(tome IXp. 55-57).

CHAPITRE DCLXXXVIII.

Ex voto.


Un ex voto curieux, c’est assurément celui qui existe à Saint-Leu & Saint-Gille. Il est dans le chœur à droite.

À l’âge de six ans, on a voué à saint Leu & saint Gille le roi Louis XV, pour la guérison de la peur ; on a dressé l’ex voto. C’est un tableau où l’on voit Louis XV à genoux devant saint Leu & saint Gille. Sa gouvernante, madame de Ventadour, est derrière lui, aussi à genoux, ainsi que les principaux seigneurs de la cour. Les portraits sont fidèles, & le costume ne l’est pas moins. On les voit tous, les mains jointes, prier saint Leu & saint Gille de guérir Louis XV de la peur, foiblesse dont l’enfant royal étoit atteint.

Il n’en fut pas guéri ; ce roi fut timide toute sa vie : jamais prince n’a été aussi craintif. Un visage qu’il voyoit pour la première fois, lui causoit une sensation inquiétante. Aussi, obligé de reconnoître, par son état de roi, une multitude d’individus, il classoit dans sa mémoire les physionomies, & quand on lui présentoit un homme qu’il n’avoit jamais vu, son premier mot étoit toujours de dire : il ressemble à un tel.

Naturellement questionneur, soit par excès de prévoyance, soit par besoin d’instruction, Louis XV aimoit à savoir une infinité de détails, sur-tout l’âge des gens qu’il voyoit. Il aimoit encore à faire jusqu’à un certain point le médecin, en disant : vous avez, ou vous aurez telle maladie, prenez, garde.

Un des moyens qu’employa le chancelier Maupeou pour achever l’impolitique destruction des parlemens, si contraire à la véritable autorité d’un monarque, toujours mieux protégée par les loix que par les armes, fut de dire à Louis XV : Je vous débarrasserai de ces robes noires. Ces robes noires affligeoient ou intimidoient sa vue. Cette crainte habituelle, qu’il ne put jamais surmonter, étoit donc en lui un défaut de naissance ; & cette foiblesse physique, que le moral ne peut pas toujours vaincre, expliquera une partie de son caractère, qui ne pourroit trop s’expliquer sans cette première cause.