travaux, parce qu’il n’est point obligé de payer l’écolage, qui l’enverrait sans aucun doute, pour gagner son argent, s’il fallait le débourser quand même (181). Cette précaution innocente aura sans doute été suggérée à ceux qui l’avaient mise avant nous en pratique, par l’expérience des calculs sordides qu’il nous faut déconcerter à notre tour, et peut-être ferait-on bien de l’adopter par mesure générale (182).

Enfin, nous avons gardé le remède le plus infaillible pour le dernier, et nous en attendons un plein succès, parce que tous les témoignages des inspecteurs en attestent l’efficacité. Il s’agit de donner aux écoles de bons maîtres. Partout où l’on a vu des instituteurs médiocres et peu considérés, on n’a pas trouvé d’école pendant l’été. Partout où l’inspecteur a signalé des hommes habiles, honnêtes, consciencieux à la tête des écoles, ils se sont peu ressentis de la solitude qui dévastait les bancs de leurs voisins. Et c’est cette expérience, plus que toute autre chose, qui me confirme dans mes espérances pour l’avenir. Dans ce bon sens pratique de la nation, il faut voir un gage de l’assiduité future de la population de nos écoles, quand nous serons parvenus à former des instituteurs dignes d’inspirer aux familles toute confiance et pleine sécurité (183).

C’est une tâche en grande partie réservée aux écoles normales primaires. À l’époque où ces renseignements ont été recueillis, elles étaient loin d’avoir acquis l’importance que l’attention vigilante de l’administration leur a donnée depuis. Il serait donc injuste de mesurer ses espérances aux services qu’elles avaient pu rendre alors. Sans doute, une appréciation plus judicieuse des devoirs qui sont imposés aux élèves-maîtres ne leur ferait plus mériter aujourd’hui le reproche d’élever si haut leurs prétentions au sortir de l’École normale, que les modestes émoluments d’une commune rurale ordinaire ne pussent les satisfaire (184). Si les écoles normales ont été placées dans les grandes villes, ce n’est pas que les villes seules puissent se flatter de profiter des élèves que le département y aura formés, c’est qu’elles pouvaient seules présenter les ressources d’enseignement nécessaires, des bâtiments appropriés aux besoins de l’établissement, et qu’elles sont là placées plus près des yeux des magistrats intéressés à en surveiller les progrès. Les écoles normales ne peuvent perdre de vue que les communes rurales sont celles qui exigent de la part du gouvernement le plus de sollicitude et d’intérêt. Les villes ne manqueront jamais d’instituteurs, mais les campagnes en sont souvent dépourvues (185).

Nous ne parlerons pas des répugnances attribuées au clergé contre les maîtres formés dans les écoles normales (186). On ne peut nier que des préjugés, quelquefois malheureusement justifiés par l’imprudence de quelques étourdis (187), n’aient pas été favorables d’abord au succès de cette institution. La crainte de confier à de très-jeunes gens, étrangers à la commune, toute la jeunesse du pays (et nous ne pouvons oublier que les filles sont souvent admises dans la même école), avait inspiré aussi à quelques conseils municipaux l’idée d’envoyer à l’école normale un homme du pays même, destiné à revenir y prendre la direction de l’école (188) ; mais nous espérons que ces méfiances (189) ont déjà cédé aux améliorations progressives qu’ont reçues ces établissements importants. Des études solides, sérieuses, dirigées vers l’enseignement modeste auquel ils sont voués, des goûts simples, le respect de ce qu’il faut apprendre à respecter aux autres, une conduite plus prudente, et des mœurs plus irréprochables, à raison même des inquiétudes que peut inspirer leur jeunesse finiront par concilier aux élèves-maîtres la confiance générale et la considération à laquelle leur supériorité d’instruction leur donne déjà des droits incontestables (190).

— Après avoir tracé un tableau malheureusement trop fidèle de l’état misérable où se trouve réduite l’instruction primaire, nous ne pouvons abandonner ce chapitre sans consoler au moins les yeux de nos lecteurs et ranimer leurs espérances par le récit de quelques faits que nous aurions souhaité trouver plus nombreux.

Il est doux de voir, au milieu de l’indifférence presque universelle des gens de la campagne, de bons pères de familles, des cultivateurs intelligents, sans aide et sans conseil, se concerter entre eux pour donner à leurs enfants un instituteur qui commence par être attaché d’abord à quelques maisons seulement ; puis le nombre des familles qui sont invitées par l’exemple, et se font admettre à cette compagnie, s’accroît, de manière qu’une éducation, domestique dans son origine, finit par devenir une école publique (191). Notre vœu serait exaucé, et la loi n’aurait pas besoin d’une disposition nouvelle, si les enfants condamnés de bonne heure au travail du corps dans les ateliers et les fabriques, y trouvaient aussi la part des soins dus à l’intelligence, comme dans l’école des mousses à Rochefort (192), ou dans celle de la fabrique de porcelaine de Foëcy (193). Honneur aux hommes qui prennent sous leur garde le sort trop souvent négligé de nos petits enfants ! C’est une charité qui ne fait pas grand fracas : ceux qui la pratiquent trouveraient facilement un emploi de leur philanthropie qui leur rapporterait plus de renommée, s’ils visaient à cette récompense : mais s’ils croient leurs soins et leurs aumônes bien payés par le bonheur à venir de leurs protégés, par l’esprit d’ordre et de conduite qu’ils leur inspirent, les jouissances d’esprit qu’ils leur préparent, les garanties nouvelles qu’ils créent à la stabilité des choses, ils ne pouvaient mieux placer leurs bienfaits, ni rechercher une popularité plus légitime : les bienfaiteurs de l’enfance ont bien mérité de la société. Qu’il nous soit donc permis de citer ici leurs noms sans faire offense à leur modestie. Nous ne présumons pas assez du succès de ce livre pour croire que nous puissions contribuer beaucoup à faire mieux connaître bien des dévoûments, qui peut-être veulent rester ignorés ; mais nous ne pouvons nous refuser à leur rendre ce témoignage ; qu’ils l’acceptent seulement comme un remercîment qui leur est dû, pour le plaisir que nous avons éprouvé à la lecture, en les voyant, devancer ainsi et peut-être hâter, par de si bons exemples, les heureuses dispositions où la loi nouvelle a trouvé les chambres législatives.

Ce serait ici la place de tous les ecclésiastiques signalés dans les documents que je compare, s’il ne m’avait pas semblé plus à propos de réserver les services qu’ils ont pu rendre à l’instruction primaire pour le chapitre particulièrement consacré au clergé. C’est là qu’on pourra mieux apprécier cette hostilité prétendue des prêtres contre l’instruction, leur obscurantisme, comme on l’appelle.

Nous avons, par le même motif, renvoyé au chapitre des instituteurs les éloges que plusieurs d’entre eux ont mérités par un désintéressement d’autant plus louable, que leur position misérable les dispenserait presque de pratiquer cette vertu. D’ailleurs, les ecclésiastiques, comme les instituteurs, sont les protecteurs-nés de l’enfance ; et, sans vouloir rien diminuer de la reconnaissance qui leur est due pour si bien accomplir leur ministère, nous n’avons prétendu louer ici que le dévoûment inespéré des personnes que leur position rendait étrangères aux études de la jeunesse. Ainsi, quoiqu’il en coûte à nos affections particulières, nous saurons réprimer nos regrets, et laisser dans un oubli qui n’est pas de l’ingratitude, le nom d’un homme depuis long-temps voué à la direction de l’instruction primaire en France, et que ses laborieuses fonctions n’empêchent pas d’étendre une surveillance active et salutaire sur l’école de son village bien-aimé (194).

Nous laisserons parler ici les inspecteurs dont nous avons recueilli les témoignages.


alpes (basses).

L’enseignement est assez avancé dans les communes de Riez, de Puimoirson et de Montagnol ; une école de la doctrine chrétienne, fondée à Riez par un particulier qui a laissé pour cet objet un capital de 45,000 francs environ, réunit tous les enfants de la localité au nombre de 180 à 200. (arrondissement de Digne, canton de Riez.)


cher.

Il y a une école mutuelle à Héry, établie et soutenue par le patriotisme de M. Duvergier de Hauranne, député. (Arrondissement de Sancerre, canton de Sancergues.)

Vierzon-Village. Cette singulière commune rurale enveloppe de toutes parts la ville de ses habitations éparses. — École des forges, fondée par le respectable M. Aubertot, vénéré pour ses vertus patriarchales et le bel emploi d’une immense fortune. (Canton de Vierzon.)


corrèze.

L’école de Noailles a été fondée par M. le comte Alexis de Noailles. (Arrondissement et canton de Brives.)

La préceptorale fondée par M. Dubois assure à l’instituteur un traitement fixe de 300 francs et un logement. (Arrondissement de Brives, canton de Juillac).


indre-et-loire.

On est d’autant mieux fondé à espérer que l’établissement d’une école dans les communes dénuées de ressources deviendra tous les jours moins onéreux au département et à l’État, que déjà des dons particuliers, des legs, des secours temporaires, accordés par des bienfaiteurs de l’instruction primaire à leurs communes, les mettent à même de remplir le vœu de la loi. À Reignac, M. Lesage a fait construire une maison d’école ; il a fait une donation de 6,000 francs pour fonder un traitement fixe de 300 francs en faveur de l’instituteur. À Abilly, MM. Pinel et Conti, long-temps avant la loi, élevaient une école, et, avec l’aide de quelques autres souscripteurs, créaient au maître qu’ils y avaient appelé un traitement de 1,300 francs dans un village de sept cent quatre-vingt-onze habitants. À Monnaie, M. le vicomte de Flavigny, que le conseil-général compte tout récemment parmi ses membres, a fait à sa commune le sacrifice d’une somme de 4,000 francs pour la construction d’une maison d’école. Je sais déjà bon nombre de propriétaires qui seront entraînés par l’exemple, et viendront au secours des communes dénuées de revenus. Ce n’est pas toutefois pour encourager leur zèle par l’appât d’une récompense, mais pour offrir aux personnes dévouées un témoignage d’estime bien mérité, que j’oserais proposer au Ministre d’adresser à MM. Lesage, de Reignac (canton de Loches) ; Conti, d’Abilly (canton de Lahaye) ; et au vicomte de Flavigny, de Monnaie (canton de Vouvray), quelque lettre d’honneur ou toute autre distinction qu’il jugerait convenable. Peut-être cette marque de reconnaissance de la part de l’Université, juste en elle-même, serait-elle encore d’un heureux effet sur eux et sur leurs futurs imitateurs.


landes.

C’est dans une localité du canton d’Arjusaux que j’ai trouvé un fait unique : Un très-fort propriétaire, et aussi riche en science et en sentiments qu’il l’est en fortune, a intimé à tous ses colons l’ordre d’envoyer leurs enfants à l’école, sous peine d’être dehors, etc., etc. (Arrondissement de Mont-de-Marsan).


loir-et-cher. (Voir n° 55).


maine-et-loire.

Le village de Tout-le-Monde (commune de Montlevrier) ne peut rien faire pour l’instituteur. Il sera logé, comme son prédécesseur, par la générosité de M. Cesbron, propriétaire cultivateur, qui, de concert avec son fils, élève de M. Roville, l’aidera à faire un cours théorique d’agriculture d’après le nouveau système, et les élèves pourront en suivre l’application sur l’exploitation de ces messieurs. (Arrondissement de Beaupréau, canton de Cholet).


marne (haute).

Les maisons et le territoire de la commune d’Écot appartiennent en entier à MM. Michel, maîtres de forges, qui fournissent gratuitement un local pour l’école, et donnent, en outre, chaque année, 50 francs à l’instituteur. (Arrondissement de Chaumont, canton d’Andelot).


oise.

La commune de Hury, qui doit à la générosité de M. de Cassini une maison commune, une maison d’école et un presbytère, a l’avantage de posséder un instituteur estimable sous tous les rapports, (arrondissement de Clermont, canton de Mouy).

La commune de Mont-l’Évêque a le bonheur d’avoir un maire comme on en rencontre peu : M. de Pontalba, propriétaire immensément riche, et qui fait dans le pays le plus noble usage de sa fortune, y a créé une école, malgré une opposition assez violente de la part des fermiers, qui sont peu partisans de l’instruction.

Les fermiers ayant menacé de ne pas faire travailler les pauvres qui enverraient leurs enfants à l’école, il a su combattre et paralyser ces menaces par son influence personnelle et les secours d’argent qu’il répand dans le village. (Arrondissement et canton de Senlis).


puy-de-dôme.

L’école mutuelle de Ray est tout entière établie aux frais de Madame Adélaïde, local, matériel, objets d’enseignement et traitement de l’instituteur. (Arrondissement de Thiers, canton de Randan).


saône-et-loire.

Quelques riches propriétaires ont fait des dotations en faveur des instituteurs et des élèves indigents ; parmi eux, on doit compter en première ligne M. Loisy, propriétaire à Terrant, canton de Pierre, et M. le comte de la Marche demeurant au château de la Marche, près Mervans. (Arrondissement de Louhans).


seine.

M. Benjamin Delessert, à qui la commune doit la fondation et l’entretien d’un établissement complet d’instruction primaire, le plus remarquable du canton, et probablement de tout l’arrondissement de Saint-Denis, est parfaitement secondé par l’instituteur qu’il a choisi, et qui joint à une extrême modestie une instruction variée, un zèle et un dévouement sans bornes. (Arrondissement de Saint-Denis, canton de Neuilly, commune de Passy).


seine-et-marne.

On compte, dans le canton de Melun, trois écoles mutuelles gratuites : une à Melun ; la deuxième, à Maincy, fondée et entretenue par M. le duc de Praslin dans son château ; la troisième, au Mée. (Arrondissement et canton de Melun).


seine-et-oise.

L’école d’Évry-sur-Seine, où les deux classes sont parfaitement divisées, et correspondent à deux cours également séparées pour la récréation des enfants, a été bâtie, aux frais de M. Aguado, sur un terrain lui appartenant. Le traitement qu’il fait au maître et à la maîtresse s’élève, pour le ménage, à environ 1,400 francs, sans compter le logement. Le papier, les livres, etc., sont à la charge de M. Aguado, de sorte que toute la commune reçoit gratuitement l’enseignement primaire, enseignement qui s’étend jusqu’à la grammaire, l’orthographe et la géographie. (Arrondissement et canton de Corbeil).

— Le maître d’école de Gironville recevra, en outre, 250 francs pris sur le revenu des terres dont M. de Bézemont a fait don à la commune. Ces terres sont évaluées à 12,652 francs. D’après une clause de l’acte de la fondation de M. de Bézemont, l’instituteur pourrait être obligé d’admettre gratuitement dans son école vingt-quatre indigents, auxquels il fournirait livres, plumes, encre et papier. (Arrondissement d’Étampes, canton de Milly).


seine-inférieure.

La maison d’école d’Argueil a été donnée à la commune par madame de Bray, qui en a fait construire une autre très-belle à la Galletière, et qui donne chaque année 150 francs à l’instituteur de cette dernière commune pour l’enseignement des enfants pauvres. (Arrondissement de Neufchâtel, canton d’Argueil).

M. le maire de Cailly, magistrat éclairé et animé d’un zèle ardent pour la propagation des lumières, fait construire à ses frais un bâtiment vaste et commode pour y placer une école primaire. (Arrondissement de Rouen, canton de Clères).


yonne.

M. le maire de Pourrain a fondé une école de filles dans sa commune qui est très-bien tenue ; il a donné une somme de 600 francs pour subvenir aux dépenses premières. De plus, il donne 50 francs par an pour acheter des livres aux élèves qui se sont distingués. Il assiste souvent aux leçons de l’instituteur et des institutrices ; et, comme il est très-capable de les aider de ses conseils, ces deux écoles sont parfaites. (Arrondissement d’Auxerre, canton de Toucy.)

Pour compléter ce chapitre, il nous reste à rapporter quelques observations que nous ne nous chargeons pas d’expliquer, et que nous livrons seulement aux réflexions de nos lecteurs. La première surtout nous a frappé, j’oserai dire étonné ; mais, comme nous avons entrepris ici une œuvre de bonne foi, nous devions nous garder de lui ôter le seul mérite qu’elle puisse avoir, en contrôlant, par nos raisonnements et nos doutes, des rapports que leur concordance même défend contre tout soupçon d’infidélité, en dissimulant enfin la vérité, quand elle n’avait d’autre raison de nous être suspecte que nos préjugés : ici, comme ailleurs, nous voulons la dire tout entière.

Nous avions pensé, qu’on nous passe cet aveu, que, si l’on devait s’attendre à trouver l’ignorance en honneur, c’était surtout dans un département où l’opinion politique, ennemie de l’instruction populaire, a choisi son champ de bataille ; et, à défaut d’autre motif, la guerre civile, dont la Vendée a si long-temps été le théâtre, me semblait suffisante pour justifier, par ses préoccupations et ses troubles, la désertion des écoles. Eh bien ! c’est là qu’en France les inspecteurs ont rencontré peut-être le plus de goût pour l’instruction (195).

Un autre fait, moins surprenant, sans doute, mais qui mérite de stimuler le zèle des autres communions chrétiennes, c’est que les partisans du culte réformé sont infiniment plus avancés que nous sous le rapport de l’instruction primaire (196). Je ne parle point ici des villes où l’on peut supposer que la présence des personnes considérables de cette religion influe puissamment sur le bien-être des enfants et la direction des écoles, mais jusque dans les villages les plus reculés, les plus obscurs, les plus solitaires, l’influence des formes austères du protestantisme se fait sentir dans le soin religieux avec lequel ils envoient leurs enfants à l’école : et plus d’une fois, en parcourant sur la carte d’un département toutes ces communes vides d’écoles, ce grand désert de l’instruction primaire, au fond de quelque vallée bien lointaine et bien ignorée m’attendait une véritable oasis. Je citerai celle du Donezan :


arriège.
Arrondissement de Foix.

« Le canton de Quérigut par sa position est entièrement séparé du reste du département, pendant au moins la moitié de l’année. Il a même très-peu de rapport avec les autres communes qui en sont très éloignées. On y parvient par des chemins difficiles et dangereux. Cependant, on trouve dans le Donezan des traces d’une civilisation avancée, une certaine aisance, des mœurs douces, et le désir de s’instruire. Ce pays, autrefois souverain, devint, après la révocation de l’édit de Nantes, le refuge d’un grand nombre de familles protestantes qui y apportèrent leurs capitaux, y établirent le commerce des bestiaux et y firent naître l’abondance. Les habitations y sont assez bien bâties et commodes. On voit à Quérigut les restes d’un de ces châteaux du moyen âge qui servaient tour à tour à opprimer ou à protéger les populations, suivant les circonstances ou les intérêts des seigneurs. Le nom de Roquelaure y exerce encore une certaine influence. L’instituteur de Carcanières prétend descendre du fameux favori de Louis XIV. Sept communes, distantes d’environ une demi-lieue l’une de l’autre, forment ce canton qui présente un aspect charmant dans les beaux jours de l’été et de l’automne, mais qui est couvert de neige six mois de l’année. La population jeune est moins instruite que l’ancienne : c’est que, depuis longtemps, le nombre des curés et des instituteurs avait été réduit par les effets de la première révolution : les sacrifices que veulent s’imposer les communes et la protection du gouvernement y feront renaître l’état prospère qui y régnait il y a quarante ou cinquante ans. Toutes les communes y sont animées du meilleur esprit. Mijanès, où il n’existe pas d’école dans ce moment, a pris les moyens d’en établir une qui pourra être assez bien dotée, parce qu’elle jouit d’une rente de 100 fr. provenant d’un legs. On a le projet de construire une maison bien appropriée, dont le plan et le devis sont déjà approuvés. »





  1. Voyez le rapport de M. Prunelle.
  2. Voyez Manuel général de l’Instruction primaire, journal officiel, tome vi, page 242, no 5.




Haute-Marne ; arr. de Fassy, cant. de Saint-Dizier, comm. de B......... — Cette commune petite, mais riche, verra bientôt tomber son école. En voici les causes : 1° les hommes y préfèrent le célibat, ce qui diminue le nombre des enfants légitimes ; 2° la morale y dépérit faute d’être ranimée, excitée par l’autorité religieuse ; 3° les parents sont trop indifférents à l’éducation de leurs enfants.

Meuse ; arr. de Commercy. — L’instruction cependant aurait dans ce canton, un effet d’autant plus salutaire qu’elle prémunirait la population contre les vices que les hommes, presque tous émouleurs ou cordonniers ambulants, vont puiser pendant l’été dans nos grandes cités.

Saône-et-Loire ; arr. de Charolles, cant. de Paray, comm. de Vitry. — Cette commune, située à une lieue du chef-lieu de canton, a une population de près de 600 âmes vivant dans une démoralisation rare dont la première cause est l’ignorance.

Hautes-Pyrénées ; arr. d’Argelles, cant. d’Aucun. — Les habitants de ce canton sont extrêmement ignorants ; sans commerce, sans industrie et ne possédant pas d’établissements thermaux, ils vivent isolés, au sein des Hautes-Pyrénées. Les pâturages et le produit des bestiaux sont leur unique ressource. L’accroissement disproportionné de la population et la cessation de tout trafic avec l’Espagne, les ont appauvris. — Cet état d’ignorance et de pauvreté a eu pour effet inévitable, la démoralisation, la superstition et tous les vices qu’elle enfante. Les gens d’affaires, comme on le pense, ne manquent pas d’exploiter l’ignorance à leur profit, et les thaumaturges, la superstition. La civilisation, partout ailleurs progressive, est rétrograde dans le canton d’Aucun.

Les hommes sont généralement bien constitués et d’une taille avantageuse. Ils n’ont rien moins que le goût des armes. Aussi, les recrues étaient-ils, jusque dans ces derniers temps, réfractaires ou déserteurs. On ne trouve pas dans ce canton un militaire décoré, un sous-officier retraité. Un esprit national y est encore à créer ; l’instruction primaire peut seule régénérer cette population.

Ariége ; arr. de Foix, cant. de Foix et de Labartide-de-Seron. — Une partie du canton de Foix se trouve avoir une civilisation très-avancée, tandis que l’autre partie est dans un état presque complet d’ignorance. On peut en citer plusieurs causes. En première ligne, la nature des occupations des populations ; en second lieu, leur position. Quoique toutes les communes aient des rapports fréquents et directs avec le chef-lieu, il n’en résulte pas généralement le même avantage. Les populations pauvres et purement agricoles dédaignent l’instruction, et accusent même de paresse ceux qui donnent quelques moments à l’étude ; le soin des troupeaux et le transport du bois de chauffage occupent tous leurs instants. Pleins d’intelligence et d’ardeur pour le travail, les habitants des vallées, au levant et au couchant de Foix, ne négligent rien de ce qui peut assurer leur existence ; mais ils ne soupçonnent pas que l’instruction puisse améliorer leur sort. « Nos pères ne savaient pas lire, disent-ils ; ils ont vécu heureux. Pourquoi ne les imiterions-nous pas ? Pourquoi ferions-nous perdre à nos enfants un temps précieux ? N’est-il pas plus urgent, plus convenable qu’ils nous aident dans nos travaux ? Encore, si l’on payait les instituteurs, peut-être nous déciderions-nous à leur fournir des élèves. » Et ces mêmes hommes qui regrettent 75 cent. pour un mois d’école, dépensent au cabaret, les dimanches et les fêtes, le double de cette somme. C’est qu’ils sont mal dirigés ; c’est que leurs préjugés ne sont pas convenablement combattus. Il est vrai que, jusqu’ici, ils n’ont pas eu d’instituteurs, ou que leurs instituteurs étaient mauvais et se conduisaient mal : mais il était impossible qu’il en fût autrement. Le régent de village était ordinairement l’homme ruiné, l’homme taré ; le curé le méprisait, les habitants ne l’estimaient pas. Il donnait ses leçons à vil prix, et l’enseignement et le maître étaient confondus et méprisés. De tous les cantons de l’arrondissement de Foix, le canton de Labartide-de-Seron est celui où l’enseignement primaire est le moins répandu.

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Piney et de Lusigny. — Un homme qui a de la famille cherche, pour en alléger le poids, à en utiliser, le plus tôt possible, les jeunes membres.

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Troyes. — Les parents préfèrent un très-mince produit pour eux, à l’avantage inappréciable d’avoir des enfants instruits. Cet obstacle au développement de l’instruction me semble presque insurmontable dans les campagnes ; j’ai pu me convaincre que bien peu de parents sont disposés à sacrifier un intérêt présent, quelque faible qu’il soit, au bonheur à venir de leurs enfants.

Meuse ; arr. de Commercy, cant. de Saint-Mihiel. — Ce n’est pas des enfants que vient le mauvais vouloir ; nous avons remarqué avec un sentiment de satisfaction, que tous sont animés du désir d’apprendre.

Aveyron ; arr. de Rhodez, cant. de Marcillac. — Marcillac est, de tous les cantons de l’arrondissement de Rhodez, celui où l’instruction primaire laisse le moins à désirer. Comme le sol y est en général bon, les communes sont moins étendues qu’ailleurs.

Pas-de-Calais ; arr. de Béthune, cant. de Cardin. — La classe indigente, surtout, se décide difficilement à envoyer ses enfants aux écoles publiques. MM. les maires sont affligés de cette insouciance des parents, et cherchent tous les moyens possibles d’y remédier. Dans presque toutes les communes, ils sont décidés à priver des secours ordinaires, des familles indigentes dont les enfants ne fréquenteraient pas les écoles. Mais il est à craindre que ces mesures ne produisent pas l’effet que l’on en attend ; car, à peine les enfants des deux sexes sont-ils âgés de sept ans, qu’on les occupe à broder le tulle, ce qui leur rapporte 40 à 50 cent. par jour, somme bien supérieure à ce qui peut leur revenir des distributions du bureau de bienfaisance.

Seine ; arr. de Saint-Denis, comm. de Passy. — La plus grande partie des habitants sont des blanchisseurs, qui emmènent très-souvent leurs enfants à Paris, et prennent un médiocre intérêt à leur éducation.

Haute-Vienne ; arr. de Rochechouart, cant. d’Aradom sur Vagres. — La plupart sont tellement aveugles, qu’ils regardent comme perdu le temps que les enfants passent à l’école.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Montrevel et de Ceyzeriat. — On pourrait encore ajouter aux causes qui s’opposent à la propagation de l’instruction primaire, l’indifférence et l’insouciance de la plupart des parents.

Aisne ; arr. de Laon, cant. de Coucy-le-Château. — Il faut le reconnaître ; les habitants de la campagne ne sentent pas encore les bienfaits d’une bonne instruction.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, Digne, Sisteron. — D’ailleurs, beaucoup de pères de famille, n’attachant aucun prix à l’instruction, se refusent à faire les moindres sacrifices, pour en faire donner à leurs enfants, ou à les continuer aussi long-temps qu’il faudrait, pour qu’ils reçussent une instruction un peu complète et profitable.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, Digne, Sisteron. — Dans le département des Basses-Alpes, il règne généralement chez les pères de famille beaucoup d’indifférence pour faire fréquenter les écoles par leurs enfants. Cette indifférence tient à ce que, manquant eux-mêmes de toute instruction, ils n’en connaissent par le prix.

Hautes-Alpes ; arr. de Gap. — Une autre cause de cette supériorité se trouve dans les relations habituelles que les habitants du Briançonnais ont avec les garnisons des places fortes de Briançon, Mont-Dauphin et Château-Quigras ; aussi, nous est-il facile de remarquer qu’ils parlent mieux, et qu’ils ont un accent plus pur que les Gapençais.

Dans l’arrondissement de Gap, plusieurs cantons tels que Ribiers, Orpierre, Serres, Lareyne jouissent d’un climat doux. Là, durant deux mois seulement, les travaux de l’agriculture sont suspendus ; hors ce temps, les enfants travaillent ; les plus jeunes sont employés à garder les troupeaux et les autres à la culture. Plongés, pour la plupart, dans une ignorance profonde, les parents n’apprécient pas assez l’instruction pour avoir le désir de faire instruire les enfants à l’école, lors même qu’il ne leur en coûterait aucun argent.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. de Machault. — Les parents ont beaucoup de tiédeur pour tout ce qui concerne l’instruction de leurs enfants. Ils leur font manquer les classes, même pendant l’hiver, pour le moindre parti qu’ils en peuvent tirer dans leurs travaux.

Aube ; arr. de Nogent-sur-Seine, cant.de Romilly. — Romilly est peu favorable à l’enseignement ; presque tous les habitants sont bonnetiers et attachent peu d’importance à l’éducation ; aussi, a-t-on été obligé de baisser les prix mensuels qui ne sont plus aujourd’hui que de 8 sous, 10 sous, 12 et 15 sous.

Aveyron ; arr. de Millau, cant. de Salles-Curan. — On a à déplorer, dans ce canton, l’insouciance des pères de famille pour l’éducation de leurs enfants.

Bouches-du-Rhône ; arr. de Marseille, cant. de Roquevaire, la Ciotat et Aubagne. — L’état de l’instruction primaire, dans les trois cantons de Roquevaire, de la Ciotat et d’Aubagne, est loin d’être satisfaisant, sous le rapport du nombre des enfants qui fréquentent les écoles, comme sous celui de la capacité des maîtres. Dès l’âge de douze ans, les enfants sont employés aux travaux de la campagne, ou à ceux des mines de charbon. Ceux qui vont à l’école ne s’y rendent que pendant quelques heures de la journée, et font de longues et de fréquentes absences.

Les parents, presque tous cultivateurs, montrent en général une complète indifférence pour l’éducation de leurs enfants.

Charente-Inférieure ; arr. de Rochefort. — Souvent, près des deux tiers ne fréquentent pas et n’ont jamais fréquenté les écoles. Indépendamment des difficultés matérielles, l’indifférence des familles conduit à ce triste résultat.

Drôme ; arr. de Montélimart, cant. de Grignan et de Marsanne. — Plus on s’éloigne du Rhône et des populations industrielles, plus on trouve de négligence dans les parents et de mollesse dans les enfants.

Eure ; arr. d’Andelys — Manque absolu de matériel (tables, bancs) et d’objets d’enseignement (livres, tableaux). Ignorance des bonnes méthodes, dénûment de tous les maîtres et incapacité du plus grand nombre, insouciance des parents ; enfin, défaut de surveillance et d’impulsion municipale.

Gers ; arr. d’Auch, cant. d’Auch. — Ainsi, sous le rapport du matériel, les salles d’école sont presque partout basses, étroites, mal aérées ; les murs en sont nus et malpropres, et il est peu d’endroits où l’instituteur ait eu le soin de déguiser cette nudité par des tableaux de lecture, des modèles d’écriture, ou de dessin linéaire ; les élèves sont placés autour de tables de formes diverses, en regard les uns des autres, hors de la portée de l’œil du maître, qui n’a ni bureau ni place particulière qui le distingue d’eux.

Il n’y a pas une seule commune rurale du canton d’Auch dans laquelle il y ait un local affecté spécialement à une école ou au logement de l’instituteur qui la dirige. Il n’y en a que deux où l’instituteur communal ait un traitement fixe, encore ce traitement est-il très-modique. Nulle part, l’instruction primaire n’a été, de la part de l’administration locale, l’objet de cette sollicitude que réclame néanmoins son importance. L’instituteur, jusqu’à présent obligé de pourvoir à tout, à ses propres frais, se trouvait dans l’impuissance de le faire d’une manière convenable ; de là vient que les salles d’école sont si étroites, si malpropres, si misérables ; en un mot, de là vient aussi, en partie, que l’instituteur, pauvrement logé et mesquinement rétribué, n’obtenait pas dans l’intérieur de l’école ce respect, et hors de l’école, cette considération si nécessaire à ses succès ; de là vient enfin que, souvent, il était peu vigilant sur lui-même, et contractait des manières inséparables d’une position trop indigente.

Gers ; arr. de Lectoure, cant. de Mauvezin. — À Gaudanville, les particuliers qui ont de l’aisance, n’envoient pas leurs enfants à l’école, ou les retirent quand ils savent signer leur nom.

Meurthe ; arr. de Lunéville cant. de Baccarat et de Gerbéviller. — En considérant la protection si active que le gouvernement accorde à l’instruction primaire, on pourrait croire que l’ignorance est, ou sera bientôt bannie de nos campagnes. Cependant, après avoir examiné la capacité et le zèle des maîtres, le mobilier et le local des écoles, les habitudes prises dans un grand nombre de communes, le choix des livres, l’avarice et l’insouciance de beaucoup de parents, la négligence de quelques maires, l’opposition indirecte de quelques curés, on trouve encore mille obstacles à détruire, mille abus à réformer pour obtenir des résultats satisfaisants.

Une réforme à opérer et qui, en occasionnant peu de frais, serait féconde en résultats utiles, consisterait à fournir, à chaque école, assez de tables pour tous les enfants, sans exception. Alors, les plus jeunes ne seraient plus relégués à l’écart sur des bancs, privés de la leçon d’écriture.

Orne ; arr. de Mortagne, cant. de Tourouvre. — En général, il y a bien peu de zèle pour l’instruction primaire dans ce canton. Des écoles qui s’y trouvent, deux sont presque désertes, celles de Lignerolles et de Prépotin. Ces deux communes sont très-pauvres.

Les habitants ne comprennent pas comment l’instruction qu’on veut leur donner pourrait diminuer leur misère. On pense de même sur plusieurs autres points.

Ariège ; arr. de Foix, cant. de Foix et de Labartide-de-Seron. — Il suffit de dire que sur douze communes, il n’y a qu’une école, celle de Labartide-de-Seron. Il y en avait une à Durban, une autre à Cadarcet ; les instituteurs en ont été chassés par la misère et l’indifférence des parents. C’est que ces communes, ne vivant que du produit du sol et des bestiaux, et la plupart des habitants étant fermiers, tous leurs efforts tendent à la prospérité matérielle ; leur intelligence ne s’exerce que sur des objets de première nécessité, ils vivent péniblement ; leur premier, leur plus vif désir, est d’acquitter leurs obligations souvent onéreuses.

Ariège ; arr. de Foix. — Sur quatorze communes, le canton d’Ax n’a que huit écoles ; le canton des Cabannes n’en a également que huit sur vingt-cinq communes.

Aude ; arr. de Limoux, canton de Quillan. — Mais à la droite de l’Aude et dans la partie montagneuse de ce canton qui touche au nord de celui de Couïza, l’œil est de nouveau attristé par la pauvreté du terrain, et par le dénûment de toute culture de l’esprit. Sept communes, groupées dans un très-petit rayon, n’ont pas un seul asile où l’enfance puisse trouver le premier pain de l’instruction ; heureusement que ce funeste abandon pourra bientôt cesser ; rien de plus facile que de former, par réunions, des écoles primaires dans ces fractions de canton. Les villages y sont à une très-petite distance, les routes praticables presque toute l’année, les communications aisées et continuelles, en sorte que le moindre effort de la part des autorités locales et la moindre protection qui leur vienne des magistrats supérieurs, suffisent pour porter les écoles au complet dans le canton de Quillan.

Loiret ; arr. de Montargis, cant. de Lorris. — Dans le canton de Lorris, l’instruction primaire est dans un état d’abandon total : sur treize communes, dont trois seulement ont moins de trois-cents habitants, il n’y en a que deux qui aient un instituteur.

Apprendre à articuler les mots machinalement, avec tous les mauvais accents et les mauvaises habitudes que peuvent contracter des enfants de la campagne, lorsque ces défauts ne sont pas combattus par un maître zélé et habile ; enseigner un peu l’écriture sans orthographe, sans principes de grammaire ; à peine les deux ou trois premières règles, tel est à peu près le terme où se borne la tâche de la plupart des instituteurs dont j’ai visité les écoles.

Haute-Loire ; arr ; de le Puy, cant. de Saugues. — Dans ce vaste canton, composé de quinze communes, très-peu populeuses pour la plupart, il n’existe pas une seule école pour les garçons qui vont seulement chez la Béate pendant l’hiver pour apprendre la prière et le catéchisme.

Aisne ; arr. de Laon, cant. de Coucy-le-Château. — Quelques autres parents, par insouciance ou apathie, s’abstiennent entièrement de donner de l’éducation à leurs enfants.

C’est le lieu d’observer que si, dans les campagnes, les enfants ne fréquentent l’école que cinq à six mois de l’année, ils cessent entièrement de s’y rendre dès l’âge de dix ans, parce qu’alors ils commencent à aider leurs parents dans leurs travaux : il n’est pas étonnant alors qu’ils oublient le peu qu’ils ont appris, et que, parvenus à l’âge de la conscription, beaucoup sachent à peine signer leur nom.

Aube ; arr. d’Arcis-sur-Aube, cant. de Ramerupt. — Dans l’inspection des vingt-neuf communes qui composent ce canton, j’ai été à même de me convaincre d’un fait malheureusement trop vrai : c’est que nos campagnes sont presque totalement dénuées d’instruction. La majeure partie des habitants sait à peine lire, car ce n’est pas lire que de déchiffrer avec effort les syllabes d’un mot que souvent l’on ne comprend pas du tout.

Aude ; car. de Limoux, cant. de Belcaire et Roquefort. — Quelles que soient la capacité et l’aptitude du maître, il est rare de trouver dans ces montagnes un homme qui sache passablement lire, écrire et compter.

Corrèze ; arr. de Tulle. — Dans quelques communes, les notaires excitent, en dessous, à refuser des fonds pour l’instituteur : quand chacun saura signer, moins de procurations, moins de quittances, etc.

Landes ; cant. de Tartas, comm. de Rion. — Rion, commune de plus de quinze cents âmes de population, ne possède que cinquante individus, sachant signer leur nom.

Saône-et-Loire ; arr. d’Autun, cant. de Saint-Léger et de Saint-Beuvray. — L’instruction est presque nulle dans ce canton, au point qu’un notaire qui a un testament à faire dans telle commune, a soin de se pourvoir de témoins ; il ne trouverait pas deux personnes qui sussent signer.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, cant. de Digne et de Sisteron. — Je pourrais citer plusieurs localités où, de temps immémorial, il existe des écoles, et où cependant, l’on ne trouve que peu de personnes sachant à peine signer leur nom, et où l’embarras est extrême, lorsqu’il s’agit de choisir un maire, un adjoint, un secrétaire de mairie, et de trouver un homme même qui puisse entendre et parler un peu la langue française.

Lot-et-Garonne ; arr. de Villeneuve-sur-Lot. — Les plus notables, composant les administrations municipales, sont très-peu lettrés, ignorent les premiers éléments de la langue française, et savent à peine signer leur nom.

Orne ; cant. d’Alençon (ouest). — L’instruction primaire est presque partout dans un état déplorable. C’est d’autant plus fâcheux, qu’on peut à peine trouver un maire et un adjoint qui sachent écrire.

Cher ; arr. de Bourges. — Dans les conseils, beaucoup de membres ne savent pas lire. On y rencontrera donc de l’indifférence, tout au moins jusqu’à ce que la génération qui va s’instruire ait amélioré ce produit de l’élection.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune, canton de *** — Le gouvernement ne doit pas compter sur les autorités locales et sur les conseillers pour donner l’impulsion nécessaire : ce sont tous gens sans instruction, incapables, pour la plupart, de signer leur nom.

Maine-et-Loire ; arr. de Beaupréau. — Les délibérations des conseils municipaux ne sont revêtues ordinairement que de deux ou de trois signatures. Le reste déclare ne savoir point signer.

Nord ; arr. de Cambrai, cant. de Solesmes. — On remarque avec peine que l’autorité municipale, chargée par la loi de choisir les instituteurs, est peu propre à faire cesser cet état de choses : elle est composée en grande partie d’hommes sachant à peine signer leur nom, et par conséquent incapables de juger si un maître d’école a ou non les qualités nécessaires pour bien enseigner. Pour elle, le meilleur est souvent celui qui coûte le moins ; aussi, on verra peu de communes voter un traitement au-dessus du minimum ordonné par la loi.

Eure-et-Loir ; arr. de Châteaudun, cant. d’....... — Plusieurs maires savent à peine lire, et par conséquent ils sont incapables d’inspecter les écoles : de plus, on peut dire qu’ils sont, pour la plupart, très-indifférents sous ce rapport.

Basses-Pyrénées ; arr. de Mauléon, cant. de Cardets. — Les instituteurs du canton de Cardets sont presque tous peu éclairés. Je n’ai rencontré que quatre maires qui comprennent le français.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Bar-sur-Aube. — Les parents, en général, ne s’en rapportent qu’à eux-mêmes, et ils exigent du maître qu’il élève leurs enfants comme ils l’ont été eux-mêmes.

Haute-Loire ; arr. du Puy. — Un des premiers obstacles est l’indifférence profonde, quoique moins universelle qu’il y a trente ans, des habitants des campagnes, trop ignorants pour sentir même qu’ils le sont. Aux observations qu’on leur adresse sur l’utilité de l’instruction, ils répondent dans leur patois que le soleil se lève pour les ignorants tout comme pour les savants ; qu’ils passent bien comme ils sont, et que leurs enfants passeront de même. Chez ceux-mêmes qui ne montrent pas le même éloignement, il y a une apathie telle, que certains instituteurs sont obligés d’aller chercher eux-mêmes les enfants, et d’autres de les enseigner gratis, soit par zèle, soit pour gagner le misérable traitement fixe qui leur est attribué. Combien cette apathie ne sera-t-elle pas difficile à vaincre, jointe aux autres obstacles !

Aisne ; arr. de Soissons, cant. d’Ailly. — Le maître d’école de Terny a poussé inutilement le zèle jusqu’à s’engager à ne pas exiger de rétribution pour les six mois d’école pendant la belle saison.

Ardennes ; arr. de Réthel. — Il est difficile de se faire une idée de l’insouciance de la plupart des parents de cet arrondissement, et du peu de cas, je pourrais dire du mépris qu’ils font de l’instruction et de tout ce qui peut l’améliorer.

Dans plusieurs communes, trouvant l’école entièrement dégarnie d’élèves, j’ai essayé d’en faire appeler à domicile par l’entremise du maire et de l’instituteur, et je n’ai pu y réussir. Les parents ne voulaient pas interrompre, même pour une heure, la garde de leurs bestiaux, la récolte de leurs fruits, ou les autres travaux qui partout sont confiés aux enfants pendant sept ou huit mois. J’ai demandé au comité de Réthel que toutes ces écoles fussent visitées avant la fin du mois de février ; car, passé cette époque, on retomberait dans le même embarras. Ces écoles commencent à se dégarnir dès les premiers jours de mars, quand la saison est belle.

Je n’oserais accuser les instituteurs de négligence ou de mauvaise volonté : MM. les maires m’ont donné l’assurance que les instituteurs avaient fait tout ce qui dépendait d’eux pour réunir des élèves. Plusieurs ont ouvert l’école aussitôt que la visite avait été annoncée, et ont déclaré aux parents qu’ils la tiendraient gratuitement. Leur zèle n’a pas eu de succès.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Belcaire et de Roquefort. — Dès que les enfants sont un peu forts, leurs parents les livrent aux travaux champêtres et à la garde des bestiaux ; l’instruction même gratuite n’a pour eux aucun attrait. Ce n’est que dans les quatre ou cinq mois d’hiver, où tous les travaux sont suspendus et impossibles, que les écoles sont fréquentées, pour devenir plus ou moins désertes dans la belle saison, comme on peut s’en convaincre par les présents tableaux. Les enfants, commençant leurs travaux manuels dès l’âge de douze ou treize ans, et n’ayant suivi l’école que pendant une partie de leur bas âge, en sortent presque aussi ignorants qu’ils y étaient entrés ; car, la durée de leur instruction, qui est de cinq ou six ans, doit se réduire de moitié, à cause des intermittences, et tous les ans, ils oublient en été le peu qu’ils avaient appris en hiver.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Brumath. — Quoique quelques écoles de ce canton soient entièrement gratuites, elles n’en sont pas moins à peu près désertes pendant l’été. Rendre l’école gratuite, n’est donc pas le meilleur moyen d’y retenir les enfants toute l’année. Je crois qu’une rétribution annuelle atteindrait mieux ce but. Les parents ne voudraient pas perdre leur argent.

Charente-Inférieure ; arr. de Rochefort. — Si l’on voulait contraindre les parents à envoyer leurs enfants à l’école, me disait un maire, il faudrait donc nourrir les familles. Aussi qu’arrive-t-il ? Sur six élèves gratuits, deux, à peine, profitent du privilége qui leur est offert. Mais il est des parents plus coupables qui, avec une certaine aisance, négligent souvent de faire instruire leurs enfants.

Nord ; arr. de Cambray, cant. de Clary. — Dans la plupart des communes, l’utilité de l’instruction n’est pas comprise ; les parents se soucient fort peu de faire fréquenter les écoles par leurs enfants ; ils aiment presque autant les voir courir les rues ; la preuve, c’est que dans certains villages, l’école, qui pourrait être fréquentée par deux cent cinquante à trois cents enfants, n’en a souvent pas plus de cinquante à soixante ; et ce ne sont pas seulement les parents qui sont obligés de donner à l’instituteur une modique rétribution mensuelle, qui négligent ainsi l’éducation de leurs enfants ; le plus souvent ce sont ceux dont les enfants peuvent recevoir l’éducation gratuitement.

Nord ; arr. de Valenciennes, cant. de Valenciennes (nord). — À Wallers, il n’y a que vingt-sept indigents au plus qui reçoivent l’instruction primaire, tandis qu’il s’y trouve au moins trois cents enfants indigents.

Oise ; arr. de Beauvais, cant. d’Auneuil, comm. de Saint-Léger. — Le curé avait proposé de payer les mois d’école et d’acheter les livres aux pauvres. Les pères et mères ont préféré les faire travailler, plutôt que de profiter d’une offre aussi obligeante.

Loir-et-Cher ; arr. de Vendôme. — Il y a plus : M. Lépine, maire de Renay, qui donnait depuis plusieurs années, de ses deniers, 250 fr. à l’instituteur, à la condition de recevoir tous les enfants indigents qu’il désignerait, ne peut obtenir que d’un très-petit nombre, qu’ils fassent profiter les enfants du bienfait qu’il leur procure. Il n’obtient guère plus en leur accordant à eux-mêmes des secours quand ils sont malades, et y mettant pour condition l’envoi de leurs enfants à l’école.

Basses-Alpes ; arr. de Castellane. — Ce changement annuel des instituteurs ruraux, cet apprentissage continuel que sont obligés de faire le maître et les élèves ; l’un, du caractère et du degré d’instruction de ses élèves ; les autres, du caractère et de la manière d’enseigner du nouveau maître, et beaucoup d’autres motifs ne contribuent pas peu à laisser, ou plutôt à retenir la jeunesse des villages dans une ignorance désespérante. Si, aux inconvénients des déplacements annuels, on ajoute le peu de durée de l’activité des écoles, on sera convaincu que tout progrès sensible est, sinon impossible, du moins très-difficile. On se tromperait, de croire que ce soit la difficulté de conserver l’instituteur pendant l’été, qui empêche les enfants de suivre plus long-temps les leçons de l’école. Ce sont les élèves qui manquent aux maîtres, quand le beau temps arrive, et non les maîtres aux élèves ; et je suis convaincu que dès l’ouverture des travaux de la campagne, dès que l’on pourra envoyer paître le bétail, les écoles seront désertes, fussent-elles gratuites. Je n’ai pas trouvé un seul maire qui ne m’ait dit : « Nous n’avons pas besoin d’un instituteur pour l’année ; il ne nous le faut que de la Toussaint à Pâques : passé ce temps, chacun a besoin de ses enfants ; et nous ne les enverrions pas à l’école, quand même on nous paierait. »

Gers ; arr. de Lectoure. — Quelques-uns des parents prétendent qu’ils n’enverraient pas leurs enfants à l’école « quand on les paierait. » Nous avons, disent-ils, mangé du pain sans savoir lire et écrire, nos enfants feront de même. Voyez un tel, qui sait lire ; il est pourtant moins riche que nous, qui ne savons pas.

Loiret ; arr. de Pithiviers, cant. de Pithiviers. — Le conseil municipal de Vrigny, dans une délibération officielle, exprime la douleur qu’il éprouve, en pensant que, parmi quarante-neuf indigents admis à jouir de l’instruction gratuite, on aura de la peine à avoir quelques écoliers.

Haute-Vienne ; arr. de Rochechouart, cant. de Saint-Laurent-sur-Gorée. — On lit, dans les registres du conseil municipal de la commune de Cognac, une délibération portant qu’une école primaire y serait inutile, vu le petit nombre d’enfants qui pourraient la fréquenter, et pourtant, un calcul approximatif démontre qu’il se trouve dans cette commune cent vingt-huit enfants de huit à quatorze ans, susceptibles d’apprendre à lire et à écrire. Ce qu’il y a en cela de plus surprenant, c’est que cette délibération est signée par un ex-Garde-des-sceaux de France.

Ain ; arr. de Belley, cant. de l’Huis et de Virieux-le-Grand. — L’inspecteur a été singulièrement étonné de voir sans école V.... L.. G...., chef-lieu de canton, qui compte bon nombre de propriétaires bourgeois très-aisés, uniquement occupés de leurs intérêts matériels. Leur indifférence pour l’instruction est absolue.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de P.......... et de B......... — Les membres des conseils municipaux ne montrent pas la même ardeur ; quelques-uns même voient cela de mauvais œil, et gênent très-souvent les opérations de leur maire.

Aisne ; arr. de Château-Thierry, cant. de C..... — Les autorités locales qui, pour la plupart, sont des laboureurs grossiers, n’y portent aucun soin, ni aucune surveillance ; en sorte qu’en en exceptant cinq ou six, le reste de ces malheureuses écoles, est dans un état pitoyable.

Aisne ; arr. de Château-Thierry, cant. de Neuilly-Saint-Prout. — Tout ce que j’y ai vu annonce le peu de surveillance qu’y apporte l’autorité ; je n’ai pas de doute cependant que si ces écoles étaient souvent visitées par des personnes qui auraient caractère à forcer la commune ou l’instituteur à les tenir plus convenablement, cela produirait un très-bon effet ; car, sur l’assurance que j’ai donnée en partant (sans fondement, mais par un bon motif) que je repasserais dans le courant de janvier, j’ai reçu la promesse que je trouverais de l’amélioration dans ces écoles.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, cant. de Digne et de Sisteron. — Dans plusieurs endroits l’on a, ce me semble, mal interprété la loi sur l’instruction primaire, en limitant arbitrairement le nombre des élèves indigents qui doivent être admis gratuitement dans les écoles communales, et en abaissant trop le prix de la rétribution des élèves payants. Dans telle commune où le nombre des enfants vraiment indigents est, par exemple, de vingt, on n’en a compris que dix dans la liste des élèves gratuits. D’après l’esprit et la lettre même de la loi, si je ne me trompe, tous les enfants qui sont hors d’état de payer une rétribution quelconque, en quelque nombre qu’ils soient, doivent être reçus gratuitement. Au surplus, cette admission ne sera nullement préjudiciable à l’instituteur, pourvu qu’il adopte l’enseignement mutuel, toutes les fois que le nombre des élèves qui se présenteront pour fréquenter son école, l’exigera. La loi, tout en s’occupant d’améliorer et de répandre l’instruction populaire, n’a point négligé le sort des instituteurs.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Fumey et de Givet. — Dans l’état actuel des choses, les instituteurs sont trop dépendants des conseils municipaux. Ces conseils, dans les campagnes, sont souvent composés d’hommes peu aisés, qui ne verraient pas, sans une certaine jalousie, l’instituteur jouir d’une médiocre aisance. J’en ai acquis la certitude dans ma tournée. Souvent, les maires disposés à faire tous les frais nécessaires pour l’amélioration de l’instruction, se voient contrariés par les conseils municipaux.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Belcaire et de Roquefort. — Ces deux cantons sont situés dans les montagnes qui touchent aux Pyrénées, et forment une partie de leur base. Le climat en est excessivement froid ; et la glace et les neiges couvrent la terre pendant quatre ou cinq mois de l’année. Le sol en est peu fertile. Point d’industrie ni de commerce, et les habitants, presque tous misérables, n’ont pas toujours de quoi se nourrir, même en s’astreignant aux aliments les plus grossiers.

Aussi, l’instruction primaire n’y prospère point, et, ni les autorités ni les administrés ne s’occupent guère d’avoir des écoles ; en sorte que sur trente communes, dont se composent les deux cantons, il n’y a que douze instituteurs, savoir : sept dans celui de Belcaire, et cinq dans celui de Roquefort. Les dix-huit autres communes croupissent dans l’ignorance.

Bouches-du-Rhône ; arr. de Marseille, cant. de M................). — Les vicaires qui desservent les différentes églises, ont pu seuls exercer quelque influence sur les instituteurs, et généralement, ils ont paru satisfaits de leur zèle et de leur conduite. Il n’en est pas de même de leur capacité, qui laisse beaucoup à désirer. L’autorité municipale n’exerce aucune surveillance sur ces écoles, et elles ont été rarement visitées par les membres du comité.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — J’ai employé, auprès de MM. les maires, toute l’influence que donnent des intentions louables, pour les engager à protéger les instituteurs communaux contre une erreur aussi déplorable ; mais j’ai eu la douleur de me convaincre que plusieurs de ces fonctionnaires, presque aussi ignorants que leurs administrés, font souvent cause commune avec eux, et voudraient avoir pour instituteur, celui dont les manières, dont les habitudes et le costume se rapprochent le plus des leurs, au détriment de l’instituteur et à leur propre détriment. Dans d’autres, et j’en ai acquis la preuve pendant ma tournée, les maires et les conseillers municipaux peu pénétrés sans doute, des avantages de posséder un bon instituteur, cherchent à faire une espèce de compromis avec un homme ignorant quelquefois, et incapable d’enseigner, parce que cet homme, logé chez lui, ayant des champs et des vignes, se contentera du tiers du traitement qu’on serait obligé de faire à un instituteur capable.

Cher ; arr. de Bourges. — Un homme ignare, qui n’a pas l’esprit bien fait, voit avec le déplaisir d’un sot amour-propre, les enfants à portée de surpasser bientôt ses connaissances. En mettant un maire à la tête du comité, la loi semble exiger de lui du moins une instruction médiocre.

Gard ; arr. d’Alais, cant. d’Alais. — Cette indifférence pour l’instruction des prolétaires, entretient dans nos campagnes la mendicité, le vagabondage, l’absence de tout principe religieux, la haine contre le riche, cet esprit inquiet et novateur, qui fait soupirer après des changements de gouvernement, parce qu’ils flattent la cupidité et l’amour pour le pillage. Un fait digne de remarque, c’est qu’on n’a, presque nulle part, exigé de l’instituteur, à qui la commune faisait quelque secours, qu’il admît dans son école gratuitement des enfants pauvres. Cependant, il y a des localités où le nombre des élèves s’élèvera au double, lorsque la classe indigente jouira du bénéfice de la loi nouvelle.

Haute-Garonne ; arr. de Toulouse, cant. de Castanet. — Le sol est extrêmement fertile, et couvert de riches propriétaires qui devraient y apporter, avec l’abondance, le goût des richesses intellectuelles. Il n’en est rien pourtant : dans la plupart des communes, les conseils municipaux refusent nettement de s’imposer, et ce sont les plus riches propriétaires qui opposent la plus vive résistance au vœu si légitime de la loi.

Loire ; arr. de Saint-Étienne, cant. de Saint-Georges-en-Couzan, comm. de S....... — Point d’instituteur ni de logement. Le maire était absent, lors de ma tournée dans sa commune ; son adjoint ne m’a voulu répondre que par des invectives contre le gouvernement actuel.

Lot-et-Garonne ; arr. de Villeneuve, cant. de Villeneuve. — J’ai fait d’inutiles efforts pour déterminer les autorités locales à se conformer à la loi ; on m’a répondu que, puisque le gouvernement pouvait, par ordonnance royale, percevoir les 3 centimes additionnels, on aimait mieux que la mesure vînt de lui que du conseil municipal ; que ce dernier, en augmentant les impôts pour des besoins qui n’étaient point encore bien sentis dans la localité, s’attirerait indubitablement l’animadversion des habitants.

Marne ; arr. de Vitry, cant. de Thieblemont. — C’est à MM. les maires que nous devons nous en rapporter. Or, il est à observer que, dans les campagnes, presque toujours les maires sont les parents ou au moins les patrons des maîtres d’école, et que, par conséquent, leurs réponses sont favorables à l’instituteur qui, quoique ignorant, au point de savoir rarement parler sa langue, est cependant l’oracle dans son village. C’est lui qui rédige les procès-verbaux des maires, les délibérations du conseil municipal ; c’est lui qui fait la correspondance des particuliers, ainsi que les actes sous seing privé ; c’est encore lui qui publie les annonces, qui arpente les champs, qui conduit l’horloge, etc. Tout se fait par lui, rien ne se fait que par lui. Une ancienne vénération l’entoure, et c’est bien là que l’on dit encore : le maître l’a dit.

À côté de ce défaut, occasionné par les relations trop intimes qui existent entre les maires et les instituteurs, s’en trouve un autre et qui en est la cause. L’ignorance de la plupart des maires, incapables de juger de toute l’importance des renseignements qu’on leur demande ; leur bonhomie à ne vouloir nuire à personne, leur insouciance, ou leurs occupations, qui les détournent de leur surveillance sur l’école ; en sorte qu’ils répondent presque tous à vos questions : « Le maître vous dira cela mieux que moi, » ont encore embarrassé la rédaction des notes du tableau. Ils ignorent le mode d’enseignement que suit le maître, les corrections qu’il emploie, le temps qu’il donne à sa classe, les travaux particuliers qui l’en détournent et la lui font négliger, le nombre des enfants qui fréquentent la classe, la durée du cours de chaque année, et même quelquefois le traitement qu’ils ont voté.

Nord ; arr. de Lille. — Peu d’autorités s’inquiétent si les parents, ou tout au moins les indigents, envoient ou non leurs enfants à l’école. Les maires auraient pourtant bien peu d’efforts à faire pour déterminer les familles, les pauvres du moins qui dépendent d’eux, à profiter, pour l’instruction de leurs enfants, des immenses bienfaits du gouvernement. Il est déplorable de voir combien peu de pauvres et d’ouvriers envoient leurs enfants à nos écoles. Si le zèle des maires, à cet égard, venait à l’appui de celui de beaucoup de curés, l’instruction du pauvre peuple ne laisserait bientôt plus rien à désirer.

Saône-et-Loire ; arr. de Charolles, cant. de .............. — À mon arrivée à B....., j’ai trouvé une lettre du maire qui m’engageait à m’adresser à ses adjoints, parce qu’il avait une partie de chasse qui l’empêchait de me voir ; j’ai cru devoir attendre son arrivée, mais malheureusement, il avait alors un appétit de chasseur, ainsi qu’il me l’a dit, et il m’a écouté d’une oreille assez distraite.

Haute-Vienne ; arr. de Bellac, cant. de Bessines. — Cependant, il s’est trouvé deux conseils municipaux, celui de la commune de B… et celui de la commune de B...., qui ont refusé de s’imposer, sous le prétexte que l’instruction est plus nuisible qu’utile au bas peuple.

Gers ; arr. de Condom. — Les conseils municipaux des campagnes, dans le canton que nous avons parcouru, se sont, en général, opposés à l’exécution de la nouvelle loi. Souvent, ils sont en grande partie composés de célibataires ou d’hommes mariés sans enfants ; leur égoïsme alors leur conseille de ne faire aucun sacrifice pour les enfants d’autrui. Parfois encore, la majorité, en général ignorante ou intéressée, prend des décisions contraires à l’intention du législateur.

Gers ; arr. de Mirande, cant. de Mirande. — Le conseil municipal de Saint-Médard a refusé des fonds pour louer un local pour l’école : parce qu’aucun des membres qui le composent n’ont d’enfants à y envoyer, et qu’il aurait fallu pourvoir à cette dépense par une imposition extraordinaire.

Nord ; arr. d’Avesnes, cant. de Maubeuge. — Les municipalités sont presque partout l’objet des mêmes plaintes. Dans un conseil, un tiers n’a plus d’enfants à faire instruire, un tiers n’en a point, un tiers est seul en capacité, qui réunit sa force d’inertie à la mauvaise volonté des autres. À l’appui de cette vérité, trop généralement vraie, s’élève un fait grave et bien digne d’exciter la sollicitude de l’autorité ; c’est que, dans bien des communes où l’on paraît avoir voulu se conformer à la loi du 28 juin dernier, pour le traitement des instituteurs, on l’a grossièrement éludée, 1° en portant sur la liste des indigents des élèves qui peuvent payer ; 2° en diminuant la rétribution mensuelle, de sorte que l’instituteur aura moins qu’auparavant.

Oise ; arr. de Clermont, cant. de Mouy. — Quelle peut être la cause de cette supériorité d’un petit canton sur les autres beaucoup plus considérables ? — Je n’en vois pas d’autre que le zèle et l’activité du comité cantonnal. Or, il n’y a pas de comité qui se soit assemblé plus souvent, qui ait envoyé plus souvent des inspecteurs dans les écoles, qui se soit plus occupé de la capacité de l’instituteur et du matériel des écoles ; les inspections fréquentes surtout ont produit les plus heureux fruits.

Aube ; arr. d’Arcis-sur-Aube, cant. de M........... — Les comités tuent l’instruction ; l’autorité compte sur eux, et ils ne font jamais rien.

Charente-Inférieure ; arr. de Jonzac. — Je ne saurais passer sous silence les réclamations auxquelles donne lieu la lenteur, ou, pour trancher le mot, la presque inertie du comité de M*** ; les demandes qui lui sont adressées restent toutes cachetées dans les cartons, et cette torpeur peut devenir fatale à l’instruction comme aux intérêts des instituteurs.

Basses-Pyrénées ; arr. de Mauléon, cant. de Saint-Étienne-de-Baigorry. — L’action du comité de ............ est absolument nulle dans nos cantons basques.

Isère ; arr. de Grenoble. — Les essais que quelques membres du comité cantonnal de *** font constamment faire aux instituteurs de l’école communale, nuisent beaucoup aux progrès des élèves.

Loir-et-Cher ; cant. de ***. — Toutes ces communes sont riches et peuplées, et je ne puis attribuer cette absence d’instruction qu’à la négligence du comité de ***, dont jamais les membres ne se sont réunis, et ne se connaissent peut-être même pas.

Haute-Marne ; arr. de Langres. — Il est un point sur lequel je crois devoir insister, puisqu’on est à la veille de renouveler les comités. C’est la nécessité de n’y faire entrer que des hommes parfaitement éclairés et connus par leur zèle pour l’instruction primaire. Beaucoup d’instituteurs se sont plaints à moi de n’avoir jamais vu personne dans leur école. Aussi, est-il arrivé que des jeunes gens qui enseignent depuis sept ou huit ans avec beaucoup de succès, ont été oubliés dans le partage des faveurs que le Ministre accorde chaque année, tandis que ces récompenses ont souvent été données à des hommes médiocres, on ne sait pourquoi.

Gironde ; arr. de Lesparre. — Une autre difficulté bien grave résulte de l’opposition que rencontre l’éducation du paysan chez les riches propriétaires.

Maine-et-Loire ; arr. de Ségré. — Dans certaines communes, les conseils municipaux ont, à tort, ce me semble, fixé le nombre des élèves gratuits. La limite qu’ils ont ainsi établie n’est pas dans l’esprit de la loi du 28 juin.

Haute-Vienne ; arr. de Limoges, cant. de Saint-Léonard. — La crainte qu’ont les grands propriétaires, possesseurs du sol, et habitants des villes, de ne faire, par une éducation avortée, que des mauvais sujets de toute la génération qui s’élève ; la répugnance que manifestent franchement les paysans propriétaires de livrer leurs enfants aux maîtres d’école, s’autorisent des tentatives fâcheuses de quelques-uns de leurs pareils, qui, en cherchant à faire entrer l’instruction dans leurs familles, n’y ont introduit que le vice et le dégoût de leurs travaux.

Ardennes ; arr. de Mézières, cant. de S.............. — Il est une autre cause qui nuit aux progrès de l’instruction ; elle est moins généralement répandue, il est vrai, mais je crois devoir l’indiquer, puisque je l’ai observée dans quelques lieux. C’est l’influence qu’exercent dans les campagnes certaines personnes distinguées par leur nom et par leur fortune. Ces personnes prétendent qu’il est inutile d’enseigner à lire ou à écrire à des paysans qui doivent gagner leur pain à la sueur de leur front. Comme si ces hommes ne devaient pas puiser dans l’instruction plus d’industrie, plus d’activité, et comme une nouvelle vie, qui tournerait ensuite à leur propre bonheur et à l’avantage de la société.

Gers ; arr. de Condom, cant. de N..... — Certaines communes du sud mettent obstacle aux progrès de l’instruction. Dans les unes, les conseils municipaux, forts de la faiblesse des maires, refusent les fonds. Nous ne voulons pas, disent-ils, instruire les enfants pauvres, parce que la culture de nos terres serait abandonnée ; les enfants pauvres prendraient des métiers qui les leur feraient abandonner.

Gironde ; cant. de C...... — Les propriétaires aisés disent qu’ils se garderont bien de faire instruire les enfants indigents de leur commune ; s’il en était ainsi, ajoutent-ils, ils ne trouveraient personne pour faire cultiver leurs terres.

Charente ; arr. d’Angoulême, cant. de Larochefoucaut, comm de S… C.... — Il n’y a, dans cette commune, que trois ou quatre propriétaires ; leur intérêt est que les colons ne fassent pas instruire leurs enfants, parce que ce serait autant de bras de moins pour l’agriculture.

Corrèze ; arr. de Tulle. — Le petit séminaire de S...... a attiré une multitude de jeunes gens ; ils y sont restés jusqu’à quinze ou dix-huit ans ; un dixième, au plus, est entré au grand séminaire ; les neuf dixièmes qui ont abandonné la carrière ecclésiastique, sont revenus dans leur famille ; très-peu ont voulu se livrer aux travaux des champs ; à charge à leurs parents, ils ont été montrés au doigt comme paresseux. Tous les paysans craignant pareil avenir pour leurs enfants, ne veulent plus d’instruction, et n’envoient leurs enfants à l’école que le moins qu’ils peuvent.

Dordogne ; arr. de Riberac, cant. de Verteillac. — Les habitants d’une classe plus élevée ne sont pas, en général, favorables à l’extension des études primaires, persuadés que le paysan qui dépasse un certain degré de connaissances, se dégoûte du travail et devient un personnage inutile.

Drôme ; arr. de Nyons, cant. de Buis. — Il y a dans tout ce canton une extrême négligence, presque de l’aversion pour l’instruction primaire. Les familles riches sont loin de l’encourager, et témoignent hautement qu’elles craignent de voir l’instruction se répandre dans les pauvres.

Cher ; arr. de Bourges. — Beaucoup de propriétaires, sans aucune aversion pour le gouvernement, mais avant tout, amis de l’ordre et de la tranquillité, ne voient pas sans inquiétude propager l’instruction élémentaire, dans le temps où les journaux pullulent, où des colporteurs répandent, jusque dans les hameaux, des ouvrages infâmes ; ils redoutent les avocats de village (comme ils les appellent), se mêlant des affaires pour les brouiller, pour semer les procès. Ils ne comprennent pas encore bien que ces avocats ne doivent leur pernicieuse influence qu’au monopole de la lecture et de l’écriture ; et que, lorsque ces ressources seront à l’usage de tous, elles cesseront de profiter à quelques-uns contre le plus grand nombre.

Gironde ; arr. de Lesparre. — Quelques maires m’ont déclaré que le Médoc a besoin de vignerons et non de lecteurs ; ils pensent qu’un paysan qui sait lire devient un cultivateur indocile, fainéant et raisonneur.

Gers ; arr. de Lectoure, canton de Miradoux. — Plieux : École assez fréquentée. Les enfants des métayers n’y paraissent pas. « Ils font mieux de travailler, de recurer quelque fossé » (un bourgeois).

Ain ; arr. de Belley, cant. de Champagne. — La commune de V.......... est du nombre de celles qui ne veulent pas que les pauvres s’instruisent. Je dois payer un tribut d’éloges à l’établissement tenu à Champagne, pour les filles, par les religieuses de Saint-Joseph. Je n’ai recueilli sur mon passage que des choses flatteuses sur la tenue de cet établissement.

Drôme ; arr. de Montélimart, cant. de Valence. — Les paysans mêmes, qui ont quelque aisance, ne veulent pas que leurs enfants soient, dans les écoles, à côté des indigents, et exigent que le maître ne reçoive pas d’élèves gratuits. Il y a ici une petite aristocratie d’argent.

Isère ; arr. de Saint-Marcellin, cant. de Rives. — Là comme ailleurs, ceux qui peuvent payer ne sont pas bien aises de voir leurs enfants confondus avec les indigents.

Isère ; arr. de Saint-Marcellin, cant. de Tallins. — Il est en outre à craindre, dans cette commune, que l’instituteur communal n’ait que les enfants indigents ; les gens aisés et ceux qui pourront payer, ne veulent pas, disent-ils, que leurs enfants soient mêlés avec les pauvres, sous prétexte qu’ils sont malpropres et mal élevés. Les gens aisés ne sont pas bien aises de payer pour les autres ; et l’aristocratie campagnarde voit avec peine que les enfants des pauvres puissent s’instruire comme les siens, et peut-être même plus que les siens, parce que les pauvres iront à l’école toute l’année, tandis que les enfants des propriétaires ou des fermiers n’y pourront presque pas aller pendant les travaux.

Charente. — Il n’est que trop vrai, en général, que les propriétaires agriculteurs riches ou aisés, sans éducation, ne voudraient pas voir les indigents recevoir de l’instruction comme leurs enfants.

Basses-Alpes ; arr. de Digne. — L’enseignement est tout-à-fait nul en été.

Hautes- Alpes ; arr. d’Embrun, cant. de Savines. — L’instituteur communal ne sera pas fort occupé dans les deux communes de Saint-Appolinaire et du Sauze, pendant l’été, jusqu’à ce que les habitants aient pris l’habitude de se passer des petits services qu’ils tirent de leurs enfants pendant cette saison ; ce qui leur fait perdre presque tout le fruit des leçons de l’hiver.

Ardennes ; arr. de Mézières, cant. de Charleville. — L’institution, à Mont-cy-Saint-Pierre, est en pauvre état ; et c’est encore pis dans la commune d’Étion. Ce sont des communes sans ressource, qui ne peuvent faire les sacrifices nécessaires pour avoir des instituteurs capables ; et ce qui nuit en général le plus à l’instruction des enfants dans ces quatre communes, c’est que, dès le commencement de la belle saison, les parents envoient leurs enfants, même dès l’âge de cinq ans, dans les champs ou dans les bois ; et, dès l’âge de onze ans, ils ne les envoient plus du tout à l’école ; en sorte que, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à celui de onze, les enfants ont eu quatre à cinq mois d’école par an.

Ardennes ; arr. de Sedan, cant. de Carignan. — Les classes sont assez suivies en hiver, mais presque toutes les écoles sont fermées en été.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. du Buzancy. — Dans le canton de Buzancy, comme dans les autres cantons de l’arrondissement de Vouziers, les écoles ne sont fréquentées que depuis le mois de novembre jusque vers la fin de mars. Les parents n’y envoient, pendant une partie de la belle saison, que les enfants en bas âge, dont ils veulent se débarrasser pour aller à leurs travaux.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, de Digne et de Sisteron. — Dans les arrondissements de Forcalquier, de Digne et de Sisteron, qui se composent ensemble de cent quatre-vingt-onze communes, la moitié de ces communes n’ont leurs écoles ouvertes que pendant six mois de l’année (du mois de novembre au mois de mai) ; il résulte d’une si longue interruption, que les enfants oublient en été ce qu’ils avaient appris pendant l’hiver ; que c’est toujours à recommencer, et qu’en quittant définitivement l’école, après six, huit semestres d’études, ils sont, généralement, presque aussi ignorants qu’ils l’étaient en y entrant.

Ardèche ; arr. de Tournon, cant. de Tournon et de Satillien. — Dans toutes les communes rurales, les enfants, en grande majorité, ne vont guère à l’école que quatre ou cinq mois chaque hiver ; cela, joint aux mauvaises méthodes encore généralement suivies, il n’est pas étonnant, s’ils en sortent, après cinq ou six hivers, sans savoir grand’chose.

Ardennes ; arr. de Réthel. — La série des livres en usage dans presque toutes les communes rurales est à réformer ; à peine les élèves savent-ils lire couramment au bout de quatre à cinq ans.

Ardennes ; arr. de Réthel, cant. de Réthel. — Les écoles que j’ai visitées dans ce canton ne sont fréquentées que depuis le mois de novembre jusque vers le milieu de mars, par le plus grand nombre des élèves ; ceux qui y restent au-delà, et pendant quelques mois de la belle saison, ne sont que des enfants dont les parents se débarrassent pour aller à leurs travaux. Les élèves y sont admis dans un âge si peu avancé, qu’il en résulte des inconvénients sous le rapport de la salubrité, de l’ordre et de la discipline.

Aveyron ; arr. d’Espalion. — D’un autre côté, les habitants de ces pays pauvres et agricoles n’envoient leurs enfants chez l’instituteur que pendant quelques mois de l’hiver ; et la plus grande partie de l’année, ils les occupent à la garde des bestiaux ou à d’autres travaux champêtres. Ils regrettent même le temps qu’ils passent chez l’instituteur ; ils le trouvent toujours trop long : or, il est facile de concevoir qu’une instruction ainsi morcelée, donnée, pour ainsi dire, à bâton rompu, ne peut qu’être insuffisante et mauvaise.

Charente-Inférieure ; arr. de Jonzac. — Il faut remarquer que les trois années que les enfants passent à l’école, ne sont habituellement que de quatre mois de travail ; les écoles sont vides l’été.

Doubs ; arr. de Besançon, cant. d’Ornans. — On ne doit pas s’en prendre entièrement au peu d’instruction des instituteurs, si l’enseignement est fort peu avancé dans le plus grand nombre des écoles du canton, et en général de l’arrondissement, mais bien au peu de temps que les enfants consacrent à l’étude : trois mois par an, tel est le terme moyen du temps passé dans les écoles ; en sorte que pendant les sept à huit ans, terme moyen à peu près général, qu’ils viennent en classe, il n’y a tout au plus que deux ou trois ans d’étude, séparés par des intervalles de neuf à dix mois, pendant lesquels ils oublient le peu qu’ils avaient appris.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Treffort. — Les enfants ne fréquentent les écoles que trois mois de l’année, et oublient pendant la belle saison ce qu’ils ont appris en hiver.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Montrevel et de Ceyzeriat. — Il est rare que les enfants fréquentent l’école pendant un espace de plus de quatre mois, pendant la mauvaise saison ; ainsi, le peu de progrès qu’ils font, pendant ce court espace, se trouvent paralysés et quelquefois anéantis par le long intervalle qui sépare la sortie de la rentrée.

Ain ; arr. de Nantua. — Des étrangers venaient donner, pendant quatre mois de l’hiver, des leçons de lecture et d’écriture. Aujourd’hui que les communes ont voté le logement et le traitement, elles demandent d’autres instituteurs.

Aisne ; arr. de Vervins, cant. de Vervins. — Bien souvent, un jeune homme qui aura été dans l’école jusqu’à quinze ans, par exemple, saura fort peu de chose, attendu que, ne fréquentant l’école que trois mois de l’année, et souvent une heure par jour, il oublie bientôt le peu qu’il a appris. D’autres fois encore, un enfant est retiré de l’école à dix ou onze ans, et n’y reparaît plus. Ceci est la grande cause du retard de l’instruction dans un grand nombre de localités ; mais tant de familles sont misérables ! mais le jeune âge s’accommode si aisément aux diverses industries que je viens de citer ! mais enfin il faut encore aller si long-temps à l’école pour savoir lire, écrire et un peu calculer !

Alpes-Hautes ; arr. d’Embrun, cant. d’Orcières. — Ce n’est pas sans peine que les bienfaits de l’enseignement primaire pénétreront dans ce canton, où les écoles demeurent ouvertes tout au plus trois mois de l’hiver, parce que les enfants sont occupés le reste de l’année à la garde des troupeaux, et où l’enseignement individuel est le seul connu.

Ardennes ; arr. de Mézières, cant. de Charleville. — Les communes d’Issancourt, d’Évigny, de Neuville et de Thys offrent un triste spectacle sous le rapport de l’instruction. À peine, dans ces communes, les enfants fréquentent-ils l’école trois ou quatre mois de l’année. À Évigny cependant, l’instituteur a réuni devant moi quelques enfants qui ont assez bien répondu aux questions que je leur ai adressées. Mais l’hiver, ils sont entassés dans une place malpropre, obscure, où l’on ne peut renouveler l’air ; il serait impossible, je pense, que les enfants restassent toute l’année dans un tel local, sans devenir malades. Le maire de la commune de N..... paraît avoir si peu de goût pour l’instruction, qu’il a même refusé les livres que la préfecture a distribués dans les communes. Est-il possible qu’avec de telles dispositions l’instruction fisse quelques progrès ?

Ardennes ; arr. de Réthel. — Dans presque toutes les communes de l’arrondissement, les écoles sont fermées de Pâques à la Toussaint ; et même dès le premier mars les plus grands élèves disparaissent pour ne revenir qu’au mois de décembre ; en sorte qu’ils ne fréquentent pas l’école plus de trois mois chaque année.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rocroy et de Signy-le-Petit. — Les progrès des élèves, dans ces deux cantons, ne sont pas toujours en raison de l’aptitude et du zèle des maîtres. Une école bien tenue, dirigée par un maître capable, ne produit quelquefois que des résultats bien médiocres, parce que les élèves, aussitôt qu’ils ont atteint l’âge de huit ou neuf ans, ne fréquentent plus l’école que pendant trois ou quatre mois de l’année. Leurs parents, peu instruits eux-mêmes, préfèrent le petit profit qu’ils peuvent retirer de leur travail, aux avantages que leur assurerait pour l’avenir une instruction soignée.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rumigny. — Les élèves, depuis l’âge de huit ou de neuf ans, ne fréquentent plus l’école que pendant trois ou quatre mois de l’année, et quelquefois encore moins ; et les maîtres obtiennent difficilement qu’ils soient pourvus des livres nécessaires.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Bar-sur-Aube. — Les jeunes gens en âge d’apprendre suivent l’école à peine trois mois par an, décembre, janvier, février, et huit, neuf et même dix ans sont nécessaires pour les mettre à même d’acquérir les premières notions.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Brienne. — Il ne faudrait admettre les enfants à l’école qu’à l’âge de six ou sept ans ; ils seraient alors plus capables de profiter des leçons du maître, d’autant plus précieuses pour eux, qu’ils sont condamnés à ne les recevoir que quatre ou cinq mois par an, attendu qu’on ne les envoie en classe que pendant l’hiver.

Aube ; arr. de Nogent-sur-Seine, cant. de Romilly. — Cinq écoles ont sept mois de vacances.

Aube ; arr. de Troyes. — Partout les classes sont vacantes tout l’été.

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Piney et de Lusigny. — L’usage des pays, de n’envoyer les enfants qui ont atteint l’âge de douze ans, que trois mois chaque année à l’école, opposera toujours aux progrès de l’enseignement un obstacle d’autant plus difficile à surmonter, que cet usage vient en partie de la pauvreté des habitants.

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Troyes. — Dans les communes que j’ai visitées et qui sont toutes agricoles, les parents envoient leurs enfants aux écoles pendant deux, trois ou quatre mois au plus chaque année ; et aussitôt que la bonne saison approche, ils les occupent au travail des champs.

Aveyron ; arr. de Millau, cant. de Millau. — Les pères de famille occupent leurs enfants, dès l’âge le plus tendre, aux travaux des champs ; à peine leur laissent-ils trois mois de l’année, et ce, pendant quatre ans au plus, pour aller à l’école ; le plus souvent encore ce n’est qu’une fois par jour, dans la saison rigoureuse de l’hiver.

Cantal ; arr. de Saint-Flour, cant. de Saint-Flour. — On ne peut parcourir les communes qui environnent Saint-Flour, sans être douloureusement affecté du triste état dans lequel languit l’enseignement primaire. Les instituteurs y sont rares, pauvres, mal rétribués, assez zélés et assez capables, mais étrangers à toute méthode. Les pères de famille ne sont pas toujours à même de fournir à leurs enfants les livres nécessaires. Les écoles ne sont fréquentées que trois ou quatre mois, les plus rigoureux de l’hiver. L’enseignement se borne bien souvent à la récitation du catéchisme, parce que les parents n’envoient ordinairement leurs enfants à l’école que pour les préparer à la première communion, et les envoient ensuite, pendant l’hiver, exercer dans d’autres départements divers genres d’industrie.

Charente-Inférieure ; arr. de Jonzac. — Les mois de novembre, décembre, janvier et février, sont presque les seuls où les campagnards paraissent dans les écoles.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — Un des plus grands obstacles aux progrès des enfants, obstacle auquel je ne connais pas de remède, et qui rendra long-temps infructueux tous les efforts du gouvernement, c’est que dans toutes les communes des huit cantons que je viens de parcourir, les enfants ne fréquentent l’école que pendant trois mois de l’année, et encore avec bien peu d’exactitude.

Marne ; arr. d’Épernay, cant. d’Épernay. — Ici, les écoles ne sont ouvertes que l’hiver ; le mauvais temps, la difficulté des chemins, et le voisinage des forêts remplies de bêtes sauvages, retiennent trop souvent les enfants à la maison paternelle, pour que leur instruction soit suivie et profitable. On ne voit guère quels seraient les moyens de remédier à cet inconvénient.

Ariège ; arr. de Foix, cant. d’Ax et des Cabannes. — Cette partie du département, habitée par des populations actives et pleines d’énergie, est cependant en proie à l’ignorance ; à l’exception des petites villes et des villages situés sur les bords de l’Ariège, et traversés par des routes royales ou départementales, les habitants de ces montagnes, pauvres et pressés par le besoin, s’occupent constamment, et autant que le leur permet un climat variable et souvent rigoureux, à une culture toujours laborieuse et quelquefois infructueuse. À peine ont-ils recueilli leur récolte qu’ils doivent songer aux labours, aux semailles, et trop ordinairement à rétablir leurs petits champs, sur les roches dénudées par les pluies orageuses de l’été et de l’automne ; ils sont obligés de transporter péniblement, du fond des ravins, sur les hauteurs accessibles, les terres et les engrais, espoir de leur existence.

Aube ; arr. d’Arcis-sur-Aube, cant. de Ramerupt. — Les pères aiment mieux employer les enfants, pendant la belle saison, aux travaux de la campagne, aux soins domestiques. Les écoles sont donc abandonnées six mois sur douze.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Bar-sur-Aube. — C’est pour les travaux que les parents enlèvent leurs enfants à l’école ; les uns dès le mois de mars, les autres en avril et en mai, et tous, pendant l’été, si ce n’est quelques marmots dont ils ne peuvent tirer avantage, et qu’ils laissent chez l’instituteur, comme chez un gardien.

Aube ; arr. de Troyes. — La vacance des classes pendant l’été est un mal presque nécessaire ; les parents envoient leurs enfants à tous les travaux que leurs forces permettent de tirer d’eux. Quelques-uns, plus riches, les enverraient bien à l’école toute l’année, mais le maître ne tiendrait pas la classe pour si peu d’élèves : il faut qu’il gagne sa vie ; presque tous ont un métier, sans lequel ils mourraient de faim. Cependant, j’ai vu quelques écoles parfaitement tenues (Auxon, Ervy, Saint-Pha (canton d’Ervy), Maraye, Saint-Mardi, Rigny-le-Ferron (canton d’Aix-en-Othe), Chénegy (canton d’Estissac), dans lesquelles il y a des élèves toute l’année.

Gard ; arr. d’Alais. — Nous avons reconnu que le peu de temps que les enfants passaient chaque année dans les écoles, au moins dans les communes rurales, nuisait considérablement à la prospérité des écoles. Ce mal est incurable. Lorsque les parents ont toutes les peines du monde pour vivre, eux et leur famille, des travaux de la famille entière, on ne peut raisonnablement espérer que les parents puissent se passer, pendant deux ou trois années consécutives, des bras bien faibles encore de leurs enfants. Ces bras, quoique faibles, remplacent des bras vigoureux pour une infinité de travaux, lorsque la saison demande impérieusement tous les bras.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Coligny et de Saint-Triviers-de-Courtes. — Un autre obstacle non moins grand, c’est que les élèves, en général, ne fréquentent les écoles que pendant quatre ans environ, et quatre mois par an (novembre, décembre, janvier et février), et, dès le commencement de mars, ils retournent aux travaux de la campagne, et perdent pendant les huit autres mois de l’année une partie de ce qu’ils ont appris pendant l’hiver ; d’où il résulte qu’ils ne fréquentent l’école que seize mois environ.

Aisne ; arr. de Château-Thierry, cant. de Condé. — Dans toutes les écoles de campagne, les enfants n’entrent en classe qu’après la Toussaint, pour en sortir dans le courant de mars. Ainsi, c’est donc pendant les mois les plus rigoureux de l’hiver qu’ils vont à l’école. La courte durée des jours, l’éloignement des hameaux, les mauvais chemins, sont autant de causes qui abrégent le temps de l’étude des enfants, et les huit mois, qu’ils passent sans s’en occuper, les ramènent au même degré d’ignorance où ils se trouvaient l’année précédente.

Aisne ; arr. de Soissons, cant. d’Ailly. — Pendant les six mois de loisir, les écoliers oublient ce qu’ils ont appris l’hiver.

Aisne ; arr. de Soissons, cant. de Vailly. — Et puis, dans beaucoup de communes, les parents se refusent à envoyer leurs enfants à l’école dans l’été ; habitude funeste.

Aube ; arr. d’Arcis-sur-Aube, cant. de Ramerupt. — Pendant l’été, l’enfant oublie une partie du peu qu’il savait, et bientôt il se trouve trop grand pour aller à l’école.

Aveyron ; arr. de Saint-Affrique, cant. de Carmes. — Si les élèves ne font pas de progrès, c’est principalement par la faute des parents qui n’envoient leurs enfants à l’école que cinq mois de l’hiver ; pendant les autres sept mois, ils oublient ce qu’ils ont appris, et c’est toujours à recommencer.

Aveyron ; arr. d’Espalion. — C’est toujours à recommencer avec des enfants qui oublient pendant l’été ce qu’ils ont appris l’hiver. Et, après plusieurs années ainsi passées, les enfants se retirent, ne sachant presque rien, et ne le sachant que très-imparfaitement.

Meurthe ; arr. de Sarrebourg, cant. de Lorquen. — La grande majorité des écoles rurales de ce canton sont peu régulièrement suivies pendant les cinq mois d’hiver, et absolument désertes durant l’été ; si bien qu’à chaque nouvelle rentrée de novembre, il faut faire, en quelque sorte, un nouveau commencement, et qu’au moins un mois s’écoule avant que les élèves soient remis dans l’état où ils se trouvaient à la sortie de Pâques.

87 (Voy. 115).

Aveyron ; arr. de Millau. — Ces jeunes enfants, transis de froid en arrivant en classe, attendent, tout accroupis, de pouvoir dire leur leçon ; ils la répètent jusqu’à trois fois, et ils s’en reviennent chez eux, heureux si la neige ne vient pas les enfermer le lendemain et les jours suivants. On sent que les progrès doivent être nécessairement lents.

Aisne ; arr. de Laon, cant. de Coucy-le-Château. — Quelques-uns n’envoient leurs enfants à l’école que pendant quatre ou cinq mois de l’hiver, pour payer à l’instituteur moins de rétribution, ou pour se débarrasser de leurs enfants dans une saison où ils ne peuvent leur être d’aucune utilité, surtout lorsqu’ils sont en bas âge.

90 (Voy. 84 et 103).

Charente ; arr. d’Angoulême, cant. de Saint-Amant-de-Boixe. — On m’a cité des parents qui, par économie, faisaient alterner leurs enfants, de sorte que, tantôt l’un, tantôt l’autre allant à l’école, ils ne payaient qu’un mois pour deux enfants.

Ardennes. ; arr. de Mézières, cant. de Monthermé. — Jusqu’à présent le canton de Monthermé a passé pour un des moins avancés de l’arrondissement, sous le rapport de l’instruction. On aurait tort cependant de se figurer ces habitants des bois comme des ennemis de la civilisation et des lumières ; je pense que ce canton a déjà dépassé ceux de Signy-l’Abbaye, d’Amont et de Flize ; il renferme dix communes divisées en quinze grandes sections, dont chacune a son instituteur.

Souvent, dans les villages, les enfants n’ont dans l’année que trois ou quatre mois d’école, parce que les parents se disent : « le mois est commencé, attendons-en la fin pour envoyer nos enfants à l’école, ce sera autant de gagné. » Au retour du printemps, on craint de commencer un mois que l’on ne pourrait pas finir. Avec de tels raisonnements, qui sont dictés par une économie mal entendue, on perd un temps précieux, et les enfants en sont les victimes.

Charente ; arr. d’Angoulême. — D’autres comptent par jour et déduisent du mois les jours de classe manqués par leurs enfants.

93 (Voy. 85).

Aisne ; arr. de Soissons, cant. d’Oulchy. — Le canton d’Oulchy est presque entièrement composé de communes fort peu populeuses ; les instituteurs y ont peu de ressources, et l’instruction s’en ressent.

Ariège ; arr. de Foix, cant. de Vicdessos. — La vallée de Sos, presque toute peuplée d’hommes occupés, de temps immémorial, de l’extraction du minerai qui alimente les forges de l’Ariège et des lieux circonvoisins, présente une physionomie toute particulière. Le principe aristocratique y a jeté de profondes racines, ainsi que partout où le sol est rétréci, et les héritages à peu près indivisibles ; mais on y trouve en même temps un amour ardent de l’indépendance, qui souvent dégénère, chez les mineurs, en insubordination et en révolte. Pour contenir dans l’ordre ces forçats volontaires, on a besoin de règlements rigoureux, et d’une surveillance soutenue. La montagne de Rancié, richesse du pays, leur appartient, pour ainsi dire, en propre, ou du moins, ils peuvent seuls l’exploiter, par suite des concessions faites, dès les onzième et douzième siècles, par les comtes de Foix. Les habitants de Gaulier, Albier et Seur sont principalement fiers d’un privilége qui les fait vivre assez à leur aise, mais qui, tous les jours, à tous les instants, met leur vie en danger. Les accidents sont fréquents à Rancié, et plusieurs de ces ouvriers praticiens périssent écrasés par des éboulements inévitables, dans les entrailles de cette montagne, objet de leur orgueil et source féconde et inépuisable de leur fortune viagère. Pour se livrer à ces pénibles travaux, il faut s’être habitué de bonne heure à la fatigue et au mépris des souffrances et de la mort ; aussi, les mineurs sont-ils très-égoïstes. Comme ils savent que leurs jours sont continuellement menacés, ils cherchent à charmer leur existence par tous les plaisirs qui sont à leur portée : ils sont gros mangeurs ; ils boivent avec excès, sans cependant s’abrutir entièrement ; ils apprécient l’homme qui a des connaissances, mais ils ne voudraient pas se donner la peine d’en acquérir, et ils ne s’en estiment pas moins : ils ont d’avance disposé l’emploi de leur temps : leur en ravir la moindre partie, pour un objet étranger à leurs occupations ordinaires, serait les tourmenter, les affliger. Il faut donc que les écoles, dans cette partie du canton, soient pour ainsi dire à leur chevet. Les enfants étant admis à faire leur volte avec leurs pères, ce n’est que le matin, avant le travail, et le soir, à la sortie de la mine, qu’ils pourront prendre leurs leçons. Les parents ne voudraient pas consentir à se priver d’un secours indispensable à leurs familles ; voilà la cause qui a éloigné de ces villages les instituteurs, et les bons instituteurs. Dans l’autre partie du canton, et principalement à Vicdessos et à Auzat, où il y a des propriétaires aisés, et où il se fait un certain commerce, outre le commerce de fer, l’instruction est plus généralement répandue, plus généralement recherchée.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Marcenat. — Mongrelaix est une commune d’une très-faible population et totalement privée de ressources. La température y est si variable et si froide que, souvent, les seigles n’arrivent pas à la maturité.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Marcenat. — Dans la saison rigoureuse, les familles entières, père, mère et enfants désertent leurs foyers pour aller mendier ou gagner du pain dans des climats plus tempérés.

Charente-Inférieure ; arr. de Marennes, comm. de Saint-Agnan. — Cette commune est réputée très-malsaine, et les maladies qu’y ont contractées plusieurs maîtres, ont ensuite détourné certains autres de s’y fixer.

Bordogne ; arr. de Riberac, cant. de Mussidan. — La Double, à laquelle nous croyons devoir un article spécial, s’étend sur un espace de vingt-huit lieues carrées, partagé entre cinq cantons. Presque toute cette surface n’offre à l’œil que des bois, des ajoncs et des bruyères. Dans ces forêts et dans ces landes immenses, on trouve à peine, de loin en loin, de chétives cabanes ou de misérables hameaux, si, des communes, répandues dans ces tristes solitudes, on excepte Saint-Vincent qui, tout sombre qu’il est, se détache comme un oasis au milieu du désert. Depuis quinze ans, les habitants de la Double font les plus grands efforts pour améliorer leur position : ils sont plus actifs, plus laborieux. Avant la famine de 1817, peu soucieux de l’avenir, accoutumés à la pauvreté, ils se croyaient trop heureux quand ils étaient en avance d’un jour. On voyait arriver dans les villes ces hommes maigres et de petite taille, accompagnés de modestes bêtes de somme, dont la charge devait acquitter les dettes de la veille et payer les provisions du lendemain. Le besoin éveilla leur industrie ; ils se mirent à défricher le terrain qui leur parut le moins ingrat, et, depuis lors, ils ont accru leurs ressources ; mais, comme ils ignorent ces procédés ingénieux qui viennent si heureusement au secours de la nature, la terre, qu’ils ont arrosée de sueurs, est entièrement épuisée dès la seconde ou la troisième année de l’exploitation.

Haute-Garonne ; arr. de Saint-Gaudens, cant. de Saint-Béat. — On aime l’instruction, on en a besoin, mais on la conçoit peu ; on n’étudie que pour devenir prêtre, et là, il faut du latin, rien que du latin ; on se consolerait, à ce prix, de ne pas savoir un mot d’orthographe. Tout ce qui ne doit pas être prêtre, émigre dès le bas âge pour aller vendre des almanachs à Paris. Ceux-là ont besoin d’une bonne et morale instruction, mais ils croient avoir tout fait quand ils savent lire et compter ; la plupart reviennent au pays sans avoir beaucoup gagné sous le rapport moral.

Gironde ; arr. de Blaye, cant. de Blaye et Saint-Ciers-la-Lande. — Je dois signaler aussi comme cause du peu de développement de l’instruction primaire, un usage qui s’est établi dans l’arrondissement de Blaye : des individus, qui savent un peu lire et écrire, réunissent, pendant les soirées d’hiver, des enfants du voisinage, leur transmettent les mauvais principes de lecture et d’écriture qu’ils ont eux-mêmes, et reçoivent une rétribution qui se paie le plus souvent par une journée de travail ; de cette manière, l’instituteur breveté se voit enlever des élèves sur lesquels il devait compter, et ces élèves reçoivent la plus détestable instruction.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Blanquefort. — On s’étonne moins de trouver peu d’élèves à l’école de Saint-Médard, car cette commune, qui touche les Landes, en partage sans doute les inconvénients. Ici, les enfants sont fort occupés à garder les troupeaux ; l’hiver surtout, parce qu’en cette saison on éloigne peu les troupeaux ; l’été, on les envoie au loin, et plusieurs troupeaux sont confiés à un seul berger. Les enfants sont alors plus libres pour l’école, mais les travaux de la vigne les détournent encore.

Loire ; arr. de Saint-Étienne, cant. de Pelussin. — Cette contrée ne sera jamais une ressource pour des laïcs ; même avec le logement, le mobilier et un traitement fixe de 200 francs.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande, cant. de Bouglon. — Je ne dois pas omettre une circonstance qui m’a été rapportée par M. de Bastard : c’est qu’un genre singulier de culture jette dans les champs de seigle, à deux époques principales, toute la population de ces campagnes : vers le carnaval, on déchausse les pieds de seigle que l’on suit le plus exactement possible, et l’on fait l’opération contraire lorsque l’épi est formé. Sans cette double opération, la récolte serait moins abondante et le grain moins bien nourri.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande, cant. de Castelmoron. — L’aspect de ce canton est riant, le sol en est fertile. Tous les genres de culture y sont en activité, en sorte que, si l’instruction primaire n’y suit pas la richesse de la production, il faut peut-être l’attribuer aux événements désastreux qui ont affligé ce canton pendant plusieurs années successives. Les grêles les plus terribles ont enlevé les récoltes de la manière la plus absolue, et les habitants ont été obligés de pourvoir d’abord aux besoins physiques avant de songer à ceux de l’intelligence.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande. — Une circonstance qui contribue beaucoup au peu de succès de l’instruction primaire, est la disette des livres dans les écoles, et le peu d’uniformité de ceux qu’on y trouve.

Meurthe ; arr. de Nancy, cant. de Nomény. — Ce canton est couvert d’enfants de l’hospice de Nancy (des communes en ont jusqu’à 70). La position de ces enfants réclame toute la sollicitude du gouvernement, l’instruction étant le seul bien qu’on puisse leur donner.

Moselle ; arr. de Sarreguemines. — Jusqu’ici les traitements n’avaient été fixés que pour l’hiver : aussi, bien des instituteurs sont persuadés qu’ils ne doivent tenir école que depuis la Toussaint jusqu’à Pâques, et qu’ils ont droit à un traitement plus élevé pour tenir école en été. Cette observation mérite toute l’attention de l’autorité. La rétribution devrait être établie par mois, et non par hiver.

Puy-de-Dôme ; arr. de Riom, cant. de Prousat. — La situation morale de l’instruction primaire est fâcheuse dans ce canton. La moitié des enfants émigrent dès l’âge le plus tendre, demandent l’aumône pendant l’été, ou servent de manœuvres à leurs parents, presque tous maçons. Ils rentrent, pour passer l’hiver, dans leurs familles, ayant contracté de mauvaises habitudes ; ils présentent de tristes dispositions et opposent de graves difficultés à l’effet de l’enseignement.

Basses-Pyrénées ; arr. de Mauléon, cant. de Saint-Étienne de Baigorry. — Une ignorance et une grande apathie régnent sur les frontières d’Espagne. Presque tous les habitants sont bergers, et les pauvres enfants sont destinés jeunes, immédiatement auprès leur première communion, à garder les troupeaux, sur les montagnes. Il faudrait, pour le pays basque, des lois exceptionnelles, des lois qui forçassent les parents à envoyer leurs enfants à l’école, ainsi qu’il en existe une dans la vallée d’Ahelcoa, première province basque espagnole. Les jeunes gens y sont déclarés inaptes à toutes les fonctions civiles et militaires, s’ils n’apprennent l’espagnol par principes, et s’ils ne savent lire, écrire et chiffrer. Aussi, tous les Espagnols de la plus basse classe savent-ils écrire et calculer. On trouvera étrange de proposer pour modèle d’émulation et de philosophie la nation Espagnole ; néanmoins, ils en ont beaucoup plus que nos frontières françaises pour ce qui regarde la langue et l’enseignement primaire.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Céret, comm. de ...... — Population de 1200 habitants, peu maniable, opiniâtre dans l’ignorance. Élèves sans éducation, sans affection pour leur maître, sans respect pour les étrangers, comme pour le maire ou le curé. C’est sans contredit la commune où l’instruction rencontre le plus d’obstacles.

Charente-Inférieure ; arr. de Marennes. — Ce n’est pas par erreur que j’ai indiqué plus d’élèves en été qu’en hiver dans les cantons du Château et de Saint-Pierre d’Oléron ; cette exception à la règle générale provient de ce que la population de l’île d’Oléron n’est essentiellement adonnée ni à l’agriculture, ni à l’éducation des bestiaux, et qu’en été les chemins sont plus praticables qu’en hiver.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rumigny.— Il est vrai que ces instituteurs, ou nés dans la commune, ou s’y étant mariés, ont presque tous un petit bien à faire valoir, et ils s’en occupent en été. Mais alors l’enseignement n’est pas leur unique affaire, et ils n’ont pas le temps de soigner leur instruction.

Meuse ; arr. de Commercy, cant. de Pierrefitte. — En général, les maîtres nous paraissent peu zélés ; ils semblent impatiemment attendre l’arrivée du mois de mars pour quitter l’école et se livrer à la culture de leurs champs. Ce fait, presque partout, nous a été attesté par l’autorité locale.

Meuse ; arr. de Montmédy, cant. de Montfaucon. — Il serait à désirer que l’époque de la rentrée et de la sortie fût fixée. Un assez grand nombre d’instituteurs, pour travailler dans la campagne, soit pour eux, soit pour d’autres, sans doute parce qu’ils y trouvent plus de profit qu’à remplir leurs fonctions, s’empressent de les fermer dès que les enfants commencent à se retirer. Pour autoriser leur conduite, ils disent que quinze ou vingt élèves ne valent pas la peine qu’un instituteur reste enfermé toute l’année.

Puy-de-Dôme ; arr. de Clermont et d’Issoire. — Les moissons, les vendanges et les travaux des champs s’opposeront toujours à ce que les écoles des villages soient fréquentées avec autant d’assiduité que celles des villes ou des gros bourgs. D’un autre côté, dans la plupart des communes rurales du Puy-de-Dôme, les instituteurs eux-mêmes seraient très-peu disposés à tenir école pendant la belle saison, pour le très-petit nombre d’élèves qu’ils pourraient conserver. Possesseurs, pour la plupart, de quelques arpents de terre, ils aiment mieux les cultiver de leurs mains, que de payer pour qu’un autre soit chargé de ce soin.

Ardennes ; arr. de Réthel. — C’est aussi cette situation nécessiteuse de beaucoup de maîtres, qui est en partie cause des longues vacances des écoles. L’instituteur, qui ne reçoit souvent que la moitié du mariage qui lui a été promis, et auquel les mois d’école sont souvent fort mal payés, se débarrasse des enfants le plus tôt qu’il peut, afin de trouver quelques ressources dans les travaux de la campagne, ou dans l’exercice d’une profession quelquefois peu compatible avec son état d’instituteur.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. de Chaource.— Partout ailleurs, les vacances sont de six, sept et de huit mois ; qu’espérer de satisfaisant avec une pareille disposition de l’année ? Quand arrive le mois d’avril ou de mai, les instituteurs veulent aller aux champs, et ils donnent vacances aux élèves.

Gers ; arr. de Mirande, cant. de Riscle. — L’instituteur de V.... n’est pas au gré des habitants ; il fréquente les foires, les marchés, les cabarets ; je l’ai trouvé à travailler son champ pendant que ses élèves étaient réunis dans l’école.

Moselle ; arr. de Sarreguemines. — Plusieurs instituteurs possèdent des terres et des jardins, à la culture desquels ils se vouent trop exclusivement. Cet objet est un des plus grands obstacles à la tenue des écoles en été.

98 (Voy. 96).
99 (Voy. 97).

Jura ; arr. de Poligny, cant. d’Arbois. — Les habitants sont presque indifférents pour l’instruction de leurs enfants, qu’ils emploient dans le plus Las âge à colporter des fruits, de l’huile, du vin dans les montagnes.

101 (Voy. 94).

Aisne ; arr. de Vervins, cant. de Vervins. — Je dois faire connaître ici que presque partout, il y a dans le canton une industrie particulière. Ici, la vannerie ; là, le tissage ; plus loin, les bêtes à corne (fromages, etc.) ; autre part, la broderie ; enfin le tricotage des bas de laine. Eh bien ! dès l’âge le plus tendre (huit ans), les enfants sont exploités par leurs parents, qui les enlèvent ainsi à l’école.

Ariège ; arr. de Foix. — À peine l’enfant est-il capable de marcher, qu’on lui confie la garde d’un troupeau de brebis ou de vaches ; et du matin au soir il est dans les pâturages.

Ariège ; arr. de Foix, cant. d’Ax et des Cabannes. — Le soin des troupeaux attire principalement leur attention ; c’est aux enfants qu’en est confiée la garde : les distraire de cette occupation, bien importante pour eux, c’est demander aux familles un sacrifice qu’elles ne sont pas disposées à faire. On a beau leur vanter les douceurs et les avantages du savoir, elles en sentent difficilement l’utilité. La pensée de ces hommes agrestes ne s’étend pas au-delà de leurs vertes prairies, de leurs forêts nourricières ; ils ne sont pas néanmoins grossiers et stupides, ils sont au contraire assez polis et spirituels : une intelligence vive, une activité naturelle, leur donnent une physionomie ouverte et aisée ; ils ne sont étonnés, ni des visites des étrangers, ni des questions des curieux ; ils se sont formé une éducation naturelle, et pour ainsi dire locale, qui leur tient lieu des connaissances qu’ils ne pourraient acquérir si aisément. Les habitants de la partie élevée sont ordinairement les plus civilisés, parce que leur terroir étant insuffisant, ils sont forcés de se livrer au commerce et au charroi, ce qui leur fournit l’occasion d’apprendre à parler français assez bien pour se faire comprendre.

Cantal ; arr. de Murat. — En général, les écoles sont ouvertes depuis le mois de novembre jusqu’à celui d’avril. À cette dernière époque, les parents, qui, presque tous sont peu aisés, retirent leurs enfants pour leur faire garder les vaches pendant l’été.

Gers ; arr. de Lectoure. — À Ligarde, les métayers, au lieu d’envoyer leurs enfants à l’école, les occupent à la garde des troupeaux pendant l’hiver. Des particuliers aisés suivent leur exemple sans avoir leurs motifs.

Gers ; arr. de Mirande, cant. de Marciac. — Je ne crois pas me tromper, en affirmant que, terme moyen, les enfants ne fréquentent pas les écoles trois mois de l’année, même dans l’âge le plus tendre. Quelque jeunes qu’ils soient, ils sont employés à la garde des troupeaux.

Landes ; arr. de Mont-de-Marsan, cant. de Labrit et Sorce. — « Nos pères ont toujours eu du pain et ils n’ont jamais su lire ni écrire » ; voilà ce que répondent les paysans qui habitent les vastes landes des cantons de Sorce et de Labrit. Vainement on s’efforcerait de leur faire sentir les avantages que l’éducation apporte avec elle ; ces hommes grossiers savent apprécier un pâtre soigneux, et n’ont jamais pensé qu’il fallût se donner quelque peine pour le choix d’un instituteur. L’enfant n’entend jamais prononcer le nom d’école. À peine il sait marcher, qu’on l’exerce à conduire un troupeau, à soigner une brebis malade, à ne pas s’égarer au milieu de ces plaines que des sentiers sans nombre traversent dans tous les sens. Uniquement occupé de son bétail, le jeune pâtre ne voit ses parents que le dimanche matin ; le reste de la semaine, il vit seul, rarement il se réunit à un autre berger aussi simple et aussi grossier que lui.

Loir-et-Cher ; arr. de Vendôme. — À sept ou huit ans et même plutôt, les enfants sont employés, dès le mois de mars, à garder des oies, des canards, des vaches, et plus tard à cueillir de l’herbe et à une foule d’autres travaux qui évitent au cultivateur un domestique.

Meuse ; arr. de Bar, cant. de Triancourt. — L’exercice du droit de vaine pâture sera toujours un obstacle insurmontable pour l’amélioration morale de la jeunesse des campagnes. Là, elle trouve une école de corruption et de vices, alimentée encore par l’ignorance dans laquelle elle croupit, privée qu’elle est de toute espèce d’instruction. Nous ne pouvons mieux faire ressortir toutes les turpitudes qui résultent du déplorable droit de vaine pâture, qu’en empruntant les pensées et les expressions du célèbre agronome M. Matthieu de Dombasle, qui s’exprime ainsi :

« La garde des bestiaux forme, dans ce système (celui de vaine pâture), l’occupation principale du plus grand nombre des jeunes gens de la classe peu aisée des habitants de chaque village. L’un garde la vache de ses parents, et souvent même deux ou trois se réunissent pour cette occupation ; l’autre garde les chevaux d’un cultivateur.

« Une vie oisive et indépendante présente tant d’attraits à cet âge, qu’on voit souvent ceux qui n’y sont pas envoyés par leurs parents, et même les enfants des cultivateurs aisés, aller se réunir à leurs camarades, et passer avec eux le plus de temps qu’ils peuvent. C’est là que cette jeunesse reçoit ces premières impressions, contracte ces premières habitudes qui influent d’une manière si puissante sur les dispositions de l’homme pendant toute sa vie.

« On sait assez de quel genre sont les habitudes qu’ils contractent ainsi : employer la ruse, la fraude et le mensonge pour cacher les dégâts commis par leurs bestiaux, et c’est pour cela qu’ils s’accoutument à se servir de tout le secours de leur esprit. Presque toujours ils sont encouragés dans cette tâche par leurs parents et leurs maîtres. Ce sont là les leçons de morale qu’ils reçoivent, avec la certitude toutefois d’être sévèrement corrigés s’ils ont la maladresse de laisser découvrir leurs méfaits ; s’ils cherchent à occuper leur oisiveté, ce sera pour voler des fruits dans un verger, des épis de maïs, des têtes de pavots, des pommes de terre, pour dégrader une clôture en coupant le bois pour se chauffer ou pour faire cuire entre deux tuiles une poule qui s’était trop écartée de la ferme.

« On sent bien que ces habitudes vicieuses sont la conséquence forcée de la situation où l’on place ces jeunes gens ; on répète souvent dans les campagnes qu’il n’est pas de plus méchante race que les pâtureurs : mais cette race est destinée à former une partie notable de la population, et je demande si cet apprentissage de fainéantise et de rapine est propre à faire des hommes probes, instruits, francs et laborieux.

« La vie champêtre est, sans contredit, par elle-même, la plus propre de toutes à faire naître et à entretenir dans le cœur des inclinations douces et honnêtes. Cependant, on entend fréquemment les habitants des villes se plaindre de l’esprit d’égoïsme, d’intérêt et de mauvaise foi qui règne dans la campagne ; ces reproches ne sont que trop souvent fondés, et la principale source de cette disposition est dans les habitudes que contractent les jeunes gens, et qui sont la suite nécessaire de l’exercice du droit de vaine pâture. »

Yonne ; arr. de Sens, cant. de Cheroy. — Dans le cours de mon inspection, je me suis souvent approché de ces nombreux enfants qui errent avec leurs bestiaux dans les bois et les prés. Je les ai questionnés, et j’en ai retiré la triste conviction qu’ils étaient presque tous d’une ignorance profonde sur les vérités de la religion et les éléments des connaissances enseignées dans les écoles.

Ain ; arr. de Belley, cant. d’Ambérieux et de Lagnieux. — Dans les hameaux qui composent une commune, on préfère le premier venu, qui se trouve là, à l’instituteur qui est à un quart de lieue ; ou bien on oblige ce dernier à faire, le matin, sa classe près de l’église et le soir, dans un hameau éloigné, afin qu’il y ait égalité de désavantages dans le déplacement des enfants.

Ain ; arr. de Bourg, canton de Montrevel et de Ceyzeriat. — La commune de Revonnas, canton de Ceyzeriat, ne possède aucun revenu. Deux sœurs de Saint-Joseph ont instruit jusqu’ici les petits garçons et les petites filles.

Basses-Alpes ; arr. de Digne. — La réunion, en hiver, de deux ou de plusieurs communes, en un seul lieu, est impossible, même pour les hameaux d’une même commune. Les communes sont pauvres ou mal disposées.

Basses-Alpes ; arr. de Digne, cant. de Riez. — Sur douze communes du canton de Riez, neuf sont pourvues d’écoles : les communes d’Albiase, de Saint-Laurent, de Montpezat n’en ont presque jamais, pas même en hiver, à défaut de ressources locales. Les recteurs de paroisse donnent l’instruction primaire à un certain nombre d’enfants, et le conseil municipal de Saint-Laurent paraît être disposé à présenter le recteur du lieu pour instituteur communal.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, cant. de Digne et de Sisteron. — La privation d’écoles, que je signale, doit être attribuée, beaucoup moins à l’indifférence des parents et des autorités, qu’à un défaut absolu de ressources locales. Pour donner une idée de la pauvreté de ces communes, il me suffira de dire qu’il s’en trouve où les centimes votés ou imposés d’office pour le traitement fixe de l’instituteur, ne rendent que 10, 8, 7, 6, et même 4 fr. Des compléments de traitement de 150 fr. accordés pendant quelques années par le gouvernement, ont été insuffisants pour attirer dans ces communes des instituteurs un peu capables, et surtout pour les y retenir pendant l’année entière. Dans des communes si misérables, où le traitement éventuel de l’instituteur variera de 50 fr. à 0, il conviendrait de porter son traitement fixe à 300 fr., et de l’obliger de tenir l’école toute l’année, quelque réduit que fût le nombre des élèves.

À défaut de cette augmentation du traitement fixe, il n’y aura guère que les personnes du pays, les recteurs des paroisses qui puissent être chargés des écoles communales.

Alpes-Hautes ; arr. de Briançon, cant. d’Argentière. — L’effet moral de l’instruction est très-sensible dans ce canton, où les habitants joignent à des mœurs pures, une urbanité remarquable, et l’avantage de s’énoncer avec facilité et précision. La population comprend l’importance de l’instruction ; mais comme les ressources sont extrêmement bornées, en l’estimant sur les honoraires de l’instituteur, on est réduit à se contenter du plus misérable qui se présente.

Gard ; arr. d’Alais, cant. de Génelhac. — Les montagnes sont presque arides, les torrents fort nombreux, les communications difficiles, dangereuses ou impossibles.

Marne ; arr. de Vitry, cant. de Thieblemont. — Il est sans doute bien à souhaiter que les instituteurs ne s’occupent que de l’instruction ; et ce souhait deviendrait praticable, si chaque commune était assez forte pour fournir, par la réunion du traitement de 200 fr. et de la rétribution mensuelle, un moyen d’existence au maître d’école ; mais combien de communes sont trop faibles, comme Isle-sur-Marne, par exemple, qui, au milieu de l’hiver, n’a que dix ou quinze écoliers ? Pourra-t-elle nourrir son instituteur livré exclusivement à l’instruction ? J’admets, terme moyen, douze écoliers l’hiver ; j’en suppose quatre qui écrivent, et huit qui lisent ou épellent. Ceux qui écrivent paient 75 cent. Le maître en perçoit donc 3 fr. par mois, ce qui donne 9 fr. pour les trois mois ; il reçoit des huit autres, pour le même temps, à 50 cent. par mois ; 12 fr. et 9 = 21 fr. pendant l’hiver ; l’été, terme moyen, huit écoliers au plus, il n’y aura point d’écrivains ; ceux-ci sont déjà robustes et vont aux champs. Je dis donc huit élèves à 50 cent., 4 fr. par mois, 56 fr. pour les neuf mois de l’été, et 21 fr. pour l’hiver : rapport annuel de la rétribution mensuelle 57 fr., et 200 fr. de traitement — 257 fr. L’instituteur ne peut pas vivre avec cela. Doucey, Norrois, Monetz, Malignicourt, Recim-la-brûlée, Saint-Eulien, Vouilleron sont dans le même cas.

Haute-Vienne ; arr. de Bellac, cant. de Dorat. — Et cependant, il serait fort difficile de remplacer les instituteurs, qui, presque tous sont du pays, par d’autres qui seraient étrangers, parce que ceux-ci n’y trouveraient pas des moyens d’existence suffisants pour s’y fixer.

Ain ; arr. de Nantua. — La commune de Granges est située dans la position la plus ingrate, entre l’Ain et des rochers escarpés ; de sorte que, pour aller à l’école, les enfants étaient obligés de traverser, sur une traille, la rivière souvent impraticable. D’après les renseignements fournis par M. le maire, en l’absence du conseil municipal, la commune de Naptis n’a point voté de traitement.

Ain ; arr. de Nantua. — Il se trouve, dans cette commune, deux hameaux auxquels les mauvais chemins ne permettent pas d’envoyer leurs enfants à l’école.

Ardèche ; arr. et cant. de Privas. — Les parties de l’Ardèche que j’ai visitées (l’arrondissement de Tormer et celui de Privas) offrent bien des obstacles difficiles à vaincre, pour y répandre partout l’instruction primaire. Un grand nombre de communes comptent une circonférence de cinq et six lieues, et la population en est distribuée dans cinq, six, sept, et jusqu’à huit hameaux assez distants les uns des autres. Le pays est coupé par des ravins, ou des vallées profondes et des torrents dangereux, surtout dans la saison où les enfants vont à l’école ou pourraient y aller.

Ardèche ; arr. de Tournon, cant. de Saint-Martin-de-Valamas. — Toutes les communes du canton de Saint-Martin-de-Valamas sont situées dans un pays extrêmement montueux, et entrecoupé de nombreux torrents qui rendent les communications d’un hameau à l’autre très-difficiles et même très-dangereuses.

Corrèze ; arr. de Tulle. — La moindre pluie grossit les ruisseaux très-nombreux, au point d’en rendre le passage impossible. Les ponts, très-rares, qui existent, sont formés presque tous d’un tronc d’arbre tout brut, jeté sur un précipice.

Gers ; arr. de Mirande, cant. de Marciac. — Je n’insisterai jamais assez sur les inconvénients que présente la réunion des communes. Les parents qui apprécient même le plus les bienfaits de l’instruction, ne consentiront jamais à laisser aller leurs enfants à des écoles qui sont très-éloignées de leur habitation et où on ne peut aboutir que par des chemins affreux et en traversant des ruisseaux ou des rivières sur une mauvaise planche.

Basses-Alpes ; arr. de Forcalquier, Digne, Sisteron. — La réunion de plusieurs communes pour entretenir un instituteur sera presque partout impraticable, soit à cause de la distance des lieux, soit à cause de la difficulté et du danger même des communications en hiver, pour des enfants en bas âge, dans des pays où la neige et la glace séjournent si long-temps. D’ailleurs, la mésintelligence, la rivalité qui régnent souvent entre les communes voisines, s’opposent aussi à cette réunion, et ce sera beaucoup si, dans le département des Basses-Alpes, elle peut s’effectuer sur trois ou quatre points.

Cher. — À la difficulté des communications se joignent quelquefois l’opposition des intérêts locaux et l’antipathie ; ces jalousies de voisinage plus puissantes que tout autre intérêt auprès des gens de la campagne. On doit s’attendre à des réclamations.

Dordogne ; arr. de Riberac, cant. de Verteillac. — La plupart des villages et des bourgs sont enfoncés dans des bassins étroits, ou posés comme des nids, sur la cime d’âpres coteaux. Le mauvais état des chemins rend difficiles les communications entre les campagnards, tout rapprochés qu’ils sont les uns des autres.

Orne ; arr. de Mortagne, cant. de Pervenchères. — Le retard de l’instruction tient, dans le canton de Pervenchères, entre autres causes, principalement peut-être à la difficulté des communications. Les chemins sont impraticables pendant l’hiver. Nous avons pu nous en faire une idée, quoique la saison fût alors encore heureusement assez belle. Mais des habitants nous assuraient qu’un mois plus tard, il aurait fallu renoncer à nos courses.

Orne ; cant. de Bazoches. — Pareil état de choses paraît tenir à la même cause. Ainsi, en même temps que la loi crée des écoles, il faudrait, dans certaines localités, qu’elle créât aussi des chemins.

Hautes-Pyrénées ; arr. d’Argelles, cant. d’Aucun. — Dans une longue gorge située au levant du canton, est une succursale d’environ 500 habitants, dépendant, pour l’état civil, des communes d’Aucun et de Bun. Il y a près d’un myriamètre et demi de distance depuis les maisons les plus éloignées de ce hameau jusqu’à Aucun. Cette succursale a toujours été et est encore aujourd’hui sans école primaire. Les adjoints des deux sections et le desservant sont venus me prier d’exposer leurs besoins à M. le Ministre de l’instruction publique, et leur faire accorder les secours nécessaires pour en avoir une. Ils m’ont dit qu’on ne trouve chez eux qu’un fort petit nombre de personnes qui sachent lire ; que les mœurs sont dans l’état de dissolution le plus affligeant ; qu’en hiver, leurs communications avec Bun et Aucun, sont très-souvent interrompues. Je me suis rendu sur les lieux, et les renseignements que j’ai recueillis, n’ont que trop confirmé le rapport qui m’avait été fait.

Vendée ; arr. de Bourbon-Vendée. — Sauf quelques portions du canton de Mareuil, cet arrondissement est compris dans cette partie de la Vendée qu’on nomme le Bocage, où la difficulté des communications est encore à noter comme une des causes qui éloignent les enfants des écoles. À la fin d’un été long et sec, j’ai presque partout trouvé de la boue dans les chemins, et, dans quelques endroits, des bourbiers profonds et dangereux.

Cantal. — Toutes les communications entre les divers villages qui composent les communes, sont en hiver difficiles, dangereuses, souvent impossibles. Il faudrait donc plusieurs instituteurs par commune ; mais comment faire pour les entretenir ?

Cantal ; arr. d’Aurillac, cant. d’Aurillac ; nord, sud. — Un obstacle aux progrès de l’instruction primaire, c’est la dissémination trop grande d’une faible population, sur un territoire sillonné par de nombreux ruisseaux, séparé par des terrains marécageux ou des montagnes.

Haute-Loire ; arr. de Brioude, cant. de Brioude. — Saint-Laurent Chambreuge a voté les trois centimes et désirerait conserver son instituteur ; son chef-lieu est entouré de ruisseaux qui exposeraient les enfants à périr, soit dans l’hiver, soit lors des inondations qui y sont fréquentes, s’ils étaient obligés de les envoyer ailleurs.

Cantal ; arr. d’Aurillac, cant. d’Aurillac, nord, sud. — La configuration du sol et le climat de ce canton opposent des obstacles naturels aux communications entre les villages et les chefs-lieux des communes. À l’exception des plaines d’Anglards et de Saint-Bonnet, qui forment les deux communes de ce nom, le reste du canton n’est guère habité que dans les vallées. Chaque commune se trouve donc située sur une grande longueur, partagée souvent, en deux parties très-inégales, par le chef-lieu. Les chemins sont en hiver obstrués par la neige ou occupés par les ravins.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Salers. — La commune de Saint-Projet occupe un vallon entouré des montagnes de Salers. Les communications entre les villages et le chef-lieu sont très-difficiles pendant une partie de l’année, à cause de l’abondance des neiges.

Nièvre ; arr. de Château-Chinon. — Les enfants, dans la plupart des communes, n’assistant aux leçons que pendant quatre mois d’hiver, sont souvent retenus chez eux, soit par des pluies continuelles qui rendent les chemins impraticables, soit par les neiges qui, par fois, couvrent la terre à une hauteur de quatre pieds.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Céret, cant. d’Arles. — La Bastide, commune de 411 habitants, sans ressources, loin de toute communication, isolée pendant six mois de l’année dans les neiges du Canigou.

Aude ; arr. de Limoux. — Il ne faut point penser à réunir ces communes entre elles, ni avec d’autres communes voisines, pour fonder une institution, dans une contrée où les loups et les ours ne sont pas entièrement détruits, où des habitants de maisons contiguës passent quelquefois plusieurs jours sans avoir de communication ; ni les élèves forains ne se rendraient au chef-lieu de l’école, ni l’instituteur ne pourrait distribuer la journée entre les divisions de son établissement.

116 Voy. 114, Pyrénées-Orientales.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Coligny et de Saint-Trivier-de-Courtes. — La position des habitations qui sont dispersées dans la campagne et éloignées de l’école, les boues, les eaux, les mauvais temps, la difficulté des communications, dans l’hiver, sont un grand obstacle à la réunion des élèves et, par là même, à leur instruction.

Ain ; arr. de Bourg, cant. de Treffor. — La commune d’Arnants, dont la population est de 450 âmes, est fort pauvre, et ne peut pourtant être réunie à aucune autre, à cause de son isolement et de la grande quantité de neige qui obstrue les chemins en hiver.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun, cant. de Guillestre. — Les deux tiers des hameaux de Champcella ne peuvent pas envoyer leurs enfants au chef-lieu en hiver, mais tous le peuvent en été.

Aude ; art. de Castelnaudary, cant. de Belpech. — Des chemins impraticables en hiver, la mauvaise volonté des habitants rendent impossible toute réunion de communes.

Aveyron ; arr. d’Espalion. — Il est impossible qu’un seul instituteur communal suffise dans les mairies de l’arrondissement d’Espalion ; et on peut dire que les bienfaits de cette loi seront perdus pour notre pays, si, au lieu d’un instituteur par commune, on n’en établit pas un par paroisse.

Aveyron ; arr. d’Espalion. — Et cet enseignement, encore, n’est-il que pour le plus petit nombre d’enfants. Les communes, en effet, sont beaucoup trop étendues, les villages qui les composent sont beaucoup trop éloignés les uns des autres, les communications sont trop difficiles, pour ne pas dire absolument impossibles, dans des pays élevés et couverts de neige perdant la seule saison de l’année où les parents envoient leurs enfants à l’école, pour qu’un instituteur puisse suffire. Presque toutes les mairies, en effet, renferment trois paroisses, distantes d’une lieue ou six quarts d’heure ; plusieurs en ont quatre, cinq et six : il en est une, celle de Pameyrol, qui en a onze.

Il n’y en a pas qui n’en ait deux. Or, il est impossible que les enfants d’une paroisse se rendent à l’école dans la paroisse voisine : les neiges, les ravins, les boues, des chemins escarpés et impraticables rendent la fréquentation entièrement impossible.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Salers. — Il résulte de ces circonstances locales :

1o Que les enfants en bas âge, ou moins robustes des villages éloignés du chef-lieu, ne peuvent fréquenter l’école ; 2o que la durée des leçons n’est point suffisante pour atteindre en plusieurs années les éléments de l’instruction primaire.

Cher. — La difficulté des communications existe, non seulement d’une commune à l’autre, mais souvent entre les diverses parties d’une même commune. Rien n’est si trompeur, dans le Berry, que l’indication d’une commune rurale populeuse : le chef-lieu offre à peine dix ou douze maisons, avec lesquelles le reste, composé de villages, de hameaux épars, ne forme un corps de commune que par une fiction administrative ou par les relations d’une paroisse ; aussi, des communes de quinze cents habitants et au-dessus, n’ont pas encore d’instituteurs. La difficulté est de placer l’école à portée de tous.

De long-temps encore le zèle ne franchira pas les grandes distances. Cependant, on peut diminuer ces inconvénients en perçant des routes nouvelles, surtout en améliorant, en entretenant les chemins vicinaux.

Réunions projetées. — Si la réunion s’opère pour une école à créer, on se plaint que la commune privilégiée profite seule des sacrifices de l’autre. L’inconvénient ressort davantage quand la commune adjointe est la plus imposée.

Dordogne ; arr. de Périgueux, cant. de Savignac. — Toute la partie septentrionale et occidentale de ce canton, présente des communications très-faciles ; il n’en est pas de même de la partie méridionale.

Dordogne ; arr. de Périgueux, cant. de Hautefort. — Les routes sont à peine tracées, dans le canton de Hautefort, couvert de forêts et très-dangereux ; villages très-éloignés et très-pauvres : la réunion des communes sera difficile.

Drôme ; arr. de Die, cant. de Châtillon et la Chapelle en Vercors. — Les cantons de Châtillon et de la Chapelle-en-Vercors, sont très-arriérés, sous le rapport de l’instruction. La nature du sol, l’âpreté du climat sont de bien grands obstacles aux progrès de l’instruction populaire ; l’isolement des populations y ajoute encore ; en effet, Lus-la-Croix-Haute est divisé en vingt-deux hameaux, et comme chacun ne peut avoir une école, durant la neige, la plupart des enfants restent chez leurs parents.

Jamais inspecteur n’avait gravi les montagnes des Vercors. La race qui les habite n’a que de très-rares communications avec les autres hommes ; elle a conservé un caractère à part, sans doute celui des anciens Vertacomicores. Bergers ou bûcherons, ces hommes, privés d’instituteurs, sont plus civilisés qu’on ne peut le croire. Ils désirent voir ouvrir des écoles, ils seconderont les vues du gouvernement.

Drôme ; arr. de Montélimart. — Même inconvénient pour le canton de Marsanne que pour tous ceux où les villages sont bâtis sur les hauteurs. La population, peu à peu, abandonne la localité principale et se disperse dans les plaines ; de là, la difficulté d’avoir une école centrale.

Indre-et-Loire. — Quelque rapprochées que soient les communes pour l’administrateur même qui tient ses yeux fixés sur la carte du département, et calcule les distances d’un bourg à l’autre, on peut établir en thèse générale, que toute commune qui s’adjoint à une autre pour l’école, sacrifie l’instruction d’une bonne partie de sa population. Je prendrai pour exemple le village de Saint-Michel, commune de trois cent huit âmes, du canton de Langeais : le point central de la commune paraîtra à une distance à peu près égale de Saint-Patrice, au midi, et de Langeais au nord. Saint-Michel n’a point de ressources par lui-même ; l’adjoindra-t-on à Saint-Patrice ? Cette proposition n’offre rien d’abord que de très-désirable, car les dernières maisons de Saint-Michel forment, sur le coteau de la Loire, comme un des anneaux de la chaîne continuée par les premières maisons de Saint-Patrice. Les deux communes se joignent de si près que leurs limites ont été posées plutôt par caprice que par aucune raison véritable. Et, cependant, si l’école de Saint-Patrice attire à elle Saint-Michel, toute la population de Planche-Oury, c’est-à-dire, une très-forte partie de la commune de Saint-Michel se trouve éloignée d’au moins une lieue et demie de l’école de Saint-Patrice. Si, au contraire, Saint-Patrice était en position de s’adjoindre à Saint-Michel, presque tout le bourg situé dans la vallée ne pourrait, en hiver, gravir les ravins qui conduisent à l’école de Saint-Michel, sans compter la distance qui, dans la position la plus centrale possible, ne pourrait guère être moindre de cinq quarts de lieue. Que sera-ce, lorsqu’un ruisseau, inaperçu sur la carte, des chemins impraticables l’hiver, c’est-à-dire, pendant la saison d’école, une population disséminée, fort loin du centre de la commune à réunir, comme celle d’Athée, qui a sept lieues de tour, viendront déconcerter tous les plans d’adjonction tracés sur le papier par le préfet ou le sous-préfet de l’arrondissement ? On ne saurait donc trop consulter, sur tous les petits détails de localité, tous les accidents du sol, pour ainsi dire, avant d’ordonner ces adjonctions ; encore, seront-elles presque toujours funestes à la propagation de l’instruction primaire dans toute la commune, et ne pourront-elles s’excuser que par une nécessité malheureusement bien constatée.

Au reste, ici, comme en toute chose, on retrouve dans les masses cet instinct heureux qui les ramène au bien, même par un principe qui n’est pas toujours louable. Bien des communes qui feraient peut-être volontiers le sacrifice de l’instruction primaire, au moins pour une partie de leur population, en s’adjoignant à quelque autre, sont retenues par une pudeur salutaire. Il leur en coûte d’aller déclarer leur misère, en mendiant la faveur d’être admises dans l’école d’autrui. Le point d’honneur les prend ; les rivalités de voisinage s’en mêlent ; les centimes additionnels sont votés, et la commune attend fièrement que la loi satisfasse à ses promesses, comme elle vient de satisfaire elle-même au vœu de la loi. Heureuse ambition, qui tourne au profit de notre cause, et gagne encore à l’instruction quelques créatures humaines, peut-être condamnées à l’ignorance, sans ce précieux élan de l’égoïsme municipal !

Lozère ; arr. de Florac. — La plupart des communes sont partagées en sections plus ou moins éloignées les unes des autres. Ce fait contrarie extraordinairement les autorités, pour la mise à exécution de la loi du 28 juin ; chaque conseiller municipal, en votant des fonds, voudrait que l’instituteur résidât dans la section de commune où il a sa résidence, d’autant plus qu’en hiver la neige et l’extrême rigueur du froid empêchent toutes communications avec le chef-lieu de la commune. Cet inconvénient se rencontre aussi fréquemment dans l’arrondissement de Mende que dans les Cévennes.

Marne ; arr. de Vitry-le-Français, cant. de Saint-Remy en Rousemont. — Ce qui, sans doute, n’est pas un faible motif de cette infériorité dans l’éducation morale, c’est la difficulté des chemins et par conséquent, des communications entre les communes. Celles surtout qui n’ont point d’instituteur, et qui, par cela même, sont obligées d’envoyer leurs enfants à l’école au village voisin, ne peuvent les laisser partir dès que paraît le mauvais temps, de sorte qu’ils sont privés de la plus grande partie des classes. Même inconvénient à peu près pour l’instruction religieuse, une moitié du canton se trouve dans des terrains bas, des marais, des étangs ; dès la première pluie, en été même, quelquefois un cheval a bien de la peine à tirer une voiture vide : les communications à pied ne sont souvent pas plus faciles.

Pas-de-Calais ; arr. de Boulogne, cant. de Desvres. — Tout l’ancien Boulonais est couvert d’une infinité de petites paroisses, assez distantes les unes des autres. Les chemins, dans l’hiver, sont impraticables dans la traverse, et c’est la seule saison où les enfants fréquentent les écoles ; il devient donc à peu près moralement et physiquement impossible de réunir plusieurs communes, sur les trois quarts de la surface du département du Pas-de-Calais.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau, cant. de Pau. — Les deux principaux, je pourrais dire les seuls obstacles aux progrès de l’enseignement primaire dans l’arrondissement, sont dans la topographie et l’idiome du pays. Dans les cantons de Lembeye, de Garlin, de Thèze, de Montaner, de Morlaos et une partie de Lescar, les communes sont pauvres et isolées, et le défaut d’agglomération, les coteaux, les landes, les mauvais chemins rendent presque impossible la réunion des communes et la fréquentation régulière des écoles.

Saone-et-Loire ; arr. de Louhans, cant. de Pierre, et de Saint-Germain-du-Bois. — Les enfants ont à parcourir, pendant l’hiver, des chemins impraticables, bordés de chaque côté de bois épais qui ne permettent pas aux boues de sécher, même dans la saison des chaleurs.

Deux-Sèvres ; arr. de Niort. — Là, où il y a plusieurs instituteurs, il est, selon nous, impossible que les enfants se rendent à l’école de celui qui sera désigné comme instituteur communal, vu la distance des lieux et la difficulté des chemins en hiver. Il conviendrait donc de diviser le traitement entre quelques instituteurs de la commune et de leur imposer alors des élèves indigents.

Charente ; arr. et cant. d’Angoulême. — La commune de Champuiers, qui a sept lieues de tour et plus de deux lieues de diamètre, avec une population de cinq mille âmes, répartie dans des villages éloignés, mais aussi forts que le bourg, mérite une attention particulière.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier, cant. de Bletteraus. — La commune de Chapelle-Voland se compose de trente-quatre hameaux, enveloppés dans une circonférence de sept lieues ; c’est dire assez que cette localité exige plus d’un instituteur ; d’ailleurs, les voies de communication sont fort difficiles en hiver.

Vienne ; arr. de Chatellerault et Loudun. — Les communes rurales de ces deux arrondissements, ont deux, trois, quatre lieues de circuit et jusqu’à neuf lieues, telle que celle d’Archigny, canton de Vonneuil-sur-Vienne. Elles sont toutes composées d’un bourg, chef-lieu, et d’un certain nombre de villages ou hameaux qui contiennent la plus grande partie de la population et qui sont plus ou moins éloignés du bourg principal.

119 Voy. 117.
120 Voy. 117.

Ardennes ; arr. de Mézières, cant. de Ligny-l’Abbaye. — Dans ce canton, plusieurs hameaux sont privés des bienfaits de l’instruction ; je signalerai, entre autres, le hameau de la Forge-Maillard, qui dépend de la commune de Thin-le-Moutier, dont il est éloigné d’une lieue et demie ; il y a plus de cent habitants, et les enfants y demeurent sans instruction.

Jura ; arr. de Poligny. — Dans ces contrées, les communes n’étant composées que de maisons éparses et de hameaux éloignés, il est impossible que les enfants fassent une demi-lieue, une lieue et même davantage, au milieu des neiges.

Morbihan ; arr. de Vannes. — D’autres difficultés locales viennent encore entraver, dans le Morbihan, l’organisation de l’enseignement primaire. Les habitants sont tellement disséminés dans un grand nombre de communes, que les enfants, quelque part que soit placée l’école, auront à faire, pour s’y rendre, un trajet d’une lieue ou même d’une lieue et demie, souvent par de très-mauvais chemins.

Cantal ; arr. de Murat. — Il est impossible qu’en hiver, des enfants se rendent au chef-lieu, qui est quelquefois à deux heures de leur village, et s’en trouve séparé par des ravins profonds, impraticables dans le temps des glaces, des pluies ou des neiges.

Corrèze ; arr. d’Ussel. — À cause de l’extrême dispersion des habitations, à cause des chemins impraticables et dangereux, il serait impossible de réunir plusieurs communes, et de fonder une école au point le plus central.

Haute-Garonne ; arr. de Villefranche, cant. de Lanta. — À l’extrême dissémination des habitations, il faut joindre l’état des chemins vicinaux de ce sol fortement argilleux, état dont seraient grandement étonnées les personnes qui ne connaissent que les jolies routes qui sillonnent les environs de Paris. Pendant sept à huit mois de l’année, les chevaux mêmes ont à faire d’incroyables efforts pour se tirer de ces bourbiers ; des enfants y demeureraient engagés ; et c’est précisément dans ce temps de l’année que les parents pourraient se passer d’eux et les envoyer à l’école.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Castelnau. — En hiver, ces immenses plaines de landes se convertissent en lacs ; et malgré l’usage des échasses, les communications doivent être au moins fort difficiles. La plus grande des difficultés est la distance des habitations. Les communes sont si éloignées les unes des autres, qu’il est rarement possible d’en associer deux pour une seule école ; et les différentes parties d’une même commune sont séparées par de si grands intervalles, qu’il n’est guère plus facile d’en réunir tous les enfants en un même lieu.

Lot ; arr. de Figeac, cant. de Bretenoux. — Je ne sais si, dans certaines communes, l’exécution rigoureuse de la loi ne serait pas une injustice. Par exemple, Corniac se compose de deux paroisses éloignées l’une de l’autre de près d’une lieue. Il est impossible que les enfants de la Mativie aillent en classe à Corniac, non seulement à cause de la grande distance qu’ils auraient à parcourir, mais parce que les chemins sont affreux et même dangereux, surtout en hiver, et pour des enfants. Or, serait-il juste que les habitants de cette paroisse contribuassent à entretenir l’instituteur de Corniac, instituteur qui leur serait tout-à-fait inutile, puisqu’ils seraient forcés d’en avoir un particulier ?

Pas-de-Calais ; arr. de Béthune, cant. de Laventie. — Les maisons, en ce pays, sont, en général, très-éloignées, et les chemins sont presque impraticables pendant six mois de l’année ; on ne peut traverser ces chemins qu’à l’aide de pierres placées de distance en distance. Le verglas, en hiver, rend ces pierres fort dangereuses. Les enfants ayant donc à faire une route fort longue et très-difficile pour arriver à leur école, sont, pendant bien des jours de la mauvaise saison, obligés de rester chez eux.

Puy-de-Dôme ; arr. de Clermont et d’Issoire. — Ce n’est point la peine de payer un instituteur, disent les pères de famille, qui n’habitent point le chef-lieu, si nos enfants ne peuvent aller recevoir ses leçons. Pourquoi vouloir nous forcer de donner 200 fr. au moins, et un logement à un maître autorisé, lorsque nous en avons parmi nous qui se contentent de la rétribution qui leur est payée par chaque élève ? Ce n’est donc guère qu’en hiver qu’une inspection générale des écoles primaires pourrait produire des résultats satisfaisants. Mais, si une tournée de ce genre ordonnée malgré le vent, la neige et la pluie ne rebute point un inspecteur zélé et valide, tant qu’il ne s’agit point pour lui de quitter la plaine, il n’en est point de même lorsqu’il est obligé de voyager dans les montagnes. Quelles que soient son ardeur et sa jeunesse, il sent qu’il lui est impossible de franchir certains ravins, de gravir certaines hauteurs. Pour des guides, il ne doit guère s’attendre à en trouver dans un pays où le mauvais temps dégrade sans cesse les chemins, et où une neige abondante cache si souvent de fortes dépressions de terrain, de profondes ornières, de récentes excavations dans lesquelles hommes et chevaux peuvent rester long-temps engagés, sinon être engloutis tout-à-fait. C’est cette difficulté de communications, non-seulement entre des communes voisines, mais même entre des sections d’une même commune, qui, long-temps encore, sera un obstacle à ce que plusieurs petits villages se cotisent volontairement pour avoir une école commune.

Aveyron ; arr. de Rhodez. — L’instruction primaire est, en général, très-négligée dans toute l’étendue de l’arrondissement de Rhodez ; sur les soixante-dix communes qu’il renferme, trente-deux manquent d’instituteurs ; et les trente-huit qui en sont pourvues, sont loin de trouver, dans les maîtres qu’elles possèdent, les ressources qui leur seraient nécessaires ; ainsi, la loi du 28 juin dernier, en donnant un instituteur aux communes qui n’en ont pas, ne satisfera point aux besoins du pays. Les mairies de cet arrondissement sont toutes fort étendues, et plusieurs d’une circonscription fort irrégulière ; elles se composent de trois, quatre et quelquefois cinq villages fort éloignés les uns des autres, et souvent séparés par des ruisseaux et des précipices qui rendent les communications très-difficiles en toute saison, mais surtout en hiver. Un instituteur ne peut, par conséquent, se rendre utile qu’au tiers ou au quart de la population d’une commune ; c’est d’après cette considération qu’un grand nombre de conseils municipaux ont refusé de voter le traitement prescrit par la loi du 28 juin.

Cantal, arr. de Mauriac, cant. de Pleaux, comm. de Vigeau. — Le chef-lieu de la commune de Vigeau n’a que quatre maisons. Il est au centre de la commune, mais fort éloigné des villages, qui occupent une vaste circonférence ; de sorte que, d’après le rapport du maire de Vigeau, il est probable que l’instituteur communal ne réunira que le tiers des enfants de la commune, sur quelque point qu’il se trouve placé.

Charente ; arr. de Confolens. — L’insouciance des parents, les résistances, les parcimonies communales, les jalousies de localités, les hostilités d’un certain parti, l’égoïsme de certains habitants, qui craindront que le fils de leur colon, de leur petit voisin, ne devienne plus capable que les leurs, seront des obstacles à l’établissement des écoles primaires, surtout pour la réunion de deux ou plusieurs communes : chaque maire voudra que la résidence de l’instituteur soit fixée dans sa commune. (Voy. aussi 122, Lot, )

Pyrénées-Orientales ; arr. de Perpignan. — Doit-on être surpris que toutes les leçons orales, données dans les écoles rurales, le soient dans ce langage barbare ! Il me serait facile de citer des maires et même des instituteurs, à qui j’ai été obligé de faire traduire mes questions en catalan ; c’est là un des plus grands obstacles à l’instruction primaire.

Doubs ; arr. de Pontarlier, cant. de Levier. — Le patois est en usage parmi les élèves dans la classe.

Meurthe ; arr. de Lunéville, cant. de Blamont. — La lecture des imprimés est passable ; mais elle se ressent partout de l’accent et du patois du pays.

Basses-Pyrénées, ; arr. d’Oloron. — L’instruction primaire n’est guère avancée dans la commune d’Esquiule, malgré que cette commune ait un instituteur communal et quatre instituteurs libres dans les hameaux ; ils savent à peine lire et écrire ; ils ne parlent que basque. Il est impossible de leur rien faire comprendre, et ils se livrent, en général, aux excès de la boisson.

Pyrénées-Orientales, arr. de Perpignan. — Comment, en effet, espérer que nos livres français soient jamais compris des élèves, quand ils le sont à peine de certains instituteurs ? C’est au directeur de l’école normale qu’il appartiendra de commencer cette réforme par l’interdiction absolue de l’idiome catalan dans cet établissement.

Bas-Rhin ; arr. de Schelestadt, cant. de Markolsheim. — Beaucoup refusent, sous de ridicules prétextes, de faire apprendre le français et le calcul à leurs enfants. Il faut le dire, plusieurs maires partagent et favorisent même ces préjugés de leurs administrés. Partout, on regrette vivement que la loi n’ordonne pas de mesures coercitives contre les mauvaises dispositions des familles, peu éclairées sur leurs véritables intérêts. Le sieur W…, instituteur à Richtalsheim, est badois ; il ne parle pas le français ; il l’écrit cependant et le lit assez bien.

Bas-Rhin ; arr. de Schelestadt, cant. de Barr. — Il n’y a qu’un très-petit nombre d’instituteurs dans ce canton, qui sachent, comme il le faudrait, les deux langues qu’ils doivent enseigner à leurs enfants. Presque dans toutes les écoles, la prononciation, surtout celle du français est vicieuse, et peu conforme aux règles que la grammaire établit à cet égard. Les instituteurs eux-mêmes ne la connaissent pas bien. Il en est de même pour les règles de la grammaire en général, et en particulier pour celles de l’orthographe.

Haut-Rhin ; arr. d’Altkirch. — Dans plusieurs communes, l’instituteur ne sait pas un mot de français.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. d’Ensisheim. — Il faudrait un ouvrage entier ou tout au moins un long mémoire, si l’on voulait développer les inconvénients qui résultent de l’ignorance de la langue nationale, exposer combien cette langue est peu répandue dans notre province, remonter aux causes de toute nature qui s’opposent à ses progrès, expliquer l’insuffisance des moyens employés jusqu’ici pour combattre ces causes et surtout indiquer les mesures qu’il y aurait à prendre. Je me bornerai à un petit nombre de faits et d’idées. À Strasbourg et à Colmar, il peut y avoir dans les écoles un dixième ou tout au plus un septième des enfants qui parlent plus ou moins français. Le nombre se réduit à un quinzième ou à un vingtième peut-être dans les autres villes. Quant aux campagnes, je n’oserais affirmer qu’on en trouvât un sur deux cents. Parmi les instituteurs, il y en a qui ne comprennent pas même la langue française ; cependant, on enseigne presque partout à lire et à écrire en français ; mais à quoi bon, si l’on ne fait aucun effort pour donner aux enfants l’intelligence de ce qu’ils lisent et de ce qu’ils écrivent ? Or, c’est ce qui arrive presque partout.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. de Munster. — Le canton de la Poutroye est tout français, et celui de Munster tout allemand. Dans ce dernier, beaucoup d’instituteurs sont absolument étrangers à la langue nationale.

Côte d’Or ; arr. de Beaune, cant. de Bligny. — La prononciation est extrêmement vicieuse dans le canton de Bligny. Il y a des communes où pas une personne ne parle véritablement français, et où j’avais peine à comprendre ce que me lisaient les enfants. L’instituteur lui-même prend quelquefois les habitudes orales du pays qu’il habite ; il parle patois ; je n’affirmerais pas qu’il s’en dispense dans la classe.

Haute-Loire ; arr. de Brioude. — La faiblesse de ces premières études doit être attribuée à la désertion des écoles dans toute la belle saison, à l’incapacité des maîtres en général, à l’habitude de parler patois, commune à la bourgeoisie, même dans les petites villes aussi bien que dans les campagnes.

Vosges ; arr. de Neuf-Château, cant. de Bulgnéville. — Beaucoup d’enfants entendent sans cesse leurs parents répéter que la science n’est bonne à rien ; qu’étudier c’est perdre son temps, qu’il suffit de savoir tenir la bride d’un cheval et tracer un sillon. Aussi, le travail et l’application des élèves sont-ils à peu près nuls. Si un enfant se sert d’une expression française, retenue par hasard, le père et la mère se moquent de lui et y substituent un patois barbare.

Landes ; arr. de Saint-Sever, cant. d’Hagetmau. — Les instituteurs parlent patois à leurs élèves, de telle sorte que ceux-ci sont incapables de comprendre les questions les plus simples si vous les leur faites en français. J’ai été obligé partout, excepté dans Hagetmau et Saint-Cric, de leur parler leur jargon.

Meurthe ; arr. de Château-Salins. — Les maîtres négligent d’expliquer à leurs élèves la signification des mots qu’ils voient. J’ai trouvé presque partout des perroquets ; ces pauvres enfants ignorent même les choses les plus simples, ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Leur intelligence n’étant pas développée, leurs progrès sont très-lents, et ils se dégoûtent facilement d’exercices où ils n’entendent rien ; aussi, parlent-ils patois tant qu’ils peuvent ; du moins, dans ce langage, ils se comprennent.

Basses-Pyrénées ; arr. de Mauléon. — Les instituteurs parlent en général tous en basque à leurs élèves. Je leur ai vivement recommandé de faire la classe en français.

Basses-Pyrénées ; arr. et cant. de Mauléon. — J’ai exigé des instituteurs l’abolition entière de l’usage de la langue basque en classe. Je leur ai fait sentir combien il importe à nos enfants d’apprendre et de parler la langue de la nation pour tous les usages de la vie sociale. Je leur ai également recommandé d’abandonner entièrement la pratique de la lecture basque, suivie dans tous les temps dans leurs écoles, d’y substituer exclusivement les alphabets syllabiques français, les seuls qui conviennent à la première enfance.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau. — Une coutume invétérée chez beaucoup de maîtres est celle de faire réciter le catéchisme en patois, bien qu’il soit écrit en français, de parler patois aux élèves et de les tutoyer.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune, cant. de Nolay, Bligny, Pouilly et Liernais, Gevrey. — Dans quelques écoles, introduction du patois par le fait des élèves ou de l’instituteur, ou de la femme de l’instituteur.

Lot ; arr. de Figeac, cant. de Cajarc. — L’instruction primaire n’est guère plus florissante dans le canton de Cajarc que dans celui de Limogne. Cependant, il m’a semblé que l’usage de la langue française, dans les écoles, y est plus répandu ; mais que de choses il reste encore à faire pour qu’elle devienne familière ! Et cependant, tant qu’on n’aura point obtenu ce résultat, les progrès de l’instruction primaire seront toujours fort lents et incertains. L’instruction primaire, elle-même, pourra presque paraître inutile, car, à quoi sert-il d’apprendre à lire des livres qu’on ne comprend pas ? Or, pour les enfants des communes rurales, les livres français sont aussi inintelligibles que les latins. J’ai cru devoir recommander de la manière la plus expresse, aux instituteurs de ne jamais parler que français à leurs élèves (autant du moins qu’ils le peuvent) ; je leur ai recommandé aussi de faire réciter le catéchisme en français et non plus exclusivement en patois, comme ils le font presque tous.

Meurthe ; arr. de Sarrebourg, cant. de Phalsbourg. — Une autre circonstance qui entrave encore considérablement les progrès dans la plupart de ces écoles, c’est que le peu de temps que les enfants y passent est partagé entre l’étude de la lecture allemande et de la lecture française.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Boulay. — À l’exception des communes de Condé, Boulay et Hiuckange, tout le reste de ce canton est allemand. On enseigne à lire dans les deux langues, d’abord en allemand, puis en français. Cette double étude, avec le peu de temps que les enfants donnent à l’école, pourrait expliquer jusqu’à un certain point, pourquoi, dans ce canton, l’enseignement se borne généralement à la lecture, l’écriture, les quatre premières règles de l’arithmétique, sans aucune notion de grammaire et d’orthographe.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Molsheim. — Quant à l’enseignement du français, il est presque partout réduit à la lecture et à l’écriture française.

Bas-Rhin ; arr. de Schelestadt, cant. de Barr. — Les parents seraient plus enclins à envoyer leurs enfants aux écoles, si l’enseignement y était plus complet, et plus satisfaisant, surtout celui de la langue française. Celle-ci, dans beaucoup d’écoles, n’est enseignée qu’à une partie des élèves, dans d’autres, les maîtres ne montrent que l’allemand ; et cependant, le besoin d’apprendre le français deviendra de plus en plus urgent à tous les habitants de notre province. Aucun élève des écoles primaires ne devrait à l’avenir l’ignorer complétement. Comment, s’il ne la connaît point du tout, pourra-t-il obtenir de l’avancement, quand il embrasse la carrière militaire ? Pourra-t-il lire et comprendre les actes émanés des tribunaux ou des administrations qui lui seront adressés ? Sera-t-il en état de gérer ses affaires, de veiller à la conservation de sa fortune, s’il n’a point la moindre idée de cette même langue ? Ces raisons, et encore plusieurs autres d’une pareille importance paraissent nécessiter une mesure générale que prendraient les autorités compétentes pour introduire l’instruction de cette langue dans toutes les écoles de notre province. La publication d’un nombre suffisant de bons ouvrages élémentaires, composés à cet effet, serait sans doute un des moyens les plus sûrs pour mettre en pratique ce principe, aussitôt qu’il aura été établi d’une manière solide. Ils devront être composés par des personnes qui connaissent bien la nature et les besoins des écoles de l’Alsace, soit dans les deux langues, soit du moins avec des notes explicatives en allemand.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar. — Les enfants ont assez souvent une grammaire française entre les mains ; mais elle n’est pour eux qu’un livre de lecture comme un autre. On ne se soucie nullement d’y étudier la langue. Beaucoup d’instituteurs pensent avoir fait merveille, quand ils ont mis quelques conjugaisons dans la tête de leurs élèves.

Ariège ; arr. de Saint-Girons, cant. de Saint-Liziers et de Sainte-Croix. — À l’exception de quatre ou cinq écoles, j’ai trouvé partout l’étude du catéchisme plus ou moins négligée et souvent même tout-à-fait abandonnée. Dans plusieurs écoles aussi j’ai trouvé qu’on l’enseignait en patois ; les maîtres trouvant plus simple de céder aux habitudes de l’ignorance que de s’attacher à les vaincre.

Gers ; arr. de Lectoure. — Le curé exige, et les deux instituteurs ont le tort d’y consentir, que les enfants apprennent et récitent le catéchisme en patois.

Hautes-Pyrénées ; arr. de Tarbes, cant. de Frie. — Dans plusieurs communes, les prêtres font un devoir au régent de parler patois aux enfants, de leur enseigner le catéchisme avant tout en faisant usage de cet idiome patois.

Hautes-Pyrénées, arr. de Tarbes. — En bien des endroits, les élèves font les prières et récitent le catéchisme en patois. Les instituteurs prétendent qu’en cela ils obéissent aux exigences de messieurs les desservants.

Gers ; arr. de Lectoure. — Le curé de P........... interdit la porte aux enfants qui réciteraient le catéchisme en français.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Faulquemont. — La plus grande partie des communes du canton du Faulquemont sont allemandes ; dans celles-là, on lit et on écrit en allemand, avant de lire et d’écrire en français ; souvent même on n’apprend pas l’écriture française. Avec cela, on chiffre, en se servant de l’allemand pour expliquer les opérations ; c’est là à peu près toute l’instruction qui se donne. Dans les communes françaises, on lit, on écrit et on chiffre : voilà pour l’ordinaire, quoiqu’il y ait l’allemand de moins ; mais l’écriture est beaucoup plus avancée, et la lecture beaucoup plus ferme.

Moselle ; arr. de Thionville, cant. de Metzervisse. — Dans ce canton, comme dans ceux de Bouzonville, de Cattenom et de Sierk, ce qui fait que l’instruction primaire laisse tant à désirer encore, c’est surtout que la population est presque entièrement allemande, et que les instituteurs ont un grand obstacle de plus à vaincre dans la langue même du pays.

Nord ; arr. de Dunkerque, cant. de Hondschoote. — Les progrès de la lecture française sont lents presque partout : les livres flamands, dont on fait usage, en sont la cause, comme étant en gothique.

Nord ; arr. et cant. de Dunkerque. — Un des principaux obstacles qui s’opposent, dans l’arrondissement de Dunkerque, aux progrès de l’instruction primaire, et contre lequel luttent courageusement quelques instituteurs, c’est le flamand que les élèves parlent continuellement.

Basses-Pyrénées ; arr. de Bayonne, cant. de Bayonne. — Le langage populaire de ces quatre dernières communes rurales, toutes voisines de Bayonne qu’elles sont, est le basque, idiome tout-à-fait étranger à la langue française, que les enfants de ces communes ne parlent ni n’entendent. C’est pourquoi nous croyons qu’il serait nécessaire qu’un ordre exprès obligeât rigoureusement les instituteurs, à l’avenir, établis dans ces communes où ce dialecte est usité, à parler constamment français à leurs élèves, tant en classe que partout ailleurs, de leur prohiber même tout enseignement en cet idiome, à l’exception du catéchisme du diocèse qui y est traduit : c’est par ces moyens que l’instruction ferait quelques progrès dans ces contrées. La même obligation devrait être imposée tant aux instituteurs gascons qu’aux basques, relativement à la langue française, qui y est très-retardée.

Basses-Pyrénées ; arr. de Bayonne, cant. de Saint-Jean-de-Luz et de Ustaritz. — L’idiome basque est le langage populaire de tous ces cantons, ainsi que des deux suivants.

Hautes-Pyrénées ; arr. d’Argellez. — Dans toutes les écoles rurales de l’académie de Pau, l’idiome du pays est un grand obstacle aux progrès des élèves. Les enfants n’entendant pas le français, ont besoin de beaucoup de temps pour apprendre à lire, et leur prononciation, comme celle de leurs maîtres, est détestable.

Tarn ; arr. de Castres, cant. de Mazamet et de Saint-Amant. — (Écoles ambulantes) pour les jeunes paysans des montagnes. (Classes du soir) pour les enfants employés dans les usines. Ces mesures feront du bien, mais elles ne guériront pas entièrement le mal. À Mazamet, à Saint-Amant, comme dans tous les cantons que j’ai parcourus, comme dans une grande partie du Midi, l’usage du patois arrêtera long-temps encore, ou du moins entravera le progrès. Ces malheureux enfants n’entendent pas un mot de français ; ils lisent le français comme ils lisent le latin de leur psautier, sans le comprendre. J’ai fait mille fois cette expérience. À quoi leur sert de savoir lire ? Il faudrait, en vérité, faire ici ce qu’on fait en Alsace, faire traduire, beaucoup traduire. Mais où sont les ouvrages patois ? J’ai eu le plus grand soin de recommander aux maîtres de ne laisser passer aucun mot qui ne fût bien compris de tous, et non-seulement les mots, mais les phrases ; mais c’est bien difficile à obtenir. Dans les villes, dans les campagnes, à chaque instant le patois frappe les oreilles du voyageur, c’est l’idiome favori pour quelques esprits indépendants attachés au sol du Midi ; c’est presque la langue nationale. Les curés sont obligés de prêcher en patois ; tout le monde ici est obligé de savoir un peu de patois ; et malheur aux inspecteurs d’académie qui n’en connaissent pas un mot.

Vosges ; arr. de Mirecourt. — Quant à la grammaire française et à l’orthographe, la grande majorité des instituteurs est obligée d’en donner des leçons furtivement, pour ainsi dire, et à la dérobée. « Il n’est pas besoin de grammaire pour des paysans, disent les parents, pour la plupart. » Aussi, les enfants parlent-ils généralement patois.

Vosges ; arr. de Saint-Dié, cant. de Schirmeck. — Natzwiller : — L’école de cette commune est allemande.

Moselle ; arr. de Thionville. — Les curés ne prêchent, ne font le catéchisme qu’en allemand, et la plupart, au nom de la Religion, repoussent le français de toute leur influence. (Voy. aussi 134, Tarn.)

Gers ; arr. de Lectoure, cant. de Mauvezin. — Le curé exige que les enfants apprennent le catéchisme en patois ; il leur dit : « Parlez la langue de votre père ! » maxime fort avancée. « Lire, écrire, et un peu de calcul, c’est bien assez pour labourer, » dit-on dans la commune de Solomine. D’autres disent, en parlant de la loi nouvelle : « Ça ne prendra pas. »

Marne ; arr. de Vitry. — On tient beaucoup à dix sous dans la campagne ; le propriétaire, aussi bien que les manouvriers, hésite à les donner pour faire fréquenter l’école à ses enfants, et l’on préfère les laisser croupir dans l’ignorance la plus grossière. J’ai entendu même plusieurs maîtres se plaindre que les parents défendissent de montrer à parler à leurs enfants ; qu’ils sachent lire et écrire, dit-on en patois, c’est suffisant ; ils n’ont pas besoin de savoir parler comme des bourgeois.

Calvados ; arr. de Bayeux, cant. de Byes. — Sur tout le littoral, la jeunesse a moins de temps à consacrer à son instruction que dans l’intérieur de l’arrondissement. À peine les enfants sont-ils en âge d’aider leurs parents, qu’ils sont employés aux travaux de la pêche, et les communes les plus populeuses sont sur le littoral.

Calvados ; arr. de Caen, cant. de Douvres. — Sur le littoral, dès qu’un enfant peut servir en qualité de mousse, on se hâte de l’embarquer ; dans d’autres communes, qui fournissent beaucoup de tailleurs de pierre, les jeunes gens s’en vont à Paris dès l’âge de 12 à 15 ans, et ne reviennent qu’après la saison des travaux.

Calvados ; arr. de Falaise. — Dans la plupart des communes, la garde des bestiaux, la culture du colza et du sarrazin sont, pendant l’été, l’occupation la plus générale des enfants : dans quelques-unes, ce sont les filets, les caparaçons, les carnassières ; au Pont-d’Ouilly, les usines ; aux environs de Falaise, la bonneterie et les mécaniques. Pour beaucoup d’enfants, tous ces travaux durent toute la journée : à peine leur accorde-t-on une heure ou deux, tout au plus, pour aller à l’école.

Gers ; arr. de Lectoure, cant. de Fleurance. — À Fleurance, les enfants les plus indigents, ou du moins quelques-uns d’entre eux, au lieu d’aller apprendre à lire, vont gagner quelques sous dans les manufactures de plume ou de minat.

Oise ; arr. de Beauvais. — Des fabriques de zinc, établies dans ce pays, attirent trop tôt les enfants pour que leur instruction soit passable ; l’appât d’un gain vil engage les familles à retirer les enfants de l’école de très-bonne heure.

Seine-Inférieure ; arr. de Rouen, cant. de Pavilly. — Dans le canton de Pavilly les écoles ne sont pas très-fréquentées, les nombreuses filatures qui existent dans ces campagnes, attirent presque tous les enfants des familles peu aisées ; cet état de chose existera long-temps, non seulement à cause de l’ignorance des habitants, qui ne leur permet pas d’apprécier tous les avantages de l’instruction, mais encore à cause de leur misère, qui leur fait préférer 50 ou 55 centimes que gagne chaque enfant au peu qu’ils apprennent dans les écoles.

Eure ; arr. d’Évreux, cant. de Rugles. — Les nombreuses fabriques d’épingles et de clouterie qui se trouvent dans ce canton, et dans lesquelles sont occupés les enfants, dès l’âge de quatre ans, sont cause que l’instruction primaire a fait peu de progrès jusqu’à ce jour, et laissent peu d’espoir pour l’avenir.

Eure ; arr. d’Évreux. — Quant aux diverses industries, on ne peut nier que celles aux travaux desquelles les plus jeunes enfants peuvent être occupés, ne soient, pour les écoles, une cause de non-succès et de ruine ; car, par cela même que les enfants font l’office des grandes personnes, il arrive que la main-d’œuvre est au plus bas prix, et que les pères de famille, pour suppléer à l’insuffisance de leur propre salaire, sont dans la nécessité de faire travailler leurs enfants au lieu de les envoyer à l’école.

Eure ; arr. et cant. de Louviers. — On attribue le manque de lumières au commerce, qui oblige les habitants des campagnes voisines de Louviers, à faire travailler les enfants aux fabriques.

Jura ; arr. de Saint-Claude, cant. de Bouchoux. — Les communes de ce canton sont trop pauvres pour pouvoir nourrir un instituteur....... Ils arrivent, pour la plupart, dans le mois de décembre, ouvrent leur classe dans la première commune qui leur convient, et même assez rarement dans celle où ils ont enseigné l’année précédente. Souvent il arrive que la rétribution mensuelle, ne suffisant pas pour les faire vivre, ils se nourrissent chez les particuliers, aujourd’hui chez l’un, demain chez l’autre. Les classes sont désertes ; les communes feraient-elles un traitement qui permît à l’instituteur d’enseigner toute l’année, les parents n’y enverraient pas leurs enfants ; ils préfèrent leur faire garder les bestiaux ou les occuper dans des fabriques de peignes, de tabatières, etc., etc.

Nord ; arr. de Cambrai, cant. de Marcoing. — Dans la plupart des communes, on travaille beaucoup aujourd’hui aux cotons et aux soies. Les enfants, dès l’âge de six ans, sont employés dans les fabriques et gagnent déjà quelque argent. Leurs parents, la plupart ignorants, se gardent bien de les en tirer, même quelques heures par jour, pour les envoyer à l’école.

Nord ; arr. de Douai, cant. d’Arleux. — Plusieurs obstacles s’opposent aux progrès de l’instruction primaire : le premier, qui paraît invincible à l’autorité locale, c’est l’établissement de plusieurs fabriques, principalement à Cantin. Il me semble cependant que, pour remédier au mal, il suffirait que MM. les maires s’entendissent avec les directeurs des fabriques ; ces derniers, sans doute, se feraient un devoir d’envoyer les enfants à l’école, s’ils pouvaient leur désigner l’heure à laquelle l’instituteur serait tenu à les recevoir.

Nord ; arr. et cant. de Valenciennes (sud). — Les fabriques de sucre de betterave, dans plusieurs communes rurales, offrent aux parents l’occasion de faire travailler leurs enfants ; ceux-ci ne fréquentent pas les écoles, ou, s’ils y vont, ils n’y restent que très-peu de temps.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. d’Andolsheim. — Les écoles du canton ne sont pas fréquentées par le 10me de la population : fait qui ne doit pas surprendre, dans un pays de montagnes et de fabriques.

Seine-et-Marne ; arr. de Meaux, cant. de Claye. — Il serait à désirer que les chefs de manufactures, ou de grandes exploitations agricoles, ne donnassent du travail chez eux qu’aux enfants qui fréquenteraient les écoles, ou qui sauraient lire et écrire.

Seine-et-Oise ; arr. d’Étampes, cant. de Méréville. — Saclas : Je dois signaler ici un fait qui retire beaucoup d’enfants à l’école : c’est l’existence d’une manufacture de laine, où les enfants sont employés en grand nombre, dès l’âge de six ans.

Somme ; arr. de Doulens, cant. d’Acheux. — L’instruction primaire est fort négligée le long de l’Authie ; d’abord, parce que le pays est pauvre, et qu’il existe des usines où les enfants vont travailler, dès l’âge de six ans.

Eure ; arr. d’Évreux, cant. de Rugles. — L’état de gêne, et souvent de misère auquel sont condamnés la plupart des parents, ne leur permet pas de renoncer au modique salaire de trois ou quatre sous que chacun de leurs enfants leur apporte à la fin de la journée. Il paraît, néanmoins, que cette classe malheureuse, qui forme presque toute la population du pays, sent vivement le besoin de l’instruction, car, tous les instituteurs, en se déplaçant, comme je l’ai dit, ont un assez grand nombre d’élèves.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. de Rouffach. — Un abus déplorable, et que je ne puis m’empêcher de signaler avec un sentiment d’indignation, si le fait m’a été exactement rapporté, c’est que quarante enfants, véritablement serfs, attachés à la fabrique de M. ****, à S***, y sont privés de toute instruction religieuse et profane. Le maire et le curé auraient sollicité, à ce qu’il paraît, pour un instituteur, l’autorisation de leur donner une heure, seulement, par jour, dans la fabrique même, sans qu’il en coûtât à M. ****, autre chose que la perte du travail de ces quarante malheureux, pendant une heure, prise à son choix, et leur prière aurait été repoussée. Un tel refus démontre assez la nécessité, l’urgence de la loi que le Ministre a promise, au sujet des jeunes ouvriers des fabriques. L’intervention de la loi pourra seule mettre un frein à une odieuse cupidité, qui, sans se présenter partout avec le même caractère de ténacité qu’à S***, fait beaucoup de mal dans tout le Haut-Rhin.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Bischwiller. — Les écoles mêmes de Bischwiller sont loin d’avoir acquis le degré de force auquel devrait les conduire le talent de quelques-uns de leurs instituteurs. Enfermés tout le jour dans les fabriques, obligés souvent d’y passer une partie de la nuit, la plupart des enfants ne peuvent les fréquenter avec assiduité. Cet inconvénient n’est pas le seul ; ils ne donnent à leurs parents qu’une partie de leur salaire. Le reste, laissé à leur disposition, est dépensé dans les cabarets et les brasseries où ces malheureux enfants prennent l’habitude de passer le dimanche et les soirées dont ils peuvent disposer. Ce n’est pas en de pareils lieux qu’ils peuvent puiser le goût de l’application et de l’étude. Aussi, un grand nombre apporte-t-il à l’école une dissipation qui, dans l’école réformée surtout, m’a semblé contagieuse. Les ministres et les instituteurs de tous les cultes, se sont unanimement plaints du peu de docilité qu’ils trouvent dans les enfants, du peu d’ascendant qu’ils exercent sur eux. Le remède au mal que je viens de signaler, serait la création d’une école de nuit et des dimanches. Un appel à la philanthropie des fabricants serait sans doute entendu. Au moyen d’un abonnement, qui ne s’élèverait jamais à une somme bien considérable, ils obtiendraient pour les jeunes ouvriers une fréquentation gratuite, qu’ils rendraient obligatoire. La population des fabriques deviendrait économe et prévoyante, et nos manufacturiers feraient tomber l’accusation, trop méritée peut-être par quelques-uns, d’abuser sans pitié de la jeunesse et de l’enfance, en leur imposant un travail au-dessus de leurs forces.

Ariège ; arr. de Foix, cant. de Tarascon. — En descendant de la haute montagne vers les vallées inférieures, on est étonné d’y trouver autant d’ignorance, quelquefois plus d’ignorance même que dans des communes moins heureusement situées. C’est que dans ces lieux, les communes n’ont rien, ou bien peu de chose ; et que les populations doivent tirer leurs ressources d’un sol resserré, et souvent dévasté par les orages, ou du produit de leurs bestiaux, qui sont l’objet de leurs soins constants et assidus.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Couïza. — Rien de plus misérable que quelques parties du sud-est de ce canton ; Les communes y sont situées entre des rochers et des montagnes déboisées ; et l’étendue de quelques-unes n’est que l’étendue de la nudité. Le peu de fonds de bon rapport y est entre les mains de deux ou trois propriétaires, tandis que le reste de la population, moins quelques journaliers, souffre tous les maux de la misère. Un sol moins stérile, une certaine industrie, et des communications plus libres procurent un peu plus d’aisance à tout le reste du canton ; et cette différence de fortune est le thermomètre de l’état de l’instruction primaire dans les deux parties.

Jura ; arr. de Poligny, cant. de Salins. — On remarque une différence assez sensible entre la montagne et la plaine, toute à l’avantage de la première ; cette nuance se retrouve, sans doute, dans les localités analogues de l’académie. Elle s’explique par la longueur des hivers et les autres circonstances qui rendent les montagnards plus sédentaires, leur font une sorte de passe-temps de l’instruction : la vivacité de l’air les y rend d’ailleurs plus propres.

Haute-Loire ; arr. de Le Puy, cant. de Le Puy. — Comment faire participer aux bienfaits de l’instruction primaire des villages de montagnes que leur peu de population et leur pauvreté agglomèrent dans la pensée, mais qu’en réalité leur topographie isole, et que l’hiver enclot ? Dans ces fractions écartées de communes, il n’y aura d’instruction primaire que pour quelques enfants dont les parents seront assez aisés pour les envoyer camaristes au chef-lieu. Ainsi, bien qu’avec le secours du temps et de grands frais, on eût la perspective de faire faire d’immenses progrès à l’instruction primaire dans le département, on ne pourra jamais l’y mettre à la portée de tous les enfants de ces montagnes.

Aveyron ; arr. de Saint-Affrique, cant. de Saint-Rome-du-Tarn. — Une grande partie du canton de Saint-Rome-du-Tarn se trouvant dans un pays peu fertile et pauvre, les habitants n’ont aucun goût pour l’instruction.

Charente-Inférieure ; arr. de Jonzac. — Je dois dire qu’il m’a paru que les écoles étaient d’autant moins fréquentées, que le pays était plus pauvre, et que j’ai été porté à en conclure que la misère était l’un des principaux ennemis de l’instruction.

Dordogne ; arr. de Riberac, cant. de Montpont. — Au premier coup d’œil qu’on jette sur ces riches campagnes, sur ces chemins bien tracés, sur cette route où la berline passe à côté du chariot ; à la vue de ce mouvement, de cette prospérité, on doit croire qu’ici les idées sont avancées, et que l’instruction primaire est florissante. Il n’en est rien. Le long de cette route même, si vous exceptez Montpont, vous trouverez peu de gens qui sachent lire et qui fassent cas de la science. Les plus riches communes du canton ne sont guère plus éclairées que celles qui sont situées sur le sol ingrat de la Double. Des causes opposées amènent les mêmes effets : la fertilité de la terre et sa stérilité. Ici, la population se compose de riches propriétaires qui envoient leurs enfants à la ville, et de métayers qui, tout entiers aux travaux champêtres, n’ont pas le temps de songer à l’instruction. Là, presque tous courbés sous le joug de la pauvreté, ils n’ont d’autre souci que le soin de leur subsistance.

Haute-Garonne ; arr. de Toulouse, cant. de Leguévin. — Le canton de Leguévin offre des résultats plus satisfaisants. Sur dix communes, il y en a cinq pourvues d’écoles, dans lesquelles l’enseignement est, en général, plus élevé. D’où vient cette différence ? Serait-ce parce que ce canton est beaucoup moins riche que celui de Castanet ?

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Castelnau. — Les vignes ainsi partagées répandent l’aisance dans les bonnes années ; mais alors on ne fait point de réserve, on se hâte de dépenser en constructions, suivant le goût du pays. Survient une mauvaise année, suivie d’une autre ou de plusieurs ; comme on n’a pas d’autre récolte que celle de la vigne, on se trouve dans la gêne, les écoles en souffrent, les enfants restent sans instruction. La nécessité de payer en argent plutôt qu’en denrées, en vin, par exemple, sera une difficulté en quelques lieux, mais plus particulièrement ici. Dans d’autres communes, comme Margaux, Cantenac, les vignobles appartiennent plutôt à de grands propriétaires, qui les font cultiver par des journaliers ; les enfants y sont moins employés et plus libres pour l’école ; on y remarque plus de régularité.

Hérault ; arr. de Beziers, cant. de Murviel. — En tirant une ligne horizontale qui passerait au-dessus de la commune de Causses, on diviserait le canton de Murviel en deux parties, où l’état de l’instruction primaire forme un contraste frappant ; au-dessus de cette ligne et au nord surtout, c’est-à-dire dans la contrée la plus pauvre et la plus montueuse, on trouve des écoles bien fréquentées et des maîtres capables. Là, il suffira d’assurer aux indigents les bienfaits de la loi du 28 juin dernier, pour attirer dans les écoles les quelques enfants qui n’y vont pas actuellement. Dans les autres communes de ce canton, les écoles sont peu fréquentées, l’instruction primaire très-retardée.

Orne ; arr. de Mortagne, cant. de Bellème. — Le mauvais état de l’instruction primaire paraît tenir au défaut d’aisance de ce pays de forêts, et par suite, à l’indifférence des habitants pour l’instruction.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Perpignan, cant. de Prades et de Vinça. — Ce n’est point toujours la force de la population ni l’aisance dont elle jouit, qui donne aux communes des deux cantons souvent dénommés ci-dessus, de même qu’à celles des cantons de Saillagoute, Mont-Louis, Alette et Sournia, le désir de faire germer l’instruction dans le cœur de la jeunesse, puisque nous en avons trouvé de bien peu d’importance, de bien peu fortunées qui mettent au rang de leurs premiers besoins le curé, l’officier de santé et l’instituteur. Ce que nous avons déjà dit relativement à Prades, comparé à Ille et Vinça, dont la fortune territoriale est beaucoup plus grande, en est aussi la preuve. C’est la position topographique de la localité, l’impulsion que lui impriment ses notabilités, qui les tirent de l’indifférence où d’autres languissent.

Var ; arr. de Toulon. — L’arrondissement de Toulon est, à peu d’exceptions près, entièrement agricole, fertile jusqu’au luxe en beaucoup d’endroits, pauvre dans quelques autres. Mais cette inégalité dans la répartition des richesses ne produit, quant à l’instruction primaire, qu’un même résultat. Dans les villages pauvres, les écoles restent désertes par une raison péremptoire, l’impuissance de payer la contribution. Sur un sol plus riche, l’effet ne change point avec la cause ; par une conséquence de l’extrême division des propriétés dans le département du Var, chaque chef de famille possède une portion de terre à laquelle il attache de bonne heure ses enfants. Ainsi, à Cons, l’instruction des enfants est sacrifiée au besoin d’employer leurs mains au soin de la culture.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. de Riceys. — Le canton de Riceys est célèbre par ses vins et par conséquent fort riche ; il est cependant curieux de savoir pourquoi les écoles y sont faibles, mal tenues et misérables, et pourquoi les instituteurs y sont mal rétribués. La richesse établit une trop grande distance entre les deux extrêmes de la société : On trouve dans ce canton des maisons très-aisées et des chaumières misérables ; de gros propriétaires et des vignerons. Il en résulte que les gens riches envoient leurs enfants à Troyes ou à Paris et jamais dans les écoles, et que, par conséquent, ils ne prennent aucun intérêt au sort des instituteurs, ou au développement de l’instruction primaire.

Creuse ; arr. d’Aubusson cant. de Bourganeuf. — Presque partout on est prononcé pour l’instruction ; cela tient à ce que le territoire, surtout dans les cantons pauvres, est en presque totalité entre les mains de petits propriétaires et que le labourage y est presque inconnu.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Castelnau. — Listrac, Cupac, Lamarque, Soupans. — Dans ces quatre communes les propriétés sont tout-à-fait divisées ; chaque habitant a sa vigne qu’il cultive lui-même ; cette culture exige des soins habituels, et, par économie, les pères de famille y emploient leurs enfants pour tous les travaux dont ils sont capables. Ces occupations les éloignent fréquemment de l’école.

Loire ; arr. de Roanne, cant. de Charlieu. — Les communes les plus récalcitrantes sont souvent les plus aisées, telles sont, dans le canton de Charlieu, celles de Builly, Changy, Saint-Nizier.

Haute-Marne ; arr. et cant. de Vassy. — J’ai remarqué que les écoles sont moins fréquentées dans les pays riches que dans les pays pauvres ; que l’enseignement y est très-limité et les progrès très-faibles.

Aude ; arr. de Limoux, cant. d’Alaigne. Ce canton est d’une étendue médiocre, et contient toutefois vingt-sept communes, beaucoup de fermes et de domaines, appelés autrefois châteaux. C’est sans contredit celui où la population jouit le plus d’aisance et où la misère et la mendicité sont plus rares. Ici, de riches moissons, là, d’abondantes récoltes de vin ; plus haut, des forêts bien boisées et couvertes de troupeaux, assurent le bien-être de plusieurs propriétaires et la subsistance de plusieurs habitants.

Cependant, jusqu’ici, ce canton avait été marqué, par M. Dupin, d’une couleur plus foncée que les autres, et, au tirage du sort, il a toujours présenté moins de jeunes gens sachant lire et écrire que n’en fournissait le pays de Sault.

Comme, d’ailleurs, la culture des terres s’y fait avec le soc ou le boyau qui exigent des bras robustes et des hommes faits, qu’on y emploie des femmes pour les travaux plus légers, et que les communications y sont aisées et continuelles, les jeunes garçons, moins utiles à la campagne, s’y distinguent, comme ils le font déjà, par beaucoup d’assiduité à l’école, et leur nombre variera moins qu’ailleurs d’une saison à l’autre.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Saint-Hilaire. — Ce canton ressemble beaucoup à celui de Couïza. De bonnes écoles dans la partie dont le ciel est beau, et le terrain assez fertile. La misère et l’ignorance dans les communes montagneuses ou dont le sol est maigre.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Quillan. — En partant de Quillan pour suivre le cours de l’Aude, ou se porter sur la gauche dans la plaine de Mébias et le beau territoire de Rouvenai et de Fa, on remarque une amélioration sensible dans la capacité des maîtres, dans l’état de leurs écoles, en même temps qu’on respire un air moins âpre sur un sol plus fertile.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Pleaux. — Le canton de Pleaux est celui de tout l’arrondissement de Mauriac où l’instruction primaire est le moins négligée et le moins arriérée. On peut assigner pour causes principales de cette supériorité :

1o La facilité des communications entre le chef-lieu de chaque commune et les villages qui en dépendent, le sol de ce canton étant généralement uni et en plaine ;

2o La position des chefs-lieux assez centrale par rapport aux villages de la même commune ;

3o La distance moindre des chefs-lieux aux villages, le pays étant plus peuplé ;

4o Une aisance plus générale, une plus grande estime de l’instruction dans ce canton, que dans le pays montagneux.

Charente-inférieure ; arr. de Jonzac, cant. de Saint-Genis. — À mesure qu’on s’éloigne des landes et des bois de pin, pour parcourir des campagnes plus fertiles, l’état de l’instruction primaire offre un coup d’œil plus satisfaisant.

Eure ; arr. d’Évreux. — Partout où il y a de l’aisance, il y a aussi besoin d’instruction. Partout où les populations sont agglomérées, il y a chance de succès pour les écoles. Le contraire de ces deux propositions est également vrai.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Salers. — La commune du Falgoux est généralement aisée. Quoique située aux pieds des montagnes les plus élevées du Cantal, elle apprécie singulièrement l’instruction. Un grand nombre d’habitants émigrent pendant l’hiver. Ces émigrants rapportent dans le pays, avec le produit de leur industrie, le goût de l’instruction pour leurs enfants.

Charente ; arr. d’Angoulême, cant. de Larochefoucault. — Chazelles : commune habitée par de petits propriétaires ou colons. Dans une partie de la commune, on paierait les parents pour leur faire envoyer les enfants à l’école, qu’on ne pourrait y réussir.

Charente-Inférieure ; arr. de Jonzac, cant. de Mirambeau et de Montendre. — L’instruction est évidemment plus avancée dans le premier de ces cantons ; le retard qu’elle souffre dans l’autre, peut, peut-être en partie, trouver sa cause dans l’état du pays ; non pas, pourtant, que les landes et les bois de pins qu’on y rencontre à chaque pas soient une preuve de sa misère ; l’industrie et le commerce de Montendre, que les cantons voisins appellent un petit Bordeaux, doit répandre quelque chose de l’aisance du chef-lieu dans les villages voisins.

Hautes-Pyrénées ; arr. de Bagnères, cant. de Vielle. — Le canton de Vielle ne possède pas d’instituteur distingué. Il y a en général dans les trois cantons plus de moralité que d’instruction et d’aptitude. Néanmoins, les montagnards ne manquent pas d’une certaine finesse d’esprit naturel ; mais ils sont peu cultivés, et leur goût les porte plutôt aux procès et à élever des troupeaux, que vers les théories et les nouvelles méthodes.

Ils lisent tous le Code forestier, et ils ne sauraient pas écrire une lettre, ni faire le moindre calcul décimal.

Ariège ; arr. de Foix, cant. de Vicdessos et de Tarascon. — Le canton de Vicdessos n’a que six écoles pour douze communes. Il est à remarquer que là, comme ailleurs, les écoles se trouvent presque toujours placées dans les communes qui sont sur les bords des rivières, et où l’on parvient par de grandes routes.

Aube ; arr. de Nogent-sur-Seine, cant. de Romilly. — Les paysans de ce canton sont ignorants, mais ils vont souvent dans les communes voisines, ils entendent parler des progrès que font les enfants dans certaines écoles bien tenues ; alors, rentrés chez eux, ils se plaignent au maire, n’en sont pas écoutés, et retirent leurs enfants qu’ils envoient à la garde des troupeaux.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. d’Audenge, de la Teste et de Belin. — Ces trois cantons sont dans la partie des landes qui forme environ la moitié du département de la Gironde ; il y a peu de pays qui opposent à l’instruction primaire plus de difficultés que les landes. Cependant, si l’on considère seulement le nombre des enfants qui suivent les écoles, on trouve, dans ces trois cantons, des résultats plus avantageux que ne le faisait espérer la nature du pays, mais il est facile de les expliquer : Les trois communes du canton de Teste, et quatre communes sur six du canton d’Audenge, sont répandues au tour du vaste bassin d’Arcachon. Ce bassin, qui fournit presque tout le poisson des marchés de Bordeaux, répand l’aisance sur tous ses bords.

La pêche, les marais salants, les bains de mer très-fréquentés des Bordelais, les communications ouvertes par la route départementale de la Teste, à travers les communes de Biganos, du Teich et de Gujan, éveillent l’industrie, augmentent les ressources, mettent ce peuple en contact habituel avec les habitants d’une grande ville, et donnent à la fois le besoin de l’instruction et le moyen de la répandre dans les familles. Les employés des douanes, classe plus éclairée, qui forment une partie de la population de plusieurs communes, ne manquent pas d’envoyer leurs enfants aux écoles, et en attirent peut-être quelques autres par leur exemple.

Hautes-Alpes. — Dans la partie haute du département, l’hiver est long et rigoureux ; trois ou quatre pieds de neige en couvrent le sol pendant cinq mois de l’année. Forcé au repos, l’actif Briançonnais ne consume pas ce temps dans une indolente oisiveté ; tous sont occupés ; les enfants vont à l’école, les vieillards se livrent à des travaux manuels, et les hommes forts et robustes abandonnent leurs foyers, et vont exercer leur activité dans les départements méridionaux de la France. L’hiver fini, ils regagnent les Alpes, et, en même temps qu’ils apportent, de leur émigration, un petit pécule, fruit de leur sobriété et de leur industrie, ils acquièrent de l’usage, des formes, de petites connaissances qu’ils s’empressent de communiquer à leurs compatriotes.

Corrèze ; arr. de Tulle, cant. de Servières. — La plus grande partie des habitants de ce canton émigrent et rentrent chez eux après huit mois d’absence. Ils rapportent chez eux le désir de s’instruire, et veulent que leurs enfants acquièrent de l’instruction, parce qu’ils ont pu en apprécier les avantages dans leurs tournées ; aussi, trouve-t-on plus d’écoles, et des écoles mieux suivies dans ce canton que dans tous les autres du département.

Creuse ; arr. d’Aubusson et de Bourganeuf. — J’ajouterai que l’émigration annuelle met les hommes de ce pays en rapports fréquents avec ceux des provinces les plus lettrées, ce qui, en ouvrant leur esprit, leur fait sentir tout l’avantage qu’ils pourraient tirer de connaissances plus étendues. Toute la population (ou peut s’en faut) sait lire et écrire, mais faiblement : cette faiblesse des élèves vient de celle des maîtres et du peu de temps que les enfants consacrent à l’étude.

Haute-Vienne ; arr. de Bellac, cant. de Château-Pousat. — Dans les communes où il y a école, la moitié des enfants, à peu près, profite du bienfait de l’instruction. Il y a, dans cette contrée, beaucoup d’ouvriers qui ont coutume de s’expatrier tous les ans. Ils sentent davantage le besoin de posséder les premières notions des connaissances, et ils sont jaloux de les faire donner à leurs enfants.

Haute-Vienne ; arr. de Bellac, cant. de Saint-Sulpice. — Dans les communes pourvues d’écoles, les trois quarts des enfants vont y recevoir l’instruction. En général, le peuple qui s’expatrie pour aller chercher du travail ailleurs en sent toute l’importance.

Drôme ; arr. et cant. de Die. — Le canton de Die se divise naturellement en deux parties : les communes montagneuses et isolées et les communes en plaine, percées de routes. Les premières n’ont que de fort mauvais instituteurs, ou n’en ont pas du tout ; et les secondes ont des écoles où l’enseignement est en général dans un bon état. Cette remarque s’applique à la totalité de l’arrondissement de Die. En effet, les deux cantons de Crest et celui de Saillans sont plus civilisés que les autres ; ce sont là des faits bien tranchés et vérifiés dans tout le cours de ma tournée.

Lot-et-Garonne ; arr. de Villeneuve, cant. de Monflanquin et de Fumel. — La nature semble elle-même protester d’avance contre la réunion des communes, en posant des limites infranchissables, surtout dans la saison pluvieuse. Le cours de plusieurs ruisseaux, scindant quelques communes les plus rapprochées, arrête souvent pendant l’hiver toute communication ; le premier besoin serait donc de faire disparaître ces obstacles naturels, par des ponts qu’il serait facile d’établir et à peu de frais. Ce sujet nous amène tout naturellement à l’émission d’une idée qui pourra peut-être choquer quelques esprits, en ce qu’elle tendrait dans son application à corroborer le système si opiniâtrement attaqué de la centralisation. À notre avis, le plus grand obstacle matériel à la propagation de l’instruction élémentaire naît du défaut de communication du centre d’une commune à l’autre et même souvent avec le chef-lieu du canton.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Perpignan, cant. de Prades et de Vinça. — Dans tout cet arrondissement, les communes situées le long de la voie principale qui le traverse dans sa longueur, Ille, Vinça, Marquixanes, Prades, Villefranche, Lerdynia, Alette, la Cabanasse, Saillagouse, Bourg-Madame possèdent des écoles ; tandis que celles qui sont écartées des communications, sur des collines montueuses ou dans des vallées profondes, quoique suffisamment peuplées, comme Boule-d’Amont, la vallée d’Urbaya, Py, Aiguatébia, etc., n’ont aucun moyen pour donner l’instruction à leurs rejetons.

Manche ; cant. de Saint-Malo-de-la-Lande. — On trouve partout, dans ce canton, surtout dans les communes du littoral, où les jeunes gens embrassent pour la plupart la profession de marin, plus de goût pour l’instruction.

Moselle ; arr. de Sarreguemines, cant. de Forbach. — M. le Ministre, en aidant surtout les communes indigentes, opèrerait un grand bien, surtout dans les villages de la frontière, où la contrebande, faite aussi par les enfants, démoralise les populations.

Nord ; arr. de Douai, cant. d’Orchies. — À huit ans, les enfants quittent l’école et commencent le métier de contrebandier. La contrebande se fait dans ce canton d’une manière effrayante ; le nombre de ceux qui s’y livrent est très-considérable, surtout depuis quelques années, et l’on voit des enfants de huit à dix ans, tantôt seuls, tantôt organisés en bandes, traverser les chemins frayés et non frayés, chargés de quelques livres de tabac. En vain, les magistrats municipaux tentent-ils de ramener cette jeunesse aux écoles ; leur autorité et leurs conseils ne peuvent rien ; on leur répond même parfois qu’ils n’ont pas eu d’autre manière de s’enrichir. Les ecclésiastiques sont sans influence auprès des gens de cette espèce. Il serait d’ailleurs difficile de les éloigner d’un genre de vie qui est beaucoup plus lucratif pour eux que les travaux de la campagne. Cet état de chose, vraiment déplorable, mérite de fixer l’attention de l’autorité supérieure, et demande un remède prompt et efficace. Une portion assez considérable de la population de ce canton grandit actuellement sans principes religieux et sans instruction, s’accoutumant de bonne heure à une vie sauvage et vagabonde, et ne nous promet pour l’avenir que des citoyens dangereux pour l’État et pour la société.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Céret, cant. de Prats-de-Mollo. — C’est surtout dans le canton de Prats-de-Mollo que l’instruction pourrait produire des effets salutaires pour la civilisation des habitants des communes de ces montagnes. Elle les retirerait de cet état quasi barbare où les retiennent, soit la contrebande, unique genre d’industrie, soit la fréquentation des montagnards espagnols.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Céret. — Bayuls-sur-Mer. Population de seize cents habitants, offrant des ressources matérielles et intellectuelles, mais dédaignant et méconnaissant les avantages de l’instruction, livrée à la contrebande par mer, fraude qui est pour la commune d’un gain considérable.

Haut-Rhin ; arr. d’Altkirch, cant. d’Hirsingen. — Dans les cantons frontières, la contrebande est à peu près la seule occupation du jeune âge.

Jura ; arr. de Poligny, cant. de Campagnol. — Beaucoup d’enfants, de jeunes gens même, manquent totalement d’instruction dans les localités riveraines des grandes forêts, telles que Saint-Germain, Latet, Larderet, Mouton, Chapoy, etc. Les parents les envoient, dès le plus bas âge, recueillir des bois morts, et ce mince intérêt les aveugle sur l’avenir de ces petits malheureux ainsi condamnés à continuer la vie à demi-sauvage qu’eux-mêmes ont menée.

Loiret ; arr. de Pithiviers, cant. de Beaune-la-Rolande. — Si l’on compare entre elles plusieurs communes, on reconnaîtra que plus on se rapproche de la forêt, plus le nombre des écoliers diminue ; si, au contraire, on s’en éloigne pour se rapprocher des pays agricoles, on verra le nombre des élèves s’accroître sensiblement. La facilité de vivre au jour le jour, mais d’une manière misérable, dans le voisinage de la forêt, amène ou entretient à Courcy, à Vrigny, à Santeau, à Chilleurs, une population pauvre et insouciante, qui fait travailler les enfants, ou les envoie mendier, plutôt que de les confier à l’instituteur.

Orne ; arr. d’Argentan, cant. d’Argentan et de Mortrée. — Dans la commune de Labellière, les parents ne sont pas très-zélés pour l’éducation de leurs enfants. Environnés de bois, ils mènent là une vie demi-sauvage, et sont moins avancés que leurs voisins dans la civilisation.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Bischwiller. — La proximité du Rhin et des forêts, source continuelle de démoralisation et de délits, pour les enfants comme pour les pères, et qui inspire aux premiers des goûts et des habitudes peu compatibles avec le travail et la discipline.

Seine-et-Marne ; arr. de Coulommiers, cant. de Rosoy. — La population des communes de ce canton, dont une partie notable est couverte de bois, est pauvre, mais très-laborieuse, et pendant l’hiver même, la faculté qu’ont les habitants d’envoyer les enfants faire du bois mort dans la forêt de Crécy, et dans les bois voisins, les détourne de les envoyer à l’école.

Marne : arr. de Sainte-Menehould, cant. de Dommartin-sur-Yère et Sainte-Menehould. — Tous les villages situés dans les bois ou près des forêts, n’envoient leurs enfants que peu de mois, chaque année, à l’école. Tels sont les villages de Givry et de Chatelier, dans le canton de Dommartin ; et ceux de Verrières et de la Grange, dans celui de Sainte-Menehould. Tant qu’il est possible de ramasser du bois ou de travailler dans les coupes, la plupart des enfants, et presque tous les habitants, se livrent à ce genre d’occupation. Dans le milieu même de l’hiver, si la température se radoucit par intervalle, l’étude est suspendue, et les enfants retournent à la forêt. La faine, le gland, les menus fruits de toutes sortes, sont des causes de retard ou d’interruption dans la fréquentation des écoles.

159. Voy. 157 Seine-et-Marne.
160. — 161. Voy. 148 Gironde.

Doubs ; arr. de Besançon, cant. de Marchaux. — Dans plusieurs de ces communes, ces petites écoles clandestines ont été fermées par ordre supérieur : cette mesure n’a pas ramené les enfants à l’école principale, et a souvent nui à l’instituteur autorisé, parce qu’on s’est imaginé que c’était dans l’intérêt de son école et sur sa demande que cette mesure avait été prise. Il en est résulté de graves désagréments pour quelques-uns.

Doubs ; arr. de Besançon, cant. de Boussières. — L’instituteur de Grand-Fontaine, qui ne manque ni de zèle, ni de capacité, se verra probablement forcé de quitter le poste qu’il occupe, parce que les maires des communes réunies à Grand-Fontaine se sont soulevés contre lui à l’occasion de la fermeture de leurs petites écoles.

Hérault ; arr. de Beziers, cant. de Roujan. — Il n’en est pas de même pour le canton de Roujan : ici, une observation nous a frappé ; c’est que l’instruction est plus florissante dans les communes où il n’y a qu’un instituteur, et la raison en est facile à saisir. Il n’y a pas encore de concurrence loyalement établie. Les mauvais maîtres qui se placent à côté des bons, écrasent ceux-ci par la vilité de leurs prix ; le véritable mérite est alors obligé de se retirer ou de se ravaler ; alors toutes les écoles tombent au niveau de la plus mauvaise.

Hérault ; arr. de Saint-Pons, cant. de Saint-Chinian. — Les habitants sont généralement brutes ; l’instituteur qui prend les enfants à meilleur marché, est réputé le plus capable, et celui dont l’école est la plus nombreuse. Cette espèce de concurrence, la pire de toutes, s’établit même dans les villes les plus populeuses, et y produit les mêmes effets. Si l’on n’y prend garde, elle finira, comme en Belgique, par tuer l’enseignement. Nous connaissons un instituteur, dont la capacité n’est rien moins que suffisante, qui a poussé l’effronterie jusqu’à faire crier à la porte de l’église : « à 5 sous l’école ». On pense, il est vrai, s’opposer aux mauvais effets de cette concurrence, en établissant des instituteurs communaux dotés ; mais si la concurrence n’est pas limitée, et si, comme l’entend un grand nombre de conseils municipaux, pour 200 fr., l’instituteur communal est obligé d’admettre dans son école quinze, vingt, trente élèves gratuits, et que le taux de la rétribution mensuelle qu’il retirait auparavant soit diminué, il est à craindre que le sort de cet instituteur, qu’on veut améliorer, ne soit, par le fait, aggravé.

Puy-de-Dôme ; arr. d’Ambert. — La multiplicité des instituteurs, dans certaines communes, établit entre eux une concurrence qui a pour résultat de faire baisser la rétribution et de dégoûter les maîtres, dont quelques-uns ont la naïveté de dire : Nous en faisons pour l’argent.

Basses-Pyrénées ; arr. d’Oloron. — Les cinq communes qui composent ce canton ont chacune un instituteur communal ; mais, comme les enfants ont plus de facilité à se rendre chez les instituteurs libres, leurs écoles, à l’exception de celle de Lasseube, restent vides.

Saône-et-Loire ; arr. de Charolles, cant. de Sémur. — M. le maire de Sémur m’a recommandé de consigner dans mon rapport l’observation suivante : la loi du 28 juin dernier ne laisse point d’espoir de voir fleurir les écoles communales, parce que les écoles privées, dont la rétribution mensuelle ne sera pas fixée par le conseil municipal, offriront l’instruction au rabais, et ne présenteront pas l’inconvénient de faire recueillir le prix des mois par le percepteur. Il désirerait que ces dispositions de la loi fussent communes à toutes les écoles privées ou publiques.

Saône-et-Loire ; arr. de Louhans, cant. de Cuisery. — L’excellente école de M. Barraud, qui, d’ailleurs est ouverte depuis peu de temps, est peu fréquentée ; tandis que deux anciens instituteurs, les plus ignorants que j’aie rencontrés dans ma tournée, en donnant l’instruction au rabais, à 5 sols par mois, attirent chez eux le plus grand nombre des enfants.

Isère ; arr. de Saint-Marcellin, cant. de Rives. — Mairans : — Il est à craindre que la rétribution des parents soit peu de chose pour l’instituteur, à cause du grand nombre d’indigents qu’il aura dans son école ; il s’élèvera à soixante-quatorze.

163. Voy. 161 Hérault et Saône-et-Loire.
164. Voy. 161 Hérault.

Côte d’Or ; — Il se trouve, dans presque toutes les communes rurales, des cultivateurs qui demeurent tellement éloignés du village où se tient l’école, que dans l’intérêt de la santé de leurs enfants, ils ne les y envoient pas lorsque le temps ou les chemins sont trop mauvais. D’après les conversations que j’ai eues avec plusieurs d’entre eux, j’ai reconnu qu’il y aurait un moyen très-simple de procurer à ces enfants la facilité de s’instruire, autant qu’il est possible ; ce serait d’autoriser tous les instituteurs ruraux à recevoir chez eux des pensionnaires pendant l’hiver au moins. Mais voici comment il faut considérer ce genre de pensionnaires. Ce sont des enfants dont les parents sont trop pauvres pour qu’ils puissent être envoyés dans des colléges ou toute autre maison d’éducation, mais qui pourraient cependant prendre avec l’instituteur tels arrangements, pour que leurs enfants pussent recevoir, pendant tout l’hiver, au moins, des leçons suivies. J’ai visité, à cet effet, les habitations de plusieurs instituteurs, et j’en ai trouvé quelques-unes assez bien disposées pour remplir ce but. Un puissant moyen de faire fleurir l’enseignement, dans les écoles primaires, serait, à mon avis, l’établissement d’un concours annuel, où seraient admis, sur la désignation de chaque instituteur, les deux meilleurs élèves de chaque école.

Gard ; arr. de Vigan, cant. de Sumène. — Saint-Bresson. Cette commune a été presque constamment privée d’écoles ; et le petit nombre d’instituteurs qui ont tenté de s’y établir, ont bientôt abandonné leur poste. La situation de Saint-Bresson, au milieu de montagnes élevées et entrecoupées de précipices, ne permet que bien difficilement aux enfants du pays d’aller chercher ailleurs le bienfait de l’instruction primaire.

Gard ; arr. de Vigan, cant. de Trêves. — Lannejols et Dourbie : — Ces communes sont situées, l’une et l’autre, au milieu de montagnes âpres et élevées ; elles sont composées d’un très-grand nombre de hameaux distribués par bassins naturels, lesquels, pendant presque tout l’hiver, se trouvent, pour ainsi dire, sans communication les uns avec les autres. Une seule école, établie au chef-lieu de chaque commune, ne pourra suffire en hiver, qui est cependant presque la seule époque de l’année, pendant laquelle les enfants de ces contrées fréquentent l’école. Il faudra que la commune, aidée du département ou du gouvernement, accorde quelques secours à des instituteurs ambulants, qui, suivant l’usage, viennent s’établir dans les divers hameaux.

Gironde ; arr. de Blaye. — Une mesure, qui me paraît indispensable, est de créer, pour chaque département, un inspecteur des écoles primaires. J’ai vu, dans chaque commune, le maire, le curé, et, autant qu’il m’a été possible, quelques habitants notables. J’ai acquis la conviction, que rarement le curé ou le maire se détermineraient à signaler, par écrit, les défauts de l’instituteur, son manque de zèle, son inaptitude, et cela, parce que l’instituteur est le plus souvent un homme de la commune, quelquefois même un membre du conseil municipal ; le curé ne veut pas s’attirer la haine de son paroissien, ni le maire, celle de son concitoyen, de son administré (c’est de cette manière qu’un grand nombre m’a parlé), mais les renseignements qu’ils ne veulent pas donner par écrit, ils ne les refusent pas verbalement à l’inspecteur.

Indre-et-Loire. — Avec une bonne école normale établie dans chaque département, j’aurais souhaité que chaque chef-lieu de canton levât une école-modèle mieux rétribuée, mieux pourvue et plus complète dans son enseignement que les écoles du voisinage. C’est là que les instituteurs des communes rurales du canton seraient venus prendre exemple, pour les méthodes et la direction de leurs classes. C’est là qu’on aurait institué des conférences régulières, présidées par un membre du comité d’arrondissement, dont ressortirait ce canton, quelquefois visitées par un inspecteur du département ou de l’académie, voire même par le recteur ; l’assiduité des instituteurs du canton à s’y réunir pour y traiter des questions d’enseignement primaire, leurs progrès dans ces conférences seraient entrés pour quelque chose dans l’évaluation des titres par lesquels ils se recommanderaient à des encouragements et des secours de la part de l’Université, peut-être même à de l’avancement dans la hiérarchie de l’État. C’est là, enfin, qu’aurait été placée la bibliothèque des instituteurs du canton, pourvue, à peu de frais, des livres et des journaux d’instruction les plus utiles à celle des maîtres, et qui passeraient successivement entre leurs mains dans un ordre convenu.

Loire ; arr. de Saint-Étienne, cant. de Saint-Chamond. — Les parents n’envoient leurs enfants aux écoles que quatre mois de l’année. Le seul moyen de les obliger à un sacrifice, sous ce rapport, serait peut-être, s’il était prudent, de déclarer soldat de droit, tout conscrit qui ne saurait pas lire et écrire ; et encore n’atteindrait-on point, par ce moyen, les enfants orphelins ou pauvres qui gardent les bestiaux, dont les maîtres seraient moins sensibles à une semblable considération qu’à leur intérêt.

Marne ; arr. de Sainte-Menehould, cant. de Dommartin-sur-Yère et de Sainte-Menehould. — Mais il est une autre amélioration que je me permettrai d’indiquer, et par laquelle doit commencer toute réforme dans la matière dont il s’agit. Ce serait d’interdire l’entrée de l’école communale à tout enfant qui n’aurait pas atteint sa neuvième ou au moins sa huitième année. L’enfance est plus tardive dans les campagnes que dans les villes, et ce n’est guère, en général, avant cette époque, qu’elle peut profiter des leçons de l’instituteur. Avant cet âge les enfants n’ont besoin que de la surveillance d’une bonne qui leur enseignerait le Pater, l’Ave, en les leur répétant tous les jours plusieurs fois. Il n’est pas raisonnable d’attacher tant d’importance au choix d’un instituteur, si on veut continuer à lui faire perdre la moitié du peu de temps qu’il peut réunir les écoliers capables de s’instruire. Quel inconvénient trouverait-on à confier ces petits enfants à une femme honnête qui ne peut gagner sa vie que dans sa chambre, et que le comité local désignerait ?

Haute-Marne ; arr. de Langres, cant. de Varennes. — On a conservé l’habitude de faire passer aux enfants cinq heures en classe, le matin, et autant le soir, et quelquefois six heures ; de là, pour le maître un travail excessif, et pour les écoliers un ennui inévitable et nécessairement de la dissipation.

Meuse ; arr. de Bar, cant. de Triancourt. — Dans le court espace de temps que les enfants passent à l’école, et toujours nous pensons que le moyen de déterminer les familles à y laisser leurs enfants pendant toute l’année, serait de donner, soit une prime en argent, soit une médaille d’or à celle dont les enfants l’auraient suivie avec le plus d’assiduité et de persévérance.

Meuse ; arr. de Commercy, cant. de Saint-Michel. — Un appât matériel serait un puissant véhicule. Ne serait-il pas aussi avantageux que la publicité des journaux des départements vînt stigmatiser, sur les notes tenues par l’instituteur, les familles dont les enfants n’auraient pas fréquenté les écoles, ou n’y seraient allés que de temps à autre, et qu’il intervînt des dispositions législatives qui repoussassent des fonctions honorifiques ou des conseils municipaux, tout individu sans instruction puisée à l’école primaire.

Moselle ; arr. de Sarreguemines. — Tous les maires et les curés, toutes les personnes qui s’intéressent aux progrès de l’instruction primaire, demandent que les lois allemandes soient imitées en cela dans notre pays, et qu’une amende soit imposée aux parents pour chaque absence illégitime de leurs enfants à l’école. Ces amendes pourraient être, comme en Allemagne, affectées à l’entretien ou au mobilier des écoles, et un article additionnel présenté aux chambres pourrait compléter la loi du 28 juin.

Moselle ; arr. de Thionville, cant. de Bouzonville — Enfin la mesure la plus généralement, la plus instamment réclamée, celle qui faciliterait singulièrement les autres, et sans laquelle, répéte-t-on de toutes parts, nulle n’aura le résultat désirable, serait d’imposer aux parents, comme on le fait en Prusse, l’obligation de faire fréquenter les écoles par leurs enfants quelques années de suite tout entières. En Prusse, les enfants se fortifient d’année en année ; chez nous, au contraire, ils oublient l’été la moitié, au moins, de ce qu’ils ont appris l’hiver. Tout citoyen doit son fils à l’État ; et l’État n’a pas besoin seulement de bras, mais de cœurs droits et d’esprits éclairés ; or, l’éducation publique fait les uns et les autres ; gratuite pour une partie, facile à payer pour le reste, qu’elle soit donc d’obligation pour tous !

Oise ; arr. de Beauvais. — Le canton d’Auneuil, quoique moins bien partagé en instituteurs que le canton de Noailles, en a quelques-uns d’assez brillants, qu’il doit à la manière large dont ils sont rétribués, et au concours établi par le comité du canton. Tous les ans, les instituteurs sont invités à faire venir au chef-lieu leurs élèves les plus avancés dans toutes les parties de l’instruction, et après un examen que leur fait subir le conseil, des prix sont distribués, une liste des lauréats est imprimée, et fait connaître aussi les instituteurs qui obtiennent par leur enseignement des résultats avantageux. Il serait à désirer qu’on établît pareil concours dans tous les cantons.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau, cant. de Pau. — Que le maître reçoive un petit traité d’hygiène qu’il développerait à ses élèves. J’ai visité une commune (Jurançon) où la plupart des enfants étaient malades d’avoir mangé des fruits peu mûrs. Une défense raisonnée aurait pu prévenir ces accidents qui, en automne, déciment le premier âge. Dans une autre commune, un riche propriétaire venait de perdre son bétail qui s’était jeté avec avidité sur le trèfle vert. Une cuillerée d’ammoniaque (alcali volatil) pouvait prévenir ce sinistre qui ruine, dans ces contrées, de laborieux paysans. Enfin, qu’à la sortie de chaque séance, l’instituteur entonne et les élèves répondent le Domine salvum fac regem nostrum Philippum. Peut-on habituer trop tôt la génération qui s’élève à prier pour le monarque, dont la bonté tutélaire descend jusque dans la plus humble chaumière ?

Puisse le ciel vous accorder assez de jours, M. le Ministre, pour que vous jouissiez d’une œuvre si importante, qui demande une continuité d’efforts unanimes, et que le temps seul pourra opérer sous votre libérale direction !

Houles-Pyrénées ; arr. de Tarbes. — Varier les heures de classe selon les besoins des localités et l’empire des saisons…

Bas-Rhin : arr. de Strasbourg. — Le dommage qui résulte pour l’instruction d’un si déplorable état de choses, est vivement et généralement senti ; partout on demande, contre la négligence ou la mauvaise volonté des parents, des mesures coercitives qui ne seraient peut-être pas en harmonie avec nos institutions. Dans l’absence de ces mesures qui rendent si florissantes les écoles des états circonvoisins, il faudrait essayer des moyens plus doux et peut-être tout aussi efficaces. Le premier serait sans doute d’obliger les maîtres à faire école toute l’année, quel que fût le nombre des élèves.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Geispolsheim. — La plupart n’ayant que fort peu d’écoliers pendant la belle saison, se montrent fort négligents lorsqu’ils devraient redoubler de zèle, et charmés au fond d’être débarrassés d’un travail sans bénéfice, ils ont bientôt éconduit le peu d’enfants qui seraient tentés de rester, et dont l’exemple ne tarderait pas à trouver des imitateurs. L’école d’été pourrait aussi commencer de meilleure heure et finir plus tôt. Il y a des moments, dans l’année, où les travaux de la campagne réclament tous les bras. De courtes vacances seraient accordées aux époques de la fenaison, de la moisson et de la vendange. Quelques communes se sont applaudies d’avoir rendu l’école gratuite pendant l’été, au moyen d’une somme fixe payée à l’instituteur. Je crois aussi qu’une petite distribution de prix, faite avec quelque solennité, ne serait pas sans résultat. Avoir fréquenté l’école toute l’année serait, bien entendu, une condition sans laquelle on ne serait point admis à concourir. Un grand nombre d’enfants serait ainsi ramené aux écoles, mais il s’agit de les y retenir tous. On peut, je crois, y parvenir. Il y a dans chaque commune un homme qui, par la seule influence qu’il y exerce, peut obtenir ce que beaucoup ne croient possible qu’à la loi. Que MM. les curés et ministres ne se contentent pas d’exhorter à une fréquentation plus régulière et plus constante, qu’ils l’exigent ; ils ont un moyen d’y contraindre les plus rebelles, c’est de différer de deux ou trois ans l’époque de la première communion, pour ceux qui abandonnent l’école. Ce moyen, employé par plusieurs ministres protestants, a été couronné partout d’un plein succès. Presque toutes les familles, à la campagne surtout, sont impatientes de terminer au plus tôt l’éducation des enfants ; en retardant la première communion, MM. les curés se verraient d’abord assaillis par des réclamations. Il serait donc nécessaire qu’une circulaire de monseigneur l’évêque de Strasbourg les mît à l’abri des plaintes, des haines peut-être qui, sans cela, s’élèveraient contre eux, et auxquelles plusieurs n’oseraient probablement pas s’exposer. Indépendamment de ces moyens généraux, il en existe, sans doute, un grand nombre d’autres particuliers à chaque localité. Il y a, dans les différentes communes, certaines distributions, certains droits d’affouage ou autres dont on pourrait exclure ceux qui s’obstineraient à garder leurs enfants chez eux.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar. — On devrait essayer d’imposer le paiement d’une rétribution aux enfants qui ne viendraient à l’école qu’en hiver, et d’en dispenser ceux qui la fréquenteraient toute l’année.

Seine ; arr. et cant. de Sceaux. — Les bureaux de bienfaisance pourraient aussi obtenir des résultats favorables à l’instruction primaire, en distribuant des secours plus larges aux parents dont les enfants fréquenteraient assidûment les écoles où ils sont admis gratuitement.

Seine-et-Marne ; arr. de Meaux, cant. de Claye. — Quelques personnes voudraient que la loi forçât tous les parents d’enfants en âge d’être instruits, de payer la rétribution de l’école, qu’ils envoyassent ou non leurs enfants à l’école.

Somme ; arr. d’Abbeville, cant. d’Ailly-le-Haut-Clocher. — Le seul moyen, peut-être, de décider les parents à donner de l’instruction à leurs enfants, serait de faire entrer dans l’armée tous les français âgés de vingt ans, qui n’auraient point passé un certain nombre d’années dans les classes.

Tarn ; arr. de Castres, cant. de Castres et de Roquecourbe. — Il faut mettre à profit la bonne volonté des uns, il faut enlever aux autres tout prétexte de refus. On obtiendrait, je crois, ce double but en organisant, pour la montagne, des écoles ambulantes.

Tarn ; arr. de Castres, cant. d’Angles et de Brassac. — Dans ces montagnes où les communes sont composées d’une foule de petits hameaux, où les communications sont si difficiles pendant l’hiver, les enfants ne peuvent se transporter sans péril à de grandes distances, c’est au maître à les aller trouver ; il ne faut pas compter sur les écoles d’été, tous ces enfants sont alors occupés aux travaux des champs, à soigner les bestiaux ou à les garder.

Vienne ; arr. de Châtellerault, cant. de Loudun. — Dans le cas d’un trop grand éloignement de ces hameaux, il sera peut-être nécessaire de créer un instituteur ambulant, c’est-à-dire que cet instituteur fera sa leçon le matin dans le bourg et les hameaux circonvoisins, et le soir, il se transportera dans la partie la plus centrale des villages trop éloignés : ou bien il devra faire un jour la leçon dans le premier endroit et le lendemain dans le second.

Haute-Vienne ; arr. de Limoges, cant. d’Ambazac. — Des personnes du pays pensent que quelques notions d’agriculture et d’économie rurale, enseignées par l’instituteur, attireraient les habitants des campagnes.

Haute-Vienne ; arr. de Limoges. — Donner dans toutes les écoles rurales quelques notions d’agriculture. Rien n’est plus facile, ne fût-ce que théoriquement, et dans les leçons de lecture. Et, cependant, il en résulterait que le père d’une famille agricole craindrait moins de voir son enfant, écolier dans le bas âge, enlevé pour toujours à la vie des champs et aux travaux qu’elle réclame. Sous un autre point de vue, plus large, et plus digne d’occuper une sage administration, on préparerait graduellement, en jetant dans les masses les principes d’une agriculture mieux entendue, et qui doit s’exercer sur une plus grande échelle, on préparerait le passage nécessaire de notre système de colonage, ou au morcellement des propriétés, ou à l’exploitation par régisseurs ou par fermiers.....

Haute-Vienne ; arr. de Limoges. — Améliorations. Faire ouvrir des chemins vicinaux qui, établis, entraîneront à soigner les abords des villages au centre communal....... Charger, dans les tournées, les inspecteurs, d’inviter les communes à se choisir, sur les lieux mêmes, des sujets qu’on enverrait à l’école normale du département, et qui, à leur sortie, devraient venir enseigner chez eux. Par cette précaution, les minces appointements de l’instituteur, en se joignant à une petite fortune en biens fonds, donneraient quelque aisance à un homme qui ne peut avoir de cœur à l’ouvrage qu’autant qu’il n’est pas journellement aux prises avec le besoin, et qui ne saurait se faire considérer s’il se présente habituellement sous les haillons de la misère.

Vosges ; arr. de Remiremont. — Presque toutes les écoles de l’arrondissement de Remiremont possèdent des terrains considérables, dont une grande partie en parcours ; le reste, défriché depuis long-temps, est dans un état de culture en plein rapport. Si le droit de parcours était assujetti à une rétribution modérée pour chaque pièce de bétail, si les terres en culture étaient affermées seulement à la moitié de leur valeur réelle, les sommes qui en proviendraient, suffiraient abondamment à tous les autres besoins communaux et aux améliorations réclamées pour l’instruction primaire. Mais les troupeaux considérables qui couvrent les pâturages communaux, les engrais pour faire valoir les terres labourables ne se trouvent que chez les propriétaires aisés qui, profitant ainsi gratuitement et presque exclusivement des ressources de la commune, ont intérêt à maintenir l’abus ; et c’est de cette classe, la plus favorisée et la moins nombreuse, que sont formés, en grande majorité, les conseils municipaux de nos campagnes. Pour créer à celles-ci des revenus abondants, il suffirait d’en ouvrir les sources existantes par une réforme dans l’administration municipale. Cela mériterait peut-être l’attention du gouvernement et de la législature.

Seine-Inférieure ; arr. de Dieppe, cant. de Longueville. — On peut dire que les familles nombreuses de quatre ou cinq enfants, pour des gens qui n’ont, la plupart du temps, que leurs places, est encore un des maux que l’Université devrait tâcher de faire disparaître ; et qu’elle pourrait détruire au moins chez les instituteurs qui recevront dorénavant une subvention de la commune. Un simple règlement, analogue à celui qui défend aux militaires de se marier, si leur future n’a pas une fortune déterminée, suffirait peut-être avec quelques modifications pour mettre un obstacle à la misère qui menace et menacera toujours ces hommes peu instruits, peu habitués à calculer l’avenir et trop portés à céder à la passion du moment.

Charente-Inférieure ; arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Malta. — Un genre d’exercice que je n’ai vu usité que dans une école (chez le Sieur Baudry, à Saint-Loup), et que j’ai particulièrement recommandé, consiste à avoir une longue liste des mots les plus usuels, et qui sont pour cela les plus dénaturés dans la bouche des paysans ; en regard se trouvent les mots tels qu’ils doivent être prononcés. Après plusieurs lectures préalables, le maître lit le mot patois, un des enfants est obligé de répéter le mot français. Ce sont les éléments de grammaire pratique les plus utiles, je dirai même les plus indispensables que l’on puisse introduire dans les villages avec la facilité de les approprier à tous les idiomes. Je dois le dire ici : dans les campagnes, l’étude sèche et aride de la grammaire de Lhomond, ou de toute autre, est d’un effet nul pour l’amélioration du langage. Un petit dictionnaire, en quelques feuilles, fait sur le plan ci-dessus indiqué, et dont la rédaction serait confiée à des gens familiarisés avec le dialecte local, aurait, j’en suis persuadé, l’avantage d’apporter au mal un remède efficace.

Haute-Marne ; arr. de Langres. — Parmi les écoles du canton d’Auberive, il en est une qui me paraît mériter d’appeler un moment votre attention : je veux parler de celle de Chameroy. Dans cette commune, l’enseignement est assez avancé, les enfants n’y parlent plus patois, m’a-t-on dit. L’instituteur, et cette heureuse idée lui appartient, exige que ses élèves rédigent, toutes les semaines, la leçon du catéchisme faite par M. le curé. Cet usage, outre qu’il accoutume ces enfants à écrire avec une certaine facilité, contribue puissamment à développer leur intelligence.

Le curé, homme capable, suit lui-même ce travail ; il l’encourage en distribuant, à ses frais, des prix à ceux qui montrent le plus de dispositions, il est surpris du soin qu’on met dans les rédactions et de la manière dont ces petits paysans s’en tirent.

Morbihan ; arr. de Vannes. — En attendant que les écoles se multiplient, que les communications deviennent moins difficiles, il semble qu’on devrait se borner actuellement à offrir aux élèves les moyens de séjourner à l’école, au moins dans l’intervalle des classes du matin et du soir. Il suffirait d’appliquer aux écoles primaires un mode de pensionnat usité dans plusieurs colléges de Bretagne, où des élèves dits chambriers ne reçoivent que le logement et la soupe. Déjà, dans quelques localités, le maître, pour une très-modique rétribution, fournit le bouillon pour la soupe aux enfants qui n’apportent de chez eux que leur pain. Il ne serait pas impossible d’étendre cet usage. Un léger secours sur les fonds de la commune ou du département, permettrait d’accorder gratuitement le même avantage aux enfants pauvres. On pourrait aussi, à peu de frais, pratiquer des dortoirs au-dessus des salles d’école que l’on fait construire. Les élèves resteraient ainsi plus longtemps soumis à l’action du maître. Lorsqu’à l’aide de dialogues familiers et de vocabulaires méthodiques, ils auraient appris les mots les plus usuels de la langue française, le breton leur serait absolument interdit. L’explication soigneuse et exacte des lectures françaises leur ferait connaître, chaque jour, de nouveaux termes, de nouvelles locutions, que le maître les accoutumerait à employer. L’usage du français une fois introduit dans l’école, les enfants se mettraient, presque d’eux-mêmes, à parler cette langue.

Par des récompenses offertes, chaque année, au meilleur et au plus prompt résultat, on pourrait très-facilement exciter le zèle des maîtres et celui des élèves.

Peut-être ainsi parviendrait-on, sinon à suffisamment applanir, du moins à réduire de beaucoup la double difficulté que présente la partie bretonne du Morbihan.

Nord ; arr. de Dunkerque, cant. de Bergues. — À Steenne, M. l’instituteur communal Fourcy, fait, par sa méthode d’écriture, faire des progrès en peu de temps, et fait parler français dans sa classe. Il exerce aussi la mémoire.

À Eringhem, M. l’instituteur Lenancker, Flamand, dans une commune où l’on ne parle que flamand, ne laisse parler que français, au point que presque toute sa petite classe entend le français et peut y être interrogée. Le maître a une bonne méthode d’interroger.

Basses-Pyrénées ; cant. de Saint-Jean-Pied-de-Port. — Rien de plus facile que d’apprendre à lire en basque et en latin, où les lettres conservent leur valeur naturelle ; j’insiste pour la lecture en français, je proscris l’usage de la langue et des exercices basques en classe, excepté pour le catéchisme du diocèse.

Bas-Rhin ; arr. de Schelestadt, cant. de Barr. — Déjà d’heureux essais ont été faits, et, à cette occasion, nous nous plaisons à mentionner d’une manière spéciale les heureux résultats qu’ont obtenus, dans toutes les écoles où ils sont introduits, les ouvrages de M. le professeur Wilm ; aussi, le conseil général, à la demande de M. le préfet du Bas-Rhin et de M. le recteur de l’Académie s’est-il plu à affecter des fonds pour répandre lesdits ouvrages gratis.

Bas-Bhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Brumath. — Des salles d’asile viennent d’être créées à Saverne et à Bischwiller : l’exemple donné par ces deux communes sera sans doute imité par plusieurs. Aux avantages généraux de ces établissements, on peut en joindre un autre particulier à l’Alsace. Les enfants à qui l’on donnerait des conductrices françaises, apprendraient la langue nationale en même temps que la langue maternelle ; leurs organes s’assoupliraient aisément à une prononciation à laquelle ils ne se montrent si rebelles que parce qu’on commence à les y exercer trop tard.

Enseignée avec cette suite et cette persévérance, la langue française prendrait bientôt un rapide essor. Dans peu d’années elle pourrait recevoir un nouveau développement. Les ministres des différents cultes seraient invités à faire le catéchisme, à prêcher alternativement dans les deux langues. Le curé continuerait ainsi l’instituteur, et l’instruction religieuse compléterait et achèverait l’instruction scolastique ; l’Alsacien prendrait l’habitude de parler français, et un lien de plus se joindrait à tous ceux qui unissent à la France une de ses plus belles provinces.

Bas-Rhin ; arr. et cant. de Strasbourg. — La plupart des écoles primaires de la ville de Strasbourg sont dans un état très-florissant. Toutes les parties de l’enseignement y sont bien cultivées. Les deux langues du pays y sont enseignées avec le même soin aujourd’hui, ce qui n’avait pas lieu, il y a quelques années ; la langue française n’était alors qu’un objet secondaire, dans les écoles primaires. Dans les meilleures écoles de la ville de Strasbourg, les enfants de treize à quatorze ans parlent avec assez de facilité les deux langues, et ils traduisent de vive voix l’une dans l’autre avec aisance et promptitude. Il résulte de là que la langue française sera généralement beaucoup plus répandue à Strasbourg dans quelques années.

L’école gratuite pour les pauvres entretenue par la société pour l’extinction de la mendicité à Strasbourg, et à laquelle la ville fournit une forte subvention est une excellente institution. Cette école, jointe aux salles d’asile, où les plus jeunes enfants reçoivent les premiers éléments de l’instruction primaire, est fréquentée par plus de deux mille enfants, tous de familles pauvres ou peu aisées, et dont la plupart n’allaient à aucune école avant l’établissement de celle où ils sont reçus aujourd’hui. Cette école est parfaitement tenue sous tous les rapports ; elle aura une influence très-salutaire sur les mœurs de la classe inférieure qu’elle initie d’ailleurs à la connaissance de la langue française.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg. — Tout étant encore à créer dans cette partie de l’enseignement, elle a besoin, plus que toute autre, de recevoir une forte impulsion. Le mouvement à lui imprimer serait d’autant mieux senti qu’il viendrait de partout, et de plus haut. Ainsi, une circulaire du Ministre aux comités, des préfets aux maires, des évêques aux curés, des présidents des divers consistoires aux pasteurs, pour recommander cette instruction, produirait un grand effet. Les plus récalcitrants n’oseraient plus résister, et les plus aveugles comprendraient enfin la nécessité d’une étude à laquelle on attacherait une si grande importance.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. de Brumath. — La langue française devrait être enseignée dans toutes les écoles et à tous les élèves. On devrait y mettre les enfants dès qu’ils savent lire l’allemand avec lequel elle marcherait de front et partagerait les heures de classe ; l’après-midi, par exemple, pourrait lui être exclusivement consacrée.

Enseigner le français n’est pas apprendre à le lire et à l’écrire seulement, mais à le comprendre et à le parler. Il faut donc que l’exercice de la traduction commence avec l’alphabet et que la signification de chaque mot soit donnée à l’enfant. Une suite de livres élémentaires dans les deux langues, depuis des tableaux de lecture jusqu’à de petits traités d’arithmétique, d’histoire et de géographie, devrait être composée à l’usage des écoles de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Les ouvrages que nous avons en ce genre ne me paraissent pas propres à atteindre le but de leurs auteurs. Des deux grammaires que j’ai trouvées dans mon inspection, l’une, celle de Meidinger est mauvaise ; la grammaire de M. W…, qui est très-bonne, n’est peut-être pas assez élémentaire et ne convient qu’aux enfants d’une certaine force et d’un certain âge. Je voudrais que les tableaux n’offrissent à l’élève que des noms d’objets qui lui soient connus, que des phrases présentant un sens raisonnable et qu’il lui est avantageux de retenir.

Tout devrait se dire en français dans la classe française ; il faudrait que l’instituteur expliquât, interrogeât en français, et que les élèves fussent tenus de répondre en la même langue. Dans les commencements, sans doute, les explications, les demandes et les réponses auraient besoin d’être traduites, mais peu à peu la traduction deviendrait moins nécessaire et serait bientôt supprimée. C’est de cette manière, et de cette manière seulement, que l’enseignement de notre langue profiterait aux élèves, et que l’usage s’en répandrait avec les principes.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar. — On a remédié à cet inconvénient pour les écoles protestantes de Mühlbach, Metzeral, Sonderbach et Breitenbach, au moyen d’un instituteur ambulant, qui va successivement enseigner le français dans chacune de ces écoles.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. de Ensisheim. — L’exercice de la traduction n’est guère connu que dans les chefs-lieux de canton ; et là, encore, c’est une besogne réservée à un petit nombre d’élus. La réforme ne pourra s’introduire dans cette partie de l’enseignement que par les écoles normales. Les instituteurs qu’a fournis celle de Strasbourg n’en sont pas toujours sortis assez familiarisés avec notre langue, pour trouver du plaisir à la parler et à la faire parler dans leurs écoles. Sans doute il n’en sera plus ainsi.

Il serait intéressant de dresser un tableau statistique où l’on indiquerait pour chaque école le nombre total des enfants avec le nombre de ceux qui parlent facilement le français, de ceux qui ne le parlent qu’avec peine, de ceux enfin qui le comprennent sans le parler. À l’aide d’un pareil tableau, on pourrait, chaque fois qu’on visiterait une école, s’assurer des progrès que les élèves y auraient faits, sous le rapport de la langue française.

Il faudrait que tous les efforts fussent concentrés presque exclusivement sur l’enseignement du français ; qu’on fît sentir aux instituteurs que le gouvernement y attache encore plus d’importance qu’au dessin linéaire, à l’histoire, à la géographie ; il faudrait qu’une circulaire du Ministre avertît les instituteurs qu’ils n’ont pas satisfait à ce qu’on exige d’eux, quand ils ont montré à lire, à écrire et même à conjuguer en français.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. de Ensisheim. — Je citerai l’école de Rumersheim, qui se distingue par le succès avec lequel on y enseigne la langue française. L’instituteur est parvenu à conduire tous ses élèves jusqu’au point de la parler plus ou moins correctement. Rumersheim est sur les bords du Rhin, assez éloigné de la grande route qui, d’ailleurs, est abandonnée depuis bien des années. Dans toutes les communes voisines on ne parle qu’allemand. Cet exemple prouve qu’avec de la persévérance on arriverait à propager le français en Alsace.

Basses-Alpes ; arr. de Digne, cant. de Barrême. — Il n’y a, dans ce canton, que deux communes sans écoles, Saint-Jacques et Saint-Léons. Ces deux localités offrent si peu de ressources, que des instituteurs, un peu capables, refuseront toujours à s’y établir, à moins qu’on ne leur garantisse un traitement suffisant.

Il y a nécessité de recourir à ce qu’on appelle des écoles ambulantes.

Aude ; arr. de Carcassonne, cant. Monthumet. — Plusieurs communes de ce canton manquent d’instituteurs, étant dans l’impossibilité de pouvoir les payer raisonnablement, soit à cause de leur misère, soit à cause du peu de population. Les communes de Bouisse et de Lanet sont les seules dans le cas de les entretenir ; et si elles sont du nombre de celles qui en manquent, c’est qu’elles voudraient un bon sujet, et elles n’en trouvent pas. Un bon sujet, en effet, n’ira pas se fixer dans un pays aussi désagréable.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de Saint-Hilaire. — Comme ces communes sont petites, éloignées l’une de l’autre, avec très-peu de fermes et de hameaux dépendants, il ne reste point de ressources pour entretenir, elles seules, un instituteur qui sera toujours misérable, quand même il obtiendrait les 200 francs et le logement accordés par la loi ; car il aurait à peine, en hiver, dix à douze enfants, qui le paieraient très-mal.

Saint-Polycarpe. L’instituteur, le sieur Guiraud, s’en retire, ne pouvant plus y vivre, et se place à Fourtou, canton de Couïza. La commune est pauvre ; les enfants y commencent de bonne heure à gagner leur vie en glanant, grapillant, ou en faisant quelques fagots.

Bouches-du-Rhône ; arr. de Marseille. — Leur position est si misérable, dans plusieurs de ces localités, que des instituteurs plus habiles se décideraient difficilement à venir s’y établir à leur place.

Charente-Inférieure ; arr. de La Rochelle. — L’indifférence des parents et leur pauvreté présentent aussi de puissants obstacles, dans la plupart des communes ; les élèves ne fréquentent l’école que quelques mois chaque année, lorsque les travaux de l’agriculture sont suspendus.

Hérault ; arr. de St.-Pons, cant. d’Olonzac. — La commune de Minerue n’a point d’instituteur et ne peut guère en avoir, à cause du peu de ressources qu’elle offre, tant par l’aridité de son sol que par la pauvreté et l’indifférence de ses habitants. Le conseil municipal, appelé à voter les 3 centimes exigés par la loi du 28 juin 1833, a répondu qu’il s’y refusait, attendu que les pères de famille ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l’école.

Hérault ; arr. de Saint-Pons. — Dans les divers cantons que nous avons parcourus, il existe des communes, et en assez grand nombre, composées de plusieurs hameaux, trop éloignés du chef-lieu pour que les enfants puissent s’y rendre à l’école. Plusieurs maires nous ont émis le vœu qu’il fût formé des arrondissements d’école dans leurs communes respectives, et qu’il leur fût permis de partager entre toutes les écoles qui auraient été déterminées, la dotation que la commune est obligée de faire à celle du chef-lieu. Cette mesure nous paraît sage, nous disons même indispensable, et l’on trouverait des instituteurs, parmi ceux qui exercent actuellement, qui se contenteraient de ce partage. Leur capacité ne serait pas telle que la loi l’exige, mais elle serait suffisante, faute de mieux, pour ces malheureuses contrées plongées dans l’ignorance et la barbarie.

Jura ; arr. de Poligny, cant. de Salins. — Il faudrait qu’une partie notable du traitement fixe ne fût comptée que sur l’attestation du comité communal, que la classe n’a férié que pendant le mois de vacances, qui s’accorde partout aux époques voulues par les convenances locales.

Alpes-Hautes ; arr. de Briançon, cant. d’Argentière. — Il y a plus : comme on entend être servi en payant, le maître est obligé de garder ses élèves d’un crépuscule à l’autre, et n’a guère de congé que les dimanches et les fêtes, par bonheur pour lui, assez communes dans ces contrées, où l’on chôme encore comme aux siècles passés.

Alpes-Hautes, arr. d’Embrun, cant. d’Aiguilles. — Les pères de famille sont aussi sans merci pour les maîtres, qu’ils astreignent à faire chaque jour trois classes, séparées par de fort courts intervalles, et en ne leur laissant de relâche que les jours de dimanche et de fête.

Ardennes ; arr. de Fouziers. — La classe dure, pendant l’hiver, depuis six heures du matin, jusqu’à onze heures ; et depuis une heure de l’après-midi, jusqu’à sept. J’ai recommandé aux instituteurs de partager la classe du matin et celle du soir, par un repos d’un quart d’heure au moins, pendant lequel les enfants prendraient l’air, tandis qu’on renouvellerait celui de la classe.

Eure ; arr. de Bernay, cant. de Thiberville. — Chaque instituteur veut mettre en pratique une méthode qu’il ne comprend guère, d’où il résulte que les écoles se trouvent dans une espèce de désordre. À peine onze dix-huitièmes des enfants fréquentent l’école, et très-irrégulièrement. Les maîtres ne commencent ni ne finissent à des heures fixes ; les progrès sont lents.

Jura ; arr. de Dole, cant de Rochefort. — L’instituteur de … s’absente fréquemment, et sa femme fait la classe à sa place.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau, cant. de Lembeye. — Un grand nombre d’instituteurs sont dans l’usage de fréquenter les foires et les marchés du voisinage ; et la classe ne se tient pas régulièrement et à des heures fixes.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau. — Un autre abus, non moins funeste aux progrès, c’est le défaut de fixité pour les congés et pour les heures de la classe. L’école vaque non seulement pendant les fêtes supprimées, mais chaque jour de marché ou de foire aux environs, s’il plaît à l’instituteur de s’y rendre, ce qui est tout ensemble une perte de temps et une occasion de débauche.

173 (Voy. 171).

Charente-Inférieure ; cant. d’Ars (île de Ré). — Aux inconvénients que nous avons signalés, il faut joindre, pour l’île de Ré, le travail qui se fait de basse mer, et qui emploie une partie de la population à transporter les herbes marines dans l’intérieur de l’île ; il en résulte que les enfants sont occupés, chaque jour, à des heures différentes, et qu’il serait utile que les heures de classe variassent selon les heures de travail.

Côte-d’Or ; arr. de Semur, cant. de Semur. — Il faudrait que les écoles fussent ouvertes au moins deux fois par semaine en été, et à des heures qui s’accommoderaient avec les travaux de la campagne. Tel serait le désir de M. le sous-préfet de cet arrondissement ; ce désir, je l’ai manifesté à MM. les instituteurs ; en général, ils ne paraissent pas prévoir d’obstacles.

Creuse ; arr. d’Aubusson et de Bourganeuf. — Il serait bon de régler l’époque des cours et celle des vacances, conformément aux travaux des localités. Ainsi, les maçons, tuiliers, peintres et marchands de cheveux s’absentant du mois de mars à la Noël, ce serait peut-être dans cet intervalle que devrait se trouver le fort des leçons, les mois de récolte exceptés ; pour les cantons habités par les scieurs, l’hiver est la seule époque favorable. Ils s’absentent de la fin de septembre aux premiers jours de juillet. On comprend, du reste, qu’en l’absence des maris, les femmes, occupées de soins importants, se débarrassent, en faveur des écoles, d’une jeunesse turbulente et portée à exercer en bien ou en mal son activité.

Gard ; arr. de Vigan, cant. de Vigan. — Comme il sera toujours impossible de retenir dans les écoles, dans certains mois de l’année, un bon nombre d’enfants que les besoins de leurs familles appellent aux travaux de la campagne ; il serait à désirer que l’instituteur fût tenu de donner à ces enfants une leçon particulière, tous les soirs, après le retour de leurs travaux.

Hérault ; arr. de Béziers, cant. d’Agde et de Florensac. — Les pères sont généralement portés à faire instruire leurs enfants ; mais il serait peut-être convenable d’engager les instituteurs communaux à combiner les heures des classes avec celles du travail des champs, de manière que les pauvres gens pussent, sans regret, profiter du bienfait de la dernière loi.

Hérault ; arr. de Béziers, cant. de Montagnac. — Quant aux autres communes, les occupations champêtres sont un obstacle aux progrès de l’instruction, et nous n’y voyons pas d’autre remède que d’obliger les instituteurs communaux à faire une classe le soir, au retour des travaux des champs, et le matin avant qu’ils commencent.

Loire ; arr. de Saint-Étienne, cant. de Saint-Héand. — Saint-Priest : — Une seule combinaison s’est trouvée possible ; ç’a été d’engager un instituteur breveté et capable, qui, en même temps est ouvrier, de s’occuper de l’enseignement pendant les heures et la saison où l’école peut être en vigueur, et à consacrer à un travail manuel le reste de son temps.

Meurthe ; arr. de Nancy. — Plusieurs instituteurs zélés ont ouvert des écoles aux adultes dans les heures de la soirée, lorsque tous les travaux de la journée sont terminés ; ce moyen est excellent et mérite d’être encouragé.

Meurthe ; arr. de Nancy. — Dans quelques communes on a adopté un moyen qui devrait être généralisé : c’est de tenir les enfants à l’école pendant tout l’été, mais seulement à des heures où ils ne sont pas occupés aux travaux de la campagne.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Boulay. — Il a été recommandé de lutter désormais contre cette habitude de ne tenir l’école que pendant l’hiver, habitude si contraire aux progrès de l’enseignement, non pas en ouvrant l’école tous les jours, comme dans l’hiver, ce qui ne produirait rien ; mais le dimanche, les jours de mauvais temps, lorsqu’il n’y a rien de mieux à faire pour les parents et pour les enfants. Peu à peu on viendra peut-être à pouvoir réunir les élèves tous les jours, l’été comme l’hiver.

Hautes-Pyrénées ; arr. et cant. d’Argelles. — Plusieurs écoles sont fermées, les enfants ne les fréquentant qu’en hiver. Dans quelques autres, les maîtres donnent, le matin, de très-bonne heure, et le soir, fort tard, des leçons individuelles à une poignée d’élèves, qui se retirent dès qu’ils les ont reçues.

Ain ; arr. de Belley, cant. de l’Huis et de Virieux-le-Grand. — On pourrait améliorer l’instruction en tenant les écoles ouvertes toute l’année aux élèves, qui, au lieu de deux classes qu’ils ont par jour en hiver, n’en auraient qu’une en été, vers le milieu de la journée, où les travaux des champs sont suspendus pendant trois ou quatre heures.

Ain ; arr. de Nantua. — On pourrait établir l’usage de faire au moins deux heures de classe par jour, en été. Ces deux heures pourraient être prises depuis onze jusqu’à trois heures, ou au moins deux heures, espace de temps que les bestiaux passent dans les écuries, et pendant lequel les bergers pourraient, par conséquent, retourner à l’école. Le travail des champs cesse ordinairement aussi pendant plusieurs heures du milieu de la journée. Rien ne pourrait donc plus empêcher que les enfants ne retournassent à l’école au moins une ou deux heures, ce qui serait pour eux d’un très-grand avantage.

Cher ; arr. de Sancerre. — Je proposerais que les instituteurs ne fissent, dans la belle saison, qu’une classe par jour, depuis onze heures jusqu’à deux heures après midi, seul temps où les enfants sont libres, étant revenus des champs.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont. — Un règlement qui obligerait les instituteurs à faire deux classes par jour en hiver, et une en été, produirait le meilleur effet, en conciliant tous les intérêts. Celle-ci, je crois, pourrait se faire vers le milieu du jour, parce que les enfants reviennent des champs vers les dix heures du matin, et ne s’en retournent qu’à deux heures. La classe, qui aurait lieu à ce moment de la journée, les tiendrait en haleine sur leur instruction, et loin d’oublier, ils perfectionneraient ce qu’ils auraient appris dans la session de l’hiver.

Haute-Marne ; arr. de Langres, cant. de Varennes et de Bourbonne-les-Bains. — Les enfants sont nécessaires à leurs parents, soit pour garder le bétail, soit pour aller au bois ou à l’herbe, pendant les six mois d’été. Ces enfants partent dès quatre heures du matin, et ne rentrent qu’à neuf heures, pour repartir à deux heures de l’après-midi. J’ai demandé si on les occupait à la maison d’une manière utile, dans l’intervalle de neuf à deux heures ; partout on m’a répondu que non : que les enfants courent dans le village ; que les habitants eux-mêmes se plaignent de ce désœuvrement. Ne pourrait-on pas ouvrir l’école depuis le mois d’avril jusqu’à la fin de septembre, sauf le temps de la fenaison, de la moisson et des vendanges, trois époques où les parents ont besoin d’être aidés par leurs enfants, même les plus jeunes, de dix heures à une heure ; et comme les parents ne manqueraient pas de dire qu’ils ne doivent pas payer trois heures de leçons autant que six, l’autorité locale serait invitée à établir un prix d’été. Les choses ainsi arrangées, on ne devrait trouver d’opposition, ni chez les parents, ni chez les enfants ; mais les pauvres instituteurs, beaucoup d’entre eux, au moins, souffriraient d’une pareille combinaison.

178 Voy. 165.

Bas-Rhin ; arr. de Schélestadt, cant. de Villé. — Je crois devoir signaler à l’autorité une mesure que le maire de Saint-Martin vient de prendre, pour faire fréquenter l’école de sa commune pendant l’été, par tous les enfants de la commune. Il a fait voter à son instituteur une subvention de 200 fr., pour l’été de l’année prochaine, sous condition de recevoir gratis tous les enfants qui se présenteront. Cet exemple mériterait d’être suivi dans d’autres localités.

Charente ; arr. de Ruffec, cant. de Villefagnan. — C’est dans l’école de Gauthier (Souvigné), que j’ai trouvé, pour la première fois, un usage infiniment précieux pour l’instruction primaire dans les campagnes ; au lieu de payer 1 fr. 50 cent, ou 2 fr. par mois, les parents peuvent s’abonner à 12 fr. pour toute l’année. Le nombre des élèves qu’il conserve en été, celui que l’on peut voir également à la colonne des instituteurs de Mont-Jean, Lachivrerie, Bernac, Villiers-le-Roux, prouvent l’excellence de cette coutume.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier. — Dans la moitié des communes de ce canton, et dans les trois quarts des communes du canton de Clairvaux, les élèves ne fréquentent l’école que quatre mois par année ; parce que, dans la belle saison, les travaux agricoles et la garde des troupeaux les réclament. L’insouciance des parents, leur indifférence, malheureusement trop grande et trop commune en matière d’instruction, la crainte de payer trop long-temps des mois de classe, contribuent aussi pour beaucoup à entretenir ce funeste état de choses. On remédierait à l’inconvénient que je viens de signaler, on parviendrait à détruire en grande partie l’indifférence des parents, si, au lieu de les assujettir à une rétribution mensuelle, on leur imposait une rétribution annuelle, payable également par douzième entre les mains du percepteur, et au bénéfice de l’instituteur. S’il en était ainsi, les parents, qui en auraient le droit, puisqu’ils paieraient, enverraient certainement leurs enfants à l’école, même pendant la belle saison, lorsque le temps ne permettrait pas de se livrer aux travaux agricoles. J’ajouterai que les maires, les curés, les conseillers municipaux et les instituteurs désirent vivement, dans l’intérêt de l’instruction, qu’on substitue la rétribution annuelle à la rétribution mensuelle. Ils m’ont tous également promis de réunir leurs efforts, et d’user de tous leurs moyens d’influence pour déterminer les parents à envoyer, au moins une ou deux fois par semaine, leurs enfants, même dans les plus beaux jours.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. de Doulevant. — Les instituteurs se plaignent de la difficulté qu’ils éprouvent à faire rentrer la rétribution mensuelle. La loi y a pourvu pour l’avenir. Mais si cette rétribution, au lieu d’être mensuelle, était exigible pour toute l’année scolaire, les instituteurs s’en trouveraient mieux, les leçons seraient d’une plus longue durée, les progrès plus solides et moins fugitifs.

Meurthe ; arr. de Château-Salins, cant. de Delme. — Il serait à désirer que l’on autorisât les communes à fixer la rétribution pour toute l’année : de cette manière, beaucoup d’habitants qui n’auraient envoyé leurs enfants à l’école qu’un mois ou deux, sachant qu’ils doivent payer pour toute l’année, les y enverront le plus long-temps qu’ils pourront.

Meurthe ; arr. de Lunéville, cant. de Baccarat et de Gerbéviller. — L’avarice ou la pauvreté de beaucoup de pères de famille est un des plus grands obstacles à l’instruction de leurs enfants ; souvent ils se refusent à l’achat des livres demandés par le maître, ou diffèrent de faire apprendre à écrire à leurs enfants, parce que les écrivains paient de plus que les autres 25 ou 50 centimes par an ; c’est un fait qu’on rencontre à chaque pas. Par la même raison, il serait à désirer que les écolages se payassent pour tout l’hiver ou toute l’année ; on laisserait peut-être les enfants fréquenter l’école plus long-temps.

Meurthe ; arr. de Nancy, cant. de Saint-Nicolas. — On diminuerait certainement cet obstacle (l’avarice et l’économie mal entendue des parents) en fixant la rétribution non plus par mois, mais pour l’année entière ; car alors les parents n’ayant rien de plus à payer pour l’été, ils enverraient leurs enfants à l’école au moins pendant le mauvais temps de cette saison.

Hautes-Pyrénées ; arr. d’Argelles, cant. d’Aucun. — Il y a un moyen tout simple et bien innocent de retenir les élèves dans les écoles primaires pendant une plus grande partie de la belle saison, c’est de proposer, pour l’année entière, des abonnements dont le prix n’excédât pas le montant de ce qu’il en coûtera pour la moitié de l’exercice, en payant la rétribution mois par mois. Les maires et les instituteurs des communes que j’ai visitées jusqu’ici ont goûté cette idée et m’ont paru disposés à la mettre en pratique.

Meurthe ; arr. de Toul, cant. de Colombey. — Dans nos contrées, la rétribution était annuelle, et les parents étaient obligés de la payer, quel que fût le nombre de mois que leurs enfants fréquentaient l’école. Ils raisonnaient ainsi : Puisqu’il faut que nous payions pour toute l’année, nos enfants iront à l’école le plus souvent et le plus de temps possible. Mais aujourd’hui, on spéculera sur le temps, et moins les enfants iront à l’école, moins les parents auront à payer. Il est donc certain que le mode de rétribution mensuelle fera perdre à l’instituteur les trois cinquièmes au moins de son traitement éventuel, et à la génération naissante des campagnes les trois cinquièmes au moins de l’instruction qu’elle aurait pu recevoir encore mieux. J’aime à croire que M. le Ministre, touché de pareilles observations de tous les points du royaume, fera changer, et c’est le désir des communes, les dispositions de la loi concernant les rétributions mensuelles dont le mode ne convient nullement aux campagnes.

Moselle ; arr. de Metz. — L’écolage devrait être fixé par an.

Ardennes ; arr. de Mézières. — Que reste-t-il donc à faire pour que l’instruction ait atteint tout son développement dans ce canton ? fort peu de chose : que les maîtres ignorants disparaissent et fassent place à des instituteurs qui aient de la capacité et de l’aptitude.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. de Chaource. — Si les instituteurs étaient moins ignorants, les familles enverraient plus long-temps les enfants à l’école ; c’est ce qu’il est facile d’assurer, et c’est ce que l’expérience a confirmé pleinement : ainsi, par exemple, il y a un bon instituteur à Chesley, l’école est très-fréquentée, le nombre des élèves est de cent vingt, et les vacances ne sont que de trois mois.

Aube ; arr. de Troyes. — Le mérite supérieur du maître attire les élèves.

Dordogne ; arr. de Bergerac, cant. de Nontron Un fait dont j’ai pu me convaincre, dans le cours de ma tournée, c’est que là où l’instituteur a su, tant par ses connaissances que par sa conduite, s’entourer de la considération publique, les écoles sont assez fréquentées ; tandis que, là où il n’est pas à la hauteur de sa mission, l’école est presque déserte.

Eure ; arr. de Louviers, cant. d’Amfreville. — L’instruction n’est point aimée dans ce pays ; les habitants de ces communes négligent trop de faire fréquenter les écoles à leurs enfants : ce mal général doit aussi être attribué aux hommes chargés d’une mission importante. Le plus grand nombre des habitants des campagnes s’accordent à dire, qu’ils aiment mieux faire travailler leurs enfants, que de les livrer à des instituteurs sans éducation et sans moralité.

Gard ; arr. d’Alais. — Observations générales. — Partout, en effet, où se trouve un instituteur éclairé et plein de zèle ; partout où nous avons rencontré un maître instruit des bonnes méthodes et capable, par une étude spéciale ou par une aptitude naturelle, de transmettre ce qu’il a appris, ce qu’il sait, nous avons trouvé des élèves nombreux ; nos examens ont été agréables, satisfaisants ; les parents sont très-exacts, du moins autant que peut le permettre leur position ; les parents, dis-je, sont exacts à envoyer leurs enfants à l’école.

Indre-et-Loire. — On entend répéter tous les jours, et surtout aux classes aisées, dans les villes, que la loi rencontrera long-temps un obstacle invincible dans l’apathie du peuple des campagnes, dans son peu de goût pour l’instruction. « Les paysans, dit-on communément, ne sont pas assez éclairés pour sentir le prix des lumières. L’instruction des écoles ne leur promet pas des avantages assez immédiats ni assez positifs pour les déterminer à secouer leur apathie. » Les instituteurs, en général, ne manquent pas de répéter, avec complaisance, ces maximes, pour expliquer le peu de succès qu’ils obtiennent dans leur enseignement, le petit nombre d’enfants qui fréquentent leurs écoles, le peu d’exactitude avec laquelle ils ouvrent ou ferment leurs classes, l’irrégularité des heures d’étude, etc. À cela, je peux répondre que, dans toutes les communes, où j’ai rencontré un instituteur honnête, instruit, zélé, j’ai trouvé une école bien peuplée ; partout où j’ai vu des bancs déserts, l’ignorance ou la négligence, ou la mauvaise conduite du maître m’expliquaient suffisamment son peu de succès, sans que je dusse en accuser les familles. — Truyes (cant. de Mont-Bazon) n’a qu’une population de 659 habitants, son école compte 42 élèves. À une lieue de là, vous trouvez Esvres, commune riche, forte de 1739 habitants, et 20 enfants à grand’peine dans l’école.

Toute théorie se présente, aux habitants de la Touraine, comme un piége tendu à leur simplicité, ils ne croient qu’à la grossière pratique, et c’est à cela qu’ils doivent de se tromper moins souvent. Ce n’est pas apathie, c’est bon sens. Il en est de même, pour un grand nombre d’entre eux, de l’instruction primaire. Le plus riche fermier du village envoie depuis trois ans ses enfants à l’école, ils savent à peine lire ; ils écrivent en gros ; ils parlent un langage aussi rustique que leur compagnon d’âge qui a passé ces trois ans à bêcher, à préparer les fumiers et les terreaux. À quoi sert l’instruction ? dit en secret chaque famille, et l’école est déserte. C’est bien pis, si le maître est gueux par sa faute, s’il se livre à la débauche, s’il tient des propos grossiers. C’est bien alors surtout qu’on se demande à quoi sert l’instruction, et que chacun se garde bien d’envoyer ce qu’il a de plus cher, ses enfants, à pareille école. Mais, si, par les soins du maître, un enfant, au bout de quelques mois, revient à la maison plus instruit, moins polisson, plus docile, que M. le curé le distingue au catéchisme, que l’instituteur lui-même se soit placé haut dans l’estime du village par sa conduite régulière, ses bons conseils et ses bons exemples, alors soyez sans crainte sur le sort de son école. Les parents s’imposeront même, s’il le faut, des sacrifices inaccoutumés pour lui confier l’éducation de leurs enfants. Que l’utilité de l’instruction soit donc une fois bien démontrée par ses effets au peuple des campagnes de la Touraine, et son hésitation première donnera des fruits plus certains que ne l’eût fait une impétuosité mal calculée.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier, cant. de Beaufort. — J’ai eu lieu d’observer dans ce canton que le nombre des mois qu’on passe dans les écoles, est toujours en raison directe du talent de l’instituteur ; quand il est plein de zèle, et qu’il est aimé des enfants, ils se rendent avec plaisir à l’école, et la fréquentent une dizaine de mois par année.

Loir-et-Cher ; cant. de Montrichard. — Je ne crains pas d’errer en assurant que l’état pitoyable de l’instruction primaire, dans ce canton, ne doit être attribué qu’au peu de confiance inspirée aux familles par les instituteurs.

Manche ; arr. de Coutances, cant. de Lessay. — Dans les communes où les instituteurs sont plus dévoués à leurs fonctions, les classes sont plus nombreuses et plus assidûment fréquentées.

Mayenne ; arr. de Mayenne, cant. de Mayenne. — Si l’état de l’enseignement est si peu satisfaisant, c’est uniquement aux parents que nous devons nous en prendre. — Cant. Villaine-la Juhel. — Néanmoins, il est des localités dans lesquelles l’instruction est sur un bon pied. Ce qu’il faut attribuer à un mérite réel de l’instituteur et au concours des autorités communales. J’en conclus que, quand tous les instituteurs seront véritablement capables ; quand un comité de surveillance les forcera à ne jamais s’écarter de la marche qu’ils doivent suivre, bien des difficultés s’applaniront ; l’indifférence des parents cessera et la honte de l’ignorance fera le reste.

Meurthe ; arr. de Lunéville. — Une remarque générale que j’ai faite, c’est que presque partout où l’instituteur manque de zèle ou de capacité, les parents ont pour l’instruction de leurs enfants une insouciance presque incroyable.

Oise ; arr. de Clermont, cant. de Breteuil. — .... Pour ce qui est du plus ou moins d’empressement des parents à envoyer leurs enfants à l’école, ce n’est qu’en tremblant que j’aborderai cette question, et que j’indiquerai de mon mieux le moyen de guérir en partie la plaie du pays regardée jusqu’alors comme incurable. Heureusement les faits parleront pour moi. Il faut reconnaître d’abord qu’une partie de la population du canton de Breteuil a besoin de ses enfants, soit pour le pacage des bestiaux, soit pour le travail de la laine, du chanvre, etc., etc., dont le produit les aide à soutenir une vie misérable. Cette portion est la moindre. Or, pourquoi la majorité tout entière ne fréquente-t-elle pas les écoles ? Je crois en trouver la raison dans l’insouciance des instituteurs. Pourquoi, en effet, MM. Dain à Tartigny, Cofflard à Fléchier, Leroy à Broges, et d’autres encore, ont-ils obtenu plus sous ce rapport, que leurs prédécesseurs, que leurs confrères ? Certes, on le doit un peu à leurs connaissances qui ont su piquer la curiosité des élèves, à leur persévérance qui les a retenus jusqu’au dernier jour, à leur zèle qui n’a pas laissé ralentir leur ardeur.

Bas-Rhin ; arr. de Schelestadt. — Ce serait surtout à l’instituteur qu’il appartiendrait de faire l’impossible pour attirer les enfants à l’école pendant toute l’année, et sans interruption. Qu’il s’entende, à cet effet, avec les pères de famille qui sont les mieux disposés à faire instruire leurs enfants ; qu’il ne se lasse pas de leur faire sentir la nécessité absolue d’une instruction non discontinuée ; qu’il accorde des prix ou des distinctions de tout autre genre aux enfants qui auront fréquenté l’école pendant l’été ; qu’il rende attentifs les enfants négligents aux progrès que leurs condisciples plus zélés auront faits pendant ce même temps ; et certes, ces efforts ne seront pas entièrement inutiles.

Seine-et-Oise ; arr. de Versailles, cant. de Sèvres. — Il y a d’ailleurs, particulièrement à Sèvres et à Buc, beaucoup d’indifférence de la part des familles ; mais, il est juste de dire, que j’ai vu partout cette indifférence diminuer en raison de la capacité des instituteurs.

Corrèze ; arr. de Tulle. — Les élèves de l’école normale de Tulle refusent d’aller exercer dans les communes qui leur sont désignées, parce que leur traitement leur paraît trop minime, et qu’il l’est en effet.

Moselle ; arr. de Sarreguemines. — L’école normale de Metz ne suffit pas non plus aux besoins de notre arrondissement. Sur dix élèves-maîtres sortis de l’école cette année, pas un n’a été placé dans notre pays. La pénurie de bons instituteurs s’y fait tellement sentir, que le comité de Bitche et de Sarreguemines sont obligés de tolérer, dans un grand nombre de villages, des instituteurs incapables et ne sachant pas le français.

Côte-d’Or, arr. de Beaune, cant. d’Arnay-le-Duc. — L’harmonie préside généralement aux relations entre les instituteurs et les curés. Il est fâcheux de dire, que plusieurs ministres de la Religion, et peut-être le plus grand nombre, ont des préventions contre la méthode mutuelle, et contre les élèves de l’école normale, et que leur bienveillance est en raison inverse du mérite des instituteurs et de l’élévation de l’enseignement.

Haute-Loire. — Je dois signaler ici la répugnance extrême que j’ai remarquée partout envers les élèves de l’école normale. On ne les demande nulle part pour instituteurs ; et cependant si on les impose aux localités, quels seront les résultats de cette violence ? Dans toutes les communes, le clergé est en possession de l’influence morale, et une école établie contre son gré prendra bien rarement. Enfin, ces jeunes gens seront soumis à de rudes épreuves ; leurs essais seront pénibles, et ce ne sera qu’à l’aide du temps, et surtout à l’aide des bons principes qu’ils auront reçus à l’école normale, qu’ils pourront triompher de la fatale prévention qui les poursuit.

Mayenne ; arr. de Mayenne. — Ils (les curés) disent que l’Université va faire main-basse sur tous les instituteurs actuels, sans exception, et que du sein des écoles normales, comme d’un repaire impur, vont sortir des jeunes gens impies qui jetteront le trouble dans les paroisses. Pleins de ces préventions, les instituteurs tremblaient à mon approche, et se croyaient tous arrivés au moment d’abandonner leur poste.

Vosges ; arr. de Mirecourt. — Selon les curés, les écoles normales ne forment que des hautains et des impies. Il y a bien un curé qui a fait un règlement fort long où, parmi trente-six autres articles les uns plus ridicules que les autres, on voit figurer celui-ci : Lorsque l’instituteur voudra aller dîner chez les parents d’un élève, il devra m’en demander (c’est-à-dire à M. le curé de J***) préalablement la permission. Ce règlement, je crois, est dans les archives du comité de Mirecourt.

Ain ; arr. de Belley, cant. de Belley. — Chasey-Prous et Cusieux, communes voisines, viennent de se réunir et de s’entendre pour envoyer à l’école normale de Bourg un jeune homme qui a de l’aptitude et de la capacité.

Cher ; arr. de Bourges. — À Lancry, le curé veut bien préparer un candidat pour l’école normale, qui le rendrait ensuite tout formé à son village ; et de même, pour éviter l’inconvénient des gens dépaysés, dont les antécédents ne sont pas connus dans la localité où ils exercent, le curé de Genouilly a décidé un jeune homme de sa paroisse à se présenter aux examens.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Castelnau. — Que du moins l’on multiplie les instituteurs ; qu’ils soient, s’il y a lieu, chantres, secrétaires de mairie ; mais tous les traitements que l’on pourra réunir ne suffiront pas pour les faire vivre, et le produit de l’école doit être compté pour rien. Il faudrait que ce fussent des hommes du pays, y possédant quelque bien, en ayant toutes les habitudes. Mais comment avoir des instituteurs du pays, s’il n’y a pas même une école ? Choisir dans ces communes quelques enfants, que l’on élèverait dans une grande ville aux frais du département, et que l’on ferait passer par l’école normale primaire, serait un moyen peut-être praticable, dont l’exécution offrirait quelques difficultés, et dont les résultats seraient incertains. Il paraîtrait préférable d’y envoyer provisoirement des instituteurs étrangers, auxquels on assurerait, sur les fonds du département, et pendant un nombre d’années déterminé, un traitement qui pût rigoureusement suffire à leur existence. Peut-être, après quelques années, cette subvention ne leur serait plus nécessaire ; peut-être, verrait-on alors sortir de leurs écoles quelques jeunes gens du pays capables de suivre les cours de l’école normale, et de s’établir eux-mêmes comme instituteurs dans leurs propres communes.

Indre-et-Loire. — Je n’ai pas visité l’école normale primaire d’Orléans, d’où le département d’Indre-et-Loire a tiré quelques instituteurs. Il serait donc injuste de la juger d’après le petit nombre de ceux qu’elle a fournis à nos écoles, surtout si l’on considère que presque tous y ont seulement passé deux ou trois mois. Cependant, j’ai pu m’assurer par eux, qu’ils en sortent sans aucune connaissance des méthodes. Ce devrait pourtant être là l’objet assidu des soins d’un directeur d’école normale. Et il ne faudrait pas se contenter de leur en faire un cours suivi, qu’ils fussent obligés de rédiger eux-mêmes, de commenter, de modifier : il serait encore indispensable de leur en faire appliquer souvent la théorie et les principes, dans l’école pratique annexée à l’établissement, ou dans une des écoles de la ville. Si l’on ne veille, avec la plus grande attention, à cette partie de l’enseignement, l’école normale manque son but. Les instituteurs qu’elle envoie, pourront avoir acquis une main plus sûre pour l’écriture, une plus grande habitude du calcul, une connaissance telle quelle de l’orthographe usuelle ; mais, une fois dans leur école abandonnée, pour la méthode, à tous les caprices de leur esprit, ils transmettront, sans ordre et presque toujours sans fruits, ce petit trésor d’instruction qu’ils auront amassé pendant leur séjour dans l’établissement. Je ne sais, si ces voyages de quelques mois à l’école normale du département, sont assez favorables aux instituteurs pour qu’on les y sollicite avec tant d’instance. La plupart de ceux qui les entreprennent, n’ont d’autre but que de pouvoir, à leur retour, se parer du titre d’élèves de l’école normale, et demander, comme tels, quelque emploi dans une commune plus riche. Il serait peut-être juste, pour ne pas nuire aux véritables élèves de l’école, qui y accomplissent le cours régulier d’études, de refuser des certificats aux élèves de passage, et de leur interdire le titre d’élèves de l’école normale, qu’ils vont ensuite discréditer dans les communes. À mesure que l’instruction primaire va pouvoir offrir plus d’avantages à ceux qui s’y vouent, on sera en droit de se montrer plus exigeant pour les examens, pour les admissions temporaires ou régulières des élèves-maîtres dans l’école.

Seine-et-Oise ; arr. de Rambouillet, cant. de Limours. — J’ai remarqué avec peine, dans deux des écoles dirigées par des instituteurs sortis de l’école normale de V......, que les élèves et les maîtres n’attachaient pas à l’instruction morale et religieuse toute l’importance que M. le Ministre de l’instruction publique, y attache lui-même.

Vaucluse ; arr. d’Apt. — Il est aussi à désirer, si l’on veut que les écoles normales puissent procurer d’heureux résultats, que l’on pense au moyen de procurer des emplois à ceux des élèves de ces écoles qui se sont le plus distingués par leur aptitude aux fonctions d’instituteur primaire.

Aveyron ; arr. de Saint-Affrique, cant. de Belmont. — Dans le canton de Belmont, l’on est surpris de trouver un si petit nombre d’instituteurs ; c’est que les habitants y sont religieux, et que certains instituteurs des communes n’ayant pas leur confiance, plusieurs pères de famille se réunissent pour avoir un instituteur pendant l’hiver, auquel ils fournissent un logement, la nourriture et un salaire.

Var ; arr. de Grasse. — Quatre ou cinq pères de famille de la commune de Seranon, se sont réunis pour faire à l’instituteur une somme convenue entre eux, et lui fournir un logement. Lorsque d’autres élèves que leurs enfants se présentent à l’école, la somme est répartie entre eux tous, et la rétribution payée par les élèves, diminue en raison de l’augmentation de leur nombre.

Charente-Inférieure ; arr. de Rochefort, cant. de Tonnay-Charente et de Rochefort. — Dans l’intervalle de 1817 à 1830, trois écoles mutuelles ont été fondées, l’une dans la ville, l’autre dans le port ; une troisième pour les jeunes mousses.

Cher ; arr. de Bourges, cant. de Mehun. — Foëcy. École établie dans la manufacture de porcelaine, et en grande partie fréquentée par les enfants d’ouvriers, déjà ouvriers eux-mêmes. Les travaux sont réglés de telle sorte, que les enfants, sans perdre leur salaire, trouvent au milieu du jour, trois heures de libres pour la classe.

Seine-et-Oise ; arr. de Pontoise, cant. de l’Isle-Adam. — Labbeville : — École très-bien tenue, grâce au zèle de M. le chevalier Rendu, conseiller de l’Université, maire de cette commune.

Deux-Sèvres, arr. de Niort, cant. de Coulonges. — Il est à remarquer que, malgré l’influence des absolutistes, qui se fait sentir dans les communes septentrionales de ce canton, refuge de bandes armées de réfractaires, les habitants envoient leurs enfants aux écoles, même pendant l’été.

Vendée ; arr. des Salles, cant. de Saint-Jean-de-Mont. — Ce canton, qui a été autrefois, et de nos jours encore, le foyer de la chouannerie, est assez avancé quant à l’instruction primaire.

Charente ; arr. de Cognac, cant. de Segonzac. — Les catholiques et les protestants ont oublié les combats de leurs pères ; entre eux, union parfaite ; si le pays n’était pas aussi indifférent en matière de religion, je dirais que les protestants ont plus de piété que les catholiques. L’amour de l’argent est pour beaucoup dans cette indifférence religieuse.

Drôme ; arr. de Die, cant. de La Motte — Chalançon. — Toutes choses d’ailleurs égales, j’ai reconnu, dans la partie orientale et montagneuse de l’arrondissement, que la civilisation et l’enseignement étaient moins avancés chez les populations catholiques que chez les protestantes.

Haute-Loire ; cant. de Tence. — En général, dans ce canton, on est passionné pour l’instruction. En hiver, le plus petit hameau a son instituteur. La majeure partie de la population suit le culte protestant.

Lozère ; arr. de Florac. — Le culte protestant est dominant dans cette contrée. La civilisation y est plus avancée que dans l’arrondissement de Mende ; toutes, ou presque toutes les communes sont pourvues d’instituteurs.

Bas-Rhin ; arr. de Strasbourg, cant. d’Oberhausenbergen. — Les meilleures écoles appartiennent au culte protestant. Cependant, l’enseignement de la langue française n’y a pas encore toute l’importance qu’il devrait avoir ; il est même presque nul dans plusieurs. La supériorité des écoles protestantes sur les écoles catholiques provient de plusieurs causes : 1° les enfants du culte protestant fréquentent, pour la plupart, leurs écoles toute l’année, tandis que les écoles catholiques sont presque désertes pendant les mois d’été ; 2° les enfants protestants ne cessent d’aller à l’école qu’à l’âge de quatorze ans, et les enfants catholiques n’y paraissent plus dès qu’ils ont fait leur première communion, c’est-à-dire dès qu’ils ont atteint l’âge de douze ou treize ans ; 3° les pasteurs protestants montrent généralement plus de zèle que les curés catholiques pour seconder, encourager et surveiller les instituteurs. Il est cependant quelques curés qui méritent des éloges, pour l’influence salutaire qu’ils exercent sur l’enseignement, et sous ce rapport, je dois citer ici particulièrement ceux de Schiltigheim et de Suffelweyersheim, MM. Dyhlin et Rumpler.

Bas-Rhin ; arr. et cant. de Strasbourg. — À Strasbourg, comme dans le canton d’Oberhausenbergen, que j’ai visité, presque toutes les meilleures écoles appartiennent au culte protestant. Cette supériorité des écoles protestantes sur les écoles catholiques, provient principalement, comme je l’ai déjà dit dans un autre rapport, de ce que les enfants protestants fréquentent l’école jusqu’à l’âge de quatorze ans, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils aient été admis à la première communion, tandis que les catholiques cessent d’y aller dès l’âge de 12 ans, qui est celui où ils font ordinairement leur première communion. Peut-être le gouvernement obtiendrait-il de M. l’évêque de Strasbourg, que les enfants ne fissent leur première communion qu’à l’âge de quatorze ans : ce serait un moyen sûr de mettre les écoles catholiques au niveau des écoles protestantes, pour la force de l’enseignement.

Deux-Sèvres ; arr. de Niort, cant. de Saint-Maixent. — Les méthodes simultanée et mutuelle sont généralement adoptées dans ce canton. La première compte 15 écoles, et la seconde sept. Les six autres suivent la méthode individuelle. En résumé, les quinze communes de ce canton présentent un effectif de vingt-huit écoles, presque toutes protestantes. Cette situation brillante est due à l’influence des idées de progrès généralement adoptées par les chrétiens du culte réformé, et chaleureusement encouragées par leurs ministres.