CHAPITRE LXXIX.

Batteur de pavé.


C’est ordinairement un Gascon qui mange ses cent pistoles de rente, tant qu’elles peuvent s’étendre ; qui dîne à la gargote, soupe avec une bavaroise, & plein de vanité, se carre aux promenades, comme s’il avoit dix mille écus de rente : il sort dès le matin de sa chambre garnie, & le voilà errant dans tous les quartiers jusqu’à onze heures du soir. Il entre dans toutes les églises sans dévotion : fait des visites à des personnes qui ne se soucient point de lui ; est assidu aux tribunaux, sans avoir de procès. Il voit tout ce qui se passe dans la ville, assiste à toutes les cérémonies publiques, ne manque rien de ce qui fait spectacle, & use plus de souliers qu’un espion ou qu’un agent de change.

Quand un de ces batteurs de pavé décede, on pourroit lui mettre pour épitaphe cursum consummavit.

Une loi du grand Amasis, roi d’Égypte, prescrivoit à chaque particulier de rendre compte tous les ans à un magistrat de la maniere dont il subsistoit. Si cette loi étoit en vigueur parmi nous, il y auroit beaucoup de gens fort embarrassés à répondre.